Canton des Grisons

1) Situation générale

1 Présentation préliminaire

Le canton des Grisons (all.: Graubünden; ital.: Grigioni; romanche: Grischun) est situé dans les Alpes à l’est, soit au sud des cantons de St-Gall, Glaris et Uri, au sud également du Lichtenstein et de l’Autriche, à l’est du canton du Tessin et au nord de l’Italie (voir la carte au sigle GR pour Grisons). 
 

Le canton des Grisons est le plus étendu des cantons suisses (7105 km²), mais c’est aussi celui dont la densité démographique est la plus faible, car plus des deux tiers de la population habitent en altitude et dans des vallées pratiquement inhabitables. Le canton représente 17,2% de la superficie du pays, mais contient seulement 2,5% de la population totale.

Par comparaison, le canton de Berne  représente 13,9 % de la population (voir la carte au sigle BE), le canton de Zurich, 17,2 % (voir la carte au sigle ZH), le canton du Valais, 12,7 % (voir la carte au sigle VS), le canton de Vaud, 8,8 % (voir la carte au sigle VD), etc. 

Le canton des Grisons est une région essentiellement alpine; près de 90 % du territoire se trouve au-dessus de 1200 mètres, l’altitude moyenne étant de 2100 mètres. Environ 41% de la population vit au-dessus de 1000 mètres, contre à peine 3 % pour l’ensemble de la Suisse.

1.1 L'appellation des «Grisons»

Le nom de «Grisons» fait allusion à l'une des trois alliances qui se sont formées aux XVe et XVIe siècles, dont la plus importante fut la «Ligue grise» ou en allemand Graubünden, laquelle s'allia entre 1471 et 1524 avec les deux autres, la «Ligue de la Maison de Dieu» (Gotteshausbund) et la «Ligue des Dix-Juridictions» (Zehngerichtenbund). L'objectif était de se défendre contre les seigneurs locaux et l'armée des Habsbourg d'Autriche. Le nom allemand du canton, Graubünden (< Grau + Bund = «gris» + «ligue») est très explicite dans son étymologie qui signifie au pluriel «ligues grises».

1.2 L'organisation politique

Dans le canton des Grisons, l'organisme législatif s'appelle le Grand Conseil (en allemand : Grosser Rat; en italien : Gran Consiglio; en romanche: Cussegl Grond); il siège à Coire (en all.: Chur; en romanche: Cuira; en italien: Coira), la capitale du canton. Ses 120 membres, élus dans 39 circonscriptions au scrutin majoritaire, selon la représentation proportionnelle, sont en fonction pour quatre ans.

Le pouvoir exécutif est exercé par le gouvernement cantonal (en allemand: Regierung des Kantons Graubünden; en italien: Governo del Cantone dei Grigioni; en romanche: Regenza dal chantun Grischun). Le gouvernement est composé de cinq membres, élus au scrutin majoritaire à deux tours pour un mandat de quatre ans. Chaque membre du gouvernement est à la tête d'un département: Économie et Affaires sociales; Justice, Sécurité et Santé; Éducation, Culture et Protection de l'environnement; Finances et Communes (municipalités); Infrastructures, Énergie et Mobilité.

2 L'organisation administrative

Rappelons que le canton des Grisons fait partie de la Suisse et que celle-ci est un pays fédéral au sein duquel la souveraineté appartient historiquement aux cantons. Ce sont ces derniers qui délèguent certaines de leurs compétences à l’État fédéral. Les cantons ne sont pas des créatures de l'État fédéral, car c'est ce dernier qui est une créature des cantons.

Cela signifie qu'une langue officielle ou nationale dans un canton doit l'être au niveau fédéral et non l'inverse. Une distinction doit cependant être faite entre le concept de «langue officielle» et celui de «langue nationale». Selon la Constitution suisse (fédérale), les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche, alors que les langues officielles de la Confédération sont l'allemand, le français et l'italien, mais le romanche est aussi langue officielle pour les rapports que la Confédération entretient avec les personnes de langue romanche.

