Dans les deux cantons de l'Est, les
francophones forment une petite minorité d'environ 5 %, qui bénéficie de «facilités».
En
raison de l’intégration européenne et du pôle administratif et économique
que constitue Bruxelles, un certain nombre de germanophones belges, surtout des personnes d’expression allemande en provenance d’Allemagne et
d’Autriche y séjournent, mais leur nombre est difficilement chiffrable.
2.2 Les variétés de francique
|
Si une bonne partie des
germanophones parlent l'allemand standard, beaucoup d'autres
parlent différentes variétés de francique: le francique
ripuaire, le francique limbourgeois, le francique carolingien
(ou rhéno-mosan) ou le francique mosellan (luxembourgeois).
À l’ouest du canton d’Eupen
se situe la «région de
Welkenraedt»; on y trouve des locuteurs parlant une langue francique
intermédiaire entre le francique ripuaire et le francique limbourgeois, le
francique carolingien (ou francique rhéno-mosan), un vestige de
la langue de Charlemagne. Cette variété
de francique est identique à celle du canton d’Eupen (sauf Raeren), à la
partie orientale de la région des Fourons, à la partie orientale du Limbourg
néerlandais et à une frange de la plaine rhénane de la région allemande de Moenchengladbach-Düsseldorf. On peut visualiser une carte linguistique de toutes
les variétés de francique en cliquant
ICI, s.v.p.
Il est vrai que ces variétés de
francique sont en
régression constante et qu'ils se transmettent de moins en moins d'une
génération à l'autre, voire plus du tout dans certains cas; ils
sont donc en voie d'extinction.
|
Voici quelques exemples de
trois variétés de francique (ripuaire, carolingien et limbourgeois):
Français A |
Mercredi ou samedi, j’étais aussi allé pendant cinq à neuf
minutes dans le ruisseau; j’avais aisément de l’eau jusqu’à
la culotte et même jusqu’au nez. |
Francique ripuaire |
E mettwech of e samstech waor(2) éch(2) och vönef(2) of
nüng(2) menute é gen baach(2) gegange(2); éch hauw(6)
gemächlech(3) wasser(4) bes an gen boks(2) of ezegar bes a
gen naas. |
Francique carolingien |
E gostech (1) of e jodechtech,(1) woor(2) éch(2) voof of
nüng menute é gen baach gegange(2); éch hauw(6) gemeakelech(3)
water(4) bes a gen boks(2) of ezegar bes a gen naas |
Francique limbourgeois |
E gostech(1) of e jodechtech(1), woor(2) éch(2) viif of
neuge menute é gen baach(2) gegange(2).; éch hauw(6)
gemeakelek(3) water(4) bes an gen brook of ezegar bes a gen
naas. |
Allemand |
Am Mittwoch oder am Samstag war ich auch während fünf bis
neun Minuten in den Bach gegangen; ich hatte gemächlich
Wasser bis zu den Hosen, oder sogar bis zur Nase. |
Néerlandais |
Op woensdag of op zaterdag was ik vijf of negen minuten in
de beek gegaan; ik had gemakkelijk(3) water(4) tot aan de
broek of zelfs tot aan de neus. |
Français B |
Je me coucherai et dormirai derrière cette armoire, mais
je dois cependant au préalable la recevoir ou l’acheter. |
Francique ripuaire |
Éch wead hinten dat schaaf(5)(6) lie en schlofe(5) : mä éch
mot et ävel(6) wahl öch krie(6) of jäle(6). |
Francique carolingien |
Éch zal(ou wead) aater dat schaap(5)(6) (ou
schaaf) lie en schlope(5): mä éch mot et ävel(6) wahl öch
krie(6) of jäle(6). |
Francique limbourgeois |
Éch zal aater dat schaap(5)(6) lie en schlope(5) ; mä éch
mot et ävel(6) wahl öch krie(6) of jäle(6). |
Allemand |
Ich werde hinten diesen Schrank liegen und schlafen; ich
muss ihn aber erst bekommen oder kaufen. |
Néerlandais |
Ik zal achter deze kast liggen en slapen; maar ik moet het
wel eerst krijgen of kopen. |
Français C |
Parler est déjà bien, mais faire ce n’est que dix fois
mieux. |
Francique ripuaire |
Kalle(5) es al good, mä(6) maache(5), dat(7) es mer(6) tsén(4)
mol besser(4). |
Francique carolingien |
Kalle(5) es al good, mä(6) make(5), dat(7) es mer(6)
tien(4) mol beater(4). |
Francique limbourgeois |
Kalle(5) es al good, mä(6) make(5), dat (7) es mer(6)
tien(4) mol beater(4). |
Allemand |
Sprechen ist schon gut, aber machen, das ist nur zehn Mal
besser. |
Néerlandais |
Praten(spreken) is al goed, maar maken, dat(7) is
slechts,(pas, ) tien maal beter. |
____________________________________________________________________________________________________________________________
(1) Mot typiquement francique
carolingien et limbourgeois.
(2) Mot typiquement ripuaire.
(3) Les finales en «lech» témoignent qu’il s’agit du francique
carolingien ou du ripuaire, tandis que les finales en «ek»
témoignent du limbourgeois, du brabançon; celles en «ijk», du
néerlandais.
(4) Au sud de la ligne de Benrath, les mots en «ss» sont typiques des parlers
moyen-allemands (ripuaire, mosellan, etc.); au nord, les mots en “t”
sont typiques
des parlers bas-allemands et bas-franciques (carolingien, limbourgeois,
etc.).
(5) Comme pour (4), au sud de la ligne de Benrath, les mots en «f» ou
«ff»,
tandis qu’au nord de la même ligne ils sont en «p» ou «pp»; c'est
similaire
avec au sud les mots en «ch», alors que qu’au nord ils sont en «k».
(6) Mot typique à la fois au ripuaire, au carolingien et
au limbourgeois, à l’exclusion de toutes les autres langues voisines.
