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La Constitution du Canada2.5) L'impossible réforme constitutionnelle |
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À partir de 1987, le Canada a entrepris une série de rondes constitutionnelles, toutes avortées. Toute réforme constitutionnelle est difficile dans ce beau et grand pays auquel on voudrait, selon la formule consacrée, rattacher le Québec «dans l'honneur et l'enthousiasme». Non seulement toutes les tentatives ont échoué, mais les modalités actuelles de modifier la Constitution canadienne rendent quasi impossibles toute réforme constitutionnelle, tant les obstacles sont nombreux et presque insurmontables.
Nous présentons ci-dessous les diverses tentatives (1987, 1991, 1992 et 1997) visant à modifier la Constitution du Canada, ainsi que les formules actuelles de modification constitutionnelle.
1 L'accord du lac Meech (1987)
Le 3 juin 1987, un accord entre les 11 premiers ministres (fédéral et provinciaux) est conclu: ce fut l'accord du lac Meech, du nom d'un lac situé à environ 20 km au nord-ouest de Gatineau au Québec. Selon les termes de cet accord, le Parlement fédéral et toutes les provinces avaient le rôle de protéger la dualité canadienne, c'est-à-dire les «Canadiens d'expression française, concentrés au Québec, mais présents dans le reste du Canada» et les «Canadiens d'expression anglaise concentrés dans le reste du pays, mais aussi présents au Québec»; ce qui liait nécessairement la population du Québec au bilinguisme canadien (comme d'ailleurs au multiculturalisme). En fait, il s'agissait d'une réforme constitutionnelle, dont en voici un extrait: Loi constitutionnelle de 1867 1. La Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par insertion, après l'article 1, de ce qui suit : a) la reconnaissance de ce que l'existence de Canadiens d'expression française, concentrés au Québec, mais présents aussi dans le reste du pays, et de Canadiens d'expression anglaise, concentrés dans le reste du pays, mais aussi présents au Québec, constitue une caractéristique fondamentale du Canada; (2) Le Parlement du Canada et les législatures des provinces ont le rôle de protéger la caractéristique fondamentale du Canada visée à l'alinéa (1)a). En résumé, l'Assemblée nationale et au gouvernement du Québec
avaient «le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct de la
société québécoise»; ce qui ne liait ni le gouvernement fédéral ni aucune
province à l'exception du Québec. On devine que, en cas de conflit de juridiction, il serait difficile de concilier la promotion du
caractère distinct du Québec et la promotion de la dualité canadienne, notamment les droits de la minorité anglophone, sans parler de la promotion du multiculturalisme.
Quoi qu'il en soit, l'accord du lac Meech proposé par le premier ministre canadien, Brian Mulroney, ne fut pas ratifié par toutes les provinces, parce que le Manitoba et Terre-Neuve ne l'ont pas fait adopter par leur législature respective dans les délais prescrits (trois ans) par la
Loi constitutionnelle de 1982. Même si personne ne savait vraiment ce que signifiait le concept de «société distincte», le Canada anglais a craint que le Québec se serve de cette «coquille vide» pour «brimer» les droits inaliénables des Anglo-Québécois en voulant se protéger.
Annexe - Modification constitutionnelle de 1987
2.(1) Toute interprétation de la Constitution du Canada doit concorder avec :
b) la reconnaissance de ce que le Québec forme au sein du Canada une société distincte.
(3) La législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir le caractère distinct du Québec visé à l'alinéa (1)b).
(4) Le présent article n'a pas pour effet de déroger aux pouvoirs, droits ou privilèges du Parlement ou du gouvernement du Canada, ou des législatures ou des gouvernements des provinces, y compris à leurs pouvoirs, droits ou privilèges en matière de langue.
2 Les propositions constitutionnelles de 1991
En 1991, le gouvernement fédéral fit connaître ses propres propositions constitutionnelles. Cette fois-ci, le concept de «société distincte» fut défini et forcément limité comme «une majorité d'expression française; une culture unique en son genre; une tradition de droit civil.» De plus, le gouvernement du Canada proposa d'insérer à l'article 2 de la Loi constitutionnelle de 1867 une «clause Canada» qui prévoyait notamment «la reconnaissance de la responsabilité des gouvernements de préserver les deux majorités et minorités linguistiques du Canada» ainsi que «la contribution de peuples d'origines culturelles et ethniques diverses à l'édification d'un Canada fort». On en revient toujours à la promotion de la dualité canadienne dans chacune des provinces et à celle du multiculturalisme.
