République d'Albanie

Albanie

Informations générales
et démolinguistiques

(Première partie)

Capitale:  Tirana
Population:  2,9 millions (2016)
Langue officielle: albanais
Groupe majoritaire: albanais (90 %)
Groupes minoritaires: tsigane (2,8 %), grec (1,7 %), macédonien (0,9 %), aroumain (0,6 %), serbe (0,6 %), tsigane, etc.
Système politique: république parlementaire à tendance présidentielle
Articles constitutionnels (langue):  art. 2, 4, 25 et 25 de la Constitution de 1991; art. 14, 18, 20, 22, 23, 24, 28 et 31 de la Constitution de 1998
Lois linguistiques: 
Décision n° 396 sur l'instruction primaire donnée aux personnes appartenant à des minorités nationales dans leur langue maternelle (1994); Loi n° 7952 du 21 juin 1995 relative au système d'éducation pré-universitaire (abrogée); Loi sur la liberté de réunion (1996); Code de procédure civile (1996); Loi sur la radiotélévision publique et privée (1998); Loi sur la nationalité albanaise (1998); Loi sur les droits et le traitement des détenus et des prisonniers (1998); Loi sur le médiateur (1999); Ordonnance conjointe pour l'adoption du règlement interne sur la police municipale et communale (2003); Loi sur la protection du consommateur (2003); Loi sur le patrimoine culturel (2003); Décision n° 127 sur la création du Comité national pour les minorités (2004); Loi sur le Centre national d'enregistrement (2007); Code électoral (2008); Code pénal (2010); Loi sur la protection contre la discrimination (2010); Loi sur les banques (2006-2011); Loi n° 69 relative au système d'enseignement pré-universitaire (2012); Code de procédure pénale (2013); Loi sur les étrangers (2013); Loi sur les médias audiovisuels (2013); Loi sur l’asile (2014); Code de procédure administrative (2015); Loi sur l'enseignement supérieur et de la recherche dans les établissements d'enseignement supérieur (2015); Loi sur les services (2016); Décision n° 104 relative à l'approbation du règlement sur les licences et le fonctionnement des associations d'épargne et de crédit, et de leurs syndicats (2016); Loi n° 43/2016 sur les traités internationaux (2016); Projet de loi sur la protection des minorités nationales (2016).

1 Situation géographique

La république d’Albanie (en albanais Shqipëria: «le pays des aigles») est un pays montagneux d’Europe orientale situé dans la péninsule des Balkans. Ce pays est l’un des plus petits États d’Europe avec 28 748 km² (Belgique: 30 527 km²); il est limité au nord-ouest et au nord par le Kosovo (10 887 km²) et le Monténégro (13 812 km²), à l'est par la Macédoine (25 333 km² ), au sud par la Grèce (131 957 km²) et à l'ouest par la mer Adriatique (voir la carte détaillée). 

La pays est divisé en 12 préfectures ou comtés (albanais: qark / qarku) : Berat, Dibër, Durrës, Elbasan, Fier, Gjirokastër, Korçë, Kukës, Lezhë, Shkodër, Tirana, Vlorë (voir la carte détaillée). Ces préfectures regroupent en fait les 36 anciens districts (albanais: rrethe / rrethiqui) sont eux-mêmes divisés en municipalités et en villages. La capitale du pays est Tirana, mais en albanais c'est Tiranë (la lettre ë étant prononcée comme un [eu] français, non comme [a] ou [é]).

Soulignons que l’Albanie est devenue membre associé de la Francophonie lors du sommet de Moncton (Canada) de septembre 1999; l’Albanie est devenue membre à part entière à l’occasion du sommet de l’organisation, en 2002, à Beyrouth au Liban. L'Albanie a aussi fait partie du «Bloc de l'Est» communiste.

Le drapeau de l'Albanie est constitué d'un fond rouge avec un aigle à deux têtes en son centre; dans sa forme actuelle (sans l'étoile rouge communiste) il a été officiellement adopté le 7 avril 1992, mais c'était déjà sa forme au moment de l'indépendance en 1913. L'aigle bicéphale est le symbole d'une Albanie fractionnée en deux religions pour une seule origine : d'un côté l'islam implanté à l'époque ottomane et présent sous ses deux variantes sunnite et bektashie (soufie), de l'autre le christianisme présent depuis l'époque byzantine sous ses deux variantes catholique et orthodoxe. En fait, l'aigle aux ailes ouvertes représente la liberté, et le fond rouge représente le sang des patriotes qui ont donné leur vie pour l'Albanie. Historiquement, c'est un seigneur albanais du XVe siècle, Gjergj Kastrioti dit Skanderbeg (en français: Georges Castriote), considéré comme un héros national pour sa résistance aux forces ottomanes, qui aurait placé au-dessus de sa tête l'aigle bicéphale, héritage byzantin. Une autre légende encore dit que les Albanais se considèrent comme des descendants de l'aigle; ils se réfèrent à eux-mêmes comme "Shqipetars», ce qui se traduit comme «fils de l'aigle».

2 Données démolinguistiques

Le pays comptait 3,8 millions d’habitants en 2008, mais seulement 2,9 millions en 2016. L’Albanie est l'un des pays d’Europe qui connaît la plus forte émigration, avec plus d’un tiers de ses ressortissants vivant à l’étranger, soit environ 900 000 personnes en 2006. Cette émigration se fait généralement au bénéfice des deux pays frontaliers, la Grèce et l’Italie. Ce phénomène est dû à un niveau de vie parmi les plus bas du continent européen. C'est ce qui explique que la population albanaise a tendance à diminuer depuis 1991, en dépit d'un solde naturel positif.

Le tableau ci-dessous montre la répartition de la population albanaise en tenant compte des préfectures (ou comtés). Les préfectures numériquement les plus importantes sont celles de Tirana/Tiranë (28,1 %), d'Elsaban (10,3%) et de Fier (10,8%). 

Préfecture Municipalités Population (2016) Pourcentage Superficie
Berat Berat, Kuçovë, Poliçan, Skrapar, Ura Vajgurore 139 815 4,8 % 1 798 km²
Dibër Bulqizë, Dibër, Klos, Mat 134 153 4,6 % 2 586 km²
Durrës Durrës, Krujë, Shijak 278 775 9,6 % 766 km²
Elbasan Belsh, Cërrik, Elbasan, Gramsh, Librazhd, Peqin, Prrenjas 298 913 10,3 % 3 199 km²
Fier Divjakë, Fier, Lushnjë, Mallakastër, Patos, Roskovec 312 448 10,8 % 1 890 km²
Gjirokastër Dropull, Gjirokastër, Këlcyrë, Libohovë, Memaliaj, Përmet, Tepelenë 70 331 2,4 % 2 884 km²
Korçë Devoll, Kolonjë, Korçë, Maliq, Pogradec, Pustec 221 706 7,6 % 3 711 km²
Kukës Has, Kukës, Tropojë 84 035 2,9 % 2 374 km²
Lezhë Kurbin, Lezhë, Mirditë 135 613 4,6 % 1 620 km²
Shkodër Fushë-Arrëz, Malësi e Madhe, Pukë, Shkodër, Vau i Dejës 215 483 7,4 % 3 562 km²
Tiranë Kamëz, Kavajë, Rrogozhinë, Tiranë, Vorë 811 649 28,1 % 1 652 km²
Vlorë Delvinë, Finiq, Himarë, Konispol, Sarandë, Selenicë, Vlorë 183 105 6,3 % 2 706 km²

Compte tenu que 2,6 millions de citoyens parlent l'albanais sur une population de 2,9 millions, cela signifie que 89,5 % de la population parle l'albanais comme langue maternelle, ce qui fait de l'Albanie l'un des pays les plus homogènes au monde au point de vue linguistique.

