République d'Estonie
 
(2) La politique de valorisation
de la langue officielle

(l'estonien)

1 Avant l’indépendance (1991)  

Alors qu’elle constituait une république socialiste soviétique, l’Estonie avait adopté, le 13 avril 1978, une constitution qui a été modifiée par la suite le 7 décembre 1988. La politique linguistique de l’Estonie soviétique était tout axée sur l’égalité des droits linguistiques de tous les citoyens, notamment les russophones, et sur le développement harmonieux de toutes les nations et les ethnies de l’URSS. C’est ainsi qu’on pouvait lire à l’article 34:
 

Article 34 (1978)

1) Les citoyens de la République socialiste soviétique d’Estonie de races et de nationalités différentes jouissent de droits égaux.   

2) L'exercice de ces droits est garanti par la politique de développement harmonieux et de rapprochement de toutes les nations et ethnies de l'URSS, par l'éducation des citoyens dans l'esprit du patriotisme soviétique et de l'internationalisme socialiste, par la possibilité d'utiliser sa langue maternelle et la langue des autres peuples de l'URSS.   

3) Toute restriction directe ou indirecte des droits, tout établissement de privilèges directs ou indirects pour les citoyens en raison de la race ou de la nationalité, de même que toute propagande d'exclusivisme racial ou national, de haine ou de mépris sont punis par la loi.

L'égalité entre tous les peuples était affirmée solennellement afin de favoriser les Russes partout minoritaires, sauf en Russie occidentale. À cette époque révolue, la vie était plus facile pour un russophone en Estonie. En effet, les russophones bénéficiaient de tous les avantages d’une majorité fonctionnelle qui n'avait pas besoin d’être bilingue, car ils détenaient les clés de la domination économique, sociale, culturelle, etc. De plus, la Loi de la République socialiste soviétique d'Estonie sur la langue de 1989 (aujourd'hui abrogée) protégeait les russophones de façon telle que le pays était, dans les faits, bilingue. Ainsi, on pouvait ire à l'article 2 de cette même loi:
 

Article 2

1) Dans le territoire de la RSS d'Estonie, tout particulier a le droit d'utiliser l'estonien pour régler ses affaires et pour communiquer avec toutes les institutions du pouvoir politique et de l'administration publique, de même qu'avec les institutions, les entreprises et les organisations de la RSS d'Estonie.

2) La présente disposition s'étend aussi aux institutions du pouvoir politique et de l'administration publique, ainsi qu'aux institutions, entreprises et organisations qui gèrent leurs affaires en d'autres langues.

Article 3

1)
Il est aussi garanti à toute personne la possibilité d'utiliser la langue russe pour régler ses affaires et pour communiquer avec les institutions du pouvoir politique et avec l'administration publique, ainsi qu'avec les institutions, entreprises et organisations de la RSS d'Estonie.

2) Le règlement des affaires en d'autres langues avec des particuliers se fait en tenant compte des possibilités et du but de l'activité.

Évidemment, la Constitution de l’Estonie soviétique devait voler en éclats au moment de l’indépendance, et ce, d’autant plus que ce même texte avait été adopté à peu près dans les mêmes termes par toutes les anciennes républiques de l’URRS. Il s’agissait d’une "égalité forcée" destinée à avantager les Russes de toutes les républiques soviétiques.  

Sous le régime soviétique, les Russes avaient des facilités de logement et de meilleurs salaires dans l'industrie; leur langue et leur culture reléguaient les Estoniens de souche à une position secondaire. De plus, l'Estonie, comme dans les autres républiques baltes, abritait de grandes bases militaires, dont le personnel russe était privilégié; ces bases militaires devinrent même des lieux de prédilection pour de nombreux officiers de l'armée soviétique lorsque sonnait l'heure de la retraite.

2 Le statut de l'estonien comme langue officielle  

Au lendemain de l’indépendance, l’Estonie a adopté une nouvelle constitution (en juin 1992) et, en février 1995, une nouvelle loi sur la langue abrogeant la Loi sur la langue de la République socialiste soviétique d’Estonie de 1989. Compte tenu des préjudices subis par la langue estonienne durant le régime soviétique, c’est-à-dire que l'emploi de l’estonien dans la vie de l'État et de la société avait considérablement diminué, il apparaissait indispensable que des mesures particulières soient prises pour protéger la langue nationale estonienne. Cette protection passait non seulement par l’officialisation de la langue estonienne, mais aussi par sa valorisation, c’est-à-dire sa généralisation dans tous les domaines de la vie de l'État et de la société, de même que son enseignement. C’est pourquoi la république d’Estonie a beaucoup légiféré en matière de langue et elle a choisi une politique globale équivalant à un ambitieux projet de société.  

La proclamation du caractère officiel de la langue estonienne est décrite dans deux documents juridiques principaux: la Constitution de 1992 et la Loi sur la langue promulguée le 6 mars 1995; cette loi fut souvent modifiée. La dernière modification importante date du 8 février 2007 et une nouvelle version de la Loi sur la langue (voir le texte) entrait en vigueur le 1er mars 2007. Toutefois, le 23 février 2011, le Parlement estonien a adopté une autre version renouvelée de la Loi sur la langue, dont le but (comme c’était le cas pour les versions précédentes et ses multiples modifications) est «de développer, de préserver et de protéger la langue estonienne, et d'assurer l'usage de l'estonien comme principale langue de communication dans tous les domaines de la vie publique» (chap. I, art. 1). Cette nouvelle loi énonce, elle aussi, que «la langue officielle de l’Estonie est l’estonien» (chap. II, art. 3).

L’article 6 de la Constitution de 1992 proclame que l’estonien est la langue officielle de l’Estonie: «La langue officielle de l'Estonie est l'estonien». L’article 1er (paragr. 1) de la Loi sur la langue (2011) fait de même:  «La langue officielle de l'Estonie est l'estonien». L’article 52 (paragr. 1) de la Constitution reprend les dispositions de l’article 1er en mentionnant à la fois l’État et les collectivités locales: «La langue officielle de l’État et des collectivités locales est l’estonien.» La Loi sur la langue (2011) va plus loin en précisant à l’article 5 que toute autre langue que l’estonien est tenue comme une «langue étrangère» :

Article 5

Langue étrangère et langue des minorités nationales

1) Toute autre langue que l'estonien et la langue des signes estonienne est une langue étrangère.

2) Une langue d'une minorité nationale est une langue étrangère que les citoyens estoniens appartenant à une minorité nationale ont historiquement utilisée comme leur langue maternelle en Estonie.

3) Pour les fins de la présente loi, toute personne appartenant à une minorité nationale est un citoyen estonien ayant des liens solides et durables à long terme avec l'Estonie et qui se différencie des Estoniens par la maîtrise de la langue.

On doit comprendre que, au sens de la loi, la langue d’une minorité nationale est une «langue étrangère». Ainsi, le russe, l’ukrainien le biélorusse, le finnois, le tatar, le letton et le lituanien constituent en Estonie des langues étrangères, ce qui n'est pas le cas pour la langue des signes estonienne.

3 La langue de la législature  

Aucun texte juridique ne traitait spécifiquement de la langue de la législature (ou Parlement) jusqu'en 1994. C’est donc à partir des prescriptions de l’article 6 de la Constitution («La langue officielle de l’Estonie est l’estonien.») et la Loi sur la langue de 1995 qu’on pouvait décrire la situation. Étant donné que la langue officielle de l’État est l’estonien et que cette langue constitue une exigence incontournable pour occuper une fonction officielle au sein de l’État dont celle de député, étant donné que toute autre langue que l’estonien est considérée comme une langue étrangère, on peut donc en conclure que seul l’estonien est admis au Parlement (appelé officiellement le Riigikogu). Puis la Loi sur les règles de procédure du Riigikogu et des règlements internes (2003) est venue préciser la procédure à ce sujet :
 

Article 158

Langue de travail

(1)
La langue de travail du Riigikogu est
l'estonien.

(2) Tout projet de loi, toute interrogation et tout autre document doivent être présentés en estonien.

(3) Les rapports et les commentaires doivent être présentés en estonien, les questions et les réponses, aussi dans cette langue.

Autrement dit, les russophones qui siègent au Parlement doivent apprendre l'estonien. Soulignons que, selon la Loi électorale (2002), seuls les citoyens estoniens munis d’un diplôme officiel d’une école attestant leur maîtrise de l’estonien peuvent être candidats aux élections, que ce soit comme député, comme maire ou conseiller municipal. L'article 3 prescrit qu'un membre du Riigikogu estonien doive maîtriser la communication orale et écrite en estonien afin de lui permettre de prendre part aux travaux parlementaires :
 

Article 3

Prescriptions linguistiques

Tout membre du Riigikogu estonien doit maîtriser la communication orale et écrite lui permettant de prendre part aux travaux du Riigikogu, ce qui signifie:

1) comprendre le contenu de la législation et des autres textes;

2) faire des déclarations sur les questions du jour et d'exprimer leur opinion sous la forme de discours d'expression et de porte-parole;

3) faire enquête, poser des questions et faire des suggestions;

4) communiquer avec les électeurs pour répondre aux appels des déclarations et aux demandes de renseignements.

Cela signifie que les députés parlant une autre langue que l’estonien – les députés russophones, pour ne pas les nommer – doivent nécessairement utiliser l’estonien au Riigikogu, car les lois ne sont rédigées et promulguées que dans cette langue. Toutefois, plusieurs lois sont traduites en russe et en anglais, mais ces textes constituent des versions «non officielles».  

L’article 21 de la Loi sur la langue (2011)  traite spécifiquement de l’usage du mot Riigikogu comme dénomination officielle de l’Assemblée législative:
 

Article 21

Emploi du nom de l'Assemblée législative estonienne

1) Le mot "Riigikogu", en tant que dénomination de l'Assemblée législative estonienne, n'est pas assujetti à la traduction. Et il est transcrit dans des langues étrangères qui utilisent l'alphabet latin de façon identique à l'estonien et dans les langues qui utilisent d'autres alphabets il est écrit en conformité avec les règles de transcription établie sur la base de la Loi sur les noms.

2) Au lieu du mot "Riigikogu" comme dénomination de l'Assemblée législative estonienne, le mot «parlement» peut être utilisé en estonien et dans les langues étrangères.

En réalité, ces dispositions peu habituelles sur la dénomination d’un parlement sont destinées à obliger les citoyens estoniens parlant une «langue étrangère» (par exemple, le russe) à utiliser la terminologie officielle, soit le Riigikogu, plutôt que la Douma (Russie), le Saeima (Lettonie) ou le Seimas (Lituanie), ou encore «Parliament» (en anglais). En français, le terme de «parlement» est généralement préféré. De toute façon, la loi ne peut s'appliquer hors de l'Estonie. 

4 L'emploi de l'estonien en matière de justice

Du fait que l'estonien soit la langue officielle, il doit être employé dans tous les tribunaux du pays. L'article 21 de la Constitution traite partiellement de cette question en déclarant que «quiconque est privé de sa liberté sera informé immédiatement, et dans une langue qu'il comprend, du motif de son arrestation et ses droits lui donneront l'occasion d'aviser sa famille de l'arrestation»:

Article 21

1)
Quiconque est privé de sa liberté sera informé immédiatement, et
dans une langue qu'il comprend, du motif de son arrestation et ses droits lui donneront l'occasion d'aviser sa famille de l'arrestation. Il sera également accordé sur-le-champ au contrevenant soupçonné l'occasion de choisir un conseiller juridique et de conférer avec lui. Le droit d'un contrevenant soupçonné pour aviser sa famille de l'arrestation peut seulement être limité dans tels cas(affaires) et procédures comme déterminé conformément à la loi, pour le but d'empêcher un acte criminel ou dans l'intérêt d'établir des faits dans une enquête criminelle.

2) On ne peut mettre aux arrêts personne pour plus de quarante huit heures sans permission spécifique par une cour. Une telle décision sera promptement faite connue à la personne en détention préventive,
en une telle langue et la façon qu'il ou elle comprend.

Si la Loi sur la langue de 2011 ne fait aucune allusion de la langue des tribunaux, la Loi sur la langue de 2007 ne fait qu'une mention de la langue employée à l'article 3.3 qui énonce que «l'emploi des langues au cours d'une enquête préliminaire et dans la procédure judiciaire est fixé par des lois correspondantes».
 
4.1 Le Code de procédure civile
 
En matière civile, la loi régit normalement le statut des personnes et des biens, ainsi que les relations privées entre les citoyens. En France et dans plusieurs psys francophones, il s'agit souvent du «Code Napoléon», qui fut promulgué en 1804 par Napoléon Bonaparte. L'article 7 du Code de procédure civile (1998), tout en déclarant que «la langue de procédure civile est l'estonien», autorise l'emploi d'une autre langue «si le tribunal et les parties à l'instance connaissent cette langue»: 
 

Article 7

Langue de la procédure et présentation des requêtes

1)
La langue de la procédure civile est l'estonien. Avec le consentement de la cour et des parties dans une procédure, celle-ci la procédure peut se dérouler
dans une autre langue si le tribunal et les parties à l'instance connaissent cette langue.

