2 Données démolinguistiques
La grande majorité des habitants de la Grèce parlent le grec comme langue maternelle dans une proportion de près de 85 %. C’est donc un pays homogène au plan linguistique, puisqu’il ne reste que 15 % de la population à parler
plusieurs langues minoritaires, sans compter les 500 000 ou 700 000 immigrants dits «illégaux» (soit 7 %). Le grec est également parlé par la diaspora dans le monde de la part des Grecs (au moins six millions) qui ont émigré pour des raisons politiques ou, beaucoup plus communément, pour des raisons économiques, soit en Allemagne (400 000), aux États-Unis, en Australie, en Grande-Bretagne, au Canada ou ailleurs.
Mais la Grèce est aussi devenue un pays d'accueil. Le recensement de 2015 révélait que quelque 150 nationalités étaient présentes sur le territoire grec et se répartissaient de la manière suivante : les immigrés albanais sont les plus nombreux, suivis des immigrants d’origine russe, moldave, géorgienne, ouzbèke, bulgare et roumaine (plus de 40 000 au total). Les Indiens et les Pakistanais sont plus de 180 000; les Polonais, plus de 80 000; les Égyptiens, plus de 55 000; les Philippins, plus de 15 000, surtout des femmes. On compte également des Africains et des Asiatiques.
2.1 Les variétés dialectales du grec
Le grec démotique ou la dimotikí est la forme standard du grec moderne. C’est une variante populaire du grec ancien, qui a commencé à être utilisée dans la langue littéraire à partir du XIXᵉ siècle et à être enseignée à l’école au début du XXᵉ siècle.
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Mais ce grec moderne présente encore aujourd'hui de nombreuses variétés dialectales. Ainsi, le grec démotique compte plusieurs nombreuses variantes régionales dont les différences linguistiques demeurent néanmoins mineures. En raison de leur haut degré d’intercompréhension, les linguistes grecs appellent ces variétés des «idiomes» (idiómata). Ces variétés du grec démotique sont divisées en deux groupes principaux: le groupe septentrional au nord et le groupe méridional au sud.
Les dialectes septentrionaux sont les suivants: le roumélien, l’épirote, le thessalien, le macédonien et le thrace. Quant au groupe des dialectes méridionaux, il compte trois sous-groupes:
- les dialectes de Mégare, d'Égine, d'Athènes, de Kymi (ancien athénien) et de la péninsule de Magne (maniote); - les dialectes du Péloponnèse (sauf Magne), des Cyclades et de l'île de Crète, des îles Ioniennes, de l'Épire du Nord, de Smyrne et de Constantinople: - les dialectes du Dodécanèse et de Chypre.
Le tsakonien (Τσακωνικά) est un grec dialectal parlé dans quelques villages autour de la ville de Sparte dans la région de Laconie (d'où le laconien) dans le sud du Péloponnèse, et parfois au-delà de cette région. |
Il existe aussi une
variante importante parlée par quelque 372 000 locuteurs, le
grec pontique
(Ποντιακή διάλεκτος ou Ποντιακά, Ρωμαίικα) qui était parlé à l’origine dans la région du Pont-Euxin sur les côtes sud de la mer Noire, mais il est aujourd'hui utilisé en Macédoine du Nord ainsi qu'en Bulgarie, en Roumanie, en Ukraine (Crimée), en Russie et en Géorgie. Les autres variétés dialectales sont le cappadocien, le kato-italiote et le judéo-grec.
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Quelle que soit la variété de grec employée,
c'est l'alphabet grec qui est utilisé dans l'écriture, un alphabet issu à l'origine de l'alphabet phénicien.
L'alphabet grec existe pour écrire la langue grecque depuis la fin du IXe siècle
avant notre ère. C'est le premier et le plus ancien alphabet du genre, car il notait chaque voyelle et chaque consonne avec un graphème distinct (voir la description détaillée de cet alphabet).
Encore aujourd'hui, le grec moderne utilise cet alphabet de 24 lettres, mais la prononciation du grec moderne est certes différente du grec ancien. Lorsque les Grecs d'aujourd'hui prononcent le grec ancien, ils le font à la moderne. De plus, les chiffres arabes remplacent désormais l'ancienne numération grecque.
Le français moderne compte une lettre appelée «i grec» [y], qui se prononce [i] comme dans pire. Mais en grec ancien, ce fameux [y] était un upsilon et se prononçait comme en français [u] comme dans flûte. Or, pour les Romains, le son [u] était inconnu
en latin, de telle sorte qu'il le percevait plutôt comme un [i] quelque peu différent qu'ils ont appelé «i grec», alors qu'il était en fait un [u]. |
Le grec moderne est non seulement parlé en Grèce et en république de Chypre, mais également de façon minoritaire en Albanie, en Turquie et en Italie. Il compte environ 15 millions de locuteurs.
2.2 Les langues minoritaires
Pour ce qui est des minorités (plus d'un million de personnes, soit environ 15 % de la population), le problème devient relativement complexe en raison des implications que cette notion revêt en Grèce. D’une part, les faits démontrent qu’il existe
plusieurs minorités linguistiques nationales (le turc, l’albanais, le macédonien, le bulgare, le pomaque, l’aroumain, le tsigane, l’arménien,
etc.), d’autre part, celles-ci n’existent pas au plan juridique, sauf pour la minorité de religion musulmane en Thrace (occidentale), qui bénéficie de certaines protections en vertu du traité de Lausanne de 1923,
celle-ci comprenant le turc, le pomaque et le romani.