(7) Le mot «dat» est un mot du bas-allemand et du bas-francique, qui a envahi
toute l’aire moyen-francique (ripuaire, francique mosellan,
luxembourgeois, etc.) reléguant le «das» au seul haut-allemand. |
Des activistes promoteurs de l’allemand
et du néerlandais se sont disputés
la région de Montzen-Welkenraedt à partir de la fin du XIXe
siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale au moyen d’ouvrages
pseudo-scientifiques faisant passer cette variété du francique, tantôt pour
de l’allemand, tantôt pour du néerlandais. Cependant, l’un et l'autre camp se
désolaient du fait que la population voulait le maintien de son francique
concurremment avec le français comme langue scolaire et administrative (à
l'instar de l'Alsace).
|
Cette population refuse encore
aujourd'hui
d'être considérée comme «germanophone» ou «néerlandophone», en raison de son
francique proche du limbourgeois de l’Est, qu’elle revendique comme
distinct. Ce francique a gardé de sa vigueur chez les plus de 40 ans; on
compte dans la commune de Plombières pas moins de cinq sociétés de «théâtre
dialectal» très vivantes (toutes créées dans les trente dernières années),
tandis que le carnaval régional opte désormais pour des chants en francique,
que fredonne en chœur une jeunesse qui ne le parle pourtant plus dans la vie
courante. Si les locuteurs de cette région
n’admettent pas d’être considérés comme «germanophones», c’est parce que ce
terme signifie en Belgique «qui parle le Hochdeutsch», l'allemand
standard, une langue qui s’y est implantée par le clergé au
XIXe siècle, comme une version
«civilisée» du francique, et qui y fut délaissée au lendemain des deux
conflits mondiaux. Par ailleurs, le terme «néerlandophone» y est autant
rejeté, car sa signification en Belgique est «qui parle le néerlandais»
(standard), alors que cette population ne l’a jamais parlé. Par contre,
environ la moitié des 9800 habitants de l’actuelle commune de Plombières et
environ un bon tiers des habitants des actuelles communes de Welkenraedt
(9000 habitants) et Baelen (4500 habitants) continuent à parler ou au moins
à comprendre facilement le francique local, soit un total d’environ 10 000
locuteurs.
Une très grosse majorité des quelque 70 000
germanophones de la région de langue allemande sont bilingues
allemand-français et connaissent en outre, dans le canton d’Eupen, le
francique carolingien. À Raeren, Bütgenbach et Büllingen, ils connaissent en
général le francique ripuaire local, alors qu’à Amel, Saint-Vith et Burg-Reuland,
ils parlent le francique mosellan très proche de celui du grand-duché de
Luxembourg. En somme, la situation de trilinguisme de fait est fort proche
de celle qui prévaut au Grand-Duché. Dans le canton d’Eupen, la connaissance
du néerlandais n’est pas rare non plus.
|
2.3 La région d'Arlon
|
Il existe aussi des «germanophones» qui
ne font pas partie de la région linguistique allemande, car ils
habitent le sud de la Wallonie, plus précisément à
l’extrême sud-est de la
province de Luxembourg. On trouve une région dont la situation est
sensiblement analogue à celle de Montzen-Welkenraedt: la région
d’Arlon/Arel. Dans
l’arrondissement d’Arlon comptant environ 40 000 à 45 000
habitants,
coexistent aussi des locuteurs du français et
du francique mosellan (ou luxembourgeois) parlé également
dans le grand-duché de Luxembourg. Les locuteurs de cette langue
régionale sont difficiles à estimer tant la situation est variable d'une commune
à l'autre, même de village à village. Les villes les plus urbanisées
d’Arlon et d’Athus-Aubange ont quasi abandonné le francique mosellan, tandis
que plusieurs villages, notamment de l’entité d’Attert, le cultivent encore
volontiers, mais surtout chez les plus de 40 ans. On estime
généralement qu’il doit rester environ un quart de locuteurs du francique
mosellan dans l’arrondissement d’Arlon, soit environ 10 000 locuteurs.
Les locuteurs du luxembourgeois de la région d'Arlon
ne disposent d'aucune «facilité» linguistique, puisque leur langue — le
luxembourgeois
— n’est pas officiellement reconnue par la législation belge. Tous les habitants
de la «région de langue allemande» et parlant une
langue germanique ne pratiquent pas nécessairement le français comme langue seconde,
car beaucoup de germanophones ne connaissent que l'allemand. Si les
commerçants des centres urbains sont tous au moins bilingues, ce n'est
pas le cas dans les villages, restés unilingues germanophones. |
2.4 Les communes de la Wallonie malmédienne «avec facilités limitées en allemand»
Ces communes wallonnes (situées au sud d'Eupen) mais «avec
facilités limitées en allemand» sont au nombre de deux: Malmédy/Malmünd
(Malmédy, Belleveaux-Ligneuville et Bevercé) et Waimes/Weismes (Waimes,
Faymonville/Aussenborn et Robertville). Sur une population de 16 000 habitants,
environ 20 % des habitants parlent l’allemand comme langue maternelle (soit
3200 locuteurs). Ces communes font officiellement partie de la région de langue
français, mais elles bénéficient de facilités limitées (enseignement,
administration, tribunaux) en allemand.
2.5 L'absence de droit
dans les communes de l'Ancienne
Belgique
Les régions à langue germanique
dites de l’«Ancienne Belgique» (env. 42 000 personnes) comptent trois zones:
- l'Ancienne
Belgique du Nord,
qui comprend la région de Montzen-Welkenraedt
(communes fusionnées de
Plombières, Welkenraedt et Baelen, soit 25 000 habitants, dont 10 000
comprenant le francique local), ainsi que la commune d’Aubel (4000
habitants, dont un dixième environ comprend encore le francique, lequel est
parlé par une partie de la population, en même temps que le français adopté
globalement après les deux conflits mondiaux. La désignation du francique
local est multiple :
En francique, il est dénommé Platt
par les habitants, ce qui signifie «patois» en français. Les philologues
actuels le désignent sous les vocables «francique rhéno-mosan», «francique
limbourgeois», «francique intermédiaire entre le limbourgeois de l’Est et le
ripuaire», «Lemmerech» (ou «limbourgeois») et, plus récemment, «francique
carolingien» (cf. francique rhéno-mosan).
Les philologues régionaux
contemporains, bien au fait de ces caractéristiques, ne lui reconnaissent
pas de filiation par rapport au néerlandais et à l’allemand, mais un
caractère germanique indubitable et particulier. Le francique de Düsseldorf
(Rhénanie), qui est le même, n’est pas néerlandais et celui de Heerlen
(Limbourg néerlandais), qui est aussi le même, n’est pas de l’allemand. De
même celui de Fouron-Saint-Martin, celui de Montzen-Welkenraedt ou celui
d’Eupen n’est pas plus allemand que néerlandais et il est également le même
francique international, puisqu’il s’étend sur trois nations et sur les
trois communautés institutionnelles belges.
|
- l'Ancienne
Belgique du Centre,
avec
dans l’actuelle
commune de Gouvy (4400 hab.), les
villages
de Beho/Bocholz (301), Deiffelt (124), Ourthe et Wathermal; on y parle le
français et francique mosellan;
|
- l'Ancienne
Belgique du Sud,
c’est-à-dire la région d’Arlon/Arel (24 000 hab.) à la frontière
luxembourgeoise, où l’on parle le français et le luxembourgeois (environ
14 000 locuteurs
sur un total de 40 000 habitants).
|
On peut visualiser la carte illustrant l’aire
linguistique du luxembourgeois (en
vert) au sud-est de la Wallonie
près de la frontière luxembourgeoise (capitale: Arlon/Arel). En fait, aujourd’hui,
les habitants de l’«Ancienne Belgique» ne font pas juridiquement partie de la
région germanophone et ils sont réputés comme étant «francophones», voire unilingues
francophones, selon les standards belges qui ne prennent en considération que
les territoires de résidence, non les locuteurs. En vertu de la législation
fédérale, seul le français jouit du statut de langue officielle en «Ancienne
Belgique»; c’est pourquoi seule cette langue est reconnue dans l’Administration,
les écoles et les tribunaux.