2.1 La langue albanaise

La langue albanaise remonte à l'Antiquité et a des origines essentiellement illyres et thraces, mais avec un lexique également latin, grec et slave; elle est langue officielle en Albanie et au Kosovo.

Les Albanais appellent leur langue shqip, et se sont toujours nommés eux-mêmes Shqiptarë («habitants des rochers»); ce n’est qu’au XIIIe siècle que leur pays — leur pays, Shqipëria ou «le pays des aigles» — porte le nom latin d’Albanie, qui vient d'une tribu illyrienne, les Albanoï, dont fit état Ptolémée au IIe siècle de notre ère. L'albanais constitue l'une des plus anciennes langues d'Europe. Appartenant à la famille indo-européenne, l'albanais reste un isolat parmi ces langues; comme l'arménien et le grec, il n'est rattaché à aucune autre langue de cette famille.

- La variétés dialectales

Précisons que la langue albanaise présente deux variétés linguistiques principales parlées dans des proportions inégales : le guègue (gheg ou gegë) et le tosque (toskë). L'albanais guègue est parlé au nord de l'Albanie, ainsi qu'au Kosovo et une partie de la Serbie et de la Macédoine, tandis que l'albanais tosque est parlé au sud de l'Albanie ainsi qu'en Grèce et dans une petite partie de la Macédoine. C'est le fleuve Shkumbin qui sert de frontière linguistique entre le Nord guègue et le Sud tosque. En Albanie, le guègue est parlé par 66,4 % des locuteurs, mais par 4,2 millions pour l'ensemble de tous les albanophones; le tosque compte 33,5 % des locuteurs albanais, mais par plus de trois millions au total.

L'albanais n'est pas une langue uniforme puisque le guègue et le tosque sont eux-mêmes morcelés en plusieurs variétés dialectales (voir la carte des dialectes albanais). Le guègue présente quatre dialectes : le guègue du Nord-Ouest, le guègue du Nord-Est, le guègue moyen et le guègue méridional. Pour sa part, le tosque est divisé en tosque septentrional et en tosque méridional, lui-même fragmenté en lab et en tcham (Grèce). L'albanais parlé en Italie, appelé arvanite et celui parlé en Grèce, appelé arbérèche, constituent des variantes du tosque. Il existe un dialecte intermédiaire à mi-chemin entre le guègue et le tosque, dans une zone située juste au-dessus du fleuve Shkumbin à l'ouest.

C’est depuis 1944 que l’albanais officiel (ou standard) a été normalisé à partir du tosque. La réunification des deux variétés linguistiques a permis la création d'une langue littéraire (appelée "gjuha letrare", la «langue littéraire»), laquelle semble avoir été acceptée par tous les Albanais. Cette situation s'explique en partie parce que deux des plus importants poètes albanais, Aleksander Stavre Drenova et Lasgush Poradeci, écrivaient en albanais tosque. Ajoutons aussi que l'ancien dictateur communiste, Enver Hoxha (1944-1985), lui-même originaire du Sud, a constamment privilégié la "gjuha letrare" associée au tosque, ce qui a eu pour effet de marginaliser le guègue pourtant parlé par plus d'albanophones. On peut penser aussi que le choix du tosque comme modèle pour l'albanais standard reposait sur des raisons pratiques du fait que le tosque est une langue relativement plus unifiée que le guègue qui est fragmenté en plusieurs variantes assez contrastées. Au Kosovo, la situation est différente, car l'albanais standard, qui est aussi la langue officielle depuis les années 1970, abrite une population albanophone qui parle exclusivement le guègue et ses variétés.

- La diaspora albanophone

Les albanophones ne résident pas tous en Albanie. On estime que, avant la guerre du Kosovo de 1999, environ 1,6 million d’Albanais vivaient dans la province serbe du Kosovo, et qu'ils étaient 490 000 en Macédoine et 140 000 au Monténégro. Après la guerre, 450 000 Kosovars avaient trouvé refuge en Albanie, 230 000 en Macédoine, 65 000 au Monténégro et 20 000 en Bosnie-Herzégovine, sans compter les dizaines de milliers d’autres dans les pays de l’OTAN. Les albanophones sont fortement majoritaires en Albanie et au Kosovo, il sont également majoritaires au nord-est de la Macédoine, mais minoritaires au Monténégro (voir la carte albanophone détaillée).

Bref, les albanophones forment une forte diaspora de plus de cinq millions de personnes dans cette région (voir la carte de la région) des Balkans. On comprendra pourquoi les États voisins de l’Albanie, c’est-à-dire la Serbie, le Monténégro et surtout la Macédoine, craignent le nationalisme albanais dans la mesure où il pourrait entraîner la sécession d’une partie de leur pays au profit d’une Grande Albanie. Les plus grands perdants seraient sans doute la Serbie (sécession éventuelle du Kosovo) et la fragile Macédoine (petit État de 2,1 millions d’habitants dont 23 % d’albanophones).

2.2 Les langues minoritaires

L'Albanie compte plusieurs langues minoritaires dont les plus importantes sont le macédonien (4,7 %), le goranski (1,2 %), le grec (0,9 %), l'italien (0,2 %), l'aroumain (0,2 %), le romani (02,%), le turc, le monténégrin et le serbe.

Ethnie Locuteurs Pourcentage Langue Affiliation linguistique Religion
Albanais tosques 1,722,000 59,2 % albanais tosque isolat indo-européen sunnisme
Albanais guègues 874,000 30,0 % albanais guègue isolat indo-européen sunnisme
Macédoniens 138,000 4,7 % macédonien langue slave orthodoxe
Gorans 35,000 1,2 % goranski (našenski) langue slave sunnisme
Grecs 28,000 0,9 % grec langue grecque orthodoxe
Italiens 7,800 0,2 % italien langue romane catholique
Aroumains 7,300 0,2 % aroumain langue romane catholique
Valaques 7,300 0,2 % romani langue indo-iranienne sunnite
Ashkali 3,000 0,1 % albanais tosque isolat indo-européen sunnisme
Égyptiens des Balkans 3,000 0,1 % albanais tosque isolat indo-européen sunnisme
Américains 2,100 0,0 % anglais langue germanique protestantisme
Turcs 1,700 0,0 % turc langue altaïque sunnisme
Monténégrins 1,300 0,0 % monténégrin langue slave orthodoxe
Serbes 1,300 0,0 % serbe langue slave orthodoxe
Anglo-Canadiens 800 0,0 % anglais langue germanique protestantisme
Autres 71 130 2,4 %  - -  -
Total (2016) 2 903 900 100,0 %      

- Les Macédoniens

Les Macédoniens constituent la minorité non albanophone la plus importante avec plus de 138 000 locuteurs, ce qui correspond à 4,7 % de la population totale du pays. Ils sont regroupés à l’est de l’Albanie près de la Macédoine, dans la région de Prespa. Neuf villages sont situés sur cette frontière: Lajthiza, Pusteci, Zaroshka, Cerja, Shulini, Gollomboqi, Gorica e Vogel, Bezmishti et Gorica e Madhe, ainsi qu'un village dans le district de Devoll (plus au sud près de la frontière grecque) qui fait également partie de la préfecture de Korçë. Au point de vue administratif, les neuf villages cités précédemment où vivent des membres de la minorité nationale macédonienne forment une commune (Prespa).