2.1 Les régions

Au point de vue administratif, le canton des Grisons compte 11 régions (Regionen en allemand, regioni en italien): Albula, Basse-Engadine/Val Müstair, Bermina, Imboden, Landquart, Maloja, Moesa, Plessur, Prättigau-Davos, Surselva et Viamala. Chacune des régions est divisées en communes (Gemeinden en allemand; comuni en italien), entre 2 à 19, pour un total de 101. Les 11 régions sont des organismes purement administratifs du canton et elles ne disposent donc pas d'une autonomie interne.

Avant 2016, le canton des Grisons était divisé en 11 districts (en allemand: Bezirke; en italien: distretti) et 39 cercles (en allemand: Kreise; en italien: circoli), le terme de cercle équivalant à «circonscriptions» électoraux et/ou judiciaires. Il s'agissait d'entités administratives définies à différents niveaux — fédéral, cantonal ou communal —, les cercles ayant été créés pour accomplir des tâches précises.

Au 1er janvier 2016, les anciens districts dans les Grisons ont été remplacés par «régions». Quant aux cercles, ils ont été supprimés.

2.2 Les communes

La même année, les communes sont passées de plus de 200 à à 101. On peut consulter la Loi sur la division du canton des Grisons en communes (2014) où on y trouvera le nom de chacune des 11 régions avec leurs communes respectives.

En Suisse, la commune est le plus bas niveau d'autorité au sein de l'organisation fédérale. Dans les Grisons, la commune est appelée Gemeinde en allemand (au pluriel: Gemeinden), comune en italien (au pluriel: comuni) et vischnanca en romanche (au pluriel: vischnancas). Plus précisément, les Grisons emploient les expressions «commune politique» : politische Gemeinde (all.), comune politico (ital.) et vischnanca politica (rom.). Chaque citoyen suisse est d'abord citoyen d'une commune; il s'agit du «droit de cité communal».

- Commune et municipalité

Dans les Grisons, les termes de commune et de municipalité ne sont pas synonymes. En effet, Gemeinde ou comune désigne soit l'ensemble des élus soit l'organisme exécutif de la commune. Donc, la commune représente une localité, alors que la municipalité est associée aux personnes élues. En ce sens, on peut parler d'un conseil municipal ou d'un conseil communal (Gemeindevorstand ou Consiglio comunale) ou d'une assemblée municipale (Gemeindeversammlung) ou communale.

Quant au mot ville (Stadt, en allemand), c'est en principe un terme géographique désignant une agglomération comptant 10 000 habitants ou plus, sinon il s'agit d'un village, d'un bourg ou d'un hameau. Or, étant donné que le canton compte 150 vallées, les villes comptant même plus de 5000 habitants sont peu nombreuses: Coire (39 242), Davos (10 800), Landquart (9191) et Domat/Ens (8286). Dans le canton, la plupart des agglomérations sont des villages, sinon des hameaux.  

- Les compétences des communes

La commune politique dispose de certaines compétences qui lui permettent d'exercer son autonomie. Ainsi, selon la Loi sur les communes du canton des Grisons (2017), les communes sont des entités territoriales de droit public dotées d'une personnalité juridique propre. Elles règlent leurs affaires de manière autonome dans le cadre du droit cantonal qui leur accorde la plus grande marge de manœuvre possible. D'ailleurs, l'article 3 de la Constitution cantonale de 2003 précise que les communes soutiennent et prennent les mesures nécessaires pour sauvegarder et promouvoir les langues romanche et italienne; elles doivent favoriser la compréhension et les échanges entre les communautés linguistiques.

3 Le principe de la territorialité suisse

Selon la législation fédérale, la Suisse fonctionne en vertu du principe de territorialité linguistique qui postule que, dans un territoire donné, il doit y avoir une seule langue officielle:  cuius regio, eius lingua. Ainsi, la Suisse est découpée en quatre zones linguistiques unilingues, sauf dans les Grisons.