En vertu de la législation belge, est
germanophone uniquement une commune dont la langue officielle est l’allemand
standard, ainsi que tous ses habitants, qu’ils connaissent ou non l’allemand
standard. Il n’y a que neuf communes germanophones officielles (la région de
langue allemande reconnue par les lois coordonnées linguistiques de 1966)
parmi les 589 communes belges. La zone dialectale germanique est plus vaste
et comprend les trois zones dialectales décrites ci-avant, mais il ne s’agit
pas d’une zone «germanophone» au sens de ce mot en Belgique.
Pour bénéficier du
régime linguistique allemand (standard), il faut nécessairement habiter la
«Nouvelle Belgique» issue du traité de Versailles.
Ceux qui résident dans les communes dites malmédiennes ne
bénéficient que des «facilités limitées en allemand», alors que ceux qui
vivent dans les communes de l’«Ancienne Belgique» n’ont aucun droit reconnu,
puisqu’ils ne sont pas considérés comme «germanophones». Le législateur a dû
considérer que les «germanophones» de cette région ne parlaient pas une
«langue», mais seulement des «dialectes» germaniques (allemand
mosellan,
limbourgeois
et luxembourgeois). D’ailleurs, les locuteurs de ces «dialectes» n’identifient leur
langue ni au néerlandais ni à l’allemand, preuve de l’existence dans leur
esprit d’une langue distincte. Depuis que le grand-duché de Luxembourg a
reconnu en 1984 le luxembourgeois comme la «langue nationale» du
grand-duché, les défenseurs du
francique mosellan de la région d’Arlon, notamment par la voix de l’organisme
ALAS (Areler Land a Sprooch), ont bien tenté en vain de se faire
reconnaître des droits.
Ajoutons que les habitants
des communes de Plombières, Welkenraedt et Baelen pourraient éventuellement
recourir à un arrêté
royal dit «potentiel»
(article 13 des lois coordonnées linguistiques de 1966)
leur permettant de modifier leur statut d’unilinguisme en un statut de
bilinguisme ou de trilinguisme. Mais sa mise en application exigerait
l’adoption d’une loi par le Parlement belge. Jusqu’à ce jour, cette
potentialité ne s'est jamais matérialisée.
3 Données historiques
La présence d'une communauté
de plus de 100 000 locuteurs de
parlers germaniques autres que le néerlandais en Belgique s'explique évidemment par des événements historiques
qui ont modifié les frontières des États, sans toujours tenir compte des
langues parlées par les habitants.
3.1 Le Saint Empire romain germanique
|
En 648, Sigebert II, roi des
Francs, accorda la région ardennaise de Malmédy-Stavelot à Rémacle, évêque
de Maastricht (situé aujourd’hui dans la province de Limbourg aux Pays-Bas).
Celui-ci fonda un abbaye à Stavelot, qui devint la capitale d’une
principauté ecclésiastique dont
l’extrémité orientale était germanique. En 720,
l'évêché de Maastricht fut transféré à Liège. À la suite du traité de Verdun
en 843, Liège fit partie de la Francia media, future Lotharingie. En
925, la région de Liège, comme toute la Lotharingie, tomba sous l’autorité
des rois de Germanie, dont l’un d’eux, Otton Ier, reprit en 962 le titre
d’empereur romain de la nation germanique. Dès lors, et jusqu’à la fin de
l’Ancien Régime, Liège fit partie du Saint-Empire
romain germanique.
Toute cette région située à la limite des langues romanes et
germaniques fut le théâtre de conflits entre les grandes
puissances féodales de l’époque (Bourgogne, Flandre, France,
Pays-Bas, etc.). |
Jusqu’en 1794, le canton d’Eupen appartenait au
duché de Limbourg, entité féodale
créée en 1070 et composée d’une partie nord germanique (actuel canton
d’Eupen, et cantons d’Aubel et de Limbourg) et d’une partie sud wallonne
(actuel canton de Herve). Ce duché fut
administré depuis la bataille de
Worringen (1288) par les ducs de Brabant
qui y introduisirent comme langue écrite le «Bromesch» ou brabançon, une
langue germanique du Brabant, proche du «flamand». Le canton de Saint-Vith appartenait en grande partie au duché de
Luxembourg; seul le territoire de Manderfeld-Schönberg faisait partie de la
principauté épiscopale de Trèves. Tant au nord qu’au sud, les citoyens
parlaient des dialectes tels que le bas-francique, le francique rhénan et le
francique mosellan. Ils ne
connaissaient généralement aucune autre langue.
3.2 Entre la France, les Pays-Bas et la Prusse
|
En 1794,
la France révolutionnaire conquit les Pays-Bas autrichiens (y compris le
Limbourg et le Luxembourg), la principauté de Liège ainsi que la principauté
abbatiale de Stavelot-Malmédy. Le canton d’Eupen et le canton de Saint-Vith
furent annexés à la France, à l’exception du territoire de Manderfeld-Schönberg,
appartenant depuis 1789 au département de la Sarre. Sous le Consulat et
l’Empire, la région forma une partie du département de l’Ourthe (Décret
sur la réunion de la Belgique et du Pays de Liège à la France).
À la
suite de la défaite napoléonienne à Waterloo, le Congrès de Vienne attribua,
en 1815, ce département de
l’Ourthe aux Pays-Bas avec les autres province belges. Toutefois
la région de langue allemande actuelle fut exclue du rattachement
aux Pays-Bas
en suivant les limites des
cantons de Saint-Vith, Schleiden, Cronemboug, Malmedy, Eupen. Cette
situation fut confirmée lors du Traité de limites entre les Pays-Bas et
l'Autriche conclu à Vienne, le 31 mai 1815, comme devant être l’acte
final du Congrès de Vienne:
Dans l'ancien département de l'Ourthe, les cinq cantons de
St-Vith, Malmedy, Cronenbourg, Schleyden et Eupen, avec la pointe avancée du
canton d'Aubel, au midi d'Aix-la-Chapelle, appartiendront à la Prusse,
et la frontière suivra celle de ces cantons, de manière qu'une ligne tirée
du midi au nord coupera ladite pointe du canton d'Aubel et se prolongera
jusqu'au point de contact des trois anciens départements de l'Ourte, de la
Meuse-Inférieure et de la Roer.
|
La nouvelle
frontière fut délimitée le 26 juin 1816 lors du traité d’Aix-la-Chapelle
ratifié par le roi des Pays-Bas et le roi de Prusse.
|
Cependant, ce qui était relativement normal
à l’époque, le partage des territoires ne tint pas compte des données linguistiques de la
région. Ce traité séparait
artificiellement en deux nations différentes (la Prusse et les Pays-Bas) la
partie germanique de l’ancien duché de Limbourg (l’actuel canton d’Eupen se
retrouvait en Prusse, tandis que l’actuel canton d’Aubel et celui de
Limbourg se retrouvaient aux Pays Bas.
