[Artsakh (Nagorno-Karabakh)]
Région autonome
du Haut-Karabagh

Haut-Karabagh

(Dissolution par l'Azerbaïdjan)



 
Capitale:  Stepanakert (Khankendi)
Population:  120 400 (2010)
Langues officielles:  azéri et arménien
Groupe majoritaire: arménien (73,5 % en 1996)
Groupes minoritaires:  azéri (25,3 % en 1996)
Système politique:  république autonome azerbaïdjanaise
Articles constitutionnels (langue): art. 21, 102, 152, 153, 198 de la Constitution du 12 novembre 1995
Lois linguistiques: Loi constitutionnelle sur l'indépendance de l'État de la république d'Azerbaïdjan (1991); Loi sur le rétablissement de l'alphabet azerbaïdjanais avec la graphie latine (1991); Décret du Conseil national du Conseil suprême de la république d'Azerbaïdjan concernant la réglementation de l'entrée en vigueur de la loi de la république d'Azerbaïdjan «sur le renouvellement de l'alphabet azerbaïdjanais avec la graphie latine» (1992); Loi sur la langue officielle (1992, abrogée); Décret de l'Assemblée nationale sur la mise en œuvre de la Loi sur la langue officielle du 22 décembre 1992
; Décret sur la protection des droits et libertés et sur le soutien accordé par l’État à la promotion des langues et des cultures des minorités nationales, des populations et des groupes ethniques numériquement restreints qui vivent dans la république d’Azerbaïdjan (1992).

1 Situation géographique

Le Haut-Karabagh (Artsakh, en arménien; Nagorno-Karabakh, en anglais) est une région autonome de l'Azerbaïdjan située à environ 270 km à l’ouest de Bakou. Le Haut-Karabagh s’étend du nord-ouest au sud-est sur près de 4400 km² dans le sud-est du Petit Caucase (Malyy Kavkaz). Il comprend sept régions ou districts, outre la capitale: Chahoumian, Martakert, Askeran, Martouni, Hadrout, Chouchi et Kashatagh.

La capitale du Haut-Karabagh, située dans le centre de la région, appelée Khankendi jusqu’en 1923, a depuis pris le nom de Stepanakert et bénéficiait d'un statut particulier.

Le Haut-Karabagh a déclaré unilatéralement son indépendance de l'Azerbaïdjan le 2 septembre 1991, mais celle-ci n'a été reconnue que par l'Abkhazie, l'Ossétie du Sud et la Transnistrie. Par la suite, le Haut-Karabagh demeura sous le contrôle de l'armée arménienne, les lois azerbaïdjanaises n'étant plus appliquées. Ce petit territoire montagneux, disputé par deux États de l'ex-Union soviétique, cristallise les nationalismes depuis désormais un siècle.

Le 19 septembre 2023, un nouveau conflit armé a éclaté dans la région à la suite d'une opération militaire d'envergure de la part de l'Azerbaïdjan. Au terme de vingt-quatre heures de combats, les forces sécessionnistes ont dû déposer les armes. Le Haut-Karabagh est redevenu entièrement azerbaïdjanais du fait que la population arménienne sera volontairement ou non expulsée de ce territoire.

2 Données démolinguistiques

La population du Haut-Karabagh était estimée en 1996 à quelque 130 000 personnes et était composée pour l’essentiel d’Arméniens de confession chrétienne. Avant le conflit, le Haut-Karabagh comptait 138 600 Arméniens (73,5 %) et 47 500 Azéris ou Azerbaïdjanais (25,3 %).

Les habitants avaient tous les moyens fondamentaux d’un gouvernement autonome et connaissaient un développement social, économique et culturel important. Aujourd'hui, la population est encore essentiellement arménienne de confession chrétienne orthodoxe, alors que les Azerbaïdjanais sont des musulmans chiites.

En plus de la capitale, le Haut-Karabagh est composé de sept régions (districts) :

Région Population 2010 Superficie (km²)
Stepanakert (capitale) 52 300 25,7
Martouni 23 500 951,1
Martakert 19 600 1 795,1
Askeran 17 700 1 196,3
Hadrout 12 400 1 876,8
Kashatagh 7 800 3 376,6
Chouchi 5 100 381,3
Chahoumian 3 000 1 829,8
Total 141 400  

Évidemment, ces statistiques ne valent plus en raison de l'expulsion de la population arménienne.