2) Toute partie à une instance et toute autre personne qui ne comprend pas la langue de la procédure ont le droit de présenter des requêtes, des déclarations et des témoignages, de comparaître en justice et de présenter des requêtes au moyen d'un interprète ou d'un traducteur dans leur langue maternelle ou dans une langue qu'elle connaît.

Mais la version de 2005 du Code de procédure civile traite avec précision de la langue des tribunaux:
 

Article 32

Langue de travail des tribunaux

1) La langue de la procédure judiciaire et de la cour est l'estonien.

2) Les procès-verbaux et les autres actes de procédure doivent être rédigés en estonien. Un tribunal peut également enregistrer une déposition ou une déclaration transmise dans une audience de la cour dans une langue étrangère au procès-verbal dans la langue dans laquelle elle a été prononcée en plus de la traduction en estonien si cela est nécessaire pour une présentation exacte de la déposition ou de la déclaration.

C'est très clair: la langue de travail des tribunaux est l'estonien. Selon l'article 33, lorsqu'un document est présenté dans une langue étrangère, il faut le faire traduire:
 

Article 33

Documents en langue étrangère dans une procédure judiciaire

1) Si une pétition, une requête, une objection ou un appel présenté au tribunal par un participant à une procédure n'est pas fait en estonien, le tribunal exige que la personne qui présente ces documents fournisse une traduction en estonien à la date fixée. Si une preuve documentaire présentée au tribunal par un participant à une procédure n'est pas en estonien, le tribunal exige que la personne qui présente ces documents fournisse une traduction en estonien à la date fixée, à moins que la traduction de la preuve ne soit déraisonnable, compte tenu de son contenu ou de sa taille et des autres participants à la procédure qui ne s'opposeraient pas à accepter la preuve dans une autre langue.

En vertu de l'article 441 du Code de procédure civile (2005), le juge doit rendre sa sentence en estonien :
 

Article 441

Préparation de la sentence

1) Le tribunal prépare la sentence par voie électronique en estonien et la signe avec la signature numérique du juge qui a rendu le jugement. Le tribunal enregistre rapidement la sentence dans le système d'information des tribunaux.

Cependant, les parties à une procédure d'arbitrage peuvent convenir d'une autre langue s'il y a accord entre elles :
 

Article 734

Langue de la procédure

1) Les parties peuvent convenir de la langue de la procédure d'arbitrage. En l'absence d'accord, la langue de l'instance est décidée par le tribunal arbitral.

2) Sauf par une disposition contraire des parties ou d'une décision d'un tribunal arbitral, les pétitions des parties, la décision du tribunal arbitral et les autres avis du tribunal arbitral doivent être présentés dans la langue convenue ou prescrite, ainsi que les sessions du tribunal arbitral.

3) Un tribunal arbitral peut exiger la remise de certificats écrits accompagnés d'une traduction dans la langue convenue entre les parties ou prescrite par le tribunal arbitral.

On peut penser que ce peut être le cas dans les causes qui se déroulent surtout dans le nord du pays, avec le russe.

4.2 Le Code de procédure pénale

Dans les tribunaux de type pénal ou criminel, les textes juridiques définissent les infractions et les sanctions applicables. Généralement, la procédure pénale décrit les interventions des autorités de l'État (police et justice) depuis le dépôt de plainte, la dénonciation ou la constatation d'une infraction jusqu'à la décision définitive de la justice. En Estonie, l'emploi des langues ne diffère pas  tant en droit civil qu'en droit criminel. Ainsi, l'article 10 du Code de procédure pénale (2003) prescrit l'estonien comme langue de la procédure pénale, à moins qu'il y ait accord entre les parties pour employer une autre langue :

Article 10

Langue de procédure pénale

1) La langue de procédure pénale est l'estonien. Avec le consentement de l'instance chargée de la procédure pénale, les participants à la procédure et les parties à la procédure judiciaire, la procédure pénale peut se dérouler dans une autre langue si l'organisme, les participants et les parties maîtrisent cette langue.

2) Les suspects, les accusés, les victimes, les défendeurs civils et les tiers qui ne maîtrisent pas la langue estonienne doivent avoir le secours d'un interprète ou d'un traducteur. En cas de doute, l'instance chargée de la procédure détermine la maîtrise de la langue estonienne. S'il est impossible de déterminer la maîtrise de l'estonien ou si celle-ci s'avère insuffisante, le recours à un interprète ou à un traducteur doit être assuré.

2.1) Si un suspect ou un accusé ne maîtrise pas l'estonien, il lui est assuré de recevoir l'aide d'un interprète ou d'un traducteur à sa demande ou à la demande de son conseil lors de la réunion avec l'avocat qui est directement lié à l’acte de procédure effectué à l'égard du suspect ou de l’accusé, de la demande ou de la plainte déposée. Si l’organisme chargé de la cause estime que le recours d’un interprète ou d'un traducteur n’est pas nécessaire, l'organisme doit officialiser le refus par une décision.

3) Tous les documents qui doivent faire partie d'un dossier pénal et judiciaire doivent être en estonien ou traduits en estonien. Les documents rédigés dans d'autres langues par des organismes d'enquête et des bureaux des procureurs dans le cadre d'une procédure pénale achevée doivent être traduits en estonien par ordre du bureau du procureur ou à la demande d'un participant à l'instance.

 

Il en est ainsi à l'article 144 du Code de procédure pénale pour la langue des documents et, en cas de nécessité, il faut recourir à la traduction:
 

Article 144

Langue des documents de procédure

1) Les documents de la procédure doivent être rédigés en estonien. Si un document de procédure est rédigé dans une autre langue, une traduction en estonien doit y être annexée.

2) La traduction en estonien des actes de procédure préparés dans d'autres langues par les organismes d'enquête et les bureaux des procureurs dans une procédure pénale finale doit être annexée par ordre du bureau du procureur ou à la demande d'un participant à l'instance.

Le Code de procédure pénale oblige le juge à rendre sa sentence en estonien, mais si l'accusé ignora la langue de la cour, la sentence devra être traduite pour qu'il comprennent les motifs de sa culpabilité ou de son innocence:
 

Article 315

Prononcé de la sentence du tribunal et explication du droit d'appel

1) Un juge ou, selon le cas prévu au paragraphe 18.1 ou 18.3 du présent code, doit prononcer sa sentence au moment annoncé en vertu de l'article 304 du présent code.

2) Si l'accusé ne maîtrise pas la langue de la procédure pénale, la sentence de la cour doit être interprétée ou traduite pour lui après le prononcé de la sentence.

4.3 La procédure administrative judiciaire

En matière de justice administrative, les règles générales de procédure s'appliquent à l'égard d'un administré. Ces règles de procédure peuvent être différentes selon que les décisions sont prises dans l’exercice d’une fonction administrative ou d’une fonction juridictionnelle. Elles sont, s’il y a lieu, complétées par des règles particulières établies par la loi ou sous l’autorité de celle-ci.

Dans le cadre de la Loi sur la procédure administrative, adoptée le 6 juin 2001, il faut distinguer deux dispositions sur la procédure administrative. La première énonce que «la langue de la procédure administrative est l'estonien». La seconde (art. 21) stipule que «si une partie ou son représentant ne parle pas la langue dans laquelle se déroule la procédure, il est fait appel à un interprète ou à un traducteur à la demande des parties impliquées dans la procédure» : 

Article 20

Langue de la procédure administrative

(1) La langue de la procédure administrative est l'estonien.

(2) Dans la procédure administrative, l'emploi des langues étrangères est prévu par la Loi sur la langue.

Article 21

Interprète

(1) Si une partie ou son représentant ne parle pas la langue dans laquelle se déroule la procédure, il est fait appel à un interprète ou à un traducteur à la demande des parties impliquées dans la procédure.

(2) Un participant à la procédure qui demande la participation d'un interprète ou d'un traducteur doit en assumer les frais, sauf si une disposition contraire d'une loi ou d'un règlement, ou si une autorité administrative n'en décide autrement. L'autorité administrative peut imposer la condition que le droit accordé à cette personne ne soit pas appliqué avant que le coût de l'interprète ou du traducteur ait été payé.

De plus, le Code de procédure administrative judiciaire (2011) déclare que les procédures judiciaires et les affaires administratives du tribunal doivent se dérouler en estonien, ce qui inclut les procès-verbaux et tout autre acte procédural, sinon il faut recourir à la traduction:
 

Article 80

Langue de travail

1) Les procédures judiciaires et les affaires administratives du tribunal doivent se dérouler en estonien.

2) Les procès-verbaux de la séance judiciaire ou de tout autre acte procédural doivent être rédigés en estonien.

Article 81

Documents en langues étrangères

1) Lorsqu'une déclaration ou un document de preuve présenté à la cour par un participant à la procédure est rédigé dans une autre langue que l'estonien, le tribunal exige que le participant, qui a fait la déclaration ou a présenté le document, en fournisse une traduction à une date déterminée, ou bien la cour prend elle-même les dispositions en matière de traduction et le participant à la procédure en assume les frais.

5) Les documents rédigés dans une autre langue que l'estonien ne peuvent être transmis qu'à un participant de la procédure qui accepte de recevoir ces documents.

Bref, en matière judiciaire, l'estonien est la langue normale, mais il est possible d'avoir recours à une autre langue, avec l'accord de toutes les parties ou au moyen d'un interprète. Si l’audience se déroule en estonien, et qu'un justiciable ne peut pas s’exprimer dans la langue officielle, la cour garantit un service de traduction. Si toutes les parties sont russophones, le juge doit décider si le procès doit se dérouler en estonien ou en russe; il ne faut pas se leurrer, même l'anglais ne sera pas utilisé, encore moins l'ukrainien, le biélorusse ou le finnois. L’estonien étant la langue officielle, le russe n’a aucun statut particulier dans les tribunaux; il est traité comme n'importe quelle autre «langue étrangère». En général, les juges et les avocats connaissent le russe comme langue seconde, mais ils ne sont pas tenus de l'utiliser.

5 La langue de l’administration  

L’administration comprend l’État et sa fonction publique, ses organismes, l'armée, etc., de même que les collectivités, c'est-à-dire les administrations locales comme les municipalités urbaines et les municipalités rurales. Diverses mesures pour forcer l'emploi de l'estonien ont été adoptées par l'État, car beaucoup de fonctionnaires, au moment de l'indépendance de 1991, ignoraient la langue estonienne administrative ou ne parlaient que le russe. La Loi sur la langue de 1995 fut suivie d'un décret d'application en 1996 (voir le texte). Puis la loi de 1995 a été abrogée pour être remplacée par une nouvelle loi linguistique en 2011.

L'article 4 de la Loi sur la langue (2011) déclare que la langue de l’administration publique est l’estonien. Dans les faits, cela signifie que tous ceux qui sont en contact avec le public doivent connaître l'estonien.

5.1 La connaissance obligatoire de l'estonien

D'après la Loi sur la langue de 2011, tout individu a le droit d'avoir accès à l'administration publique et communiquer en estonien avec les pouvoirs publics, les administrations locales, les bureaux de notaires, les huissiers et les interprètes ainsi que les traducteurs agréés, les organismes d'autonomie culturelle et les établissements, les sociétés commerciales, les associations sans but lucratif et les institutions:
 

Article 4

Usage officiel et public de la langue et de la norme littéraire estonienne

1) L'usage officiel de la langue est son emploi de la part des autorités gouvernementales et des organismes publics administrés par les autorités gouvernementales (ci-après dénommées «organisme de l'État»), des autorités locales et des organismes locaux; et son emploi dans les documents, les pages Web, les enseignes, les panneaux et les avis des notaires, les huissiers et les traducteurs assermentés, ainsi que par les employés de leurs bureaux ou des autres agences, organismes ou personnes autorisés à accomplir des tâches d'administration publique. L'usage officiel de la langue doit être conforme à la norme littéraire estonienne (ci-après «norme littéraire»). Dans le cas d'un emploi d’une variété régionale, le texte de même sens dans le dialecte correspondant peut être ajouté au texte qui est conforme à la norme littéraire.

2) La norme littéraire désigne le système de l'orthographe, de la grammaire et des modèles lexicaux et des recommandations. La procédure d'application de la norme littéraire dans la langue écrite est établie par règlement de la part du gouvernement de la République.

3) Dans les autres textes destinés au public, qui ne correspondent pas à l'usage officiel de la langue, y compris l'usage de la langue estonienne dans les médias, les bonnes pratiques dans l'usage de la langue seront respectées.

L'article 10 de la Loi sur la langue de 2011 précise  l'étendue de l'emploi de l'estonien dans l'administration publique:
 

Article 10

Langue de l'administration publique

1) La langue de l'administration publique dans les organismes publics et les autorités locales est l'estonien. L'exigence d'une administration publique en estonien s'étend à la majorité des entreprises publiques, des fondations établies par des organismes publics et sans but lucratif avec participation de l'État.

2) La langue de service et du commandement dans les Forces armées estoniennes et dans la Ligue nationale de défense est l'estonien.

3) L'usage des langues dans la procédure préliminaire et la procédure judiciaire est prévu dans des lois correspondantes.

4) Les fonctionnaires des agences de l'État et des autorités locales utilisent la langue estonienne dans les médias estoniens en Estonie.