La région de Moresnet-Neutre
(dit «La Calamine», mais appelé la
«pointe du canton d’Aubel» dans le traité)
présente une curiosité: le territoire fut alors placé sous
double administration prusso-néerlandaise (depuis 1830 prusso-belge), car il
faisait l’objet de convoitises en vertu de ses riches gisements de calamine.
Jusqu’en 1914, Moresnet-Neutre, un territoire de 3,5 km², était une sorte de mini-État avec sa propre
monnaie et ses timbres (très recherchés par les collectionneurs!), mais co-administré
par la Prusse et les Pays-Bas (puis la Belgique après 1830). En 1846, la
population de Moresnet belge ne comptait que 516 habitants, et en 1960 on
dénombrait 1344 personnes à Moresnet, 4954 à Kelmis et 874 à Neu-Moresnet.
En ce qui concerne la langue: le dialecte local était le limbourgeois
oriental. C’était le «platt» en dialecte, le «Platdiets» en néerlandais
(bas-thiois).
3.3 Le grand-duché de Luxembourg
Un arrêté royal de 1818 fit ensuite passer une partie du
territoire (le canton de Vielsalm au
nord-est de la province de Luxembourg actuelle) du royaume des Pays-Bas-Unis
au grand-duché de Luxembourg, possession personnelle de Guillaume 1er
d'Orange-Nassau. En 1823, un arrêté grand-ducal fixa la composition des
communes au sud de Vielsalm: la commune de Beho (avec les villages de Commanster,
de Deiffelt, d'Ourthe et de Wathermal) — aujourd’hui
Gouvy — furent transférés au grand-duché de Luxembourg.
Après la
révolution Belge (1831), les grandes puissances de l’époque fixèrent
les limites du royaume et du grand-duché (qui resta attaché à la couronne des
Pays-Bas jusqu'en 1839). Le critère de la frontière avait été la conformité
des langues parlées: le luxembourgeois ou le wallon. En principe, la commune de Beho (très germanisée) aurait dû à l'époque rester dans le grand-duché, mais une
méconnaissance de la situation sur le terrain octroya le territoire à la
couronne des Pays-Bas. Il en résulta que le Luxembourg fut coupé d'une partie
de son territoire: la région d'Arlon et de Beho
(Gouvy) revint à la Belgique, tandis
que le reste du grand-duché resta entre les mains de Guillaume d'Orange. C'est
ce qui explique que les locuteurs de la région d'Arlon en Wallonie parlent
encore le luxembourgeois.
|
Après la défaite de Napoléon
à Waterloo, l’Empire fut démembré et la carte de l’Europe, remaniée; la
situation politique des Cantons de l’Est fut fondamentalement modifiée. Lors
du congrès de Vienne (1815), la Prusse obtint la Rhénanie ainsi que les
cantons d’Eupen, de Malmédy et de Saint-Vith, sans tenir compte des entités
linguistiques et culturelles. Ainsi, la commune romane de Malmédy s'est
retrouvée en Prusse.
La situation dans la région était la suivante: les
régions d’Eupen et de Malmédy appartenaient à la Prusse, tandis que
la région d’Arlon au sud (qui faisait partie du grand-duché de Luxembourg)
et les communes de la région de
Montzen-Welkenraedt (qui
faisaient partie de la province de Liège) relevaient du Royaume-Uni des
Pays-Bas (en
néerlandais: Koninkrijk der Nederlanden). |
|
Lors du traité
belgo-hollandais du 16 février 1839 et du Protocole de Londres du 19 avril
1839, la Belgique céda, en échange de la reconnaissance de son
indépendance par les Pays-Bas, le nord de l’ancien duché de Limbourg
(province de Limbourg néerlandais
actuel) et une partie du Luxembourg, mais la région d'Arlon fut séparée
du grand-duché.
Dès lors, les textes officiels ne furent plus traduits en
allemand. En matière administrative et judiciaire, le français devint
pratiquement la seule langue utilisée.
Les Flamands menèrent dès les années 1840
un combat pour la reconnaissance de leur langue et obtinrent petit à petit
des avancées, mais la langue allemande ne reçut pas d’équivalent.
L’enseignement de l’allemand fut néanmoins permis au
primaire. |
3.4 Le traité de Versailles de 1919
Coté prussien, le traité de Vienne avait
placé de son côté la partie wallonne du canton de Malmedy en Prusse avec
quelque 10 00 Wallons dans la région de Malmédy. Durant la Première Guerre
mondiale, l’occupation allemande du territoire eut pour effet de rendre
l’allemand l’unique langue officielle dans la région. Les habitants d’Eupen-Malmédy
furent enrôlés
en tant que citoyens allemands
pour l’armée du kaiser.
Le nombre de morts et de disparus s’éleva à 766 personnes pour
l’arrondissement d’Eupen et à 1082 pour l’arrondissement de Malmédy.
|
Après la Première Guerre mondiale, le traité de Versailles
(1919) imposa à l'Allemagne
de céder à la Belgique Moresnet-Neutre, les
arrondissements germanophones d'Eupen-Malmédy et de Saint-Vith (sans
oublier le territoire africain du Ruanda-Urundi, ancienne colonie allemande,
placé sous mandat belge pour
administrer le Burundi et le Rwanda).
Là aussi, dans le cas des cantons germanophones
d'Eupen-Malmédy et de Saint-Vith, on n’a pas tenu compte à l’époque de l'existence de la
population de langue allemande. Ce territoire est aujourd’hui appelé la
«Nouvelle Belgique» (Neubelgien).
Ce transfert qui, dans les fait, réunifiait
après 104 ans des populations qui avaient partagé, avant 1815, quelque 700 ans
d’histoire au sein des duchés de Limbourg et de Luxembourg fit l’objet d’un
simulacre de référendum pour être entériné par les vainqueurs de Versailles. Les
habitants des «cantons de l’Est» étaient invités à faire savoir par écrit s’ils
étaient opposés au transfert. Seuls quelques centaines de fonctionnaires
allemands firent la démarche.