- Les Gorans

Les Gorans sont des Slaves de confession musulmane sunnite depuis l'avènement de la domination ottomane. Ils vivent au nord-est de l'Albanie (plus principalement dans la préfecture de Kukës) dans neuf villages : Bоrје, Zаpоd, Kоšаrištе, Оrgоstа, Оrеšеk, Оrčiklе, Pаkišа, Crnоlеvо et Šištаvеc. Leur langue est le goranski appelé aussi našenski, qui appartient au groupe des langues slaves du Sud et s'apparente à la fois au serbe, au macédonien et au bulgare.

- Les minorités grecques

Au nombre de 28 000 selon les données officielles, mais de 200 000 d’après le gouvernement grec — sont concentrées dans le sud de l’Albanie près de la frontière grecque, dans la préfecture de Gjirokastër (districts de Gjirokastër, de Saranda et de Delvina; le district de Saranda comprend 64 villages, dont 35 sont majoritairement habités par des membres de la minorité grecque et les autres par des Albanais de souche. Le district de Delvina compte 37 villages, dont 18 abritent des membres de la minorité grecque et quatre autres ont une population mélangée, comprenant des Albanais de souche et des Grecs. Dans ce district, la minorité nationale grecque est forte de 15 000 personnes environ et est concentrée surtout dans la ville de Delvina. Un autre groupe important de la minorité nationale grecque vit dans le district de Gjirokastra, qui comprend la région de Dropulli i Poshtem et celle de Dropulli i Siperm. Il faut comprendre dans la carter de gauche que les Grecs n'occupent pas tout le sud de l'Albanie en exclusivité (préfectures de Gjirokastër et de Vlorë). Au contraire, ils demeurent minoritaires et partagent ce territoire avec les albanophones et les aroumanophones. 

- Les Italophones

Alors que de nombreux Albanais tentent de trouver une vie meilleure à l'extérieur de leur pays, notamment en Italie, des Italiens font le contraire en s''installant en Albanie. La plupart des quelque 8000 Italiens vivent à Tirana, la capitale, mais plusieurs vivent le long de la côte adriatique où il ont accès à la télévision italienne; ce sont des entrepreneurs, des commerçants et des étudiants. L'Italie étant la principale fenêtre sur l'Europe, beaucoup d'Albanais ont appris l'italien, car la première destination «vers l'Ouest» demeure sans contredit l'Italie. Après l'anglais, l'italien est la langue étrangère la plus connue.

- Les Aroumains/Valaques

Les Aroumains sont appelés Tchobans par les Albanais, Valaques (Vlachos) par les Grecs, Tsintsars (ou Tzantzarii) par les Serbes mais généralement Vlassi par les Slaves et Macédo-Roumains par les Roumains. En Albanie, beaucoup d'Aroumains sont concentrés au sud-ouest près de la mer Adriatique dans les préfectures de Fier et de Vlorë (districts de Fier, Lushnjë, Berat et Vlorë). On en trouve aussi au sud-est près de la Grèce, c’est-à-dire dans les mêmes régions que la minorité grecque (districts de Gjirokasër, de Saranda, de Permeti, de Pogradec, d’Ersekë et de Korçë). Il est difficile de dénombrer avec exactitude les membres de la minorité aroumaine ou valaque, car ils sont habituellement inclus dans la minorité orthodoxe grecque à cause de leur religion. En général, les minorités installées à l'ouest du pays sont des Aroumains, alors que ceux qui résident au sud sont des Valaques. Se mêlent aux Aroumains et aux Valaques les Roms (Tsiganes) qui sont davantage dispersés sur l’ensemble du territoire.

- Les Ashkalo-Égyptiens

Les Ashkalis forment une petite minorité ethnique de quelque 3000 personnes en Albanie, mais la plupart des Ashkalis vivent surtout en Macédoine, mai aussi au Kosovo, au Monténégro et en Serbie. Ce sont des musulmans parlant l'albanais tosque. Les ethnologues les considèrent comme des «Roms albanisés», même s'ils ne se reconnaissent pas comme des Roms, mais comme des «Égyptiens» (ou Balkano-Égyptiens) installés dans les Balkans à l'époque ottomane. Ceux qu'on appellent les «Égyptiens des Balkans» représentent une ethnie très proche de celle des Ashkalis, à un point tel qu'on se questionne parfois sur la pertinence de leur distinction. Au fil du temps, beaucoup d'Ashkalo-Égyptiens des Balkans ont perdu leur langue, mais ils ont néanmoins conservé certains mots de leur origine lointaine ainsi que certaines de leurs traditions ancestrales. Du fait qu'ils parlent tous l'albanais, souvent comme première langue, l'État albanais les considère comme des «Albanais de souche», malgré leurs racines historiques différentes. Les Ashkalo-Égyptiens habitent dans une douzaine d'agglomérations: surtout dans le centre de l'Albanie (Kavajë, Lushnjë, Cërrik, Elbasan, Berat) et le Sud (Gjirokastër, Vlorë, Korçë, Delvinë, Përmet, Këlcyrë), ainsi que dans une ville du Nord (Shkodër).

- Les Serbo-Monténégrins

La minorité monténégrine (env. 1300 personnes) vit pour l'essentiel dans quelques petits villages du nord-ouest de l’Albanie dans la préfecture de Shkodër (Gril, Omaraj, Borici i Vogel) et au nord de la ville de Shkodër près du lac du même nom et non loin de la frontière avec le Monténégro.

Les Serbes de leur côté (1300 personnes) forment une autre petite communauté cohabitant la plupart du temps avec les Monténégrins au point où l'État albanais ne les distingue pas toujours; on parle alors de Serbo-Monténégrins (en albanais: Srbi-Crnogorci ou Crnogorci i Srbi) du fait que les Monténégrins et les Serbes parlent à peu près la même langue, l'ékavien étant la variante serbe de la Serbie, et l'iékavien, la variante serbe en usage au Monténégro (voir le texte). Les villages regroupant la communauté serbe-monténégrine sont les suivants autour dans le district de Shkodër: Brodica, Bardoš, Griža, Vraka, Koplik, Puka, Vafa, Kamenica, Omara, Veliki Borič, Mali Borič, Gril, Raš, Stari Štoj, Novi Štoj, Dobrač, Golem, Mušan, Bušat, etc.

- Les Roms (Tsiganes)

L'arrivée des Roms en Albanie remonte au XVe siècle avec l'occupation ottomane. Les villages roms sont plus au centre du sud de l'Albanie, en raison du climat doux de ces régions. Ils sont composés de quatre tribus principales: Kallbuxhinj (Tirana, Elbasan, Pogradec, Korçë, Bilisht, Gjirokastër, Saranda, Meçkar (Lushnje, Fier, Vlora), Kurtof, Cergars. Les Roms en Albanie sont considérés comme une minorité ethnolinguistique. D'après certaines sources, on retrouve des communautés roms à peu près dans les mêmes régions où habitent les Ashkalo-Égyptiens: dans le centre de l'Albanie (Tirana, Kavajë, Lushnjë, Fushë, Fier, Elbasan, Berat, Llakatund, Klos), dans le Sud (Gjirokastër, Vlorë, Korçë, Delvinë, Përmet, Këlcyrë, Çlirim, etc.), ainsi que dans le Nord (Shkodër, Pukë, etc.). Bien qu’il n’y ait aucune donnée officielle sur leur nombre, le recensement de 2011 a enregistré 8301 personnes déclarant volontairement appartenir à la communauté rom. Les estimations de leur nombre varient de 10 000 à 120 000 pour la plus élevée. Les plus grandes communautés résident aux alentours des villes de Tirana, de Fier, de Gjiroakaster, de Berat et de Korce. La plupart des Roms parlent l'albanais tosque, mais d'autres parlent l'albanais guègue ou le romani, la langue ancestrale d'origine indo-iranienne.

