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Canada |
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Constitution du Canada
2.3)
Les lois constitutionnelles de 1867
et de 1982
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1 La Loi constitutionnelle de 1867
C'est une loi émanant du gouvernement britannique, la British
North America Act appelée aujourd'hui Loi constitutionnelle
de 1867 , qui créa la «Confédération
canadienne». Le terme Confédération n'est toutefois
pas très approprié, car il désigne une union d'États
membres qui s'associent tout en conservant leur souveraineté et
en déléguant à un pouvoir central certaines compétences.
En réalité, au Canada, c'est le terme de fédération
qu'il aurait fallu employer, puisqu'il fait référence à
une union de plusieurs États non souverains en un seul État
fédéral; d'ailleurs, il est plutôt d'usage maintenant
de recourir à ce terme. On parle plus souvent de la fédération
canadienne, mais la dénomination officielle du pays reste la
Confédération
canadienne.
Les communautés anglophone et francophone de 1867 ont jugé
comme un compromis acceptable l'État fédéral alors
instauré. Rappelons que, à l'époque (1867), le Canada
comprenait seulement l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick
et la Nouvelle-Écosse. En 1867, le Canada était un pays relativement
petit: l'Ontario et le Québec possédaient alors un territoire
beaucoup plus restreint. Quant au reste de l'Amérique du Nord «britannique»,
il comprenait des colonies de l'Angleterre: Terre-Neuve, la Terre de Rupert,
les Territoires du Nord-Ouest et la Colombie-Britannique. On peut visiter
le site de la Bibliothèque nationale du Canada pour visualiser la
carte géographique du Canada
de 1867.
La Loi constitutionnelle de 1867 ne contient qu'un seul article
à caractère linguistique: l'article 133 stipule que tout
député a le droit d'utiliser l'anglais ou le français
au Parlement du Canada et à la Législature de la province
de Québec; de plus, dans toute plaidoirie devant les tribunaux fédéraux
du Canada et devant tous les tribunaux du Québec, tout citoyen peut
faire usage de l'une ou l'autre de ces deux langues. Voici comment est
libellé l'article 133:
Article 133
Dans les chambres du Parlement du Canada et les chambres
de la Législature de Québec, l'usage de la langue française
ou de la langue anglaise, dans les débats, sera facultatif; mais,
dans la rédaction des registres, procès-verbaux et journaux
respectifs de ces chambres, l'usage de ces deux langues sera obligatoire.
En outre, dans toute plaidoirie ou pièce de procédure devant
les tribunaux du Canada établis sous l'autorité de la présente
loi, ou émanant de ces tribunaux, et devant les tribunaux de Québec,
ou émanant de ces derniers, il pourra être fait usage de l'une
ou l'autre de ces langues.
Les lois du Parlement du Canada et de la Législature
de Québec devront être imprimées et publiées dans
ces deux langues.
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Il faut bien comprendre que cet article 133 n'établit pas le bilinguisme
officiel au Canada dans son entier; il rend simplement possible
l'usage de l'anglais et du français au Parlement fédéral,
à la Législature du Québec, ainsi que dans les tribunaux
de la province de Québec et dans ceux du gouvernement fédéral.
La Loi constitutionnelle de 1867 n'engage au bilinguisme ni le
gouvernement fédéral ni l'administration publique relevant
de cette juridiction. Il s'agit simplement de ce que le juriste Beaudoin
a appelé «un embryon de bilinguisme officiel». Mais
des quatre provinces canadiennes de 1867, seul le Québec se voyait
imposer ce bilinguisme rudimentaire à sa Législature et dans
les tribunaux (voire à l'école par le biais des commissions
scolaires confessionnelles), alors qu'on comptait une importante minorité
francophone dans chacune des trois autres provinces. Cependant, l'article
23 de la Loi de 1870 sur le Manitoba (équivalant à
une loi constitutionnelle dans ce cas) contient une disposition similaire
à l'article 133 et accorde aux Franco-Manitobains les mêmes
«garanties» linguistiques.
2 La Loi constitutionnelle de 1982
En 1982, le Canada a adopté une nouvelle constitution: la
Loi constitutionnelle de 1982. Les circonstances dans lesquelles fut adoptée
cette nouvelle constitution dans laquelle est enchâssée la
Charte des droits et libertés sont lourdes de conséquences.