Les réformes constitutionnelles prirent une nouvelle ampleur en 1992. Ce fut d'abord la publication du Rapport du comité Beaudoin-Dobbie qui reprit l'essentiel des propositions fédérales précédentes (société distincte, dualité canadienne, multiculturalisme), mais en y ajoutant des éléments nouveaux, particulièrement en ce qui a trait aux autochtones et au Sénat canadien. Pour la première fois, le Canada reconnaissait aux autochtones «le droit inhérent de se gouverner selon leurs propres lois, coutumes et traditions afin de protéger leurs langues et leurs cultures diverses». Quant au Sénat, on introduisit la notion de la double majorité en vertu de laquelle «les mesures relatives à la langue ou à la culture des collectivités francophones devraient être approuvées par la majorité des sénateurs et par la majorité des sénateurs francophones.»
3 L'entente constitutionnelle de Charlottetown (1992)
Puis ce fut l'entente constitutionnelle de Charlottetown du 28 août 1992, capitale de l'Île-du-Prince-Édouard. Le Québec obtint notamment trois juges à la Cour suprême, la clause de société distincte (limitée à la langue, la culture et le droit civil), la garantie de 25 % des sièges à la Chambre des communes, la double majorité linguistique au Sénat (pour l'ensemble des sénateurs francophones du Canada), un droit de veto (à l'instar des autres provinces) sur toutes modifications aux institutions centrales. De plus, la «clause Canada», celle qui devait servir à interpréter toute la Constitution, est revenue. Dans un paragraphe 1), elle précisait les caractéristiques fondamentales du Canada dont les suivantes semblent particulièrement pertinentes à notre propos: c) le fait que le Québec forme au sein du Canada une société distincte, comprenant notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil;
d) l'attachement (en anglais: commitment) des Canadiens et de leurs gouvernements à l'épanouissement et au développement des communautés minoritaires de langue officielle dans tout le pays;
[...]
h) le fait que la société canadienne confirme le principe de l'égalité des provinces dans le respect de leur diversité; De plus, un paragraphe 2) venait préciser le rôle du gouvernement du Québec envers la société distincte: «La législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir la société distincte.» Encore une fois, le Québec s'est trouvé coincé entre deux clauses conflictuelles: le concept de la société distincte et celle de la dualité canadienne. L'entente prévoyait également une réforme du Sénat où toutes les provinces obtenaient le même nombre de sénateurs (soit huit).
Quoi qu'il en soit, l'entente de Charlottetown fut rejetée lors du référendum du 26 octobre 1992. En effet, non seulement le Québec, mais la Nouvelle-Écosse, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique ont majoritairement voté NON; à l'échelle du pays, 55 % des Canadiens ont refusé l'entente constitutionnelle proposée par le gouvernement fédéral, les premiers ministres provinciaux et les leaders autochtones.
En somme, les tentatives de modifier la Constitution canadienne en tenant compte des «deux peuples fondateurs» auront toutes échoué. Le fragile consensus proposé par la classe politique canadienne a été perçu comme un compromis inacceptable par une majorité de Canadiens. Le Québec n'a accepté ni les concessions de leur premier ministre ni les gains des autres provinces, alors que le Canada anglais, de son côté, a refusé au Québec le concept de société distincte et les outils de protection qui l'accompagnaient.
4 L'entente de Calgary de 1997
En 1997, les neuf premiers ministres provinciaux du Canada anglais se sont réunis à Calgary, capitale de l'Alberta, afin de proposer un «cadre de discussion sur l'unité canadienne»: ce fut l'entente de Calgary. Si l'on fait exception des voeux pieux du type «la diversité, la tolérance, la compassion et l'égalité des chances qu'offre le Canada sont sans pareilles dans le monde», les premiers ministres anglophones ont déclaré que tous les Canadiens étaient «égaux» et que «toutes les provinces» étaient également «égales». D'où la mise en garde suivante (art. 6): Article 6
Si une future modification constitutionnelle devait attribuer des pouvoirs à une province, il faudrait que ces mêmes pouvoirs soient accessibles à toutes les provinces. Malgré tout, le Canada anglais semblait prêt à reconnaître certaines spécificités au Québec (art. 5):
Article 5 Dans ce régime fédéral, où le respect pour la diversité et l'égalité est un fondement de l'unité, le caractère unique de la société québécoise, constituée notamment de sa majorité francophone, de sa culture et de sa tradition de droit civil, est fondamental pour le bien-être du Canada. Par conséquent, l'Assemblée législative et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger le caractère unique de la société québécoise au sein du Canada et d'en favoriser l'épanouissement. |
On est revenu à la case de départ avec tous les problèmes qui demeurent, dont la société distincte, la réforme du Sénat, les autochtones, la question des chevauchements de juridiction et du partage des pouvoirs. L'histoire est là pour démontrer que le Canada anglais ne s'est jamais résigné à ce que le Québec se protège «trop» sur le plan linguistique.