Un décret belge du 30 septembre 1920 abolit toutes les
dispositions relatives à l’usage exclusif de l’allemand et mit à parité
le français et l’allemand comme langues co-officielles. Au cours des années
1920-1925, les anciens arrondissements furent placés sous le régime de
transition autoritaire du lieutenant-général Baltia, après avoir été
répartis en trois cantons judiciaires: Eupen, Malmédy et St Vith.
|
L’arrêté
royal du 4 octobre 1925 réglementa l’emploi des langues en matière
judiciaire et administrative et confirma les «facilités» existantes en ce qui
a trait à la langue allemande. En 1925-1926, des négociations secrètes entre
la Belgique et l’Allemagne eurent dans le but de rétrocéder le territoire d’Eupen-Malmédy
à l’Allemagne en échange de 200 millions de mark-or. Les négociations
échouèrent en raison de l’opposition farouche de la France.
La loi belge du 14 juillet 1932 prescrivit le néerlandais comme
langue officielle de la Flandre, le français comme langue officielle
de la Wallonie, l'allemand comme langue officielle de la région d'Eupen
et de Saint-Vith (région germanophone
– voir les détails). On peut consulter
également une autre carte en cliquant
ICI. Seule la ville de Bruxelles, enclavée en
territoire flamand, fut déclarée bilingue. Le français et le néerlandais
devinrent alors les langues co-officielles de l'État belge. La situation
resta stable jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
|
|
3.5 L'occupation nazie
|
Durant l'occupation nazie (1940-1944), bien documenté sur la région par un
espionnage intensif, le Troisième Reich annexa par l’arrêté du 18 mai 1940
tous les territoires belges où l’on parlait l’allemand. Les arrondissements
Eupen-Malmédy ainsi que l’«AltBelgien Nord» (région de Welkenraedt-Montzen)
furent simplement incorporés dans le Reich.
Les Allemands germanisèrent non
seulement la région d’Eupen et de Malmédy
(province
de Liège), mais
également la région d’Arlon, plus au sud (province
de Luxembourg). L’allemand devint l’unique langue officielle, mais
tous les territoires germanophones annexés furent restitués à la Belgique
après la guerre. Le ministre belge de l’Intérieur poussé en cela par les
populations de l’Alt-Belgien Nord et de l’Alt-Belgien Süd, ordonna alors une
«réassimilation aussi prompte que possible» des territoires récupérés, si
bien que la langue allemande perdit son statut officiel et disparut de
l’administration, des écoles, des tribunaux et même des églises.
En 1956, les accords de
septembre belgo-allemands furent signés. La République fédérale
d’Allemagne reconnut la nullité que constituait l’annexion en
1940 du territoire d’Eupen-Malmédy. Les deux pays convinrent d’une rectification frontalière,
d’un accord culturel belgo-allemand, ainsi que du versement de compensations
financières. L’accord culturel signé en 1958 posa les bases d’une période de
rapprochement et de coopération belgo-allemande. Ce nouveau climat de
détente entre les anciens adversaires de guerre profita à la population
germanophone de Belgique. Les réticences de l’État belge à reconnaître les
droits linguistiques et culturels ainsi que l’autonomie institutionnelle de
la Communauté germanophone finirent par s’estomper. |
3.6 Le nouveau régime
linguistique
Puis, la
Loi sur l'emploi des langues en
matière administrative coordonnée le 18 juillet 1966 instituait le régime linguistique tel qu'on
le connaît aujourd'hui. Les frontières de la «région de langue allemande»
furent précisées et des «communes à
statut spécial» pour les francophones et les germanophones (selon le cas)
furent prévues. Voici que ce prévoit l’article 5 concernant les communes faisant
partie de la région de langue allemande:
Article 5
La région de langue allemande comprend les communes de:
Eupen, Eynatten, Hauset, Hergenrath, Kettenis, La Calamine, Lontzen,
Neu-Moresnet, Raeren, Walhorn, Ambleve, Bullange, Butgenbach, Crombach,
Elsenborn, Heppenbach, Lommersweiler, Manderfeld, Meyerode, Recht, Reuland,
Rocherath, Saint-Vith, Schönberg et Thommen.
|
On constatera que la région d’Arlon au sud, une partie de l’«Ancienne
Belgique», ne fait pas partie de ce régime linguistique, puisque la loi confirme que le territoire de la «Nouvelle Belgique» constitue
la base
territoriale de la Communauté
germanophone. L'alinéa 1° de l'article
8 prévoit un régime de protection de la minorité de langue française
dans «les communes de la région de langue allemande» (arrondissement de
Verviers). À l’inverse, l'alinéa 2° détermine un
régime de facilités pour la minorité germanophone dans les «communes
malmédiennes»: Bellevaux-Ligneuville, Beverce, Faymonville, Malmédy,
Robertville et Waimes. On constate que la région d’Arlon au sud, constituant l’«Ancienne
Belgique», ne fait pas partie de ce régime linguistique (aucune protection).
3.7 La Communauté
germanophone
Lors des réformes de l’État belge entre 1968 et 1971, les
cantons d’Eupen et de Saint-Vith formèrent la région de langue allemande, tandis que la Communauté germanophone de Belgique fut instituée.
Comme on le sait, la
base territoriale de juridiction de la Communauté germanophone est située à
l’extrémité est de la Région wallonne dont elle fait juridiquement partie
pour les matières régionalisées, mais pas pour les matières communautaires.
Depuis 1980, le Parlement de la Communauté
germanophone jouit d’une compétence législative dans toutes les matières
relatives à la langue, à la culture et à l’enseignement. Le territoire de
la «Nouvelle-Belgique» est ainsi devenu l’une des trois communautés qui
constituent la Belgique fédérale.
Dans le cadre des spéculations
relatives à une éventuelle séparation de la Belgique
provoquée par la Flandre, se poserait inévitablement
la question de l’avenir de la Communauté
germanophone, voire de contrées proches. En effet,
si la Wallonie optait pour son indépendance suite à
un départ de la Flandre du giron belge, la
Communauté germanophone revendiquera une
quasi-autonomie, sinon l’indépendance. Si la
Wallonie optait pour un rattachement à la France,
quelle qu’en soit la forme, il est évident que ni la
Communauté germanophone ni même des contrées
voisines, ni probablement la province belge de
Luxembourg, ne voudront la suivre dans cette voie et
choisiraient plutôt une association à définir avec
le grand-duché de Luxembourg, aucune accointance
n’étant par ailleurs perceptible en Communauté
germanophone pour un rapprochement dans ce cas avec
l’Allemagne. Il faut, par ailleurs, ne pas oublier
que toutes ces contrées de l’est de la Belgique,
tant la Communauté germanophone que les régions
avoisinantes et la province belge de Luxembourg, se
montrent généralement parmi les plus résolues au
maintien de l’unité de la Belgique.