- Les anglophones

L'anglais est surtout populaire parmi les jeunes générations d'Albanais. Depuis les années 1990, c'est la langue étrangère la plus enseignée dans le système d'éducation albanais (en remplacement du russe). En 2006, plus de 65 % des enfants albanais pouvaient parler assez couramment l'anglais. Les véritables anglophones sont les militaires américains stationnés en Albanie. En 2002, les forces armées albanaises ont lancé un programme de réforme, alors que le tout était supervisé par le département de la Défense des États-Unis. Depuis l'admission de l'Albanie dans l'OTAN, tout le secteur militaire a été anglicisé, ce qui comprend aussi les équipements tels que les avions, les chars, les hélicoptères, l'artillerie et les navires de la marine.

- Le français

Parmi les quelques autres langues parlées en Albanie, mentionnons le français puisque ce pays est membre de la Francophonie. Le français occupe la deuxième place parmi les langues enseignées dans les universités albanaises, mais sa position semble fragile du fait de l'augmentation du nombre d'étudiants qui choisissent l’anglais comme langue étrangère. La plupart des francophones d'Albanie, plus d'une centaine, résident dans les deux plus grandes villes du pays, soit Tirana et Durrës (préfecture de Durrës). Près de la moitié des francophones présents dans le pays sont composés des agents de l'ambassade et des services annexes et leur famille, ainsi que des enseignants et du personnel des organismes internationaux. De plus, un quinzaine d'entrepreneurs français sont présents en Albanie et quelques petites entreprises existent dans la boulangerie et les services, mais il n'y a pas d'implantation significative de groupes francophones, bien qu'une vingtaine de sociétés françaises sont représentées par des entreprises locales (Renault, Peugeot, L'Oréal, Yves Rocher, Legrand). Il n'existe plus de lycée français depuis la fermeture, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, de celui de Korçë, qui avait ouvert ses portes en 1917. Cependant, les Forces armées albanaises offrent au sein de l'académie militaire des cours de français, une langue qui qui est avec l'anglais la langue de travail de l'OTAN.

2.3 Les religions

Depuis plusieurs siècles, l'Albanie abrite plusieurs communautés religieuses dont les plus importantes sont les musulmans sunnites, l'Église orthodoxe autocéphale d'Albanie, l'Église catholique et la communauté bektashi. L'Albanie est donc un pays multiconfessionnel où cohabitent harmonieusement ces communautés religieuses. Les conflits interconfessionnels semblent plutôt rares; ils tendent à s'exprimer davantage sous la forme de conflits politiques ou culturels. En résumant la situation des religions en Albanie, on peut dire que le pays a été christianisé à la suite des invasions romaines, puis il a été islamisé lors de la conquête ottomane au XVe siècle. Finalement, en raison de la proximité avec la Grèce, la majorité des habitants du sud de l'Albanie sont orthodoxes. À la fin des années 1960, la pratique de la religion fut interdite sous le régime d'Enver Hoxha; ce n'est qu'après la chute du communisme que les pratiques religieuses revinrent progressivement, bien qu’elles n’aient jamais atteint une grande ferveur chez les Albanais.

- L'islam

 
Musulmans 56,70 %
Catholiques 10,03 %
Orthodoxes   6,75 %
Bektashi   2,00 %
Autres chrétiens   0,14 %
Autres religions   5,49 %
Non déclarés 13,79 %
Athées   2,50 %

Or, l'Albanie a la réputation d'être un pays musulman, ce qui n'est pas tout à fait vrai, puisque, selon le recensement officiel de 2011, les musulmans sunnites ne comptent que pour 56,7 % de la population. La deuxième confession religieuse est formée par les catholiques romains (10,0 %). Elle est suivie par les orthodoxes (6,75%) et les bektashi (2 %). Les autres chrétiens sont les protestants. Plus de 13 % des Albanais n'ont pas déclaré de religion aux enquêteurs du recensement, alors que 1,5 % se sont déclarés athées. Toutes ces religions se côtoient; il est fréquent de trouver, par exemple, une mosquée en face d’une église, avec à proximité un lieu de culte orthodoxe. Les villes de Tirana et de Shkodër en sont de parfaits exemples parmi d'autres. Dans les faits, toutes religions confondues, la pratique religieuse serait minimale, car la société albanaise demeure grandement indifférente à la religion.

La Constitution actuelle de 1998 déclare que l'Albanie est un État laïc qui «observe la liberté des croyances religieuses et crée des conditions pour l’exercer». L’article 24 confirme que chacun est libre de choisir ou de changer de religion ou de conviction, et de les exprimer individuellement ou collectivement, en public ou dans la vie privée au moyen de l’éducation religieuse, de la pratique ou de l’observance. L’article 18 interdit la discrimination pour des motifs religieux. La destruction ou l’endommagement des objets religieux, et les entraves aux cérémonies religieuses sont considérés comme des infractions et sont passibles de condamnation.

La situation de l'islam albanais peut paraître insolite pour plusieurs. Ce pays est le seul en Europe dont la population est majoritairement musulmane (sunnisme), mais celle-ci cohabite avec près de 20 % de chrétiens et elle a subi une forte influence des bektashi, une confrérie musulmane mystique.

En fait, les musulmans albanais sont divisés en deux communautés: l'une adhère à une forme modérée de l’islam sunnite, l'autre, les bektashi, pratique une forme libérale du soufisme chiite. Ainsi, les bektashis ne voilent pas les femmes, ils leur permettent d’entrer dans les temples (les khabes) et ne font pas leurs prières en arabe, mais en albanais. Sunnites et bektashi sont influencés par le christianisme et probablement d'autres croyances antérieures.

- Le christianisme

Les musulmans sont présents dans toutes les parties de l’Albanie. Dans toute la partie centrale du pays, ils forment partout la majorité religieuse. Les musulmans bektashis sont présents surtout dans toute la partie méridionale de l'Albanie. Les catholique sont concentrés dans le Nord, alors que les orthodoxes résident surtout dans le Sud avec des communautés à l'est et à l'ouest. Toutefois, la proportion des communautés religieuses varient énormément selon les préfectures, les districts, voire les villes et les villages, car il existe des agglomérations strictement catholiques, orthodoxes, sunnites ou bektashi. La majorité des villages sont homogènes quant à la confession de leurs habitants. Dans les villages mixtes, qu'ils soient musulmans et catholiques ou musulmans et orthodoxes, les communautés vivent généralement dans des quartiers distincts. La plupart des villages musulmans sont situés dans les plaines, alors que les villages chrétiens sont dans les montagnes. Si l’islam est partout majoritaire, on trouve également des catholiques parmi les Guègues, des orthodoxes parmi les Tosques.

Les deux courants majoritaires de l’islam, les sunnites et les bektachi, cohabitent dans une grande tolérance envers les autres religions. L’expérience commune des persécutions sous le long règne d'Enver Hoxha a eu pour effet que les musulmans et les chrétiens vivent dans un respect mutuel. De 1967 à 1991, Enver Hodja, le dictateur avait proclamé par décret que «Dieu n'existait pas». Il avait interdit la pratique de tous les cultes religieux. Durant cette sombre période, de très nombreux lieux de culte ont été détruits ou fortement endommagés quand ils n'ont pas été utilisés à d’autres fins (entrepôts, écuries, etc.). Les mariages inter-religieux sont fréquents en Albanie, alors que dans les autres pays musulmans cela n’arrive presque jamais. Souvent, lorsque les chrétiens et les musulmans se marient entre eux, ils cessent d’être chrétiens ou musulmans. En somme, le caractère multiconfessionnel fait partie intégrante de l'identité nationale albanaise. Ces événement historiques expliquent le fait que les Albanais sont d'abord des citoyens albanais laïcs. Ils ont une pratique du culte «albanaise». Dans le cas albanais, la solidarité nationale passe avant la solidarité religieuse. Un poète albanais, Pashko Vasa (1825-1892), a composé un poème vers 1880 dont voici un extrait:

E mos shikoni kisha e xhamia:
Feja e shqiptarit është shqiptaria.