Les employés du service public, en particulier les médecins, les policiers, les enseignants, etc., doivent impérativement parler l'estonien. Le niveau de langue exigé varie en fonction de la profession. Au cours de l’été 2008, le ministère de l’Éducation et de la Recherche a instauré un nouveau classement des métiers et professions, faisant craindre aux russophones du secteur public qu’il ne leur faille repasser un examen de langue. Il s’est avéré finalement que cette mesure touche essentiellement les fonctionnaires ayant passé l’examen avant 1999 (aucun classement n’existait alors) et qui souhaiteraient aujourd’hui changer d’emploi. Leur futur employeur, y compris s’il relève du secteur privé, est en droit d’exiger la présentation de ce précieux document. Néanmoins, l'objectif est que toues les employés du secteur public possèdent la maîtrise de l'estonien. 

La Loi sur l'organisation des administrations locales (1993) impose également l'emploi de l'estonien, notamment comme langue de travail dans les administrations locales et les conseils municipaux : 
 

Article 41

Emploi de la langue dans les administrations locales

1) La langue de travail des administrations locales est l'estonien. Toute personne a le droit de s'adresser à une administration locale et à ses fonctionnaires en estonien et de recevoir des réponses en estonien.

2) Les assemblées d'un conseil municipal et des administrations doivent se tenir en estonien.

À l'article 8 de la Loi sur la langue de 2011 il est précisé que chacun a le droit d'accéder à l'administration publique en estonien sous forme orale ou écrite dans les organismes publics, y compris les représentations étrangères d'Estonie, les autorités locales, les notaires, les huissiers, les traducteurs, etc.:
 

Article 8

Droit d'accès à l'administration publique et à l'information en estonien sous forme orale et écrite

1) Chacun a le droit d'accéder à l'administration publique en estonien sous forme orale ou écrite (ci-après: l'ensemble de l'administration) dans les organismes publics, y compris les représentations étrangères d'Estonie, les autorités locales, les notaires, les huissiers et les traducteurs assermentés et leurs bureaux, les organismes d'autonomie culturelle et autres agences, les entreprises, les associations à but non lucratif et les fondations enregistrées en Estonie.

L’article 51 de la Constitution reprend les mêmes prescriptions au sujet des services en estonien:
 

Article 51

1) Chacun a le droit de s’adresser à l’État ou aux collectivités locales et à leur fonction publique en estonien, et d’en recevoir des services en estonien.

Quant à la Loi sur la fonction publique (2012), l'article 14 prévoit la maîtrise la langue estonienne comme condition d'emploi:
 

Article 14

Conditions d'emploi

1) Tout citoyen de la république d'Estonie bénéficiant au moins d'une éducation secondaire et d'une pleine capacité juridique, qui maîtrise la langue estonienne dans la mesure prévue par la loi ou sur la base de la loi, peut être employé en tant que fonctionnaire.

Dans les faits, très peu de fonctionnaires ont été licenciés en raison de leur inaptitude en estonien, mais beaucoup de non-estonophones se sont vus refuser des postes pour cette même raison.

5.2 Les marques officielles

Les articles 14 et 15 de la Loi sur la langue de 2011 traitent aussi de la langue des rapports, des sceaux, des tampons et des en-têtes:
 

Article 14

Langue des rapports

Les agences, les sociétés, les associations à but non lucratif, les fondations et les propriétaires individuels qui sont enregistrés en Estonie doivent rendre leurs rapports en estonien conformément à la procédure prescrite par les lois.

Article 15

Langue des sceaux, des tampons en caoutchouc et des en-têtes

Les sceaux, les tampons en caoutchouc et les en-têtes des organismes, des sociétés, des associations et des fondations sans but lucratif, ainsi que des propriétaires individuels qui sont enregistrés en Estonie, doivent être en estonien dans les communications publiques. Les organismes, les entreprises, les associations et les fondations sans but lucratif, ainsi que les propriétaires individuels peuvent ajouter au texte en estonien la traduction dans une langue étrangère. Dans les communications avec une personne d'un pays étranger, ainsi que dans les communications internationales, une langue étrangère peut être utilisée dans les en-têtes.

 

L'article 22 de la Loi sur la langue (2011) prescrit l'usage des lettres latines (p. ex., ABG) sur les plaques d'immatriculation officielles, ce qui exclut nécessairement le russe qui s'écrit en cyrillique:
 

Article 22

Langue des plaques d'immatriculation officielles

Les combinaisons de lettres utilisées sur les plaques d'immatriculation officielles ne peuvent contenir que des lettres latines.

5.3 Les examens d'aptitude linguistique

Les employés du service public, mais aussi les médecins, les policiers, les enseignants, etc., doivent obligatoirement parler l'estonien. Afin de donner de la «vigueur» à la Loi sur la langue de 1995, la version modifiée de la Loi sur la langue de 2007 prévoyait dans son article 5.1 que la maîtrise de l'estonien devait être évaluée par des examens d'aptitude linguistique. Évidemment, la Loi sur la langue de 2011 reprend ces dispositions à l'article 23:
 

Article 23

Exigences relatives à la maîtrise et à l'usage de la langue estonienne

1) Les fonctionnaires et les employés des organismes publics et des autorités locales, ainsi que les employés des personnes morales de droit public et leurs agences, les personnes morales de droit public, les notaires, les huissiers, les traducteurs assermentés et les employés de leurs bureaux doivent être capables de comprendre et d'utiliser l'estonien au niveau nécessaire pour exercer leurs fonctions de service ou d'emploi.

2) S'il est justifié dans l'intérêt public, doit être appliquée l'obligation pour les employés des entreprises, des associations et fondations sans but lucratif et pour les propriétaires uniques, ainsi que pour les membres du conseil d'administration des associations sans but lucratif avec l'adhésion obligatoire de maîtriser l'estonien à un niveau nécessaire pour s'acquitter de leurs obligations en matière d'emploi.

L'article 24 traite des examens d'aptitude de la langue estonienne:
 

Article 24

Examen d'aptitude en estonien

1) La maîtrise de l'estonien est évaluée par des examens d'aptitude de la langue estonienne.

La version de la Loi sur la langue de 1995  définissait trois niveaux, car le niveau de langue exigé varie en fonction de la profession :

(1) Le niveau de base est limité à l'oral et à l'écrit élémentaire de l'estonien. L'individu peut se débrouiller dans des situations linguistiques familières, comprendre un discours clair sur des sujets quotidiens, comprendre le sens général de textes peu complexes, et peut remplir des formulaires standards simples et écrire de courts textes pour l'usage général;

(2) Le niveau intermédiaire correspond à une maîtrise orale en estonien, mais limitée à l'écrit. L'individu peut se débrouiller dans des situations linguistiques diverses, comprendre un discours à la vitesse normale, comprendre sans difficulté le contenu des textes sur des sujets quotidiens et écrire des textes concernant son domaine d'activité;

(3) Le niveau avancé correspond à une maîtrise orale et écrite en estonien. L'individu peut s'exprimer lui-même librement sans tenir compte de la situation linguistique, comprendre un discours à haute vitesse, comprendre sans difficulté le contenu de textes plus complexes et écrire des différents dans leur style et leur fonction.

En 2001, ces niveaux de maîtrise de l'estonien ont été remplacés par le règlement n° 164, du 16 mai 2001, dont on peut consulter une traduction en cliquant ICI, s.v.p. Comme dans la loi sur la langue de 1995, on distingue le niveau de base, le niveau intermédiaire et le niveau avancé.

L'article 39 de la Loi sur la langue de 2011 reprend les mêmes exigences pour obtenir un certificat d'aptitude en langue estonienne:  
 

Article 39

Conformité des certificats d'aptitude en langue estonienne

1) Les certificats de la maîtrise de la langue estonienne émis avant le 1er juillet 2008 sont considérés être en conformité avec ce qui suit:

1. Le Certificat d’aptitude linguistique de niveau débutant sera équivalent à la compétence de niveau B1 en estonien;

2. Le Certificat d’aptitude linguistique de niveau intermédiaire sera équivalent à la compétence de niveau B2 en estonien;

3. Le Certificat d’aptitude linguistique de niveau avancé sera équivalent à la compétence de niveau C1 en estonien.

Compte tenu des divers types d'emplois offerts, tous les employés de l'État doivent réussir des examens d'aptitude linguistique selon des niveaux fixés par décret (niveau faible, niveau intermédiaire et niveau élevé). Si la Loi sur la langue a été adoptée en février 1995, le décret d'application n'a été publié que le 29 janvier 1996.

La Loi sur la langue de 2011 prévoit une «description des niveaux de compétence linguistique» (voir aussi le Cadre européen commun de référence pour les langues, ou CECRL):

Niveau A
  A1
  A2
Niveau de base L'individu peut fonctionner dans des situations linguistiques familières, comprendre un texte clair sur des sujets quotidiens, comprendre le sens général d'un texte peu complexe ou d'une communication orale si l'interlocuteur parle lentement et distinctement.
Niveau B
  B1
  B2
Niveau intermédiaire L'individu possède une maîtrise orale en estonien, mais plus limitée à l'écrit. L'individu peut fonctionner dans des situations linguistiques diverses, comprendre un discours à la vitesse normale, comprendre sans difficulté le contenu des textes sur des sujets quotidiens et écrire des textes concernant son domaine d'activité.
Niveau C
  C1
  C2
Niveau avancé L'individu possède une maîtrise orale et écrite en estonien; il peut s'exprimer avec facilité librement sans tenir compte de la situation linguistique, comprendre un un large éventail de textes longs en différenciant toutes les nuances de sens et produire des textes différents bien structurés et détaillés sur des sujets complexes.

Ces niveaux sont décrits avec précision dans l'Annexe de la loi de 2011 (voir le document). Ce n'est pas tout : la législation estonienne donne aussi la possibilité à des «inspecteurs» d'invalider les certificats d’aptitude linguistique, si un employé ne répond pas aux exigences en la matière. Le terme utilisé en estonien pour désigner ce type d'agent ou d'inspecteur est "Keeleametnik", ce qui se traduit par «agent» ou «fonctionnaire» ("ametnik") «linguistique» ou «de la langue» (keele). On peut donc utiliser en français l'expression «inspecteur linguistique» parce que ce type de fonctionnaire est un employé du service de l'Inspection linguistique (en estonien: Keeleinspektsioon).

5.4 L'Inspection linguistique (Keeleinspektsioon)

C'est le décret de 1996 (Procédure de mise en œuvre du contrôle de la Loi sur la langue: Keeleseaduse täitmise kontrolli korra kehtestamine) qui a introduit l'organisme de contrôle appelé «Inspection linguistique» (en estonien: Keeleinspektsioon) pour veiller à l'application de la Loi sur la langue (version de 1995, aujourd'hui abrogée, mais remplacée par la version de 2011). L'objectif de l'Inspection linguistique est d'assurer à l'estonien le respect des droits prévus par la législation. La défense de la langue officielle consiste surtout à en contrôler avant tout sur l’usage par les non-estonophones. La préservation et le développement de l’estonien, en revanche, dépendent plutôt de la connaissance que les Estoniens ont de leur propre langue, de leur attitude face à leur langue maternelle et du prestige de celle-ci.

Les inspecteurs sont désignés comme des «fonctionnaires de la langue» ou des «fonctionnaires linguistiques» (keeleametnikud), mais aussi par dérision comme des «policiers de la langue». Le décret de 1996 est un véritable mode d'emploi destiné aux inspecteurs linguistiques ("Keeleametnik") chargés de veiller sur la langue estonienne et sur le respect de la loi. L'article 3 du décret de 1996 décrivait ainsi les tâches des inspecteurs de la langue. Ils devaient s'assurer du maintien des prescriptions sur l'emploi de la langue estonienne:

- Dans la tenue des dossiers, la correspondance et les rapports des institutions gouvernementales, les autorités locales et les institutions relevant de leur juridiction ainsi que les entreprises commerciales, les organismes sans but lucratif et leurs institutions en relation avec les personnes ou la transmission des informations officielles aux employés;

- Sur les sceaux, les timbres et les cachets des organismes gouvernementaux, des autorités locales ou des institutions relevant de leur juridiction ainsi que les entreprises commerciales, non-gouvernementales et leurs institutions;

- Lors de la transmission des informations officielles sur les panneaux, les indicateurs, la publicité, les annonces et les messages commerciaux; la présence de la traduction en estonien lors de l'exécution des productions audiovisuelles; lors de la transmission d'émissions en langues étrangères à la radio ou à la télévision ou lors d'organisations de manifestations internationales publiques;

- Lors de la vente des biens et services, dans l'emploi de l'estonien dans les marques de commerce ou les instructions;

- Dans les combinaisons de lettres concernant l'enregistrement officiel des enseignes;

- Dans l'emploi officiel des toponymes, des noms et prénoms des citoyens, des noms des objets, entreprises commerciales, sociétés sans but lucratif et leurs institutions installées en Estonie (dans les documents émis, lors de l'enregistrement des noms dans les registres officiels, etc.);

- Dans la procédure préparatoire et dans celle du procès;

- Dans l'armée estonienne.