4 La politique linguistique
germanophone
La politique linguistique de la région de langue allemande est définie dans
la Loi sur l'emploi des langues en matière administrative du 18 juillet
1966 et dans quelques dispositions constitutionnelles prévues dans les versions
de 1970, 1980, 1989 et 1994. Comme pour la Communauté française et la
Communauté flamande, le gouvernement germanophone ne fait qu'appliquer les lois
belges, mais peut réglementer l'emploi des langues au plan local, notamment
dans l'enseignement. Quoi qu’il
en soit, la Communauté germanophone doit respecter la législation belge
concernant les communes à facilités prévues à l’intention des
francophones. En vertu de l’article 130 (révisée au 20/5/97) de la
Constitution, le Conseil de la Communauté germanophone règle par décret :
1° les matières culturelles;
2° les matières dites personnalisables;
3° l'enseignement dans les limites fixées par l'article 127, à l’exception:
a) de la fixation du début et de la fin de l'obligation scolaire; b) des
conditions minimales pour la délivrance des diplômes ; c) du régime des
pensions des enseignants;
4° la coopération entre les communautés, ainsi que la coopération internationale, y compris la conclusion de traités, pour les matières
visées aux 1°, 2° et 3° ;
5° l'emploi des langues pour l'enseignement
dans les établissements
créés, subventionnés ou reconnus par les pouvoirs publics.
La loi arrête les matières culturelles et personnalisables visées aux
paragraphes 1°
et 2°, ainsi que les formes de coopération visées au paragraphe 4° et le mode selon
lequel les traités sont conclus. Les décrets adoptés par le Parlement
germanophone ont force de loi dans la région de langue allemande.
4.1 Les langues de la législation
Les langues de la législation concernent le Parlement et le gouvernement
fédéral, la Communauté germanophone et la Région wallonne.
Jusqu'à récemment, les lois du
Parlement fédéral n'étaient rédigées
qu’en français et en néerlandais, mais elles le sont aujourd'hui en
trois langues; de plus, le Moniteur belge (le Journal officiel) publie, sans arrêt, les traductions
officielles des anciennes lois de la législation belge, mais c'est un travail de
très longue haleine. L’État
fédéral reconnaît le français, le néerlandais et l’allemand comme ses
trois langues officielles; la Constitution de 1994 est rédigée en ces trois
langues. Au Parlement fédéral, les représentants de la Communauté
germanophone (un député et un sénateur) doivent prendre la parole en
français ou en néerlandais. Théoriquement, ils pourraient se servir de leur
langue maternelle dans des cas exceptionnels; lorsque c’est le cas, leurs
interventions sont notées en allemand dans les Annales parlementaires.
Pour des raisons pratiques évidentes, les interventions en allemand demeurent
extrêmement limitées.
En ce qui a trait aux actes législatifs de la Communauté germanophone
et aux débats parlementaires, les 25 membres du Parlement local n'utilisent que
l'allemand; il en est de même pour l'Exécutif de la Communauté
germanophone de Belgique.
Au sein du
Parlement wallon dont fait partie la région linguistique
allemande dans les affaires régionales, les parlementaires germanophones
peuvent recourir à l’allemand dans leurs interventions. Leurs déclarations
sont alors traduites simultanément en français (loi du 5 août 1980). Tous
les décrets du Parlement wallon et les arrêtés du gouvernement wallon sont
systématiquement traduits en allemand et en néerlandais, et paraissent dans
ces langues au Moniteur belge, en même temps que la version
française. Ils peuvent être traduits en allemand, sinon ils ne sont rédigés
qu’en français.
4.2 Les services publics
Conformément à l’article 11 (par. 2) de la
Loi sur l'emploi des
langues en matière administrative du 18 juillet 1966, les communications
des pouvoirs publics avec les citoyens doivent être en allemand et en
français:
Article 11
Dans les communes de la région de langue allemande les avis,
communications et formulaires destinés au public sont rédigés en allemand
et en français.
|
L’article 12 de la même loi précise les modalités suivantes:
Article 12
Tout service local établi dans la région de langue française, de
langue néerlandaise ou de langue allemande utilise exclusivement la langue
de sa région dans ses rapports avec les particuliers, sans préjudice de la
faculté qui lui est laissée de répondre aux particuliers résidant dans
une autre région linguistique dans la langue dont les intéressés font
usage.
Toutefois, il est toujours répondu dans la langue utilisée par le
particulier, quand celui-ci s'adresse en français ou en allemand à un
service établi dans une commune malmédienne ou dans une commune de la
région de langue allemande.
|
Toute l'administration dépendant de la juridiction de la Communauté
germanophone fonctionne en allemand. Pour les services publics tels les
services de santé, les services sociaux, la police, le téléphone, etc., bien
que les usagers aient généralement le choix entre le français et l’allemand,
c’est cette dernière langue qui reste massivement employée.
Dans la correspondance écrite avec les germanophones, l'administration
fédérale de Bruxelles utilise l'allemand si le particulier en fait usage.
Des formulaires rédigés en allemand (ou bilingues français-allemand) sont
toujours à la disposition du public d'expression allemande. Les avis et
communications destinés au public de la région de langue allemande se font
uniquement en allemand. Mais en ce qui concerne les communications orales,
certains germanophones jugent la situation insatisfaisante, car de nombreux
fonctionnaires de l'État central, en poste dans la région de langue allemande,
n'ont qu'une connaissance approximative de l'allemand. Par ailleurs, il existe des unités unilingues allemandes dans l'armée belge.
Pour ce qui est des affaires de la Région wallonne
(dont,
rappelons-le, les
germanophones font partie), les services sont en français dans la région de
langue française et en allemand dans la région de langue allemande (ou ils
sont bilingues).
Enfin, l’article 15 de la Loi sur l'emploi des langues en matière
administrative du 18 juillet 1966 prévoit les modalités concernant les
qualités linguistiques exigées à ceux qui postulent un emploi dans les
services publics de la région de langue allemande:
Article 15
Dans les services locaux établis dans les régions de langue française,
de langue néerlandaise ou de langue allemande, nul ne peut être
nommé ou promu à une fonction ou à un emploi s'il ne connaît la langue
de la région.
Les examens d'admission et de promotion ont lieu dans la même langue.
Le candidat n'est admis à l'examen que s'il résulte des diplômes ou
certificats d'études requis qu'il a suivi l'enseignement dans la langue
susmentionnée. À défaut d'un tel diplôme ou certificat, la connaissance
de la langue doit au préalable être prouvée par un examen.