La Constitution a été approuvée par neuf provinces
anglaises et le gouvernement fédéral, et ce, sans le consentement
du Québec. Néanmoins, selon la Cour suprême du Canada,
le Québec est lié juridiquement par la Loi constitutionnelle
de 1982. Comme exemple de dissension nationale et de concurrence législative,
on ne pouvait trouver mieux: un gouvernement fédéral à
majorité de langue anglaise qui, avec l'appui de neuf provinces
de langue anglaise, demande à un Parlement étranger de langue
anglaise celui de Londres (par obligation constitutionnelle) de réduire,
sans son consentement, les compétences du seul gouvernement de langue
française en Amérique du Nord.
Cette intervention du gouvernement fédéral demeure plutôt exceptionnelle
dans l'histoire contemporaine canadienne. Elle eut non seulement comme résultat
de faire casser une loi adoptée légitimement par un gouvernement provincial
(la loi 101 ou Charte de la langue française), mais elle eut également
pour effet de limiter les pouvoirs des parlements provinciaux dans un domaine
qui leur était exclusif: l'éducation. Il faut dire que la Charte des droits
et libertés, particulièrement l'article 23 relatif à l'accès aux écoles
de la minorité, n'indispose pas vraiment les provinces anglaises dont l'expérience
démontre que plusieurs d'entre elles s'en accommodent fort bien. Cela dit, la Loi constitutionnelle de 1982 innove en matière linguistique par rapport
au texte constitutionnel de 1867.
2.1 Le bilinguisme des institutions fédérales
En matière de langue, la plupart des dispositions constitutionnelles
ne portent que sur le bilinguisme des institutions fédérales
et de celles du Nouveau-Brunswick. Selon l'article 16 de la
Loi constitutionnelle de 1982 :
Article 16
Le français et l'anglais sont les langues officielles
du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux
quant à leur usage dans les institutions du parlement et du gouvernement
du Canada.
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On consacre ainsi dans la Constitution le concept d'égalité
juridique des langues au Parlement et au gouvernement fédéral
mais non pas pour le pays en entier. Le Canada n'est pas un pays officiellement
bilingue: c'est un État fédéral bilingue, car, outre
les dispositions relatives au Nouveau-Brunswick, la Loi constitutionnelle
de 1982 ne concerne que les domaines de juridiction fédérale.
Les provinces, les municipalités et les organismes privés
ne sont donc pas touchés par le bilinguisme institutionnel.
Quant aux articles 17 à 20, ils constitutionnalisent les dispositions
de la Loi sur les langues officielles de 1969 concernant les langues
du Parlement fédéral, des tribunaux fédéraux
et des services offerts par le gouvernement central. Le paragraphe 1 de
l'article 20 se lit comme suit:
Article 20
1) Le public a, au Canada, droit à l'emploi du
français ou de l'anglais pour communiquer avec le siège ou
l'administration centrale des institutions du Parlement ou du gouvernement
du Canada ou pour en recevoir les services; il a le même droit à
l'égard de tout autre bureau de ces institutions là où,
selon le cas:
a) l'emploi du français ou de l'anglais fait
l'objet d'une demande importante;
b) l'emploi du français et de l'anglais se justifie
par la vocation du bureau.
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Les articles précédents ne concernent que le gouvernement
fédéral, exception faite des paragraphes supplémentaires
qui s'appliquent uniquement au Nouveau-Brunswick, et ce, à la demande
de cette province. Évidemment, les clauses linguistiques ne liant
que le gouvernement du Canada ne dérangent aucun gouvernement provincial.
2.2 Le droit à l'instruction dans la langue de la minorité
Rappelons que la Charte des droits et libertés est enchâssée
dans la
Loi constitutionnelle de 1982. L'article 23 de la
Charte porte sur l'enseignement dans la langue de la minorité de
langue officielle. Cet article 23 oblige toutes les provinces canadiennes
à donner un enseignement en français ou en anglais à
tout citoyen canadien qui veut faire instruire ses enfants aux niveaux
primaire et secondaire dans la langue dans laquelle il a reçu lui-même
son instruction:
Article 23
1) Les citoyens
canadiens:
a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la
minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident,
b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou
en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans
laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone
ou anglophone de la province,
ont, dans l'un ou l'autre cas, le droit d'y faire instruire leurs enfants,
aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue. |
2.3 La «clause Québec» contre la «clause
Canada»
La Cour suprême du Canada a implicitement reconnu que l'article
23 de la Charte canadienne des droits et libertés avait été
adoptée pour empêcher le Québec de recourir à
l'unilinguisme territorial avec la Charte de la langue française.