De plus, le Canada anglais n'acceptera jamais que le Québec dispose de droits collectifs que les autres provinces n'auront pas obtenus et, au surplus, que ces droits aient préséance sur les droits individuels affirmés dans la Charte des droits et libertés, une charte que le Canada anglais a adoptée sans le Québec, la seule province majoritairement francophone du pays. Si ce n'était que du Canada anglais, le statut particulier pour le Québec serait une notion nulle et non avenue. La prochaine modification constitutionnelle avec l'accord du Québec n'est certainement pas pour demain. Le plus curieux, c'est que la déclaration de Calgary n'intéressait déjà plus personne un an plus tard, ni au Québec ni au Canada anglais. Ça, c'est l'un des aspects les moins glorieux de l'histoire canadienne!
5 La question de la sécession du Québec
Dans les faits, le Québec cherche à se doter de nouveaux pouvoirs afin de faire évoluer sa société distincte. Mais le Québec et ses aspirations identitaires n'intéressent guère le gouvernement fédéral, ni les anglophones du Canada. Les nombreux refus, tant de la part du gouvernement fédéral que des provinces anglaises, reflètent non seulement des points de vue différents entre le Québec et le reste du pays, mais également une grande indifférence, y compris sur les questions linguistiques parce que le Canada anglais n'a pas de problème à ce sujet. La plupart des premiers ministres du Québec ont tenté à plusieurs reprises, mais sans succès, d'obtenir des gains auprès du premier ministre du Canada, notamment en matière d'immigration. Les refus furent multiples et constants parce que le gouvernement fédéral, jaloux de ses prérogatives, veut garder le contrôle sur ses frontières et sur sa province autonomiste. De toute façon, le Canada anglais ne veut pas d'une autonomie pour le Québec, car cela se traduirait par des pouvoirs élargis qu'il n'aurait pas! Ne resterait-il comme seule solution possible la sécession du Québec?
5.1 L'avis de la Cour suprême du
Canada sur la sécession du Québec En 1996, le gouvernement fédéral choisissait de consulter le plus haut tribunal du pays sur la légalité d’une éventuelle déclaration unilatérale de sécession de la part d’une province, en l’occurrence le Québec. Le 20 août 1998, la Cour suprême du Canada rendait un avis unanime sur cette question. S’inscrivant dans une démarche d’intégrité constitutionnelle canadienne, la Cour suprême affirmait que le Québec ne peut faire sécession unilatéralement et que le droit international ne s’applique pas dans le cas de la sécession du Québec (qui n’est ni colonisé ni opprimé).
La Cour affirmait également que, si le choix de quitter le Canada appartient aux seuls Québécois, les conditions de ce départ ne peuvent être déterminées comme si le reste du Canada n’existait pas. La Cour a rappelé aussi le caractère légitime du choix de la souveraineté politique pour le Québec à la condition que la question posée et la majorité obtenue lors d’un référendum soient claires, et a même affirmé que, dans ces conditions, le Canada aurait l’obligation constitutionnelle de négocier de bonne foi et ne pas entraver l’aspiration des Québécois. En fait, les juges de la Cour suprême ont conféré au projet de sécession un statut équivalant à celui d’une modification constitutionnelle. De plus, au-delà de ces considérations, la Cour suprême s’est trouvée aussi à souligner les limites du droit en laissant dans le noir des pans entiers d’une éventuelle sécession et en soulignant les difficultés appréhendées d’une négociation sur une question aussi déchirante.
L’avis de la Cour suprême du Canada pourrait constituer un autre épisode de cette saga constitutionnelle si ce n’était du fait qu'elle a mis en place un mécanisme qui favorise un débouché nouveau dans lequel il est possible de s’engouffrer par la voie référendaire, et ceci, pour traiter d’autres sujets que la seule rupture du Canada. Ainsi, toute province – dont le Québec – pourrait relancer le débat constitutionnel à partir d’un plébiscite populaire solide et obliger les autres provinces à négocier de bonne foi. L’aboutissement ne saurait être garanti, mais l’exercice constitutionnel ne pourrait plus être esquivé. Par exemple, un premier ministre québécois, armé d’un mandat populaire clair, pourrait se présenter à une éventuelle table constitutionnelle et réclamer la place distincte du Québec dans la Constitution canadienne (ou en dehors de celle-ci). Ou bien il se produirait encore un blocage qui ferait définitivement sauter la fédération canadienne, ou bien le Canada anglais, ayant compris que le projet sécessionniste québécois n’est plus simplement une mauvaise blague et que toute négation contribue à donner suite à cette aspiration, trouverait une solution pour mettre fin à la rupture psychologique qui résulte de l’échec du lac Meech. Quoi qu’il en soit, il s’agit là de la politique-fiction et l’avis de la plus haute cour du pays ne règle en rien. Pour le moment, ni la question constitutionnelle et encore moins la question linguistique au Canada. La réalité risque de se présenter autrement...
5.2 La loi fédérale sur la clarté
Le Parlement du Canada a adopté, le 29 juin 2000, la Loi donnant effet à l’exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi relatif à la sécession du Québec. Cette loi, appelée plus simplement «Loi sur la clarté», précise les circonstances dans lesquelles le gouvernement du Canada pourrait entreprendre une négociation sur la sécession d’une province, notamment le Québec. On peut consulter le texte de cette loi en cliquant ICI, s.v.p.