Ne regardez ni églises ni mosquées,
La religion des Albanais est l'Albanité.

Ces lignes extraites d'un poème sont sans doute les vers les plus célèbres de la littérature albanaise et, finalement, la réponse la plus courante à toute question posée à un albanais sur la religion dans son pays.

Néanmoins, depuis quelques années, le monde albanais fait l’objet d'une vaste campagne de «réislamisation», celle-ci étant favorisée par des réseaux islamistes étrangers et un renouvellement des cadres religieux traditionnels. En somme, on peut se demander si, après l’échec du rêve de la «Grande Albanie» politique, l’islam radical ne pourrait pas devenir une idéologie de substitution de la part des populations albanophones du Kosovo, de la Macédoine et de l’Albanie, toujours davantage paupérisées.

3 Données historiques

Les Albanais seraient les descendants des Illyriens, un peuple indo-européen qui s’installa dans la région des Balkans vers 1000 ans avant notre ère. Les Illyriens étaient constitués de divers peuples d'origine indo-européenne, qui comprenaient des Dalmates et des Pannoniens, et ce, avant l'arrivée des Serbes et des Croates dans les Balkans. Vers −1300, ils s'établirent sur les côtes nord et est de l'Adriatique.

Puis l’Illyrie fut colonisée par les Grecs au VIIe siècle et fit partie du royaume d’Épire, qui s’allia à la Macédoine. En 168, Rome conquit le pays à son tour et en fit une province romaine en 146, appelé la Dalmatie, une situation qui dura cinq siècles. Les Illyriens se sont christianisés dès les premiers siècles de notre ère. Ils se sont trouvés très tôt divisés selon la liturgie : latine pour certains, grecque pour d'autres, en fonction des aires d'influence, soit de Rome soit de Byzance. Les Illyriens résistèrent à l'assimilation romaine et leur langue survécut même si de nombreux emprunts au latin y furent introduits. Lorsqu'ils écrivaient, les Illyriens se servaient de l'alphabet latin ou de l'alphabet grec, et ils écrivaient en latin ou en grec, jamais dans leur langue ancestrale, l'albanais. 

3.1 De multiples envahisseurs

À la suite du partage de l’Empire romain entre l'Est et l'Ouest, en l’an 395 de notre ère, le territoire albanais passa sous le contrôle de l'Empire byzantin de Constantinople. Les Albanais se christianisèrent davantage et se réfugièrent dans leurs montagnes, tout en demeurant sous la tutelle de l’Empire byzantin. C'est à cette époque que les Albanais passèrent sous la gouverne des Églises orthodoxes, comme les Grec et les Slaves.

À partir du IXe siècle, Les Albanais furent dominés par plusieurs envahisseurs: les Bulgares, les Normands lors des croisades, les Angevins de l'Italie du Sud, les Serbes et les Vénitiens. La liturgie orthodoxe imposa l'usage du slavon dans le culte ainsi que l'alphabet cyrillique. La dernière occupation du pays par les Serbes au XIVe siècle causa des migrations massives vers la Grèce.

3.2 La conquête ottomane

En Albanie, l'invasion ottomane (1435) fut retardée grâce à la résistance du grand héros national Georges Castriote, plus connu sous le nom de Skanderbeg, mais après sa mort les Turcs parvinrent à s'implanter en 1479 (voir la carte de l'Empire ottoman).

Les Ottomans divisèrent administrativement l'Albanie en quatre vilayets: Shkodër, Kosovo, Manastir et Janina. L'Albanie ottomane avait une superficie de presque le double de ce qu'elle a aujourd'hui, car elle comprenait non seulement le Kosovo, mais une partie du Monténégro, de la Serbie, de la Macédoine et de la Grèce (voir la carte de gauche).

Au cours des siècles qui suivirent, près des deux tiers des Albanais finirent par s’islamiser. La loi ottomane n'autorisant que les musulmans à détenir des terres, une grande partie de la population se convertit à l’islam afin de conserver ses terres et de bénéficier de nombreux traitement préférentiels; les Albanais qui restèrent chrétiens (orthodoxes ou catholiques) furent relégués au simple rang de paysans. De leur côté, les Albanais islamisés échappaient au «ramassage» plus pudiquement «recrutement» en turc ottoman: devşirme (ou "devchirmé" du verbe devşirmek signifiant «ramasser» ou «récolter»)   des terribles janissaires turcs, mais aussi à certains impôts élevés, et ils pouvaient même accéder à des postes administratifs. Pendant les cinq siècles d'occupation ottomane, nombreux furent les Albanais qui obtinrent de hautes fonctions au sein de l'Empire. L'islamisation contribua à fragmenter les convictions religieuses de l'Albanie.

Un grand nombre d’Albanais qui ont voulu demeurer chrétiens ont, pour leur part, préféré émigrer en Italie, particulièrement en Sicile et en Calabre, où existent encore aujourd’hui des communautés albanaises. Pourtant, la religion orthodoxe fut tolérée par les Turcs. En réalité, le patriarcat de Constantinople de qui dépendait l’Église orthodoxe grecque est même devenu pendant plusieurs siècles le représentant officiel de l’Empire ottoman auprès de tous les chrétiens orthodoxes dans cette région des Balkans. L’Église orthodoxe devint alors un puissant instrument d’hellénisation pour les Albanais, car toutes les affaires politiques et administratives de l’Église ainsi que les cérémonies religieuses se déroulaient seulement en grec, ce qui avantageait évidemment la minorité grecque (et même la minorité aroumaine) qui habitait l’Albanie. Tout au cours de l’occupation ottomane, les Albanais essayèrent maintes fois de se libérer des Turcs, voire de l’omniprésence de l’Église orthodoxe grecque. Dans le but de réduire l’influence de la langue grecque dans leurs affaires internes, les Albanais tentèrent même de créer une Église orthodoxe indépendante, ce qu’ils n’obtiendront qu’en 1939 lors de la reconnaissance par Constantinople de l’Église autocéphale orthodoxe albanaise.

- Les alphabets

Après la conquête ottomane, la plupart des Albanais musulmans écrivaient leur langue avec l'alphabet arabe, comme les Turcs ottomans. Les chrétiens, pour leur part, continuèrent d'écrire, selon le cas, avec l'alphabet slavon, l'alphabet grec ou l'alphabet latin.

Évidemment, très rares furent les Albanais capables de lire leur langue dans tous ces alphabets: arabe, slavon, grec, latin. En général, les textes écrits en alphabet arabe devenaient incompréhensibles pour ceux qui lisaient en lettres latines ou en lettres grecques, et vice versa. Les chrétiens orthodoxes délaisseront l'alphabet slavon pour l'alphabet cyrillique.

Cette complexité entraînera plus tard la nécessité d'une orthographe commune pour la langue albanaise. Durant la période ottomane, les écoles offrirent leur enseignement en turc aux enfants albanais. Les Albanais musulmans étaient considérés comme des Turcs et, en conséquence, ils recevaient leur instruction en turc. Quant aux Albanais chrétiens, ils pouvaient être instruits dans une autre langue: en grec pour les orthodoxes, en italien ou en allemand pour les catholiques.