Dans la Loi sur la langue de 2011, c'est l'article 31 qui décrit les «pouvoirs» des inspecteurs linguistiques :
 

Article 31

Compétence de l'Inspection et les droits et devoirs des inspecteurs linguistiques

1) L'Inspection est compétente pour vérifier l'emploi de la langue estonienne et des langues étrangères, ainsi que la conformité des exigences de la langue estonienne et de l'emploi de l'estonien dans les domaines prévus par la présente loi et la législation établie sur la base de celle-ci.

2) Pour exercer ses fonctions, un inspecteur linguistique a les droits suivants:

1. vérifier sans entraves le respect des exigences prévues par la présente loi et les autres lois régissant la connaissance et l'emploi de la langue;

2. obtenir les informations nécessaires au contrôle de l'État, y compris l'examine des documents pertinents au contrôle de l'État et les copies de ceux-ci, et obtenir des transcriptions et des extraits de ceux-ci;

3. faire des propositions au responsable de l'organisme émettant les certificats de maîtrise de la langue estonienne afin de révoquer le certificat de maîtrise de l'estonien chez un fonctionnaire, un employé ou un propriétaire unique ou révoquer  le certificat de compétence professionnelle émis avant Le 1er juillet 1999, selon les cas visés au paragraphe 28.5 de la présente loi;

4. proposer à un employeur de résilier un contrat de travail avec un employé ou faire des propositions à une personne ayant le droit de nommer des hauts fonctionnaires pour congédier quelqu'un de son poste si celui-ci ne maîtrise pas l'estonien au niveau demandé;

5. licencier un employé ou un fonctionnaire dont la compétence linguistique n'est pas conforme aux exigences de l'examen de compétence linguistique;

6. émettre des directives aux organismes de l'État, aux autorités locales, aux agences administrées par des organismes de l'état ou des autorités locales, aux entreprises, aux associations sans but lucratif, aux fondations ou leurs fonctionnaires et leurs employés pour faire cesser les infractions aux dispositions prévues par la présente la loi et la législation établies sur la base de celle-ci, ainsi que pour la prévention de nouvelles infractions.

Comme on le constate, les inspecteurs linguistiques ont le pouvoir d'émettre des mandats aux contrevenants et d'appliquer les mesures prévues aux articles 33 à 37 de la Loi sur la langue de 2011, notamment une amende, dans le cas d'une personne morale, pouvant aller jusqu'à 2600 euros (env. 3550 dollars US). Dans les faits, il est plutôt courant d'imposer une amende ne dépassant pas les 200 euros pour les personnes physiques.

Les inspecteurs linguistiques ont non seulement le droit de vérifier périodiquement le niveau de maîtrise de la langue estonienne dans les organismes et les entreprises, mais également celui d’invalider les certificats émis à l’issue de l’examen de l'estonien si les inspecteurs ont des doutes sur les connaissances linguistiques des individus (art. 28) de la Loi sur la langue (2011) :
 

Article 28

Renvoi des personnes à l'examen d'aptitude linguistique en estonien et à la révocation des certificats de maîtrise en estonien ou à la révocation des certificats de compétence professionnelle émis avant le 1er juillet 1999

1) Si, au cours d'une vérification, un inspecteur exerçant une fonction publique ou administrative (ci-après dénommé «l'inspecteur linguistique») a des doutes raisonnables quant au fait que la compétence linguistique d'une personne examinée n'est pas conforme aux exigences établies par la législation, cette personne doit être signalée par une directive de l'inspecteur linguistique à l'examen d'aptitude linguistique d'estonien.

2) Si, au cours d'une vérification, un inspecteur exerçant une fonction publique ou administrative a des doutes raisonnables sur le fait que la compétence linguistique d'une personne examinée n'est pas conforme aux exigences établies par la loi, ainsi que tout individu visé à l'article 26 du paragraphe 3 ou 5 de la présente loi, celui-ci peut être dans l'obligation, selon les dispositions sur la langue officielle, de se présenter à l'examen d'aptitude linguistique d'estonien.

Si l’inspecteur ("ametnik") considère que le niveau linguistique d'un fonctionnaire laisse à désirer, le «coupable» est dans l'obligation de repasser l’examen d'aptitude linguistique. En cas d’échec, il pourrait perdre le certificat attestant la maîtrise de la langue estonienne pour six mois ainsi que son travail. Notons que l’Inspection linguistique s’intéresse uniquement aux compétences en estonien de la part des employés soumis à l’obligation de connaître cette langue en vertu de la Loi sur la langue.

De façon générale, les fonctionnaires dont la langue maternelle n'est pas l'estonien sont motivées pour apprendre l’estonien; les inspecteurs semblent se montrer relativement compréhensifs et respectueux des efforts accomplis par les non-estonophones. Seuls les individus qui, au bout d’une période de temps assez prolongée, ne se sont pas conformés aux directives des inspecteurs et qui, malgré des recommandations répétées, n’ont pas fait d’efforts véritables pour améliorer leur maîtrise de l'estonien se voient infliger une amende, voire un congédiement. L’Inspection respecte les dispositions de la législation linguistique sur les langues selon laquelle ses agents ou ses inspecteurs doivent accorder suffisamment de temps à un employé pour améliorer ses compétences linguistiques.

Bref, il convient de mentionner que le principal objectif de l’Inspection linguistique est de veiller à ce que les informations et les services destinés au public soient disponibles en estonien sur tout le territoire national, y compris dans les zones russophones du Nord.

5.5 Les noms de lieux, de personnes et de commerces

L'État estonien a élaboré une politique particulière à l'égard des noms; cette politique englobe aussi bien les noms géographiques ou les noms de lieux, ainsi que les noms de personnes et les noms commerciaux. D'ailleurs, la version de 2011 de la Loi sur la langue renvoie toutes les dispositions sur la toponymie à celles incluses dans la Loi sur les noms géographiques de 2003, la Loi sur les noms de 2004 et le Code du commerce de 1995. Voici le libellé de l'article 20 de la Loi sur la langue
 

Article 20

Les noms

1) L'inscription des noms de lieux est fondée sur les dispositions de la Loi sur les noms géographiques.

2) La rédaction des noms de personnes est fondée sur la Loi sur les noms.

3) La rédaction des noms commerciaux est basée sur le Code du commerce.

4) La forme internationale des noms de lieux, des noms personnels et des noms commerciaux, des noms d'agences ou d'organismes et des fondations sans but lucratif en alphabet latin doivent être identiques à la forme utilisée en Estonie. Les noms rédigés dans une langue qui utilise un autre alphabet respectent les règles de transcription établies sur la base de la Loi sur les noms.

- Les noms de lieux

L’article 19 de la Loi sur la langue de 1995 prescrivait que les toponymes en Estonie devaient être en estonien, sauf pour les exceptions autorisées pour des raisons historiques ou culturelles. Chacun des toponymes ne pouvait avoir qu’une dénomination officielle, rédigée en estonien et transcrite en alphabet latin. Depuis l'adoption de la Loi sur la langue de 2011, ce sont les dispositions de la Loi sur les noms géographiques de 2003, qui s'appliquent. L'article 9 de cette loi énonce la règle générale selon laquelle les noms géographiques estoniens doivent être en estonien:
 

Article 9

Langue des noms géographiques

(1)
Les noms géographiques estoniens doivent être en estonien.

(2) La procédure pour déterminer si les noms de lieux sont en estonien doit être fixée par règlement du gouvernement de la République.

(3) Des exceptions concernant la langue des noms géographiques sont autorisées si elles sont historiquement ou culturellement justifiées. Afin de prévenir toute corruption ou toute modification injustifiée relative à des noms géographiques autochtones, la langue des habitants de la région en question, en date du 27 septembre 1939, sera prise en compte pour les exceptions.

(4) Dans les communications professionnelles et les affaires internationales, les racines et qualificatifs des toponymes estoniens doivent être identiques à ceux utilisés en Estonie. À titre d'exception, une traduction du nom du pays "Eesti" [Estonie] et des hydronymes des organismes multi-étatiques peut être utilisée.

- L'alphabet latin

L'article 10 impose l'emploi de l'alphabet latin-estonien aux toponymes, ce qui exclut l'alphabet cyrillique. Lorsqu'une dénomination n'est pas rendue en alphabet latin, il faut que l'orthographe soit conforme à un répertoire des caractères inscrit dans un registre officiel. L'orthographe d'un nom géographique doit être en conformité avec les règles de l'orthographe estonienne et peut refléter la structure sonore d'un dialecte local.

L'article 11 de la Loi sur les noms géographiques prévoit des noms principaux et des noms substitutifs. Ainsi, une entité désignée peut avoir deux noms officiels, dont l'un est le nom principal et l'autre est un nom substitutif. Ces deux noms peuvent être choisis pour des raisons historiquement et culturellement justifiées si l'objectif est de préserver le nom géographique non estonien d'une entité désignée qui a déjà un nom estonien ou pour lequel un nom estonien est également choisi. Une autre dispositions dans le même article prévoit que, si l'entité désignée est située dans le territoire d'une communauté dont la majorité des habitants est composée de locuteurs allophones en date du 27 septembre 1939, le terme non estonien est choisi comme terme principal. La loi garantit aussi que, dans les aires dialectales historiques, il est possible d'employer la forme dialectale d'un toponyme en plus de sa forme officielle inscrite dans le registre national : «L'orthographe d'un nom géographique écrit en utilisant l'orthographe d'un dialecte estonien qui a une norme distincte de l'estonien littéraire peut être choisi comme terme substitutif.» (art. 11.5).

Enfin, l'article 26 de la Loi sur les noms géographiques énonce les possibilités de contrôle:

Article 26

Contrôle

(1)
Les autorités suivantes doivent, dans les limites de leurs compétences, exercer un contrôle sur le respect des prescriptions prévues par la présente loi:

1) l'autorité gouvernementale exerçant un contrôle linguistique officiel doit vérifier l'emploi officiel et public de la langue dans les noms géographiques;

2) l'autorité gouvernementale exerçant un pouvoir exécutif dans le domaine de la cartographie, y compris l'exercice du contrôle officiel et l'application de la mise en vigueur, doit vérifier l'emploi des noms géographiques sur les cartes géographiques.

Toutes ces mesures ont été rendues nécessaires en raison de l’inefficacité des dispositions de la loi de 1997, mais aussi par l'instauration d’un registre national des noms de lieux ou géographiques, ainsi que par l’évolution du système juridique.

En 1997, le gouvernement estonien a créé une «commission de toponymie», le "Kohanimenõukogu", ce qui signifie mot à mot le «conseil des noms géographiques» (en anglais: "Place Names Board"). Ce conseil est un organisme consultatif relevant du ministère de l'Intérieur et aussi sous la supervision du ministre des Affaires régionales. Le Conseil est composé de représentants de divers ministères ainsi que d'experts reconnus par la communauté scientifique, les sociétés d'édition, etc. L'avis du Conseil est nécessaire pour qu'une décision soit prise en matière de toponymie. Le Conseil doit respecter la Loi sur les noms géographiques, adoptée le 5 décembre 2003 et qui entrait en vigueur le 1er juillet 2004. Il peut donner son avis afin de permettre des dénominations bilingues, généralement l'une en estonien, une autre en russe ou en suédois, voire en dialecte estonien.

- Les noms de personnes

La Loi sur les noms de 2004 porte sur l'orthographe des noms de personne. En vertu de cette loi, tout nom de personne doit être rédigé à l’aide de symboles et de lettres latines-estoniennes et, si nécessaire, les règles de transcription des noms personnels non estoniens seront utilisées:
 

Article 5

Orthographe des noms de personne

1) Un nom de personne doit être rédigé à l’aide de symboles et de lettres latines-estoniennes et, si nécessaire, les règles de transcription des noms personnels non estoniens seront utilisées.

2) L'orthographe d’un nom personnel estonien doit être conforme aux règles de l’orthographe de la langue estonienne. L’orthographe d’un nom personnel non estonien doit être conforme aux règles de l’orthographe de la langue concernée.

3) Un nom de personne doit s'appliquer :

1. sur la base du nom latin entré dans le document d'origine, selon les règles de transcription pour les noms personnels non estoniens ;

2. en l’absence de la possibilité prévue à l'alinéa 1 du présent paragraphe, au moyen de la transcription du nom latin inscrit dans le document d'origine avec des lettres latines-estoniennes, qui doivent de faire en conformité avec les règles de transcription pour les noms personnels non estonienne ou, en l’absence de telles règles, sur la base de la recommandation du Bureau d’expertise onomastique.

4) Sur demande d’un nom de personne, une seule des manières indiquées au paragraphe 3 du présent article doit servir en même temps.

5) dans les cas prévus par la loi, un prénom ou un nom de famille peut être présentée sous une forme abrégée.

6) La liste des lettres latines-estoniennes et des symboles utilisés lors de l'assignation et de l'application des noms de personne et des règles de transcription pour les noms personnels non estoniens doit être établie par un règlement du gouvernement de la République.

S'il est normal d'utiliser les règles orthographiques d'un nom qui n'est pas en estonien, il faut néanmoins recourir à l'alphabet latin adapté à la graphie estonienne. Par exemple, des noms comme Бронислав sont écrits Bronislav, Давид en David, Ева en Eva, Мирослава en Miroslava.