En vertu de la Loi de clarification, les députés fédéraux doivent approuver la question référendaire en ayant
examiné préalablement la question et en ayant déterminé si cette question est claire. Dans le cadre de l’examen de la clarté de la question référendaire, la Chambre des communes doit déterminer si la question permettrait à la population de la province de déclarer clairement si elle veut ou non que celle-ci cesse de faire partie du Canada et devienne un État indépendant. Autrement dit, les députés devront décider, par exemple, si les Québécois veulent vraiment cesser de faire partie du Canada. Ils devront consulter les partis politiques, les autres provinces, le Sénat, les autochtones et prendront en considération tous les autres avis, facteurs ou circonstances qu'ils estimeront pertinents. La loi ne fixe aucun seuil d'approbation: ce pourrait être 51 %, 60 % ou 75 %. L'article 3 précise que les négociations pourraient être ouvertes à d'autres participants que la province concernée et que les frontières devraient figurer parmi les sujets de négociation. Le même article soumet un éventuel accord sur l'indépendance aux règles régissant le processus prévu pour une modification de la Constitution canadienne.En vertu des lois actuelles, cela signifie qu'il faut au moins un référendum dans trois provinces (Ontario, Alberta et Colombie-Britannique), qu'au moins 50 % des habitants de chacune des provinces votent en faveur de l'indépendance d'une province et que les parlements de toutes les provinces ratifient la modification constitutionnelle. Si un seul parlement appose son veto, le projet est automatiquement avorté. Bref, la Loi de clarification rend juridiquement impossible toute sécession éventuelle d'une province.
6 Les formules actuelles de modification constitutionnelle
Au Canada, il semble particulièrement difficile de modifier la loi fondamentale du pays. Les tentatives de 1887, de 1991, de 1992 e de 1997 démontrent que l'échec des modifications constitutionnelles semble être la norme. Par défaut, il faut se contenter des règles prévues dans la Loi constitutionnelle de 1982. Il faut dire que c'est la province de Québec qui voudrait modifier la Constitution canadienne parce qu'il n'y a jamais adhéré, même si elle s'applique au Québec. Mais les obstacles pour modifier la Constitution canadienne sont très nombreux.
6.1 La règle du «7/50»
En principe, la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du gouverneur général dès qu'un projet de modification est autorisé par résolution des assemblées législatives des deux tiers des provinces (sept provinces) dont la population représente au moins 50 % de la population de toutes les provinces. En pratique, cette exigence des deux tiers, ou des sept provinces, représentant 50 % de la population est désignée aujourd'hui comme la formule «7/50». Tel est l'article 38 de la Constitution:
PARTIE V Procédure de modification de la Constitution du Canada Article 38 (1) Procédure normale de modification La Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée à la fois :
(2) Majorité simple |
Selon cette formule du 7/50, il demeure possible de modifier les pouvoirs d'une province sans son accord. Par exemple, l'accord du gouvernement fédéral et de plusieurs provinces anglaises suffirait pour restreindre à volonté les champs de compétence de l’Assemblée nationale du Québec.
Bien que le poids démographique des provinces comme l’Ontario, le Québec ou la Colombie-Britannique soit pris en compte, seules les autorités fédérales sont dotées d’un droit de veto. Or, ni le Québec ni aucune autre province ne dispose d’un tel droit de veto, ce qui signifierait une capacité de blocage qui ferait en sorte que sans leur consentement aucune modification ne serait possible.
6.2 La règle de l'unanimité des provinces
Cependant, la Loi constitutionnelle de 1982 impose une règle de l’unanimité des provinces à toute modification apportée aux différentes formules d’amendement de la Constitution, ce qui correspond à un droit de veto. En effet, l’article 4-e accorde un tel droit à chacune des provinces et aux autorités fédérales sur toute modification à l’une des procédures d’amendement:
Article 41
Consentement unanime
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L'article 43 est ainsi libellé:
Article 43 Modification à l’égard de certaines provinces Les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’Assemblée législative de chaque province concernée. Le présent article s’applique notamment :
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Le fait d'exiger l'unanimité des provinces et du fédéral risque de ne jamais se produire, ce qui entraîne comme conséquence de rendre toute réforme constitutionnelle quasi impossible à mettre en œuvre. Dans les faits, depuis l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982, aucun projet de modification constitutionnelle n’a reçu le consentement unanime de toutes les provinces et des autorités fédérales.