3 Données historiques

Peuplé à l’origine par les Mèdes au VIIIe siècle avant notre ère, le Haut-Karabagh fut conquis par les Perses deux siècles plus tard. C'est à partir du XIVe siècle que la région reçut la dénomination perse de Karabagh, ce qui signifie «Jardin noir», à cause de ses montagnes et de la fertilité de sa terre.

3.1 La promesse d'une intégration à l'Arménie

En 1828, l'Empire russe s’empara de la région, alors limitrophe de l’Arménie. Lorsque la révolution russe éclata en 1917, la population du Haut-Karabagh comptait 73 % d’Arméniens. La Grande Bretagne, qui assumait le contrôle militaire de la Transcaucasie orientale, favorisa en octobre 1918 les visées de l'Azerbaïdjan sur le Karabagh et empêcha la jonction entre ce territoire et la république d'Arménie. Le Conseil national du Karabagh, sous la pression croissante des forces armées azéries, signa en août 1919 un accord selon lequel il acceptait temporairement l'autorité de l'Azerbaïdjan jusqu'à une décision finale de la Conférence de paix; une autonomie culturelle lui était garantie.

Quant à l'Arménie, elle fut créée en 1918 sur les ruines de l’Empire russe par la volonté de a Grande-Bretagne, alors que l'Azerbaïdjan fut formée dès la naissance de l’URSS. Cependant, les frontières furent remodelées plusieurs fois dans cette région. Ainsi, les représentants de l'Arménie avaient accepté de se joindre à l’Union soviétique en 1920 à la condition que le Haut-Karabagh soit réintégré à l’Arménie. 

3.2 La décision de Staline

Cette promesse fut tenue jusqu’en 1921 par le «commissaire aux nationalités» de l’époque, Joseph Staline. Toutefois, celui-ci revint sur sa promesse quand il se rendit compte que le gouvernement soviétique avait besoin d’alliés diplomatiques.

En effet, la Turquie s’engageait à aider Moscou si l’enclave arménienne du Haut-Karabagh revenait à l’Azerbaïdjan. Staline décida en 1921 de rattacher la région du Haut-Karabagh, dont la population est déjà majoritairement arménienne chrétienne, à l’Azerbaïdjan, à majorité musulmane chiite. Ce fut un mariage forcé qui dure depuis un siècle.

Dès lors, le Haut-Karabagh et le Nakhitchevan passèrent sous juridiction azerbaïdjanaise. En juillet 1923, l’URSS érigea le Haut-Karabagh en région autonome, qu’elle plaça sous contrôle de l’Azerbaïdjan. Staline redéfinit néanmoins les frontières du Haut-Karabagh en amputant une partie de son territoire tout en le gardant enclavé dans l’Azerbaïdjan (1930). Bien que le Haut-Karabagh soit peuplé essentiellement d’une majorité d’Arméniens, les dirigeants soviétiques se refusèrent par la suite à le rattacher à l’Arménie, invoquant notamment l’insuffisance des voies de communication et de transport entre les deux régions.

Solon la Constitution de la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan, le statut juridique de la région autonome avait été fixé par la Loi sur la région autonome du Haut-Karabagh, laquelle avait été proposée par le Soviet des députés du peuple de la région et adoptée par le Soviet suprême de l’Azerbaïdjan. Aux termes de la Constitution de l’ancienne URSS, la région appelée «RAHK» était représentée par cinq députés au Conseil des nationalités du Soviet suprême de l’URSS. La RAHK était également représentée par 12 députés au Soviet suprême de la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. Dans la RAHK, on dénombrait en 1988-1989 quelque 136 établissements secondaires où l’arménien était la langue d’enseignement (16 120 élèves) et 13 écoles internationales (7045 élèves). La région autonome disposait aussi de cinq journaux en langue arménienne. À la différence des autres unités territoriales et administratives de l’Azerbaïdjan, cette région éloignée de la capitale et située dans une zone montagneuse, bénéficiait de l’infrastructure technique nécessaire à la réception des émissions de télévision et de radio.

4 Le conflit arméno-azerbaïdjanais

Lorsque, au milieu des années 1980, l’URSS s’engagea sur la voie d’une plus grande liberté d’expression politique, des tensions apparurent entre les Arméniens du Haut-Karabagh et l’Azerbaïdjan. Entre 1988 et 1990, des manifestations en faveur de l’indépendance du Haut-Karabagh dégénèrent en affrontements violents. Au lieu de jouer le rôle de conciliateur, Moscou provoqua autant le nationalisme arménien que le nationalisme azerbaïdjanais. Au lendemain de la dissolution de l’URSS et de l’indépendance de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie en 1991, le conflit s'envenima, car l'Azerbaïdjan envoya son armée dans le Haut-Karabagh et abolit le statut d'autonomie. Les Arméniens du Haut-Karabagh répliquèrent par la proclamation de l'indépendance du Haut-Karabagh, à l'issue d'un référendum (le 10 décembre 1991). Les combats se sont intensifiés par la suite et la crise s'est internationalisée, avec des tentatives de médiation de la part de la Russie, de la CEI (Communauté des États indépendants), de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) et de l'ONU. 