6 La langue de l’éducation

Rappelons que, durant le régime soviétique, l’enseignement de l’estonien n’était pas assuré partout dans le pays; il était presque inexistant à l’université. De plus, il fallait compter sur deux systèmes en éducation: l’un en russe, l'autre en estonien. C'était la dualité scolaire et administrative. Un russophone, par exemple, pouvait avoir terminé ses études sans avoir aucune connaissance de l’estonien. Aujourd'hui, les autorités estoniennes financent à grands frais des programmes d’apprentissage de la langue officielle, l'estonien.

6.1 Le système public

Le système public d'éducation estonien comprend quatre niveaux : l'enseignement préscolaire, l’enseignement primaire (de base), l’enseignement secondaire et l'enseignement supérieur. Tout enfant qui atteint l’âge de sept ans au 1er octobre de l’année en cours est tenu de fréquenter l'école. Les études obligatoires durent jusqu’à la fin de l’école de base (fondamentale) ou jusqu’à ce que l'individu atteigne l’âge de 17 ans (mais éventuellement 18 ans avec une modification de la loi). Les enfants des étrangers résidant en Estonie ainsi que les enfants des apatrides (les non-citoyens) sont également dans l'obligation de fréquenter un établissement scolaire.

De plus, il faut distinguer, d'une part, les établissements d'enseignement publics administrés par l'État ou les municipalités (urbaines ou rurales), d'autre part, les établissements privés. On compte actuellement près de 600 écoles en Estonie. À Tallinn, on dénombre 65 écoles municipales (incluant 40 écoles estonophones et 25 écoles russophones), 14 écoles privées et deux écoles nationales gérées par l'État.

Le système d'éducation estonien est grandement décentralisé. Les autorités locales, c'est-à-dire municipales, sont chargées d'offrir l'enseignement général (de la maternelle au secondaire supérieur en passant par le primaire et le secondaire inférieur), de surveiller la fréquentation scolaire obligatoire et de maintenir en fonction les établissements d'enseignement. La fréquentation scolaire est obligatoire et financée par la municipalité à partir de l'âge de sept ans jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire inférieur (au total: neuf ans).
 

- L'enseignement préscolaire

En Estonie, l’éducation préscolaire ("koolieelne": kooli + eelne = scolaire + pré-) commence à l'âge de cinq ans jusqu'à ce que l'enfant atteigne sept ans et soit obligé de fréquenter l'école de base. Dans les écoles préscolaires, l'enfant intègre une école publique où il lui est possible d’apprendre dans sa langue maternelle (LM). Si l’instruction n'est pas assurée en estonien, les enfants d'âge préscolaire peuvent apprennent l’estonien à la demande des parents. Les collectivités locales (municipalités) ont pour rôle d’assurer à chaque enfant une place dans leur aire géographique. Les établissements préscolaires privés peuvent exiger des conditions supplémentaires. On compte environ 600 écoles préscolaires, dont quelques-unes sont privées. Les mots "Minu eesti keel" signifient «Ma langue estonienne». 

- L'enseignement fondamental ou primaire

L’enseignement fondamental se donne dans les "põhikools" («écoles de base») qui regroupent à la fois l’enseignement primaire et l'enseignement secondaire inférieur. Ce niveau d'enseignement s'étend de la première à la neuvième année; il est traité comme une structure unique, bien que divisée en trois stades de trois ans aux fins du programme scolaire. De façon générale, l'éducation fondamentale dure neuf ans, cette durée peut être plus courte ou plus longue si l’enfant suit un programme individuel. À la suite de cet enseignement, l'élève se présente à un examen final centralisé (põhikooli lõputunnistus), afin d’obtenir le certificat d’études secondaires. Ensuite, il peut continuer ensuite au secondaire supérieur (lycée) pour une formation générale ou dans un établissement de formation professionnelle.

Il existe en Estonie des écoles accessibles après l’enseignement fondamental (9 ans) et des écoles accessibles après l’enseignement secondaire (12 ans), ainsi que des écoles où il est possible d’étudier après l’un ou l’autre de ces deux niveaux d’enseignement. Il y a environ 80 écoles primaires, à l'exclusion des écoles pour enfants ayant des cheminements particuliers. Presque toutes ces écoles sont gérées et financées par les municipalités, mais certaines sont privées.

- L'enseignement secondaire supérieur

Quant à l’enseignement secondaire supérieur (en estonien "gümnaasium" ou en français «gymnase»), il est est accessible, selon les résultats obtenus au certificat d’études secondaires, dans deux types d’établissements d'enseignement: d'une part, les «lycées» qui proposent un programme d'enseignement secondaire supérieur général en trois ans, lequel est choisi par la majorité des jeunes (70 % des élèves, d'autre part, les écoles professionnelles qui offrent une formation professionnelle en trois ans. L’enseignement secondaire professionnel est offert dans un "kutseõppeasutus".

À la fin de ce cycle, l’élève peut travailler ou continuer ses études afin d’acquérir une formation supérieure. La majorité des élèves des «lycées», soit 66 %, poursuivent des études supérieures, ainsi que 11 % des diplômés des écoles professionnelles ; ces derniers sont soumis à un examen d’entrée particulier. Il existe environ 300 écoles du secondaire supérieur, dont 30 % sont des écoles professionnelles, les autres (60 %) sont des «gymnases». La plupart de ces écoles sont des écoles publiques financées par les municipalités, mais plusieurs sont privées.

- L'enseignement supérieur

En Estonie, il existe 11 universités, dont six publiques et cinq privées). Il y a également une vingtaine d'écoles polytechniques. L'enseignement supérieur est organisé par les universités et les instituts supérieurs appliqués;  les instituts supérieurs professionnels et les instituts supérieurs appliqués se distinguent par la durée des programmes, soit quatre ans les instituts supérieurs professionnels, contre trois ans pour les autres. Toute personne qui a une formation secondaire ou une qualification correspondante a le droit de demander à suivre des études dans une école supérieure spécialisée.

- L'enseignement des disciplines périscolaires

De plus, un secteur important, dont l’État estonien coordonne le financement et l’administration, concerne celui de l’enseignement des disciplines périscolaires. Dans les écoles ou est offert l’enseignement périscolaire, les élèves suivent ces cours en dehors du système régulier. Par exemple, le Parlement a adopté la Loi sur les écoles du temps libre, qui officialise la pratique du sport, de la musique, des arts, ainsi que des centres scolaires de création. Par exemple, un réseau d’écoles de sport, de musique et d’art couvre toute l’Estonie dans lesquelles les élèves peuvent se livrer à leur activité favorite avec le financement de l’État. Celui-ci ainsi que les collectivités locales contribuent à l’organisation de l’enseignement périscolaire des élèves.

- Les langues d'enseignement

Dans la majeure partie des cas, l’enseignement est donné en estonien (87%), mais le russe (13%) reste également une langue d’enseignement dans les zones russophones à certaines conditions, ainsi que l'anglais (0,3%) dans les écoles privées (principalement à Tallinn et à Tartu). Au plan linguistique, l'Estonie comprend deux types d'établissements: les écoles où l'estonien est la langue d'enseignement et les écoles où le russe est la langue d'enseignement. Cependant, dans le cas du russe, 60% des matières doivent être données en estonien, mais des exceptions sont cependant autorisées. D’après le programme national, la langue et la littérature russes sont enseignées dans les écoles utilisant le russe comme langue d’enseignement (de la 10e à la 12e année). Il y a environ 105 heures de langue russe et 280 heures de littérature russe, ainsi que 35 heures de littérature estonienne. Dans les écoles secondaires et les établissements d’enseignement privés, près de la moitié des étudiants sont russophones.

Au niveau de l’école primaire, la langue d’enseignement est déterminée par les autorités administratives locales en fonction de la composition ethnique et de la demande. Dans les écoles de langue estonienne, le russe est enseigné comme langue étrangère; dans les écoles russes, l'estonien est obligatoire comme langue seconde. Au secondaire, il est possible de poursuivre ses études en russe, mais il faut en faire la demande.

6.2 L'enseignement fondamental de l'estonien

C’est d’abord l’article 37 de la Constitution de 1992, qui régit l’emploi des langues dans les établissements d’enseignement. On y apprend que chacun a le droit à l'instruction en estonien, alors que les établissements d'enseignement prévus pour des minorités choisissent leur propre langue d'enseignement :
 

Article 37

L'éducation

1) Chacun a le droit à l'éducation. L'instruction est obligatoire pour les enfants d'âge scolaire selon les prescriptions spécifiées, conformément à la loi, gratuitement dans les établissements d'enseignement généraux et locaux dans le pays.

2) Pour rendre l'éducation disponible, les administrations locales de l'État doivent maintenir le nombre nécessaire d'établissements d'enseignement. Tel qu'il est prévu par la loi, d'autres établissements d'enseignement peuvent être établis, y compris les écoles privées.

3) Les parents prennent la décision finale dans le choix de l'éducation de leurs enfants.

4) Chacun a le droit à l'instruction en estonien. Mais les établissements d'enseignement prévus pour des minorités choisissent leur propre langue d'enseignement.

5) La présente disposition sur l'enseignement est sous la surveillance de l'État.

Quant à l'article 6 de la Loi sur la langue de 2007 garantissait un enseignement en estonien dans tous les établissements d'enseignement sous la juridiction des organismes de l'État et des administrations locales :
 

Article 6

L'acquisition de l'enseignement en estonien et dans les langues étrangères

Les organismes de l'État et les administrations locales s'assurent qu'il existe des possibilités de recevoir une instruction en estonien dans tous les établissements d'enseignement sous leur juridiction ainsi que dans des langues étrangères, conformément à la procédure prescrite par la loi.

Bien que tous les Estoniens aient le droit à l’enseignement en estonien, les minorités nationales ont le droit de choisir une autre langue d’enseignement, ce qui, toutefois, ne les libère pas de l’obligation de garantir l’instruction en estonien dans une proportion de 60% des matières enseignées.  

Conformément à l'article 4 de la Loi sur l'éducation (1992-2002), tous les établissements d'enseignement sur le territoire de l'Estonie doivent donner la possibilité aux citoyens de recevoir l'instruction à tous les niveaux, y compris l'université, en estonien (paragraphe 2). En même temps, la République s'assure qu'un enseignement est dispensé en estonien dans tous les établissements d'enseignement de langue étrangère (paragraphe 3). L'article 34.1 prévoit même un statut d'«enseignant de langue officielle» dans ce type d'établissement afin de garantir l'enseignement de l'estonien dans tout établissement d'enseignement public de langue étrangère.
 

Article 4

Principes d’organisation du système d'éducation

1)
L’État et les collectivités locales veillent à ce que chacun en Estonie ait la possibilité de s’acquitter de l’obligation de fréquenter l’école et de recevoir une formation continue dans les conditions et conformément à la procédure prévues par la législation.

2)
Sur le territoire de l’Estonie, l’État et les collectivités locales garantissent la possibilité
d’acquérir un enseignement en estonien à tous les niveaux de l’enseignement dans les établissements d’enseignement publics et les universités.

3)
La république d'Estonie veille à ce que
la langue estonienne soit enseignée dans tous les établissements d'enseignement publics et les groupes d'études où l'instruction est offerte dans une autre langue que l'estonien.

[...]

Article 34

Statut juridique des éducateurs

1)
Pour l’application de la présente loi, les personnes travaillant dans le domaine de l’enseignement et de l’éducation, ainsi que les directeurs des établissements d’enseignement sont, considérés comme des enseignants. Dans les universités, le travail des éducateurs est associé au travail scientifique.

2)
Les relations de travail des enseignants des établissements d’enseignement sont régies par la législation du travail, en tenant compte des différences découlant d’autres actes juridiques.

[…]

Article 34.1

Enseignant de langue officielle

Afin d’assurer l’enseignement de l’estonien dans tous les établissements d’enseignement publics et les groupes d’étude dans d’autres langues, le gouvernement de la République établit le statut d'enseignant de langue officielle et la procédure de son attribution.

Pour tous les élèves dont l’estonien est la langue maternelle, l’enseignement doit être donné dans cette langue, et ce, de la maternelle à l’université. En fait, l'apprentissage de la langue officielle est obligatoire dans tous les établissements d'enseignement soumis à l'autorité de la république d'Estonie, indépendamment de leur langue d'enseignement et de leur tutelle administrative. La politique actuelle de l’Estonie vise essentiellement à améliorer le niveau de l’enseignement de l’estonien dans les établissements scolaires actuellement russophones.

- L'école maternelle

L'école maternelle (appelée aussi préprimaire) n'est pas obligatoire en Estonie et elle est payante. En général, le montant est fixé par la collectivité locale (municipalité) en fonction du revenu du ménage, ce qui signifie que les tarifs peuvent varier d'un enfant à l'autre, mais les parents paient un maximum de 20% du salaire minimum en vigueur. Le financement est assuré à la fois par la collectivité locale, les parents, les dons et le ministère de l'Éducation et de la Recherche.