6.3 La règle du délai de trois ans
En plus du respect de la règle du consentement unanime des provinces, ce qui constitue en soi une règle très rigide, certaines règles propres à la formule du 7/50 s'ajoutent à une modification constitutionnelle éventuelle et constituent de véritables obstacles. Par exemple, toute entente doit être conclue à l’intérieur d’un délai de trois ans suivant l’adoption de la première résolution à l’origine de la procédure de modification:
Article 39 Restriction 1) La proclamation visée au paragraphe 38,1 ne peut être prise dans l’année suivant l’adoption de la résolution à l’origine de la procédure de modification que si l’Assemblée législative de chaque province a préalablement adopté une résolution d’agrément ou de désaccord. 2) Idem La proclamation visée au paragraphe 38,1 ne peut être prise que dans les trois ans suivant l’adoption de la résolution à l’origine de la procédure de modification. |
Il s'agit là d'une contrainte extrêmement lourde qui a pour effet de faire échouer tout le processus parce que, en trois ans, les gouvernements provinciaux ont le temps de changer et de ne pas respecter les ententes antérieures qu'ils n'ont pas approuvées. On a tout simplement oublié qu'il faut battre le fer pendant qu'il est chaud!
6.4 La politique du marchandage-chantage
Étant donné qu'il est inévitablement difficile de réunir les consentements exigés pour procéder à une modification constitutionnelle, la procédure entraîne forcément de multiples négociations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, au cours desquelles les modifications désirées par les uns font l’objet d’un marchandage, voire du chantage, pour les autres. Peter Hogg, un éminent avocat, écrivain et expert juridique canadien, cette tendance cette façon de faire comporte des effets pervers :
Unfortunately, obtaining an agreement from the first ministers inevitably turns into a process of bargaining, which excludes popular involvement at the crucial moment, and which leaves no assurance that any given position has been accepted or rejected on the merits. | [Malheureusement, obtenir un accord des premiers ministres se transforme inévitablement en un processus de négociation qui exclut la participation populaire au moment crucial et qui ne laisse aucune garantie qu’une entente donnée a été acceptée ou rejetée sur le fond.] |
Au plan politique, ce marchandage, par exemple entre les revendications traditionnelles du Québec et les attentes du reste du Canada, conduit à des problèmes quasi insolubles, car il soulève la question du rapport de force du Québec au sein du Canada, conformément aux négociations multilatérales prescrites par la Loi constitutionnelle de 1982. Plus précisément, avant d'accepter une modification constitutionnelle précise, d'autres intervenants peuvent exiger en retour d'accepter leurs propres demandes, ce qui correspond à une forme de chantage: «Je vais signer si j'obtiens quelque chose en retour.»
Non seulement des demandes de modification peuvent être formulées par d'autres provinces, mais également par les représentants des Premières Nations, ainsi que par n'importe quel groupe d’intérêt ou groupe de défense des minorités. Par exemple, dans toute demande de réforme constitutionnelle, le Québec devrait composer avec les préoccupations des autres provinces et de celles de divers groupes de pression. À la rigueur, l'obstruction d'un seul parlementaire dans une province peut suffire à faire échouer toute modification de réforme. Bref, les groupes provenant de la société civile peuvent avoir une grande capacité de nuisance ou de blocage lorsqu’ils sont farouchement opposés à un projet de modification constitutionnelle. Le marchandage peut être sans fin.
6.5 Les vétos régionaux
Ce n'est pas tout. Les acteurs politiques ont aouté au cours des ans des contraintes supplémentaires, comme si la procédure de modification constitutionnelle prévue en 1982 n’était pas déjà suffisamment complexe et rigide, ce qui a pour effet de réduire encore davantage, voire annuler toute possibilité de réforme. Tel est le cas de la Loi concernant les modifications constitutionnelles (1996):
Article 1er Consentement aux modifications constitutionnelles (1) Un ministre de la Couronne ne peut déposer une motion de résolution autorisant une modification de la Constitution du Canada — sauf une modification à laquelle l’Assemblée législative d’une province peut opposer son veto en application des articles 41 ou 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 ou à l’égard de laquelle elle peut exprimer son désaccord en application du paragraphe 38(3) de cette loi — que si la majorité des provinces y a préalablement consenti; cette majorité doit comprendre :
(2) Définitions Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.
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Les veto régionaux ne sont donc possibles que pour les changements constitutionnels qui doivent être faits selon la procédure du 7/50 et pour lesquels aucun droit de retrait n’est prévu. Le texte interdit à un «ministre de la Couronne» de présenter une résolution autorisant une modification si les régions définies à l’article 2 n’ont pas préalablement consenti au projet de modification proposé. Le problème, c'est que la Loi concernant les modifications constitutionnelles est une loi ordinaire votée par le Parlement fédéral. Par conséquent, tout veto régional est à la merci d'un gouvernement fédéral majoritaire qui modifierait la loi, comme abolir un veto «indésirable», que ce soit pour le Québec ou une autre province.