Si la fonction ou l'emploi est conféré sans examen d'admission,
l'aptitude linguistique requise est établie au moyen des preuves que
l'alinéa 3 prescrit à cet effet.
|
En somme, dans la région de langue
allemande, la connaissance de l’allemand constitue une condition implicite
de recrutement pour la plupart des emplois. Pour les désignations et
promotions dans les administrations locales de la Communauté germanophone,
le principe qui prévaut est que personne ne peut être désigné ou promu à une
fonction ou à un poste s'il ne connaît pas l'allemand. Et les examens en vue
d'un recrutement ou d'une promotion se déroulent en allemand.
4.3 Les matières judiciaires
Les germanophones ont le droit utiliser l'allemand dans les tribunaux, y
compris dans les cours d'appel hors de la région de langue allemande.
Généralement, les services d’interprète allemand-français ne sont pas
nécessaires, puisque l’audience se déroule dans la langue choisie par les
parties. Depuis 1988, une nouvelle loi a permis la création d’un
arrondissement judiciaire à Eupen. Si un justiciable résidant hors de la
région germanophone demande que la procédure soit en allemand, il est alors
renvoyé à l’arrondissement judiciaire d’Eupen.
Cependant, plusieurs germanophones restent pourtant insatisfaits. Dans
certains cas, il leur est difficile, voire impossible, d'obtenir un procès en
allemand en dehors de la région de langue allemande; c'est notamment le cas
dans les communes de Verviers et de Malmédy. Lorsqu’une personne souhaite
être entendue en allemand, le tribunal fait appel aux services d’un
interprète. La Cour de cassation est la seule instance judiciaire devant
laquelle la procédure ne peut se dérouler en allemand : elle est soit en
français soit en néerlandais.
4.4 L’enseignement
C’est principalement la
Loi sur
l'emploi des langues en matière administrative du 18 juillet 1966, qui
constitue l’assise juridique du système ainsi que la loi sur l’emploi des
langues dans l’enseignement. Chaque écolier passe par l’école maternelle,
par l’école primaire et termine enfin par l’école secondaire. En cas de
besoin, une orientation vers l’enseignement spécialisé est possible à l’âge
préscolaire. Dès la troisième année dans l’enseignement secondaire, les
élèves peuvent choisir entre la formation générale, technique ou
professionnelle. Pour obtenir le certificat d’enseignement secondaire dans
l’enseignement professionnel, il faut accomplir une septième année. Des
doubles formations professionnelles sont organisées pour les jeunes soumis à
l’enseignement obligatoire à partir de 15 ou 16 ans.
Dans toute la «Nouvelle Belgique»,
c'est-à-dire le canton d’Eupen et le canton de Saint-Vith, l’allemand
est la langue d’enseignement obligatoire, sauf pour les cinq écoles
francophones (primaires) de la région pour lesquelles la loi belge a prévu
des «facilités». Les germanophones disposent donc de leurs écoles en allemand,
de la maternelle à la fin du secondaire. À partir de la troisième année du
primaire, selon les conditions fixées par le Conseil de la Communauté
germanophone, il est possible de dispenser une partie des cours en français
dans les écoles primaires, secondaires et supérieures. Pour ce qui est du
matériel didactique, la plus grande partie provient de la République
fédérale d'Allemagne. Seuls les outils pédagogiques pour les cours de
langues étrangères et pour des matières se rapportant spécifiquement à la
Belgique font exception à la règle.
Dans certaines communes, les enfants germanophones peuvent recevoir un enseignement dans l’une
des autres langues officielles si 16 parents (ou huit chefs de famille) en font
la demande. Présentement, plus de 88 % des enfants germanophones du primaire suivent
leurs cours en allemand. L'enseignement du français comme langue seconde est
obligatoire dès la 5e année du primaire.
L'article 4 du
Décret du 19 avril 2004
relatif à la transmission des connaissances linguistiques et à
l'emploi des langues dans l'enseignement
énumère ce qui suit au sujet des langues d'enseignement:
Article 4
Détermination de la langue de
l'enseignement
§ 1er.
L'allemand est la langue de l'enseignement.
Des activités et matières peuvent être dispensées dans une autre langue
aux conditions énoncées au § 2.
§ 2 - Dans l'enseignement préscolaire
et en application du § 1er, des activités sont dispensées dans la première
langue étrangère dans les limites fixées à l'article 6, § 1er.
Dans l'enseignement primaire ordinaire et
en application du § 1er, des activités autres que le cours de première
langue étrangère peuvent être dispensées dans cette langue dans les
branches " activités psychomotrices ", " éducation sportive ", "
éducation artistique " et " travaux manuels ".
Dans l'enseignement secondaire
ordinaire et en application du § 1er, d'autres cours que le
cours de français
peuvent être dispensés dans cette langue
dans les limites fixées à l'article 6, § 3, alinéa 5. En sont exclus les
cours de langues modernes.
La faculté de pouvoir dispenser des cours
dans la première langue étrangère, prévue aux alinéas 1er à 3, ne peut
entraîner la mise en disponibilité de membres du personnel par défaut
d'emploi.
(§ 3. Dans l'enseignement supérieur,
par dérogation au § 1, les chargés de cours invités mentionnés à l'article
6.7, § 2, du décret du 27 juin 2005 portant création d'une haute école
autonome peuvent, moyennant l'accord du pouvoir organisateur, dispenser
leurs cours dans une autre langue que l'allemand.)
|
L'article 5 du même décret impose le français comme langue
étrangère obligatoire:
Article 5
Détermination des langues étrangères
§ 1er. Dans l'enseignement
fondamental, le français est la première et unique langue étrangère.
Par dérogation au premier alinéa, l'allemand
est la première langue étrangère dans les écoles ou sections fondamentales
francophones et néerlandophones.
En section maternelle, les activités en
langue étrangère se déroulent exclusivement dans la première langue
étrangère.
§ 2 - Dans l'enseignement secondaire,
le français est la première langue étrangère. Selon la forme
d'enseignement et le degré, d'autres langues étrangères peuvent être
enseignées dans l'enseignement secondaire ordinaire, déterminées par le
pouvoir organisateur dans le cadre du programme des études.
§ 3 - Dans l'enseignement supérieur,
le français est la première langue étrangère. Selon le type d'études,
d'autres langues étrangères peuvent être enseignées, déterminées par le
pouvoir organisateur dans le cadre du programme des études.
§ 4 - Dans la formation scolaire
continuée, différents cours de langues peuvent être proposés, déterminés
par le pouvoir organisateur dans le cadre du programme des études.
|
On sait que, depuis plusieurs décennies, les enfants
d'immigrants sont de plus en plus nombreux dans les écoles. Dans le but de
faciliter la mise en pratique du droit fondamental à l’éducation, la Communauté
germanophone a adopté des dispositions spécifiques afin d’adapter l’enseignement
aux besoins spécifiques des élèves mineurs étrangers appelés en Belgique
«primo-arrivants», en leur donnant les moyens de s’intégrer dans un système
scolaire qui leur est étranger et qui est, bien souvent, donné dans une langue
qui leur est étrangère.