À l'origine, l'article 73 de la Charte de la langue française,
adoptée en 1977 par le parlement de Québec, prévoyait
que seuls les enfants dont le père ou la mère avaient reçu
un enseignement en anglais au Québec avaient le droit de
fréquenter l'école anglaise au Québec.
Or, le 26 juillet 1984, la Cour suprême du Canada déclara
que la «clause Québec» (l'école anglaise uniquement
pour les enfants dont les parents ont fréquenté l'école
anglaise au Québec) était inconstitutionnelle, et ce, rétroactivement,
parce qu'elle était contraire à la Charte des droits et
libertés (adoptée en 1982). Le paragraphe 23.2 de la
Charte canadienne oblige, rappelons-le, toutes les provinces canadiennes
à donner un enseignement en français ou en anglais à
tout enfant dont les parents ont reçu un enseignement en français
ou en anglais au Canada :
Article 23
2)
Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu
ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en
français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire
tous leurs enfants, aux niveau primaire et secondaire, dans la langue de
cette instruction.
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Depuis lors, la «clause Canada» a définitivement remplacé la «clause Québec» dans le système scolaire québécois.
On peut lire un passage de l'arrêté de la Cour suprême du Canada
en cliquant ICI, s.v.p.
2.4 Les conditions d'application de l'article 23
En vertu du paragraphe 23.1a de la
Charte des droits et
libertés,
il faut satisfaire à quatre conditions pour recevoir un enseignement
dans la langue d'une minorité provinciale, en français dans
les provinces anglaises ou en anglais au Québec.
Article 23
1.a
1o L'un des parents doit être citoyen
canadien.
2o L'un des parents doit être de langue
maternelle française ou anglaise ou avoir reçu dans cette
langue son instruction au niveau primaire.
3o Il faut appartenir à la minorité
francophone ou anglophone de la province de résidence.
4o Ce sont les parents qui ont le droit de
faire instruire leurs enfants aux niveaux primaire et secondaire.
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D'après la loi, il est clair que le droit à l'enseignement
dans la langue de la minorité est accordé aux parents
plutôt qu'aux enfants. De plus, la Charte n'exige pas que les enfants
aient pour langue maternelle la langue dans laquelle ils pourront faire
leurs études primaires ou secondaires. Enfin, dans toutes les provinces
canadiennes, seule la minorité a le droit constitutionnel de fréquenter
les écoles de son groupe linguistique: il faut faire partie de la
minorité francophone d'une province anglaise pour fréquenter
l'école française ou, dans le cas du Québec, faire
partie de la minorité anglophone. Enfin, si aucune minorité
n'est tenue de fréquenter l'école de son groupe linguistique,
aucune majorité n'a accès à l'école de la minorité
à moins de réussir à contourner la Charte, ce qui,
bien qu'interdit par la Cour suprême du Canada, est relativement
facile à réaliser dans certaines provinces.
2.5 Le cas québécois
Le droit constitutionnel de recevoir un enseignement dans la langue
minoritaire de la province de résidence est le même pour tous
les citoyens canadiens, sauf au Québec en ce qui concerne l'alinéa 1-a de l'article 23 de la
Charte des droits et
libertés (rappel):
Article 23
1) Les citoyens canadiens:
a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la
minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident,
b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou
en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans
laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone
ou anglophone de la province,
ont, dans l'un ou l'autre cas, le droit d'y faire instruire leurs enfants,
aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.
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En effet, l'article 59.2 de la Charte canadienne précise que l'alinéa
23.1a relatif à la langue maternelle des parents ne s'appliquera
au Québec qu'après une autorisation de l'Assemblée
nationale ou du gouvernement du Québec:
Charte canadienne des droits et libertés
Article 59
(1)
Entrée en vigueur de l'alinéa 23 a) pour le Québec
L'alinéa 23(1)a) entre en vigueur pour
le Québec à la date fixée par proclamation de la Reine ou du gouverneur
général sous le grand sceau du Canada.