Quoi qu'il en soit, le juriste Peter Hogg n'est pas tendre à l'égard de cette procédure:
Even by the standard of accommodating the concerns of Quebec, the regional veto statute was probably an unwise initiative, because it makes the Constitution even more difficult to amend, and further reduces the faint hope of genuine constitutional change. | Même en tenant compte des préoccupations du Québec, le statut de veto régional était probablement une initiative peu judicieuse, car il rend la Constitution encore plus difficile à modifier et réduit encore davantage le faible espoir d'un véritable changement constitutionnel. |
Bref, on peut affirmer que seuls les partisans du statu quo sont satisfaits de l’adoption de la Loi sur les modifications constitutionnelles, parce que cette dernière amplifie la rigidité de la procédure du 7/50.
6.6 Les consultations publiques préalables
Dans le but de favoriser les points de vue des groupes de pression de la société civile, des consultations publiques sont venues alourdir encore davantage la procédure de modification constitutionnelle. Étant donné la complexité de la procédure de modification constitutionnelle au Canada, il devient difficile d’en arriver à des dialogues constructifs entre les groupes de citoyens et les représentants élus appelés à participer directement à des négociations. Après certains échecs, l'expérience a démontré que les consultations publiques doivent avoir lieu avant la conclusion d’une entente fédérale-provinciale.
Rien dans la Constitution ne prévoit ce genre de consultations publiques préalables. Or, plutôt que de s’en tenir aux exigences formelles et déjà complexes prévues par la Loi constitutionnelle de 1982, les autorités fédérales ont élargi le nombre de participants aux négociations en invitant les représentants des territoires fédéraux (Yukon, Nunavut et Territoires du Nord-Ouest) à y prendre part, ce qui risquait de rendre encore plus difficile l'obtention d'un consensus favorable à une modification constitutionnelle.
De plus, le gouvernement fédéral s'est engagé à consulter les représentants des Premières Nations. L'article 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982 consacre le droit des représentants autochtones d’être consultés lorsqu’un projet de modification constitutionnelle les concerne.
Article 35.1
Les gouvernements fédéral et provinciaux sont liés par l’engagement de principe selon lequel le premier ministre du Canada, avant toute modification de la catégorie 24 de l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, de l’article 25 de la présente loi ou de la présente partie :
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Sauf que les acteurs politiques sont allés plus loin que les prescriptions constitutionnelles, de sorte que les représentants des Premières Nations exigent d'être consultés dans toutes les conférences constitutionnelles et non plus seulement pour les questions les concernant. Tout cela favorise les débats entre les constitutionnalistes, car on peut penser que, même si le consentement des Premières Nations n'est pas nécessaire d'après la loi, toute modification constitutionnelle future pourrait le devenir. De plus, on pourrait en arriver à ce que ce consentement soit obligatoire pour les questions que ne les concernent pas.
Quant aux gouvernements provinciaux, ils ont décidé de consulter les groupes de pression de la société civile, d'où l'organisation d'audiences publiques, de tables rondes, de groupes d’experts, etc. Dans tous les cas, les gouvernements consultent la société civile pour avoir l'opinion de leurs citoyens. L'intention est louable, mais tout cela contribue à alourdir une procédure déjà fort complexe.
6.7 Les référendums constitutionnels provinciaux
Certains intervenants politiques et d'autres de la société civile ont dénoncé l’absence de participation populaire dans les procédures de modification constitutionnelle. C'est pourquoi des provinces ont pris des mesures pour s'assurer qu'aucune modification constitutionnelle ne soit acceptable sans que les électeurs ne soient préalablement consultés par référendum. Ainsi, la Colombie-Britannique et l’Alberta ont adopté des lois afin d’obliger le gouvernement de leur province à tenir un référendum sur les questions constitutionnelles.
- La loi référendaire de l'Alberta
L’Alberta s’est engagée dans la voie du référendum constitutionnel obligatoire en adoptant en 1992 la Constitutional Referendum Act ("Loi sur le référendum constitutionnel").
Act. Cette loi concerne toutes les propositions présentées par le gouvernement ou un député de l'opposition. De plus, l’article 4 de la loi référendaire énonce de manière explicite que les résultats du référendum ont pour effet de lier le gouvernement de la province:
Alberta
Constitutional Referendum Act (1992-2000) Article 2 Referendum to precede constitutional change 1) The Lieutenant Governor in Council shall order the holding of a referendum before a resolution authorizing an amendment to the Constitution of Canada is voted on by the Legislative Assembly. 2) The motion for the resolution may be introduced in the Legislative Assembly before the referendum is held. Article 4 When referendum binding 1) If a majority of the ballots validly cast at a referendum vote the same way on a question stated, the result is binding, within the meaning of subsection (2), on the government that initiated the referendum. 2) If the results of a referendum are binding, the government that initiated the referendum shall, as soon as practicable, take any steps within the competence of the Government of Alberta that it considers necessary or advisable to implement the results of the referendum. Article 12
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Alberta
Loi sur le référendum constitutionnel (1992-2000) Article 2 Référendum précédant un changement constitutionnel 1) Le lieutenant-gouverneur en conseil ordonne la tenue d'un référendum avant qu'une résolution autorisant une modification à la Constitution du Canada ne soit votée par l'Assemblée législative. 2) La proposition de résolution peut être déposée à l'Assemblée législative avant la tenue du référendum. Article 4 Caractère exécutoire d'un référendum 1) Si la majorité des bulletins de vote validement exprimés lors d’un référendum est positive à l’égard d’une question posée, le résultat lie, au sens du paragraphe 2), le gouvernement qui a déclenché le référendum. 2) Si les résultats d’un référendum sont exécutoires, le gouvernement qui a lancé le référendum doit, dès que possible, prendre les mesures relevant de la compétence du gouvernement de l’Alberta qu’il juge nécessaires ou souhaitables pour mettre en œuvre les résultats du référendum.