Selon la Loi sur les établissements préscolaires pour enfants ("Koolieelse lasteasutuse seadus") de 1999, modifiée en 2012, l’enseignement et les activités doivent se donner en estonien. Mais ces établissements peuvent fonctionner, sur décision des autorités locales, dans une autre langue que l’estonien, mais l’apprentissage de l'estonien demeure obligatoire:
 

Article 8

Langue

1)
L’enseignement et l’apprentissage dans un établissement pour les enfants d'âge préscolaire
doivent se dérouler en estonien. Une autre langue peut être apprise dans un groupe d'établissement d'âge préscolaire ou de garde d'enfants, sur décision du conseil de l'administration locale.

2) Le conseil d'administration locale veille à ce que tous les enfants de langue estonienne aient la possibilité de fréquenter une garderie ou un groupe de garderies de langue estonienne dans la même municipalité ou ville, où les activités d'apprentissage et d'éducation sont menées en estonien.

4)
Tout établissement ou groupe pour les enfants d'âge préscolaire dans lequel les activités pédagogiques se déroulent
dans la langue estonienne, l'enseignement de l'estonien dans cet établissement fait partie du programme national. (2008)

(41) Pour les cours de langue estonienne dans l'enseignement d'un établissement ou d'un groupe d'âge préscolaire, dans lequel l'apprentissage et l'instruction ne se donnent pas en estonien, le soutien de l'administration locale est nécessaire pour obtenir un budget de l'État. (2008)

La langue d'enseignement dans un établissement préscolaire peut être l'estonien, le russe ou les deux langues, mais au sein d'une classe il ne peut y avoir qu'une seule langue d'enseignement. Les parents peuvent choisir librement un établissement préscolaire pour leur enfant, à condition qu’il y ait des places disponibles dans l’établissement désiré. La majorité des établissements pour les enfants russophones sont situés dans la zone urbaine. Les établissements préscolaires en Estonie sont répartis en trois groupes:

- la crèche, pour les enfants de moins de trois ans;
- le jardin d’enfants, pour les enfants de moins de sept ans;
- le jardin d’enfants spécial, pour les enfants handicapés de moins de sept ans.

Une école maternelle peut être combinée avec une école primaire. Pour la majorité des enfants, la langue d'enseignement est l'estonien. Lorsque celle-ci, par exemple, est le russe, l'estonien devient une langue seconde obligatoire. Il est possible dans certains cas de recevoir une instruction dans une autre langue que l'estonien ou le russe — l'ukrainien ou le biélorusse —, mais elle devient une «langue optionnelle» sur demande des parents auprès du directeur de l'établissement à la condition d’atteindre un minimum de dix enfants de la même langue maternelle (LM). De façon générale, l'enseignement de la langue maternelle est offert en raison de 20 heures/semaine.

- L'enseignement primaire et secondaire (1er cycle)

Rappelons que l’enseignement fondamental donné par les "põhikools" (écoles de base) regroupe à la fois l’enseignement primaire et l'enseignement secondaire inférieur (ou du 1er cycle). Ce niveau d'enseignement s'étend de la première à la neuvième année. Selon l'article 15 de la Loi sur les écoles primaires et secondaires supérieures (2010), les matières obligatoires sont l'estonien dans les écoles de langue estonienne et le russe dans les écoles russes: 
 

Article 15

Programme national

1) Les programmes nationaux définissent les objectifs des études, les résultats d’apprentissage attendus, les conditions et la procédure d’évaluation et les exigences relatives à l’environnement des études, à l’organisation de celles-ci et de l’enseignement, à l’obtention du diplôme et au programme scolaire.

2) Le niveau de l’enseignement primaire est fixé dans le programme national des écoles primaires et pour les élèves qui suivent des études simplifiées, d’adaptation et de maintien dans le programme national simplifié pour les écoles primaires. Le niveau de l’enseignement secondaire général est déterminé dans le programme national des établissements d’enseignement secondaire supérieur. Le programme national des écoles primaires, le programme national simplifié des écoles primaires et le programme national des établissements d’enseignement secondaire supérieur (ci-après dénommés ensemble les programmes nationaux) sont déterminés par le gouvernement de la République.

3) Le programme national des écoles primaires et le programme national des établissements d’enseignement secondaire supérieur comprennent au moins le programme des matières obligatoires suivantes par matière:

1. la langue et la littérature: l'estonien (dans une école où la langue d’enseignement est l’estonien), le russe (dans une école où le russe est langue d’enseignement) et la littérature;

2. les langues étrangères: l'estonien comme langue seconde, l'anglais, l'allemand, le français, le russe comme langue étrangère A; l'anglais, l'allemand, le français, le russe comme langue étrangère B ;

En vertu de l'article 21 de la Loi sur les écoles primaires et secondaires supérieures (2010), une langue d'enseignement doit constituer au moins 60 % de la charge de travail minimale autorisée et prévue dans les programmes nationaux:

Article 21

Langue d’enseignement

1) La langue d’enseignement d’une école ou d’une classe est considérée comme la langue dans laquelle l’enseignement se déroule et constitue au moins 60% de la charge d’études minimale autorisée spécifiée dans les programmes nationaux. Si 60% de l’enseignement n’est offert dans aucune langue, l’enseignement est considéré bilingue. Dans le cas de l’apprentissage bilingue, les deux langues dans lesquelles se déroule la majeure partie de l’enseignement sont considérées comme les langues d’enseignement.

2) La langue d’enseignement à l’école primaire est l’estonien. Dans une école primaire ou dans ses classes individuelles, sur proposition du conseil d’administration de l’école, toute langue peut être la langue d’enseignement dans une école municipale sur la base d’une décision de la municipalité rurale ou du conseil municipal et dans une école publique sur la base d’une décision du ministre de l’Éducation et de la Recherche.

Lorsqu'une langue ne compte pas pour 60 %, elle est considérée bilingue. L'estonien constitue normalement la langue d'enseignement dans les écoles fondamentales (ou écoles de base.

- L'enseignement secondaire supérieur (2e cycle)

L'article 21.3 de la Loi sur les écoles primaires et secondaires supérieures (2010) énonce que, dans les écoles secondaires de second cycle, la langue d'enseignement est l'estonien, sauf pour les cas prévus par la loi:

3) La langue d’enseignement dans les établissements d’enseignement secondaire supérieur est l’estonien. Dans un établissement municipal ou dans ses classes individuelles, une autre langue peut également être la langue d’enseignement. L’autorisation d’étudier dans une autre langue ou d’étudier en format bilingue est accordée par le gouvernement de la République sur la base d’une demande de la municipalité rurale ou du conseil municipal. Une telle proposition est faite à la municipalité rurale ou au conseil municipal par le conseil d’administration en fonction du plan de développement de l’école.

4) Dans une école ou une classe où la langue d'enseignement n'est pas l'estonien, il est obligatoire d'enseigner l'estonien dès la première année. Dans une telle école ou une telle classe, l'école doit assurer l'organisation de l'enseignement de l'estonien à un niveau permettant aux diplômés de l'école primaire de poursuivre leurs études dans un établissement estonien d'enseignement moyen.

L'enseignement peut être donné dans une autre langue que la langue officielle (l'estonien) dans les écoles secondaires supérieures ou dans certaines classes de ces écoles. L'autorisation d'organiser un enseignement dans une autre langue, ce qui correspond à un enseignement bilingue, est accordée par le gouvernement à la demande expresse d'une municipalité rurale ou du conseil municipal d'une ville. Une telle demande doit émaner du conseil d’administration de l’établissement d'enseignement.

Selon l’article 11.2 du Programme national d'enseignement secondaire supérieur, adopté le 6 janvier 2011, un établissement doit assurer dans son programme au moins 57 cours en estonien, c’est-à-dire 60 % de la charge de cours minimale fixée pour les établissements secondaires :
 

Article 11

Principes d'organisation des études

1) La charge de cours minimale de l'étudiant de l'enseignement secondaire supérieur est de 96 cours (1 cours correspond à 35 heures scolaires).

2) Les écoles doivent assurer dans leurs programmes scolaires que l'enseignement en estonien comprend au moins 57 cours, soit 60% de la charge minimale autorisée pour le deuxième cycle du secondaire, selon laquelle la littérature estonienne, l'histoire estonienne, l'éducation civique, la musique et la géographie doivent être enseignées en estonien.

En vertu du Programme national d'enseignement secondaire supérieur (2011), ces cours ou unités d’études comprennent des matières obligatoires et des cours facultatifs. Parmi les cours obligatoires, mentionnons la langue et la littérature estoniennes dans les écoles estoniennes, ou la langue et la littérature russes dans les écoles russes:
 

Article 8

Matières et sujets retenus

Le programme national présente les programmes suivants pour les matières et les cours:

1. langue et littérature: matières obligatoires - estonien, littérature, russe (dans une école ou une classe où l'estonien est étudié en tant que langue seconde et où l'enseignement est partiellement en russe), littérature (dans une école ou une classe où l'estonien est étudié comme langue seconde, et l'enseignement est partiellement en russe); cours facultatifs - "Art oratoire et débat", "Mythe et littérature", "Littérature et société", "Drame et théâtre", "Littérature et film", "Le russe en Estonie", "Littérature mondiale de l'Antiquité jusqu'au XVIIIe siècle","Littérature russe contemporaine","Littérature étrangère contemporaine"(annexe 1);

2. langues étrangères: en ce qui concerne les langues étrangères, il faut distinguer: l'estonien comme langue seconde; langue étrangère au niveau de la compétence linguistique B2 où, en plus des cours obligatoires, il y a deux cours optionnels; et la langue étrangère au niveau de la compétence linguistique B1 où, en plus des cours obligatoires il y a quatre cours au choix. L'anglais, le russe, l'allemand, le français ou d'autres langues étrangères doivent être étudiés au niveau de la compétence B2. L'anglais, le russe, l'allemand, le français ou d'autres langues étrangères doivent être étudiés au niveau de la compétence B1. Pour les étudiants qui étudient l'estonien comme langue seconde, il existe une langue étrangère obligatoire (annexe 2);

Pour obtenir le certificat de fin d’études secondaires en Estonie, il faut réussir des examens. Ceux-ci sont de deux types: 1) ceux organisés par l'école, l'examen scolaire; 2) ceux organisés par l'État, l'examen national. L'article 31 de la Loi sur les écoles primaires et secondaires supérieures (2010) prévoit un examen national à la fin des études secondaires supérieures:

Article 31

Diplôme d’études secondaires

5) Pour obtenir un diplôme d'études secondaires, les examens nationaux doivent être passés en estonien ou, dans les cas spécifiés dans le programme national du lycée, en estonien comme deuxième langue, en mathématiques et dans une langue étrangère. Tout examen national est considéré réussi si au moins un pour cent de la note maximale a été obtenue. Un examen national est réussi avec un résultat satisfaisant si au moins 20% de la note maximale a été obtenue.

6) Pour obtenir un diplôme de l’enseignement secondaire supérieur, les examens nationaux suivants doivent être réussis :

1. les examens nationaux en estonien ou, dans les cas prévus par le programme national des écoles secondaires supérieures, en estonien langue seconde, en mathématiques et en langue étrangère;

2. un examen scolaire pour les écoles secondaires supérieures couvrant la ou les matières et les domaines sociaux et naturels découlant du domaine d’études prévu dans le programme scolaire;

3. la recherche ou les travaux pratiques des élèves, sauf après l’obtention du diplôme en tant qu’élève externe.

À la fin des études secondaires, l’élève doit passer cinq examens, dont trois sont des examens dits «nationaux» ("riigieksamid") et deux sont des examens de l'école fréquentée ("koolieksam"); il y a donc, d'une part, des examens nationaux, d'autre part des examens scolaires. Parmi les examens nationaux, il en existe un qui est nécessairement en langue maternelle: la dissertation. Dans les écoles où la langue d'instruction n’est pas une langue d’enseignement, les élèves doivent obligatoirement passer un examen évaluant leur maîtrise de l'estonien.  Le certificat de fin d’études secondaires ("gümnaasiumi lõputunnistus") n'est valide que s'il est accompagné du certificat des examens nationaux ("riigieksamitunnistus").

- L'enseignement supérieur professionnel

Parallèlement à l’enseignement secondaire supérieur, il existe aussi en Estonie des écoles professionnelles, la plupart financées par l’État. L’effort principal en matière de formation professionnelle se porte sur l’acquisition de compétences et d’expérience professionnelles. On compterait près de 90 écoles professionnelles en Estonie, dont 31 privées. L'article 17 de la Loi sur les établissements d'enseignement supérieur professionnel (1998) énonce que l'estonien est la langue d'enseignement dans ce type d'école:

Article 17

Langue d'enseignement

La langue d'enseignement dans les établissements d'enseignement supérieur professionnel est l'estonien. L'emploi de toute autre langue est décidé par le ministre responsable du Ministère sous la juridiction de laquelle appartient l'établissement de l'enseignement supérieur professionnel.

En vertu de l'article 27.6, sauf disposition contraire de la directive relative à l'attribution du soutien aux activités pédagogiques, un établissement d'enseignement supérieur professionnel est en droit de demander le remboursement partiel des frais d'études pour un étudiant qui étudie à plein temps dans le cadre d'un programme d'études dont la langue d'enseignement est l'estonien et qui n'a pas, au cours du semestre à venir, cumulé la charge d'études exigée au cours des semestres précédents dans le cadre du programme.