C'est le seul canton qui adapte à sa façon le principe de la territorialité linguistique. En d’autres termes, il doit y avoir une voie entre la territorialité rigide et la situation anarchique, où chaque individu bénéficierait de la liberté d’employer sa langue dans la sphère publique, ainsi que le droit de recevoir des services de l'État dans cette langue, et ce, indépendamment du contexte social et historique dans lequel il se situe.

3.1 Une compétence cantonale

En Suisse, la politique linguistique est avant tout une compétence cantonale. Cependant, dans le canton des Grisons, les autorités ont délégué une partie de leur leur pouvoir aux communes. Le cas du canton trilingue des Grisons est unique en Suisse, dans la mesure où il se caractérise, entre autres, par une très forte décentralisation, puisque la langue officielle est déterminée par les communes. Ce sont elles qui décident aussi des «langues scolaires» dans le cadre de leurs compétences et en collaboration avec le canton. À cet égard, les communes doivent prêter attention à la «composition linguistique traditionnelle» et prendre en compte les minorités linguistiques autochtones; on pense surtout aux Romanches, le seule groupe linguistique de la Suisse dont la survie, à long terme, est véritablement mise en question.

Près de 50% des quelques 100 communes comptent moins de 1000 habitants. Chacune d'elles choisit sa ou ses langues officielles et sa ou ses langues scolaires. Dans les Grisons, une commune peut avoir deux langues officielles, mais elle peut les appliquer différemment selon les localités, les villages ou les bourgs.

3.2 La commune de Surses comme modèle

Afin de montrer la complexité des communes grisonnes, le modèle de la commune de Surses est intéressant à plus d'un titre. Cette commune fait partie de la région d'Albula (population: 9300 en janvier 2022), mais à elle seule, Surses en compte 3543. 

La région d'Albula compte six communes dont la population varie énormément entre Schmitten (212 hab.) et Surses (3543 hab.).

Chacune des communes peut compter plusieurs localités (voir le tableau de droite). C'est le cas des communes de Vaz/Obervaz (13), d'Albula/Alvra (9), de Bergün Filisur (5) et de Surses (8). Lantsch/Lench et Schmitten sont à la fois une commune et un village paroissial.

La commune de Surses, pour sa part, dénombre huit localités (voir la carte de gauche): Mulegns (25 hab.), Marmorera (49 hab.), Sur (64 hab.), Bivio (204 hab.), Salouf (211 hab.), Cunter (215 hab.), Riom-Parsonz (304 hab.), Tinizong-Rona (320 hab.) et Savognin (9996 hab.). Toutes ces localités sont des villages, sinon des bourgs, dont les dénombrements ne sont pas toujours à jour.

 
  Commune Population
(2022)
Localités
1 Vaz/Obervaz 2 749 13
2 Lantsch/Lenz   531   1
3 Albula/Alvra 1 327   9
4 Schmitten   222   1
5 Bergün Filisur   901   5
6 Surses 3 543   8
  Total 9 300 27

En effet, l'addition de toutes les localités de la commune de Surses donne 2388 habitants, alors que le total officiel pour toute la commune est de 3543. Toutes les localités de la commune de Surses comptent des romanchophones et des germanophones, parfois des italophones. On peut consulter la Loi sur la division du canton des Grisons en communes où on y trouvera le nom de chacune des 11 régions avec leurs communes respectives. Cette diversité linguistique des Grisons est le résultat d’un long processus historique (voir la section 3 sur les données historiques).

Dernière mise à jour: 03 mai 2025

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1) Situation générale
 

2) Donnée démolinguistiques
 

3) Données historiques
 

4) La politique linguistique cantonale
 

5) Les politiques linguistiques locales
 

6) Bibliographie
 

Grisons - Suisse

 

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