(2) Autorisation du Québec
La proclamation visée au paragraphe (1)
ne peut être prise qu'après autorisation de l'assemblée législative ou du
gouvernement du Québec. (105)
(3) Abrogation du présent article
Le présent article peut être abrogé à la
date d'entrée en vigueur de l'alinéa 23(1)a) pour le Québec, et la
présente loi faire l'objet, dès cette abrogation, des modifications et
changements de numérotation qui en découlent, par proclamation de la Reine
ou du gouverneur général sous le grand sceau du Canada. |
Or, le Québec n'a
jamais adopté de résolution à ce sujet, ce qui signifie
que seul l'alinéa 23.1b s'applique au Québec. Autrement
dit, pour avoir droit à un enseignement en anglais au Québec,
il faut que l'un des parents ait reçu son instruction au niveau
primaire en anglais n'importe où au Canada; il ne suffit
donc pas d'être de langue maternelle anglaise. Partout ailleurs au
Canada, la langue maternelle de l'un des parents constitue théoriquement
un critère suffisant d'accès à l'école de la
minorité à la condition que cette langue soit «encore
comprise», ce qui n'est pas toujours évident dans le cas des
parents francophones hors Québec.
En vertu de la Charte canadienne, un citoyen canadien anglophone du
Québec qui n'a pas étudié à l'école
anglaise, même s'il y avait droit, ne peut bénéficier
de l'alinéa 23.1a, qui n'est pas en vigueur au Québec,
et perd le droit de faire instruire ses enfants à l'école
anglaise. Toutefois, en vertu des articles 73 et 76 de la Charte de
la langue française du Québec, un enfant reconnu admissible
à l'enseignement primaire en anglais est réputé avoir
reçu l'enseignement primaire en anglais même si ce n'est pas
le cas. Ainsi, contrairement aux francophones hors-Québec qui perdent
leur droit constitutionnel, les écoliers admissibles à l'enseignement
en anglais qui choisissent d'étudier en français ne perdent
pas leurs droits, ni pour eux, ni pour leurs frères et soeurs, ni
pour leurs descendants. La situation est la même pour les francophones
en Ontario et au Nouveau-Brunswick.
Par ailleurs, si la Charte canadienne des droits et libertés
protège le droit des minorités linguistiques de recevoir l'enseignement dans
leur langue, elle ne précise pas, comme dans l'article 73.2 de la Charte
québécoise de la langue française, que les élèves doivent avoir reçu
«la majeure partie» de leur enseignement en anglais (ou en français) au
Canada pour être admissibles à l'école anglaise au Québec. Il suffit d'avoir
reçu son instruction en anglais, peu importe la durée. Dans un mémoire soumis à
la Cour suprême, le gouvernement fédéral reconnaît aux provinces le doit de
déterminer elles-mêmes les critères d'admission à l'école de langue minoritaire.
Rappelons qu'à ce jour aucun gouvernement québécois n’a
formellement reconnu cette loi constitutionnelle, ce qui entache
sérieusement la légitimité de la loi.
2.6 Les francophones hors Québec
Un citoyen canadien hors Québec a le droit constitutionnel de
faire instruire ses enfants à l'école française s'il
a appris le français comme première langue et le comprend
encore; s'il ne le comprend plus, il perd ce droit pour ses enfants en
vertu de l'alinéa 23.1a de la
Charte des droits et
libertés, à moins qu'il n'ait fait
ses études en français, auquel cas l'alinéa 23.1b
s'applique encore.
Dans la pratique, les enfants qui ont le droit d'être instruits
en français dans les provinces anglaises doivent à tout prix
fréquenter une école primaire française au primaire
s'ils veulent transmettre leur droit constitutionnel à la génération
suivante. Les parents qui envoient leurs enfants dans les écoles
primaires anglaises ignorent la plupart du temps que cette décision
pèsera sur tous leurs descendants. En effet, si les enfants n'étudient
pas en français, ils n'obtiendront pas en vertu de l'alinéa
23.1b le droit de faire instruire leurs propres enfants dans cette
langue dans la mesure où ils auront perdu leur langue maternelle.
En ce cas, ni l'alinéa 23.1a ni l'alinéa 23.1b
ne s'appliquera. Les faits démontrent qu'un enfant francophone fréquentant
l'école anglaise s'assimile dans des proportions de 90 %.
Dernière mise à jour:
31 août 2024
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