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Ainsi, toute modification de la Constitution canadienne doit être approuvée par référendum par la majorité des électeurs de l'Alberta.
- La loi référendaire de la Colombie-Britannique
En 1990, la Colombie-Britannique a d’abord adopté une loi-cadre sur le référendum, la Referendum Act ("Loi sur le référendum"):
Referendum Act (1990)
Article 1 1) If the Lieutenant Governor in Council considers that an expression of public opinion is desirable on any matter of public interest or concern, the Lieutenant Governor in Council may, by regulation, order that a referendum be conducted in the manner provided for in this Act.
3) Persons who are electors, as defined by the Election Act, at the time of a referendum, are entitled to vote at the referendum. Some referendums are binding on the government Where referendum is binding If the results of a referendum are binding, the government shall, as soon as practicable, take steps, within the competence of the Province, that it considers necessary or advisable to implement the results of the referendum including any and all of the following:
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Loi sur le référendum (1990)
Article 1er 1) S'il estime que l'expression de l'opinion publique est souhaitable sur toute question d'intérêt ou de préoccupation publique, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement, ordonner qu'un référendum soit tenu de la manière prévue par la présente loi. 2) Lorsque le lieutenant-gouverneur en conseil ordonne la tenue d'un référendum, le décret :
3) Les personnes qui sont électeurs au sens de la Loi électorale au moment d'un référendum ont le droit de voter lors du référendum. Référendums contraignants pour le gouvernement Caractère contraignant du référendum Si les résultats d'un référendum sont contraignants, le gouvernement doit, dès que possible, prendre les mesures, relevant de la compétence de la province, qu'il juge nécessaires ou souhaitables pour mettre en œuvre les résultats du référendum, notamment :
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En 1996, la province a adopté la Constitutional Approval Amendment Act ("Loi approuvant la modification constitutionnelle"), qui ne compte qu'un seul article. Cette loi oblige le gouvernement de la province à tenir un référendum avant de soumettre à l’Assemblée législative une résolution ayant pour objet une modification constitutionnelle:
British Columbia
Constitutional Amendment Approval Act (1996) Article 1 The government must not introduce a motion for a resolution of the Legislative Assembly authorizing an amendment to the Constitution of Canada unless a referendum has first been conducted under the Referendum Act with respect to the subject matter of that resolution. |
Colombie-Britannique
Loi approuvant la modification constitutionnelle (1996) Article 1 Le gouvernement ne doit pas présenter de motion de résolution de l'Assemblée législative autorisant une modification à la Constitution du Canada à moins qu'un référendum n'ait d'abord été organisé en vertu de la Loi sur le référendum sur l'objet de la présente résolution. |
- La Saskatchewan
La Saskatchewan a également participé à ce mouvement en faveur du référendum constitutionnel obligatoire qui s’est manifesté dans l’ouest du Canada. Ainsi, les électeurs se sont déjà prononcés par référendum à 79,3 % en faveur de la tenue d’un tel scrutin préalablement à toute modification constitutionnelle.
- Le cul-de-sac des lois référendaires
On ne peut ignorer l’impact considérable de ces lois provinciales sur un référendum obligatoire auprès de la population. Pour les partisans d’une réforme constitutionnelle, le référendum obligatoire présente de nombreux inconvénients.
Dans un pays comme le Canada, une fédération formée de dix provinces, le problème est de savoir combien de référendums pourraient être éventuellement organisés dans l'ensemble du pays, car il peut y avoir un effet d'entraînement en accumulant les consultations auprès des électeurs. L'introduction des référendums constitue une sorte de précédent qu'il pourrait être difficile d'ignorer à l'avenir au plan politique. Chacune des provinces sera tentée de soumettre à la population toute réforme constitutionnelle. Il paraître impossible à des politiciens de proposer des réformes sans recourir au référendum.
Or, l'expérience d'autres pays, tels les États-Unis, la Suisse et l'Australie, qui ont institué des référendums obligatoires, démontre que les procédures référendaires sont normalement plus favorables au statu quo. Cela signifie que les projets de modifications constitutionnelles soumis au référendum obligatoire sont le plus souvent rejetés. En général, le camp du «non» a davantage de facilité à convaincre les indécis que le camp du «oui». Autrement dit, il semble plus aisé et facile de s'opposer à un projet
de réforme que d’en proposer l’adoption. De plus, les faits démontrent qu'il est beaucoup plus difficile d’obtenir l’accord des électeurs que celui de la classe politique pour une raison assez simple: les électeurs ne sont généralement pas favorables aux mêmes compromis que les représentants politiques.