- La question scolaire

Toutefois, en 1887, une première école publique à Korçë fut officiellement autorisée à enseigner en albanais; d'autres furent ouvertes à Pogradec, Ohrid, Prizren, etc. Ces écoles étaient destinées à tous les Albanais, quelle que soit leur religion. Les autorités catholiques et orthodoxes excommunièrent ceux qui fréquentaient ces écoles ou y enseignaient. En 1890, l'administration ottomane interdit aux enfants musulmans de les fréquenter. Toutes les écoles albanaises ont dû fermer les unes après les autres. Lors du Congrès de Berlin de 1878, le gouvernement dut accepter l'ouverture d'écoles étrangères, surtout autrichiennes et italiennes. Les écoles autrichiennes, administrées par l'Église catholique, enseignèrent en allemand; les écoles italiennes, administrées par l'État italien, enseignèrent en italien. Progressivement, les écoles autrichiennes dispensèrent des cours en albanais de façon à contrer l'influence italienne en s'appuyant sur le nationalisme albanais.

En novembre 1908, les Albanais tinrent à Manastir (aujourd'hui Bitola en Macédoine) un «Congrès de l'alphabet», soit quelques mois après la prise du pouvoir par les «Jeunes-Turcs» (le 19 juillet 1908) aux dépens du sultan. Le débat sur l'alphabet donna lieu à de violentes polémiques, chacun des principaux groupes (catholiques, orthodoxes et musulmans) voulant proposer un alphabet de son cru. La décision finale ne sera prise qu'en 1972, avec l'alphabet latin et l'emploi du dialecte tosque. Pendant ce temps, le nouveau gouvernement des Jeunes-Turcs admettait la possibilité d'enseigner l'albanais, mais pas nécessairement un enseignement «en albanais». Or, c'est bien l'enseignement «en albanais» que voulaient les Albanais.

La langue albanaise continuait d'être utilisée par tous les Albanais, mais à l'oral seulement. Que ce soit sous la forme du dialecte guègue au nord, dans la région de Shkodër et au Kosovo, ou du dialecte tosque, au sud, la langue albanaise constituait le fondement de la nation albanaise. À l'écrit, les Albanais se servaient du latin (catholiques), du grec (orthodoxes) ou de l'arabe (musulmans). Mais la langue de l'Administration ottomane demeurait le turc, écrit à l'époque avec l'alphabet arabe. En somme, les Albanais restaient profondément partagés entre trois religions (islam, catholique, orthodoxe), trois alphabets et trois langues liturgiques(latin, grec, arabe), une langue administrative (turc) et deux dialectes nationaux (le guègue et le tosque). Les différences entre le guègue et le tosque étaient considérées comme mineures par les intellectuels albanais; elles n'empêchaient nullement les albanophones de se comprendre et parler le guègue ou le tosque, c'était parler shqip («albanais»). Malgré ses différences dialectales, la langue demeurait un puissant moyen pour rassembler tous les Albanais.

- L'alphabet albanais

C'est alors que les intellectuels albanais furent convaincus de la nécessité de créer un alphabet commun pour tous les Albanais. La création de la Ligue de Prizren en 1878 constitua une très forte incitation à trouver rapidement un accord sur un alphabet commun. Cette Ligue avait pour objectif la réunification de tous les territoires albanais en un État. Les musulmans défendirent l'alphabet arabe, mais cet alphabet parut pas très adapté pour transcrire les sons de la langue albanaise, ce qui renforçait d'autant l'option latine ou grecque. En ce sens, Sami Frashëri (1850-1904), un écrivain albanais, fondateur de la Société pour la publication d'écrits albanais, proposa l'usage de l'alphabet latin:

L'Albanie est un pays qui fait partie de l'Europe, et les Albanais sont l'une des nations européennes; en conséquence, l'albanais doit être écrit également avec des lettres européennes, donc avec des lettres latines.

C'est le choix que, une quarantaine d'années plus tard, fera Mustafa Kemal Atatürk en abandonnant l'alphabet arabe pour l'alphabet latin qui est celui des Turcs aujourd'hui. Ce fut le début de ce qu'on a appelé «l'alphabet d'Istanbul», basé sur l'alphabet latin. Cependant, dès la dissolution de la Ligue de Prizren en 1881 et la répression sanglante qui s'ensuivait, l'«alphabet d'Istanbul» fut interdit par les autorités ottomanes. Néanmoins, le nouvel alphabet connut une certaine diffusion grâce à la publication d'ouvrages à l'étranger, surtout à partir de Sofia (Bulgarie) et de Bucarest (Roumanie). Mais l'«alphabet d'Istanbul» ne faisait pas l'unanimité chez les Albanais. D'une part, l'existence de lettres latines et grecques causaient des problèmes d'imprimerie, d'autre part, les catholiques préféraient l'alphabet latin traditionnel qu'ils utilisaient depuis quelques siècles. 

En somme, l'absence d'une littérature ancienne, les disparités culturelles entre les trois groupes confessionnels, les différences entre le guègue et le tosque, ainsi qu'un très fort taux d'analphabétisme (surtout chez les musulmans et les catholiques) ont certainement handicapé le développement de la langue écrite albanaise. En 1908, le congrès de Monastir décida d'abandonner l'alphabet arabe pour l'’albanais latin avec certaines modifications; la minorité catholique albanaise du Nord l'avait déjà adopté dès la fin du XIXe siècle.

3.3 Le dépeçage de l’Albanie

En octobre 1912, le Monténégro, la Serbie, la Bulgarie et la Grèce déclarèrent la guerre à l'Empire ottoman. Après la guerre des Balkans de 1912-1913, l'Albanie fut reconnue, lors de la conférence de Londres du 17 décembre, comme principauté autonome sous la souveraineté du sultan, mais sans la province (vilayet) du Kosovo-Metohija alors attribuée à la Serbie et au Monténégro.

Autrement dit, lorsque les Grandes Puissances reconnurent l’indépendance d’un État albanais en 1913, celui-ci n’incluait qu’environ la moitié des territoires où vivaient des Albanais. Cette amputation enleva à l’Albanie près de 40 % de sa population et faisait disparaître à jamais la Grande Albanie ethnique (voir la carte de gauche) du temps de l'Empire ottoman. On retrouve aujourd’hui les descendants de ces Albanais au Kosovo, en Serbie, au Monténégro, en Macédoine et en Grèce. C'est ainsi qu'un albanophone sur deux vit encore hors des frontières de l’Albanie. En contrepartie, le nouvel État albanais intégrait des minorités non négligeables d’origine grecque, aroumaine, macédonienne et monténégrine.

En 1914, les Autrichiens (au nord) et les Italiens (au sud) s'emparèrent de l'Albanie. Le traité de Tirana (août 1919) reconnut l’indépendance de l’Albanie qui fit son entrée à la Société des nations en 1920. L'année suivante, le 2 octobre 1921, l’Albanie fit une déclaration devant le Conseil de la Société des nations, dans laquelle elle prenait l’engagement de respecter les droits des minorités nationales dans les limites de son territoire, conformément aux dispositions des traités de paix conclus après la Première Guerre mondiale.

En 1925, Ahmet Zogu, un homme politique albanais, s'empara du pouvoir et devint premier ministre à deux reprises, puis président de la République à partir du 31 janvier 1925, et enfin «roi des Albanais» sous le nom de Zog Iᵉʳ, à partir du 1ᵉʳ septembre 1928. L'Italie fasciste, qui exerçait une influence politique et économique croissante sur l'Albanie, l'envahit à nouveau en avril 1939 en regroupant des zones occupées du Kosovo et du Monténégro. Victor-Emmanuel III d’Italie fut aussitôt proclamé «roi d’Albanie» de 1939 à 1943.