4.1 La première guerre du Haut-Karabagh

Forts du soutien de l’Arménie, les Arméniens du Haut-Karabagh prirent le contrôle de l’ensemble de la région en 1994, étendant leur influence jusqu’à la frontière arménienne, à l’ouest, et en établissant une continuité territoriale de leur région avec l'Arménie («couloir de Latchin»). Quant aux forces azerbaïdjanaises, elles ont réussi à occuper le nord du Haut-Karabagh. Les deux parties ont pratiqué le même «nettoyage ethnique»: l'Arménie expulsait ce qui restait des Azéris pendant que l'Azerbaïdjan faisait de même avec les Arméniens: on a mentionné que, au total, plus de 120 000 Arméniens et 80 000 Azéris furent déportés. Malgré la conclusion d’un cessez-le-feu en 1994 entre l’Azerbaïdjan, l’Arménie et les rebelles du Haut-Karabagh, la paix demeure précaire, alors que les parties continuent de rechercher une solution négociée. Depuis 1998, l’expulsion massive des Azéris de la région autonome du Haut-Karabagh et de l’Arménie s’est traduite par une véritable épuration ethnique de toute la population non arménienne.

Depuis le début des combats en 1988, quelque 18 000 personnes auraient ont été tuées et un million d’autres auraient été déplacées, sans compter les 877 bâtiments détruits, 100 000 immeubles et maisons rendus inhabitables et plus de 1000 installations économiques, 600 écoles et institutions éducatives, 250 centres de soins et hôpitaux et la plupart des monuments de la zone occupée mis à sac ou détruits. 

4.2 La seconde guerre du Haut-Karabagh

Le 27 septembre 2020, ce fut la reprise des combats au Haut-Karabagh. En novembre 2020, après une guerre de 44 jours, qui a opposé les deux anciennes républiques soviétiques du Caucase, il y eut un nouveau cessez-le-feu à l'automne 2020. Ce conflit s'est soldé par la mort de 6500 personnes au moins et la victoire de l'Azerbaïdjan qui a pu reprendre des territoires perdus en 1994, notamment au sud du Haut-Karabagh. L'Arménie a donc été contrainte de céder à l'Azerbaïdjan des territoires autrefois conquis.

Selon l'accord, l'Azerbaïdjan conservait les territoires reconquis et récupérait la totalité des sept districts entourant le Haut-Karabagh, d'où les forces arméniennes durent se retirer complètement. Les Arméniens eurent la garantie de préserver leur droit de passage dans le «corridor de Latchin», qui demeure sous le contrôle des forces de paix russes.

4.3 Un conflit apparemment sans issue

Depuis un siècle, aucune issue politique n'a pu être trouvée, le principe de l'autodétermination s'opposant ici à celui du respect de l'intégrité territoriale. Le litige s'éternise parce que les enjeux géopolitiques semblent majeurs. Pour les Azéris comme pour les Arméniens, le Haut-Karabagh appartient au patrimoine national. Toutefois, étant donné que les négociations n'aboutissent pas, les Azerbaïdjanais ont choisi la solution militaire. C'est pour eux un recours d'autant plus avantageux qu'ils bénéficient d’un budget militaire dix fois plus élevé que celui de l’Arménie. De son côté, la Russie veut garder son influence sur ce territoire, mais elle ne fait strictement rien, sauf faire respecter le statu quo. En réalité, la Russie n'a fait que gérer la crise à son profit, comme elle le fait partout, et elle ne veut surtout pas régler les problèmes.

De son côté, l’Arménie aurait pu accepter de restituer les positions qu’elle avait conquises moyennant une assurance que l’enclave du Haut-Karabagh puisse demeurer autonome. Cette solution ne semblait possible qu'à la condition que la Russie se portait garante de l’enclave pour qu’un accord puisse voir le jour, sauf que les Russes aurait certainement exigé que cette enclave soit rattachée à la Russie sous forme de «province autonome». La Russie ne voit toujours que l'expansion de son empire pour sa survie! C'est sa règle d'or. On aurait pu aussi envisager un échange territorial afin de résoudre le problème: le Haut-Karabagh irait à l'Azerbaïdjan et le Nakhitchevan irait à l'Arménie. C'était la solution préconisée par les Américains parce qu'elle préserverait les intérêts géopolitiques des États-Unis et de leur allié turc dans la région, tout en réduisant le rôle de la Russie. Mais ce sont la Russie et la Turquie qui restent les pays les plus influents dans la région. Rappelons que la population arménienne a été entièrement expulsée après 1990 en représailles avec la guerre au Haut-Karabagh.