Enfin, selon l'humeur d'un gouvernement, il est aisé de torpiller une modification constitutionnelle en orientant le vote de sélecteurs. De plus, la question posée impose un «oui» ou un «non» sans possibilité de proposer ou d'insérer des modifications, c'est la logique du «tout ou rien», à prendre ou à laisser. Dans cette perspective, il devient impossible de favoriser des compromis possibles.
Force est d'admettre que le Canada a toujours eu beaucoup de difficulté à modifier sa constitution. Le Canada moderne est le produit d'une entente entre des politiciens et des commerçants monarchistes d'une colonie sous la tutelle paternaliste du gouvernement britannique. Après avoir adopté la Loi constitutionnelle de 1867, il a fallu attendre 1982 pour une nouvelle constitution ficelée en vase clos sans le Québec, suivie de plusieurs tentatives de réformes (1987, 1991, 1992 et 1997). Comme on peut le constater, la procédure de modification de la Constitution du Canada est d’une rigidité exceptionnelle et les obstacles, trop nombreux, sont quasi insurmontables, pour modifier quoi que ce soit. Dans l’état actuel des choses, les procédures liées à toute modification constitutionnelle contribuent à aggraver la crise plutôt que de faciliter la recherche d’un dénouement aux problèmes constitutionnels du Canada. Un renouvellement du fédéralisme canadien passe inévitablement par le dénouement de la crise constitutionnelle provoquée par le rapatriement unilatéral de 1982 et l'adoption, sans le Québec, de la Loi constitutionnelle de 1982. Comment un pays peut-il en arriver à multiplier autant d'obstacles pour modifier sa loi fondamentale? La seule réponse: pour ne pas la changer!
Le gouvernement fédéral a toujours consolidé ses pouvoirs en rapatriant de la Grande-Bretagne les juridictions d'appel détenues jusque là par le Conseil privé de Londres. Ce dernier, on le sait, tranchait le plus souvent en faveur des provinces. Mais depuis la Charte des droits et libertés de 1982, ce sont les juges de la Cour suprême, tous nommés par le gouvernement fédéral qui, à l'exemple de la tour de Pise, penchent toujours du même côté... celui du fédéral. Comme toute réforme constitutionnelle impliquerait des compromis selon lesquels le camp ayant la plus grande influence gagnerait plus de pouvoirs qu'il n'en céderait, il paraît clair que ce n'est pas le Québec qui gagnerait à ce jeu. Comment réussir à obtenir un accord interprovincial avec la formule du 7/50, avec le véto du gouvernement fédéral, avec la politique du marchandage, avec les vétos régionaux, avec les consultations publiques préalables et les référendums provinciaux, le tout dans un délai de trois ans!
Par ailleurs, depuis les années 1960, les changements démographiques et économiques ont fait en sorte que le poids linguistique s'est déplacé vers l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta avec comme conséquence que la vision des «deux peuples fondateurs» n'a aucune chance de perdurer au Canada anglais. Dans cette perspective, il devient difficile pour les Canadiens anglais d'accorder au Québec des concessions, car le prix à payer pour satisfaire aux demandes du Québec a considérablement augmenté. Les faits sont là: les promesses de Calgary constituent la limite de ce que les Canadiens anglais pouvaient accorder.
Dans les faits, même les plus fédéralistes québécois ne pourront jamais obtenir l’accord unanime des représentants de toutes les provinces, des territoires et des peuples autochtones, des groupes de pression, tout en obtenant par référendum l’appui d’une majorité d’électeurs dans chacune des provinces. Il est devenu impossible pour le Québec comme pour n'importe quelle province de faire évoluer le fédéralisme dans le sens de leurs intérêts.
La conclusion s'impose d'elle-même: ou bien le Québec se sépare, ou bien il se satisfait du statu quo, ou bien il accepte de perdre une grande partie de ses pouvoirs, voire de ses privilèges, actuellement reconnus par la Constitution de 1867. Dans l'avenir, ce sont les Canadiens anglais qui décideront seuls des éventuelles réformes constitutionnelles, car les nombreuses tentatives en ce sens ont démontré hors de tout doute que le Canada est incapable de trouver une solution entre l'unité et la diversité. La seule possibilité, hormis le cul-de-sac, demeure l'imposition par la partie la plus forte de la population. Tout compromis constitutionnel entre les deux grandes communautés linguistiques étant devenu impossible, il pourrait bien ne rester comme solution pour la minorité francophone que la confrontation et... la sécession unilatérale!
Dernière mise à jour: 05 sept. 2024
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