Lors de la Deuxième Guerre mondiale, l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste recréèrent la «Grande Albanie» en regroupant l’Albanie, la Macédoine occidentale, le Kosovo et l’Épire grecque. L’Allemagne mit même sur pied une division SS albanaise employée à «nettoyer» les Serbes du territoire. Mais à la Libération, le maréchal Tito avait déjà reconquis le Kosovo et la Macédoine, qui redevinrent «yougoslaves». Au moment de la libération, l'Albanie était le seul pays d'Europe totalement dépourvu de chemins de fer et l'agriculture albanaise utilisait encore la traction animale avec des charrues en bois, ce qui donne une idée du retard de l'Albanie.

3.4 Le régime autoritaire d’Enver Hoxha (1944-1985)

En Albanie, la résistance armée des groupes nationalistes contre les envahisseurs allemands et italiens s'était organisée sous la direction d'Enver Hoxha (1908-1985) en français, retranscrit en Enver Hodja , un jeune professeur formé en France, enseignant le français au lycée français de Korçë et élu secrétaire général du Parti communiste albanais. Hoxha réussit à prendre le pouvoir et, le 11 janvier 1946, il proclama la République populaire d’Albanie. Commença alors un long régime communiste extrêmement centralisateur et très autoritaire. Le régime s’allia à la Yougoslavie (1946-1948), à l'Union soviétique (1948-1961) et à la Chine maoïste (1961-1978). Mais désillusionné par ses alliés communistes, Hoxha rompit les relations diplomatiques avec chacun d'eux, prétextant qu'ils auraient abandonné le marxisme-léninisme pour se rapprocher des Occidentaux.

Rejeté autant par l'Est que par l'Ouest, l'Albanie opta pour une politique d'isolement et fut reconnue pour être le bastion du stalinisme. Hoxha purgea le pays de toute opposition, qu’elle fût politique ou religieuse. Toute contestation conduisait immédiatement en prison ou dans les camps de travaux forcés, ou encore entraînait simplement l’exécution. Les voyages à l'extérieur du pays furent supprimés et les frontières fermées.

Admirateur inconditionnel de Staline, le président Hoxha utilisa les mêmes méthodes que ce dernier pour se maintenir au pouvoir; il institua la Sigurimi (la police politique : la «Sécurité»), un corps de police redoutable, pour constituer un réseau d'espionnage interne et assurer sa propre sécurité. Au cours de son «règne», Enver Hoxha envoya un dixième de la population en internement dans des camps, il fit exécuter 6000 citoyens dont 10 ministres, 20 généraux et 41 dirigeants du Parti communiste. La figure ci-haut illustre le drapeau de la liberté par le socialisme avec Enver Hoxha.

- La religion

Puis, sous prétexte que les religions remontaient au Moyen Âge et qu'elles pouvaient menacer l'homogénéité de l'unité nationale, le président Enver Hoxha proclama officiellement, en 1967, la sécularisation de l’Albanie et interdit la pratique de toutes les religions, ce qui entraîna la fermeture de milliers de mosquées et de centaines d’églises orthodoxes, toutes converties en théâtres, salles communautaires, magasins ou cafés, parfois en écuries. En fait, certains observateurs politiques ont soutenu que cette interdiction visait directement les minorités grecque, aroumaine et macédonienne dont l’identité culturelle était intimement liée à la religion orthodoxe.

- La langue

Après la Seconde Guerre mondiale, plus de 85 % de la population albanaise était analphabète. Mais le gouvernement communiste de Hoxha entreprit de corriger la situation. Il institua la fréquentation scolaire obligatoire pour les enfants et les jeunes de 7 à 15 ans; il mit en place des écoles techniques, où il était possible d'obtenir une formation de niveau secondaire. Les adultes qui ne pouvaient pas lire ni écrire ont dû suivre des cours d'albanais. L'année 1951 fut marquée par l'ouverture de trois universités en Albanais, mais elles durent répondre aux normes soviétiques. Les manuels étaient en russe et devaient refléter l'idéologie soviétique. L'Université de Tirana fut fondée en 1957.

Au plan linguistique, Enver Hoxha appliqua également ses politiques autoritaires. Comme il était originaire du Sud, à Gjiroskastër dans la préfecture du même nom, Hoxha utilisa son pouvoir pour imposer le tosque de sa région (le tosque lab) comme base de l'albanais standard (ou littéraire) aux dépens du guègue qui paraissait plus morcelé que le tosque. Soulignons aussi que l'écrivain le plus célèbre de l'époque, Ismaïl Kararé, né en 1936 également à Gjiroskastër, écrivait en tosque. Avant cette époque, l'albanais officiel était basé sur celui d'Elbasan (ville d'Albanie centrale située sur le fleuve Shkumbin), une variante qui faisait cohabiter à la fois des caractéristiques guègues et tosques. Évidemment, cette politique autoritaire s'est faite sans la moindre contestation populaire.

En ce qui concerne les minorités linguistiques, conformément à la conception stalinienne des nationalités, Enver Hoxha consentit à reconnaître certains droits scolaires aux minorités grecque et macédonienne, mais en les ghettoïsant : quelque 56 000 Grecs furent répartis manu militari dans 99 villages et quelques milliers de Macédoniens dans sept autres villages. De son côté, le gouvernement de la Grèce affirma que 400 000 Grecs avaient été ainsi parqués dans ces «réserves» ou «camps» surveillés par l’armée.

Enfin, le président Hoxha fit adopter en 1975 un décret qui obligeait tous les Albanais non musulmans à changer leurs patronymes d’origine grecque, aroumaine, macédonienne ou monténégrine, surtout les noms catholiques et orthodoxes. Tous les membres des minorités grecque, aroumaine, macédonienne et monténégrine furent dorénavant forcés de choisir des patronymes à partir d’une liste officielle albanophone imposée par le gouvernement. D’autres restrictions s’ajoutèrent aussi quant à l’emploi des langues minoritaires, mais ces mesures doivent être prises dans un contexte d’interdiction généralisée à l’égard de tous les Albanais, qu’ils soient albanophones ou non.

3.5 La démocratisation de l'Albanie

Après la mort d’Enver Hoxha en 1985, les difficultés sociales, politiques et économiques s’accumulèrent. En 1989, ce fut la chute du communisme dans ce pays, ce qui fit de l’Albanie le dernier pays de l'Est à avoir connu sa révolution. Mais la transition politique s'est avérée longue et laborieuse, car l'héritage du communisme ne pouvait qu'être lourd, et l’Albanie a connu depuis des difficultés pour instaurer un gouvernement démocratique solide. N’oublions pas que, pendant plus de 40 ans, les Albanais ont vécu sous la domination d'un régime totalitaire qui a empêché tout développement économique. Cinquante ans de communisme ont formé les Albanais à ne pas être responsables. C'était l'État, le leadership, qui décidait où ils devaient naître, quelle école ils devaient fréquenter, ce qu'ils devaient apprendre, quel métier ils devaient exercer, etc.

Les dirigeants albanais résistèrent aussi longtemps qu'ils le purent à la vague de démocratisation qui déferlait sur l’Europe de l'Est après 1989. Il fallut la chute de Nicolae Ceausescu en Roumanie en décembre 1989, puis les manifestations des étudiants à Tirana, ainsi que les pressions internationales pour que l’Albanie autorise enfin le multipartisme en décembre 1990, de lever les interdits religieux et de rendre possibles les voyages à l’étranger; par la suite, l'Albanie consentit à établir des relations avec l’Occident, y compris avec les États-Unis. Ramiz Alia, qui fut président de l'Albanie en 1991 et 1992, dut amorcer une démocratisation. Pour ne pas être en reste, le Parti communiste changea de nom et devint le Parti socialiste albanais qui s'est maintenu au pouvoir pendant toute l’année 1991 pour être battu par le Parti démocratique (PDA) lors des élections parlementaires de mars 1992. 