L'objectif est l’apprentissage intensif de la langue
allemande et une remise à niveau adaptée pour que l’élève rejoigne le plus
rapidement possible le niveau d’études approprié. En général, sa formation
sera complétée par des cours favorisant l’accès à la culture belge et à son
intégration dans la société d'accueil. Il s'agit de proposer un
accompagnement scolaire et pédagogique adapté aux profils d'apprentissage
des élèves primo-arrivants, notamment les difficultés liées à la langue de
scolarisation et à la culture scolaire.
L'article 31 du
Décret visant la scolarisation
des élèves primo-arrivants (2017) prévoit des classes
d'apprentissage linguistique dans les écoles secondaires ordinaires pour les
élèves primo-arrivants dans la région regroupant les municipalités
suivantes: Eupen, La Calamine, Lontzen, Raeren, Amblève, Bullange, Burg-Reuland,
Butgenbach et Saint-Vith.
Article 31
Dans la même section, il est inséré un
article 93.81 rédigé comme suit :
« Art. 93.81 - Organisation des classes
d'apprentissage linguistique dans les écoles secondaires ordinaires
Dans l'enseignement secondaire ordinaire
est organisée ou subventionnée une classe d'apprentissage linguistique pour
les élèves primo-arrivants dans la région regroupant les communes d'Eupen,
La Calamine, Lontzen et Raeren, d'une part, et dans la région regroupant les
communes d'Amblève, Bullange, Burg-Reuland, Butgenbach et Saint-Vith,
d'autre part.
Pour ce faire, 30 heures sont à chaque
fois mises à disposition lorsqu'il y a jusqu'à douze élèves primo-arrivants.
S'il y a plus de douze élèves primo-arrivants
régulièrement inscrits dans une classe d'apprentissage linguistique, des
heures supplémentaires sont accordées selon les normes ci-dessous :
1° de 13 à 15 élèves
primo-arrivants : 15 heures supplémentaires;
2° de 16 à 24 élèves primo-arrivants : 15 heures supplémentaires;
3° de 25 à 27 élèves primo-arrivants : 15 heures supplémentaires;
4° de 28 à 36 élèves primo-arrivants : 15 heures supplémentaires;
5° 15 heures supplémentaires par tranche de six élèves primo-arrivants à
partir du 37e.
Ces classes d'apprentissage linguistique
supplémentaires sont organisées dans d'autres écoles secondaires ordinaires
en accord avec les pouvoirs organisateurs.
C'est l'école secondaire ordinaire où sont
inscrits les élèves primo-arrivants qui obtient le capital emplois ou
capital périodes pour les chefs d'établissement, la coordination, les
projets ainsi que les éducateurs.
C'est l'école secondaire ordinaire où les élèves primo-arrivants sont
inscrits qui reçoit les moyens pour la réduction des frais scolaires.
C'est l'école secondaire ordinaire où les
élèves primo-arrivants sont inscrits qui reçoit les moyens financiers pour
les objectifs pédagogiques et les dotations ou subventions de
fonctionnement. Dès que les normes
sont atteintes, le pouvoir organisateur peut demander le capital périodes à
n'importe quel moment de l'année scolaire. Il vaut chaque fois pour l'année
scolaire en cours et jusqu'au 30 septembre de l'année scolaire suivante. »
|
4.5 L’affichage public et commercial
La Communauté germanophone
fait partie de la Région wallonne (all. "Wallonische Region"), ce qui peut impliquer un certain
bilinguisme franco-allemand pour le gouvernement de ladite région.
Cependant, tous les inscriptions de la Communauté germanophone (all. "Deutschsprachigen Gemeinschaft"),
appelée aussi depuis 1974
Ostbelgien
(«Belgique orientale») se
font uniquement en allemand. Celles du gouvernement fédéral peuvent être en
allemand ou rarement dans les trois langues officielles.
|
Pour
ce qui est des municipalités, les inscriptions ont tendance à apparaître en
allemand, conformément à l'unilinguisme territorial belge, mais quelques
municipalités peuvent recourir au bilinguisme allemand-français; l'odonymie (les noms de
rue) et la toponymie (les noms de lieu) sont généralement uniquement l'allemand,
de même que la signalisation routière. Contrairement aux régions flamande et
wallonne, les indications toponymiques des villes françaises ou néerlandaises
ne sont pas traduites; elles ne portent donc qu'un nom français, néerlandais
ou allemand.
En ce qui concerne les commerces privés, l'unilinguisme allemand est la
règle générale même si l'affichage commercial n'est soumis à aucune
réglementation. On peut relever des cas d'unilinguisme français (environ 10 %,
selon les localités), parfois de bilinguisme allemand-français ou
français-allemand.
|
De façon générale, l'unilinguisme
allemand (rarement en français) demeure plus fréquent que le
bilinguisme.
4.6 Les médias
La communauté germanophone de Belgique dispose d'une station de radio
publique officielle, la BRF ou Belgischer Rundfunk der Deutschsprachigen
Gemeinschaft (Radio-télévision belge de langue allemande), qui diffuse des
programmes entièrement en allemand 16 heures par jour qui peuvent être captés
par une audience potentielle d'un million de germanophones. Il existe aussi neuf
stations de radio privées officiellement reconnues et auxquelles des
fréquences sont attribuées par le gouvernement de la Communauté germanophone,
notamment le Ministerium der Deutschsprachigen Gemeinschaft (ministère de
la Communauté germanophone). Elles
diffusent essentiellement en allemand, jusqu'à 24 heures par jour, sur
différentes ondes dans certaines localités et régions. Quant à la Radio-Télévision belge (RTB), elle produit des émissions quotidiennes en allemand,
mais la radiotélévision locale, BRF, ne diffuse qu’en allemand.
Il existe aussi un quotidien en allemand, le Grenz-Echo, qui traite des
nouvelles internationales et régionales, des problèmes d'actualité et de la
culture régionale; il tire à environ 13 500 exemplaires. Les germanophones
peuvent compter aussi sur plusieurs hebdomadaires et mensuels tels que Der
Wochenspiegel, Der Bauer, Zwischen Venn
und Schneifel, etc. Par ailleurs, les hebdomadaires en langue allemande
publiés en Allemagne sont disponibles partout. Les germanophones disposent de
leur propre maison d’édition – une douzaine de volumes sont publiés par
année – qui publie aussi le magazine mensuel Der Kontakt.