En 2013, la Loi sur les établissements d'enseignement professionnel déclare que la langue d'enseignement d'un programme d'enseignement secondaire professionnel est normalement l'estonien:

Article 29

Langue d'enseignement

1)
La langue d'enseignement doit être considérée comme la langue de l'instruction donnée dans une proportion d'au moins 60% du volume d'études prévu dans le programme scolaire.

2) La langue d'enseignement d'un programme d'enseignement secondaire professionnel est l'estonien. La langue d'enseignement d'un autre programme d'études est décidée par la direction de l'école.

3) Dans le cas d'un programme d'études dont la langue d'enseignement est une langue que l'estonien, l'enseignement en estonien est obligatoire selon la mesure prévue dans le programme scolaire, ce qui assure la maîtrise de l'estonien au niveau nécessaire pour exercer la profession acquise.

4) L'exigence relative à la langue d'enseignement d'un programme d'enseignement secondaire professionnel et l'obligation d'un enseignement obligatoire en estonien ne s'étend pas aux élèves qui étudient sur la base d'accords internationaux.

L'article 57 de cette loi précise que les écoles doivent assurer la transition à la langue d'enseignement en estonien dans les programmes d'enseignement secondaire professionnel au plus tard le 1er septembre 2020.

6.2 L'enseignement supérieur

La langue estonienne est soutenue par une longue tradition d'enseignement supérieur, lequel est offert en Estonie depuis 1632, soit lors de la fondation de l’Université de Tartu, devenue aujourd’hui un centre scientifique reconnu internationalement. L'Estonie compte une quarantaine d'établissements d’enseignement supérieur, dont la moitié de ceux-ci sont financés par des capitaux privés. Il existe six universités publiques, cinq universités privées, huit institutions de l'État en enseignement supérieur professionnel, treize établissements privés d'enseignement professionnel supérieur et sept institutions de l'État de formation professionnelle offrant des formations professionnelles. Tous ces établissements sont régis par la Loi sur les universités (1995). L'article 22 de cette même loi déclare que «La langue d'enseignement dans les universités est l'estonien» et que «l'emploi des autres langues doit être décidé par le conseil d'une université» (art. 561):
 

Article 22

Prescriptions générales pour l'organisation des études

8)
La langue d'enseignement dans les universités est l'estonien. L'emploi des autres langues doit être décidé par le conseil d'une université.

Article 561

Prolongation de la période normale des études

Si, tout en acquérant une instruction supérieure, un étudiant estonien ne maîtrise pas parfaitement au cours de ses études la langue officielle selon les conditions et en conformité avec la procédure établie par le ministre de l'Éducation et de la Recherche, la période normale des études est prolongée jusqu'à une année scolaire. (2003)

L'objectif des autorités estoniennes est de faire de l'estonien le véhicule de l'enseignement supérieur en évitant le plus possible le recours aux langues étrangères, notamment dans les domaines scientifiques. Pour ce faire, l'État a dû faire élaborer de nombreux dictionnaires terminologiques et une grande quantité de documents pédagogiques en estonien, de façon à préserver l'enseignement dans cette langue et à assurer un niveau élevé de compétence en estonien parmi les diplômés universitaires.

Enfin, les étudiants dont les connaissances linguistiques en estonien sont insuffisantes lors de leur admission dans un établissement d'enseignement supérieur peuvent, au cours de la première année, approfondir leurs connaissances dans cette langue jusqu'au niveau nécessaire pour acquérir leur spécialité. Cependant, l'internationalisation a été accompagnée par une augmentation de la proportion de l'enseignement par l'intermédiaire des langues étrangères, ainsi que le nombre d'étudiants et de professeurs d'université dont les compétences en estonien sont insuffisantes. En outre, la langue estonienne spécialisée n'est pas toujours suffisamment enseignée. Des dérogations à la maîtrise de l'estonien sont possibles dans certaines universités où l'anglais (pas le russe) est la langue d'enseignement. Dans tous les cas, la langue administrative des établissements d’enseignement supérieur doit être l’estonien et éventuellement une autre langue.

Cela étant dit, il reste encore un long chemin à parcourir pour parvenir à la place qu'il revient à l'estonien. Ainsi, la plus grande université du pays, l’Université de Tartu, comptait en 2012 près de 60 programmes de doctorat en langue anglaise contre seulement quatre en estonien. La seule université qui offre des cours complets en anglais est une université privée: la Concordia Audentes University (Tallinn).

6.3 La réforme scolaire de décembre 2022

Le 12 décembre 2022, le Parlement estonien a adopté une loi portant sur l'enseignement qui prévoit de faire graduellement de l'estonien la seule langue d'apprentissage dans les écoles du pays: Loi modifiant la Loi sur les écoles primaires et les établissements d’enseignement secondaire supérieur et d’autres lois. La phase transitoire s'étalera de 2024 à 2030.

Selon la loi, l'année 2024-2025 sera la première à passer à l'enseignement en langue estonienne pendant l'année scolaire, maternelles et 1re et 4e années. 2024-2025 peuvent être utilisés dans les programmes de l'enseignement secondaire et secondaire professionnel. Jusqu'en 2029-2030. au cours de l'année scolaire, la part de l'autre langue doit représenter jusqu'à 40% de la quantité d'études spécifiée dans le programme scolaire. L'école est tenue d'assurer la transition vers l'enseignement en langue estonienne en 10e année au plus tard en 2030-2031 et en 11e année au plus tard en 2031-2032 et en 12e année au plus tard en 2032-2033 pour l'année scolaire. Dans les établissements d'enseignement professionnel, le changement concerne les élèves suivant le programme de l'enseignement secondaire professionnel.

En vertu de la loi, les cadres des établissements d'enseignement doivent connaître la langue estonienne au niveau C1 à partir du 1er août 2023. Pour les enseignants et les spécialistes du soutien, l'exigence de connaître la langue estonienne sera appliquée comme condition de qualification à partir du 1er août 2024. Si, selon le calendrier de transition, l'enseignement a lieu en estonien, l'enseignant doit avoir un niveau C1 d'estonien.

6.4 Les langues étrangères

L’enseignement d’une langue seconde est obligatoire au primaire et au secondaire. Les élèves apprennent généralement l’anglais et le russe. Dans les écoles où la langue d'enseignement est l'estonien, le russe est enseigné comme une langue étrangère, comme pour l'anglais. Selon l'article 8 du Programme national d'enseignement secondaire supérieur (2011), il faut distinguer l'estonien comme langue seconde et la langue étrangère au niveau de la compétence linguistique B2 où, en plus des cours obligatoires, il y a deux cours optionnels. Il existe aussi des cours de langue étrangère au niveau de la compétence linguistique B1 où, en plus des cours obligatoires il y a quatre cours au choix. L'anglais, le russe, l'allemand, le français ou d'autres langues étrangères doivent être étudiés au niveau de la compétence B2. L'anglais, le russe, l'allemand, le français ou d'autres langues étrangères doivent être étudiés au niveau de la compétence B1. Pour les étudiants qui étudient l'estonien comme langue seconde, il existe une langue étrangère obligatoire.

Dans les écoles où la langue d'enseignement est le russe, l'estonien est enseigné comme langue seconde, mais l'anglais comme langue étrangère. En Estonie, d'autres langues sont enseignées comme langues étrangères: l'allemand, le français, le suédois, le finnois, le japonais, etc. Certaines écoles ont proposé, outre l’enseignement de l’anglais, du français, de l’allemand et de l’espagnol, des modules d’enseignement du russe (441 écoles), du finnois (30 écoles), du suédois (10 écoles) et de l’hébreu (1 école). Plusieurs écoles ont proposé en option l’enseignement de plusieurs langues à la fois.

6.5 Les établissements scolaires privés

Il existe des établissements d'enseignement privés à tous les niveaux, de la maternelle à l'université. Dans ces établissements, il est possible d'avoir recours à une autre langue que l'estonien comme langue d'instruction. En ce cas, la langue d'enseignement peut être une langue étrangère (russe, anglais, etc.), mais un programme national est imposé et un minimum de cours en estonien doit être offert aux élèves. Les exigences du programme scolaire national sont obligatoires pour toutes les écoles. Outre ces exigences, les écoles peuvent enseigner de manière approfondie des matières hors programme.

Depuis quelques années, le nombre d’établissements privés s’accroît continuellement, y compris dans les universités. L'article 15 de la Loi sur les écoles privées (1998-2008) prévoit que dans les établissements d'enseignement où la langue d'instruction n'est pas l'estonien, l'enseignement de l'estonien est obligatoire selon les modalités fixées par les programmes nationaux, afin que les diplômés soient en mesure de poursuivre leurs études en estonien au niveau suivant de leur instruction ou qu'ils puissent travailler dans la profession qu'ils ont choisie avec un niveau de connaissance suffisant de l'estonien:
 

Article 15

Langue d'enseignement et langue de l'administration

1)
La langue d'enseignement doit être spécifiée dans les statuts d'une école privée; dans le cas d'un programme commun, dans le contrat de coopération concernant le programme d'études commun. (2008)

2) Dans les écoles primaires et dans les écoles secondaires supérieures où la langue d'instruction n'est pas l'estonien, l'enseignement de l'estonien est obligatoire selon les modalités fixées par les programmes nationaux afin que les diplômés soient en mesure de poursuivre leurs études en estonien au niveau suivant de leur instruction.

3) Dans les établissements d'enseignement professionnel où la langue d'instruction n'est pas l'estonien,
l'enseignement de l'estonien est obligatoire selon les modalités fixées par la formation professionnelle standard afin d'assurer que les élèves maîtrisent l'estonien au niveau qui est nécessaire pour travailler dans leur profession choisie. (2004)

4) La langue de l'administration d'une école privée est l'estonien. Dans les écoles privées où la langue d'instruction n'est pas l'estonien, la langue d'enseignement de l'école privée ou d'une autre langue étrangère peut être utilisée parallèlement à l'estonien comme langue de l'administration interne.

Le paragraphe 4 de la même loi énonce que la langue de l'administration d'une école privée doit être l'estonien. Cependant, dans les écoles privées où la langue d'instruction n'est pas l'estonien, la langue d'enseignement de l'école privée ou d'une autre langue étrangère peut être utilisée parallèlement à l'estonien comme langue de l'administration interne. De façon générale, c'est l'anglais qui est privilégié comme langue d'enseignement dans les établissement privés, mais il en existe aussi en français, en allemand, en finnois, en espagnol et en italien, notamment dans les «écoles internationales». 

Parallèlement, le Conseil de la langue estonienne (Eesti keelenõukogu), placé sous la juridiction du conseiller de la politique linguistique, joue un rôle consultatif auprès du ministre de l'Éducation et de la Recherche, et travaille à l’élaboration de la stratégie de développement de l'estonien. Par ailleurs, d'autres commissions du ministère de l’Éducation sont consultées lors de l’élaboration d'une législation en matière linguistique. Mais l’organisme de contrôle en matière linguistique demeure toujours l’Inspection linguistique (Keeleinspektsiooni), qui détient un pouvoir prescriptif et la capacité juridique d'imposer des amendes en cas d’infractions.

7 La vie économique et l'affichage 

Durant cinq décennies, la vie économique devait se dérouler en russe. Après 1991, l'estonien reprit progressivement sa place dans l'économie du pays. L'article 27 du Code du commerce (1995-2022) rend obligatoire l'estonien dans les registres des commerces: 

 
Article 27

Langue de travail

1)
Le registre d'un commerce doit être tenu en estonien.

2) Les documents en langue étrangère sont soumis au greffier
avec une traduction en estonien faite par un traducteur assermenté. Les documents peuvent également être soumis au greffier avec une traduction en estonien faite par un notaire, si le notaire a rédigé un acte notarié certifiant
l'authenticité de la signature d'un traducteur dans une langue étrangère sur la base de l'article 5.2 de la Loi sur la certification. (2021)

3) Le commerçant ne peut pas se fier à la traduction si elle diffère du document original. Un tiers peut se fier à la traduction d’un document soumis au registraire, à moins que le commerçant ne prouve que le tiers était au courant de l’inexactitude de la traduction. (2006)

4) Lors de la soumission de documents dans une langue étrangère qui ne satisfont pas partiellement ou totalement aux exigences du paragraphe 2 du présent article, le greffier n'est guidé que par les documents o
u les parties de texte en estonien qui lui sont soumis. L'entreprise et les tiers ne peuvent se fier à des documents ou parties de texte en langues étrangères.(2015)

Dans la Loi sur le droit des obligations (2001), l'article 382 oblige les entreprises et les particuliers à utiliser l'estonien dans les contrats et les informations précontractuelles:
 

Article 382

Langue des informations précontractuelles et des contrats

1) Les informations précontractuelles prévues à l'article 380 et les contrats prévus à l'article 381 de la présente loi doivent être présentés, au choix du consommateur, dans l'une des langues suivantes:

1. en estonien;
2. dans la langue d'un autre État membre de l'Union européenne, qui est l'État de résidence du consommateur;
3. dans la langue de cet État membre de l'Union européenne dont le consommateur est citoyen.