- La minorité grecque

En juillet 1992, le Parti communiste albanais fut déclaré illégal. L’année suivante, Ramiz Alia ainsi que d’autres responsables communistes furent accusés d’appropriation et de détournement des fonds de l’État, puis jugés et condamnés à des peines d'emprisonnement. Tandis que les relations avec la Serbie continuaient d’être difficiles, les tensions augmentaient entre l’Albanie et la Grèce. Dès le début de 1990, Athènes avait accusant Tirana de maltraiter sa minorité grecque du sud de l’Albanie, ce qui eut pour effet de diminuer considérablement la population d'origine grecque en Albanie.

En raison de l’ouverture des frontières, du sous-développement et des nombreuses difficultés économiques de la période de transition, une grande partie des habitants des régions méridionales du pays ont pu obtenir un emploi en Grèce, où ils vivent à présent. Dans plusieurs villages peuplés auparavant essentiellement de Grecs, le nombre des personnes ayant émigré en Grèce se situait entre 40 % et 70 % de la population totale. Avec la transition démocratique apparut le retour de la liberté religieuse. C'est alors que le fidèles et les clercs des quatre religions traditionnelles (islam, chrétienté orthodoxe, chrétienté catholique et le bektashisme) se sont concertés pour favoriser l’ouverture des premiers centres religieux.

Au cours de cette même période, les relations avec la Yougoslavie se firent de plus en plus tendues en raison des mauvais traitements exercés par les Serbes sur les albanophones du Kosovo. L'Albanie avait prévenu la Serbie qu'elle ne resterait pas les bras croisés. Non seulement des éléments armés albanais ont parfois attaqué des militaires et des civils serbes, mais des groupes organisés ont également fourni aux Kosovars une grande quantité d’armes et de l’argent blanchi provenant de la drogue. Les tensions augmentèrent également entre l'Albanie et la Grèce au début des années 1990, Athènes accusant Tirana de maltraiter la minorité grecque du sud de l'Albanie. Ces tensions se sont un peu apaisées par la suite, l'Albanie ayant mis en sourdine ses campagnes anti-grecques, pendant que la Grèce levait son veto à l'aide européenne à l'Albanie.

Le 25 novembre 1991, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a accordé à l’Albanie le statut «d'invité spécial». En mai 1992, l'Albanie signa un accord de coopération de dix ans avec la Communauté économique européenne (aujourd'hui l'Union européenne). En juin 1995, l'Albanie devint membre du Conseil de l’Europe. Les élections législatives de mai-juin 1996 furent remportées par le Parti démocratique du président Berisha, qui recueillit 67,8 % des voix et les deux tiers des sièges du Parlement.

- La guerre du Kosovo

Ce rapprochement avec l'Europe occidentale s’est accentué encore davantage lors de la guerre du Kosovo (mars-avril 1999). Non seulement l’Albanie devint le pays-refuge privilégié des Kosovars fuyant la répression serbe, mais elle fut transformée en un vaste terrain de manœuvres militaires à la disposition des forces de l’OTAN. En effet, en quelques jours, plus de 320 000 réfugiés kosovars s’installèrent dans des camps albanais, ce qui représentait alors près de 50 % de tous les réfugiés fuyant le Kosovo, soit l’équivalent du dixième de la population de l’Albanie. Ce pays de 3,5 millions d’habitants, par ailleurs l’un des plus pauvres de l’Europe (70 % de chômage), a hébergé plus de 400 000 réfugiés kosovars depuis le début du conflit (1998). Ces événements ont fait en sorte que l’Albanie s’est rapprochée de l’Union européenne et des États-Unis. L’ancien dictateur de l’État albanais, Enver Hoxha, ce marxiste-léniniste qui détestait les Occidentaux, a dû se retourner plusieurs fois dans sa tombe! Ajoutons aussi que les Albanais ont découvert les vertus du capitalisme avec la venue de plus de 10 000 étrangers, les «humanitaires», appartenant à l’OSCE, au CICR, à Médecins sans frontières, à Médecins du monde, au Haut-Commissariat des Nations unies, etc., sans compter tous les ONG inimaginables, les soldats de l’OTAN et les très nombreux journalistes.

La guerre du Kosovo a eu pour effet de dynamiser l’économie locale, qui en avait bien besoin, mais au profit de la... classe dirigeante et de la mafia. D’ailleurs, le journal albanais Koha Jone a même assuré que, sur dix rations humanitaires arrivées dans le pays, seules trois étaient effectivement distribuées au réfugiés kosovars. Ces faits démontrent que les autorités albanaises ne semblent pas avoir réussi à exercer un contrôle, sinon purement formel, sur ce qui se passe dans leur pays.

- La Francophonie

En septembre 2006, l'Albanie est devenue membre de la Francophonie, en même temps que la Pologne et la Macédoine, des pays qui ne sont guère réputés pour être francophones. Pourtant, l'enseignement du français existe depuis la dictature d'Enver Hoxha, lui-même enseignant dans le lycée français de Korça, entre 1917 et 1939. Dans les années 1920-1940, la législation albanaise existait en deux langues, en albanais et en français. Pendant cette période, de nombreux étudiants ont fait leurs études en France en contribuant à créer une nouvelle société albanaise d’esprit européen. De 1900 à 1945, tous les documents destinés à la correspondance avec l’étranger furent rédigés en français. Depuis le début de XXe siècle, le français est demeuré la seule langue utilisée par les diplomates albanais qui, à l’étranger, prononçaient leurs discours en français.

On estime aujourd'hui que plus de 30 % de la population aurait une certaine connaissance du français, nombre qu’il faut prendre toutefois avec une certaine réserve. Même s’il a perdu sa première place au profit de l’anglais, le français est étudié dans tout le système scolaire, du primaire jusqu’à l’université. Le français a le statut de première langue étrangère et obligatoire dès la 3e année de l’école primaire jusqu’à l’issue du secondaire général et professionnel. Le français est enseigné comme deuxième langue (comme module optionnel) au collège, dans l’enseignement secondaire général, dans les lycées bilingues et dans les lycées professionnels. Depuis deux décennies, le français est nettement devancé par l'anglais.

- L'Union européenne

Le 27 juin 2014, le Conseil européen a officiellement accordé à l'Albanie le statut de candidat à l’adhésion à l’Union européenne. C'est depuis 1995 qu'a commencé le recyclage des enseignants, en particulier les enseignants de l'histoire de façon à se conformer aux normes européennes en matière de droits de l'Homme. De nombreux professeurs ont dû être formés dans les universités européennes.

Malgré tout, l’Albanie n'a pu se débarrasser de la corruption et de la criminalité organisée, qui continuent de gangrener le pays en entravent les institutions dans leur fonctionnement et en ralentissant le développement économique et la démocratisation. Les gouvernements albanais, de gauche comme de droite, se sont toujours montrés prêts à sauvegarder les droits de la minorité grecque, comme le bilinguisme dans les zones grécophones ou l’ouverture d’écoles qui suivent le programme scolaire grec. Toutefois, la lutte contre la discrimination à l'égard des minorités ethniques ne semblent pas suffisamment appuyée et soutenue pour marquer une réelle amélioration de la situation.

Dernière mise à jour: 14 décembre, 2024
-

Albanie

 -

 

(2) Les dispositions constitutionnelles

 

(3) La politique linguistique

 

(4) Bibliographie

L’Europe

Accueil: aménagement linguistique dans le monde