4.4 Un second génocide?

Dans l’indifférence de la communauté internationale, les quelque 120 000 Arméniens peuplant le Haut-Karabagh sont sur la voie d'un nettoyage ethnique. Selon un rapport récent publié par Luis Moreno Ocampo, ancien procureur de la Cour pénale internationale: «Il existe une base raisonnable pour croire qu’un génocide est en train d’être commis contre les Arméniens vivant dans le Haut-Karabagh en 2023.» Une nouvelle dimension s’est ajoutée au conflit lorsque l’Azerbaïdjan a fermé, en décembre 2022, le corridor de Latchin, seule route qui connecte cette région sécessionniste à l’Arménie et, par extension, au reste du monde. Ce blocus azerbaïdjanais a créé une grave crise humanitaire au sein de l’enclave arménienne avec des pénuries de nourriture et de médicaments et des coupures fréquentes de courant.

Depuis la défaite militaire de l’Arménie durant la guerre de 2020, le blocage intentionnel du corridor de Latchin par le régime autocratique azerbaïdjanais est une tactique délibérée pour terroriser les Arméniens, les étouffer et les forcer à négocier, selon les conditions imposées par l’Azerbaïdjan. Or, dans ce contexte hostile, les perspectives d’une paix durable pour le Haut-Karabagh demeurent extrêmement minces. En raison de l'invasion russe en Ukraine, les enjeux politiques de la communauté internationale sont tournés vers ce pays, en oubliant que des dommages collatéraux se prolongent jusque dans le Caucase du Sud. Quant à l'Arménie, elle se montre de plus en plus critique du rôle de la Russie, son allié traditionnel, qui reste embourbé dans son invasion de l'Ukraine.

4.5 La défaite

Le 19 septembre 2023, un nouveau conflit armé a éclaté dans la région à la suite d'une opération militaire d'envergure de la part de l'Azerbaïdjan. Au terme de vingt-quatre heures de combats, les forces sécessionnistes ont dû déposer les armes. Un cessez-le-feu ainsi qu'une trêve ont été décrétés au début de la journée du 20 septembre à la suite de la médiation des forces de maintien de la paix russes présentes sur place. Un mois plus tard, plus de 100 000 Arméniens (sur 120 000) du Haut-Karabagh avaient trouvé refuge en Arménie. Les autorités de ce pays ont accusé l'Azerbaïdjan de pratiquer un génocide.

L'Azerbaïdjan s'est engagé à respecter les droits des Arméniens dans la région et à rétablir les approvisionnements après dix mois de blocus. Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a assuré que les droits des Arméniens du Haut-Karabagh seraient garantis. Mais les Arméniens n'ont pas fait confiance au président Ilham Aliyev dont le régime, basé sur les idéologies nationaliste et panturque, est souvent qualifié d'autoritaire et de dictatorial. Les Arméniens n'ont pas voulu faire partie de l'Azerbaïdjan et de devenir de bons Azerbaïdjanais. Par crainte des représailles, la plupart ont préféré fuir et les autres ne tarderont pas à faire de même. 

En quittant massivement la région, c'est également tout un défi pour la petite république d'Arménie, qui ne compte que trois millions d’habitants. Le premier ministre arménien a accusé Moscou de l’avoir «lâché», ce que les Russes démentent. Quant à l'Azerbaïdjan, il est appuyé par son puissant voisin turc, qui lui a notamment fourni des drones. Mais la Russie demeure toujours un acteur majeur dans ce long conflit; elle doit désormais aussi constater qu'il lui faudra composer avec la présence de la Turquie qui, par son activisme de plus en plus prononcé, s'affirme comme un partenaire incontournable dans la région au grand dam des Occidentaux. Quoi qu'il en soit, l'Arménie n'aura rien à négocier! Et l'Azerbaïdjan se sera débarrassé de ces Arméniens encombrants sous l'œil bienveillant de la Russie, devenu depuis longtemps, comme on le sait, «un grand protecteur des peuples»!

Dernière mise à jour: 22 déc. 2023
  

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