2) Dans le cas d'un contrat portant sur l'acquisition du droit d'utiliser un bâtiment à temps partiel, dont l'objet est un immeuble spécifique et dont le contrat est rédigé dans une autre langue que celle de l'État où est situé le bâtiment, le vendeur doit fournir une traduction certifiée conforme au contrat au consommateur dans la langue de l'État dans lequel est situé ledit bâtiment.

3) Si l'État de résidence du consommateur est l'Estonie, le vendeur doit fournir au consommateur une traduction du contrat en estonien.

Pour sa part, l’article 16 de la Loi sur la langue (1995) énonçait que les consommateurs de biens et services avaient le droit de recevoir leur information en estonien :

Article 16

Le droit du consommateur à recevoir l'information en estonien

Les consommateurs de biens et services ont le droit de recevoir l'information et les services en estonien en conformité avec la Loi sur la protection du consommateur.

L'article 4.3 de la Loi sur la protection du consommateur (2015-2022) énonce que «les informations fournies au consommateur doivent être en estonien, si le consommateur n'a pas accepté leur présentation dans une autre langue:
 

Article 4

Droit d'information du consommateur

1) Le consommateur a le droit de recevoir les informations nécessaires sur les biens et services proposés du point de vue de la sécurité, ainsi que de la protection de la santé, de la propriété et des intérêts économiques.

2) Le commerçant et le fabricant sont tenus de fournir au consommateur des informations sur les caractéristiques et les conditions d'emploi des biens et services, et sur le contrat d'acquisition des biens ou d'emploi des services dans la mesure et d'une manière qui correspond à l'obligation de fournir des informations précontractuelles prévues par la loi sur le droit des obligations ou une autre loi et dans la présente loi aux conditions énoncées.

3)
Les informations fournies au consommateur doivent être en estonien, si le consommateur n'a pas accepté leur présentation dans une autre langue.

Quant à l'article 6.3 de la Loi sur la protection du consommateur (2015-2022), il oblige que tout mode d'emploi rédigé dans une langue étrangère soit traduit en estonien:
 

Article 6

Mode d'emploi

1) Le fabricant doit ajouter un mode d'emploi pour les marchandises techniquement complexes qui contiennent des substances dangereuses ou qui nécessitent des compétences particulières lors de leur usage.

2) Le mode d'emploi doit contenir les informations nécessaires pour que le consommateur utilise les biens de manière sûre, utile et économique, ainsi que pour le montage, l'installation, le raccordement, l'entretien ou le stockage corrects des biens et, si nécessaire, également pour leur destruction. Si le produit est composé de plusieurs pièces, une liste des pièces appartenant au produit (composants de l'ensemble) doit être incluse dans le mode d'emploi.

3)
Le mode d'emploi dans une langue étrangère doit être traduit en estonien au moins dans la mesure spécifiée au paragraphe 2 du présent article et doit être clairement compréhensible.

Aujourd'hui, la Loi sur la langue de 2011 impose l'estonien sur les enseignes, les panneaux indicateurs, les noms de type d'entreprises et la publicité extérieure, y compris la publicité extérieure et les pages Web :
 

Article 16

Langue de l'information

1) Les enseignes, les panneaux indicateurs, les noms de type d'entreprises et la publicité extérieure, y compris la publicité extérieure, installés dans un lieu public dans le but de faire une campagne politique, ainsi que les annonces des personnes morales doivent être en estonien.

2) La traduction d'un texte dans une langue étrangère peut être ajoutée aux enseignes, aux panneaux indicateurs, aux noms de type d'entreprises et à la publicité en plein air; par conséquent, le texte en estonien sera au premier plan et ne sera pas moins visible que le texte dans la langue étrangère.

3) Lorsqu'une enseigne est utilisée comme marque d'une place d'affaires d'une personne ou dans la publicité extérieure, la partie de la marque dans une langue étrangère, qui contient des informations essentielles sur le lieu d'affaires, les biens ou le service offert, doit également être présentée en estonien, sans porter atteinte au caractère distinctif de la marque et sans l'application du paragraphe 2 du présent article. Les informations spécifiées peuvent également être présentées à l'entrée de la place d'affaires.

4) Si les agences, les sociétés, les associations et les fondations sans but lucratif et les propriétaires individuels enregistrés en Estonie disposent d'une page Web destinée au public dans une langue étrangère, cette page doit comprendre au moins un résumé en estonien concernant son domaine d'activité ou sur les biens et les services offerts.

Toute la publicité doit obligatoirement être en estonien, mais des exceptions, décidées au cas par cas par les autorités estoniennes, sont autorisées, notamment pour des publicités en russe ou en anglais, que ce soit dans des zones russophones ou des zones touristiques.

L’article 22 de la Loi sur la langue (1995) précisait que la raison sociale d’une entreprise ou d’un organisme devait être en estonien et utiliser uniquement l’alphabet latin :
 

Article 22

Forme internationale des noms

1) La forme internationale des toponymes estoniens, des noms des citoyens, des objets, des entreprises, des organismes, des associations sans but lucratif et des institutions en alphabet latin doit être identique à la forme orthographique employée en Estonie. (1999)

2) Si les dénominations prévues au paragraphe 1 du présent article sont rédigées dans une langue qui emploie un autre alphabet, les règles de transcription fixées par les normes de la langue littéraire sont appliquées.

L'article 43 de la Loi sur l'alcool (2001) impose un étiquetage en estonien sur les emballages des produits de consommation:
 

Article 43

Prix de vente des boissons alcoolisées

4) Dans un débit de vente de boissons alcoolisées, les informations obligatoires d'étiquetage sur les emballages des produits de consommation, conformément à la législation, doivent être rédigées par écrit en estonien.

En somme, la politique linguistique de l'Estonie a entrepris d'estoniser le marché du travail et des affaires. Évidemment, entre la loi et la réalité, il peut y avoir encore des écarts, notamment dans le nord du pays avec la langue russe. Si le russe ne peut être reconnu comme langue de travail dans l'administration estonienne, il l'est de facto dans le nord du pays, là où plus des deux tiers des citoyens sont de langue maternelle russe, notamment dans le comté de Viru-Est (Ida-Virumaa). Dans cette région où la langue russe domine, la maîtrise de l'estonien ne semble pas d'une absolue nécessité; le fait de parler l'estonien apparaît à bien des russophones comme inutile, si ce n'est pour obtenir la citoyenneté estonienne.

8 Les médias 

Les principaux quotidiens sont le Postimees ("Le Postillon"), l'Eesti Päevaleht ("Le Journal quotidien estonien"), l'Õhtuleht ("Le Journal du soir") et le journal économique Äripäev ("Le Quotidien des affaires"). Les quatre plus grands quotidiens tirent entre 20 000 et 70 000 exemplaires par jour; leur tirage cumulé approche les 200 000 exemplaires par jour. Les deux hebdomadaires les plus importants, l'Eesti Ekspress ("Express estonien") et le Maaleht ("Le Journal de la campagne") ont un tirage total de 90 000 exemplaires par semaine. Bref, si la plupart des journaux nationaux sont en estonien ou en russe, il en existe aussi en anglais et en allemand: Delfi (estonien), Everyday (estonien), Eesti Exkpress (estonien), Äripäev (estonien), Eesti Päevaleht  (estonien), Baltische Rundschau (allemand), Delfi (russe), Hot (estonien), Kesknadal (estonien), Baltic review (anglais), Nelli Teataja (estonien), Delovye Vedomosti (russe), Den za Dnjom (russe), Postimees (estonien), SL Ohtuleht (estonien), etc.

Dans le pays, quelques centaines de périodiques sont publiés; ils couvrent divers, mais sur les présentoirs de nombreux quotidiens et revues, tant en anglais, qu'en allemand, en russe ou en finnois, viennent concurrencer les publications estoniennes. La presse électronique est bien implantée en Estonie. Parmi les plus importants portails Internet figurent Delfi, Neti, Hot, Zone, Eesti Päevaleht Online et Postimees Online. De récentes études de marché révèlent que près de la moitié de la population utilise régulièrement Internet.

En 1992, Raadio Kuku a été la première station de radio indépendante de l'État. Le pays compte environ une trentaine de stations de radiodiffusion, dont l'une, la Eesti Raadio ("Radio estonienne"), est une station de service public appartenant à l'État. Il existe aussi trois chaînes de télévision à couverture nationale, dont deux sont privées : Kanal 2 et TV3. L'autre chaîne, ETV, est publique, Télévision estonienne. En plus des radios et des télévisions estoniennes, il est également possible de capter les quatre grandes chaînes de télévision de la Finlande, ainsi que plusieurs stations de radio.

Qu'en est-il de la langue estonienne? Selon l’article 18 de la Loi sur la langue (2011), tous les médias électroniques dont la langue de diffusion est l’estonien doivent obligatoirement fournir une traduction simultanée en estonien lors des propos rapportés par un locuteur s’exprimant dans une langue étrangère.
 

Article 18

Traduction de textes dans une langue étrangère d'œuvres audiovisuelles, de programmes de télévision et de radio, et de publicités

1) Lors d'une présentation publique et de la transmission d'œuvres audiovisuelles, y compris des émissions et des publicités, le fournisseur du service des médias audiovisuel ou une entreprise doit veiller à ce qu'un texte dans une langue étrangère soit accompagné d'une traduction adéquate en estonien.

2) Une traduction en estonien n'est pas obligatoire pour les programmes d'apprentissage des langues ou pour les programmes qui sont immédiatement retransmis ou dans le cas du texte de nouvelles présentées dans une émission originale en langue étrangère et pour des programmes originellement produits en direct dans une de langue étrangère. Le volume des bulletins de nouvelles dans une langue étrangère et les programmes en direct présentés dans une langue étrangère sans traduction en estonien ne doivent pas dépasser 10 % du volume de la production originale hebdomadaire.

3) Une traduction en estonien n'est pas obligatoire dans le cas des émissions de radio destinées à un public de langue étrangère. Les textes en langue étrangère inclus dans les émissions de radio en estonien doivent être traduits en estonien.

La loi ne concerne pas les stations de radio ou de télévision qui diffusent directement dans une autre langue. Ainsi, la chaîne de radio publique Radio Tallinn diffuse, en mode hertzien pour la diffusion locale et en mode numérique à l’international, des émissions de RFI (Radio France International) en français cinq heures par jour. Radio 4, une chaîne publique russophone diffuse, par voie hertzienne et en mode numérique, des chansons en langue française une heure par jour.

Les chaînes francophones étrangères Arte, France 2, Mezzo, MCM et Canal + sont disponibles au moyen de satellites. Les films en français diffusés sur la chaîne publique sont sous-titrés, alors que les films destinés aux enfants sont doublés en estonien. De plus, TV5Monde détient une présence assez forte grâce au câble.

On constate que la politique linguistique de la république d’Estonie a pour objectif principal de redonner à la langue estonienne la place à laquelle elle a droit. Parce que ce pays a été longtemps réprimé, le gouvernement se devait d’adopter des mesures apparemment sévères afin de renverser la vapeur en faveur de la langue de la majorité estonienne. Évidemment, la politique linguistique de l'Estonie peut paraître très revancharde et contraignante. Pourtant, les mesures adoptées par le gouvernement estonien ne sont pas plus sévères que celles qu’on trouve en France, alors que la langue officielle de ce pays n’a jamais été réprimée.

Les Estoniens sont conscients de la situation relativement fragile de leur langue parlée par moins d'un million de locuteurs, car l'estonien doit affronter l'influence de langues bien plus grandes, que ce soit le russe, l'anglais, le suédois ou l'allemand. Bien que l'estonien soit devenu la seule langue officielle et le véhicule normal de la vie sociale, économique et culturelle, la plupart des Estoniens croient que leur langue est constamment menacée. La menace, c'est le russe pour eux, non l'anglais perçu comme un instrument d’ouverture dont la maîtrise garantirait la prospérité de l’Estonie, sinon la survie de l’estonien. Une illusion, bien sûr! En Estonie, une bonne partie de la minorité russophone rechigne encore à s’intégrer linguistiquement dans son pays d'adoption. Dans certains cas, de nombreux russophones tentent depuis quelque temps de recourir à l’anglais, ce qui irrite beaucoup d'Estoniens qui y voient encore une marque du mépris de la part de leurs anciens oppresseurs pour l'estonien. Quant au géant russe, il est identifié comme un voisin agressif et dangereux, vulnérable à tous les durcissements politiques et idéologiques. La politique linguistique estonienne reflète cet état d'esprit lié à la confrontation de deux langues dominantes, l'estonien et le russe.

Il reste à voir aussi que la politique linguistique de l'Estonie offre un autre volet destiné à réglementer l’emploi des langues appartenant aux minorités nationales de l’Estonie, langues considérées juridiquement comme des «langues étrangères».

Dernière mise à jour: 18 févr. 2024

 

- L'Estonie-

(1)
Généralités
 

(3) La politique linguistique
à l'égard des minorités nationales
 
(4) Bibliographie
 

Loi de la RSS d'Estonie
 sur la langue
(1989)
 

Loi sur l’autonomie culturelle
des minorités nationales
(1993)
 

Loi sur la langue 
(2011)
 

Lettonie  -  Europe  -  Lituanie

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