Un autre problème provient de l’absence de tout recensement linguistique récent, car le dernier date de 1951. Cela signifie que tout dénombrement actuel d’ordre linguistique ne peut reposer que sur des approximations. Il faut donc se rabattre sur d'autres données qui ne sont pas toujours fiables. Le tableau qui suit provient des données de Projet Josué (2020):
Groupe ethnique |
Population |
Pourcentage |
Langue maternelle |
Affiliation linguistique |
Religion |
Grec |
8 735 500 |
81,4 % |
grec |
langue grecque |
orthodoxe |
Albanais |
419 000 |
3,9 % |
albanais guègue |
isolat indo-européen |
islam |
Grec pontique |
372 000 |
3,4 % |
grec pontique |
langue grecque |
orthodoxe |
Aroumain |
198 000 |
1,8% |
aroumain |
langue romane |
orthodoxe |
Macédonien |
148 000 |
1,3 % |
macédonien |
langue slave |
orthodoxe |
Albanais arvanite |
144 000 |
1,3 % |
albanais arvanitique |
isolat indo-européen (albanais) |
orthodoxe |
Pakistanais ourdou |
120 000 |
1,1 % |
ourdou |
langue indo-iranienne |
islam |
Turc |
49 000 |
0,4 % |
turc |
famille altaïque (turcique) |
islam |
Rom (assimilé) |
48 000 |
0,4 % |
grec |
langue grecque |
orthodoxe |
Romani |
39 000 |
0,3 % |
romani des Balkans |
langue indo-iranienne |
orthodoxe |
Bulgare |
38 000 |
0,3 % |
bulgare |
langue slave |
orthodoxe |
Arménien |
32 000 |
0,2 % |
arménien |
isolat indo-européen |
orthodoxe |
Pomaque |
31 000 |
0,2 % |
bulgare |
langue slave |
islam |
Américain |
22 000 |
0,2 % |
anglais |
langue germanique |
protestantisme |
Roumain |
22 000 |
0,2 % |
roumain |
langue romane |
catholicisme |
Kurdes kurmanji |
21 000 |
0,2% |
kurde du Nord |
langue iranienne |
islam |
Chinois |
19 000 |
0,1 % |
chinois mandarin |
famille sino-tibétaine |
aucune |
Ukrainien |
14 000 |
0,1 % |
Ukrainien |
langue slave |
orthodoxe |
Britannique |
13 000 |
0,1 % |
anglais |
langue germanique |
anglicanisme |
Grec chypriote |
13 000 |
0,1 % |
grec |
langue grecque |
orthodoxe |
Polonais |
12 000 |
0,1 % |
polonais |
langue slave |
catholicisme |
Russe |
12 000 |
0,1 % |
russe |
langue slave |
orthodoxe |
Bangladais |
11 000 |
0,1 % |
bengali |
langue indo-iranienne |
islam |
Géorgien |
10 000 |
0,0 % |
géorgien |
langue caucasienne |
orthodoxe |
Allemand |
9 400 |
0,0 % |
allemand |
langue germanique |
luthérianisme |
Égyptien des Balkans |
9 100 |
0,0 % |
albanais tosque |
isolat indo-européen |
Islam |
Assyrien |
9 000 |
0,0 % |
assyrien néo-araméen |
famille afro-asiatique |
orthodoxe |
Philippin |
8 600 |
0,0 % |
filipino (tagalog) |
famille austronésienne |
catholicisme |
Italien |
7 700 |
0,0 % |
italien |
langue romane |
catholicisme |
Arabe saïdi |
7 400 |
0,0 % |
arabe saïdi |
famille afro-asiatique |
islam |
Arabe irakien |
7 000 |
0,0 % |
arabe irakien |
famille afro-asiatique |
islam |
Français |
6 200 |
0,0 % |
français |
langue romane |
catholicisme |
Swahili |
5 800 |
0,0 % |
swahili |
langue bantoue |
islam |
Arabe syrien |
5 400 |
0,0 % |
arabe syrien |
famille afro-asiatique |
islam |
Yoruba |
5 300 |
0,0 % |
yoruba |
famille nigéro-congolaise |
religion ethnique |
Serbe |
3 900 |
0,0 % |
serbe |
langue slave |
orthodoxe |
Néerlandais |
2 900 |
0,0 % |
néerlandais |
langue germanique |
aucune |
Méglénite |
2 900 |
0,0 % |
mégléno-roumain |
langue romane |
catholicisme |
Suédois |
2 300 |
0,0 % |
suédois |
langue germanique |
luthérianisme |
Autrichien bavarois |
1 700 |
0,0 % |
bavarois |
langue germanique |
catholicisme |
Flamand |
1 700 |
0,0 % |
flamand |
langue germanique |
catholicisme |
Suisse |
1 400 |
0,0 % |
suisse allemand |
langue germanique |
luthérianisme |
Tsakonien |
1 400 |
0,0 % |
tsakonien |
langue grecque |
orthodoxe |
Autres |
78 700 |
0,7 % |
- |
|
|
Total 2020 |
10 720 300 |
100 % |
- |
- |
- |
|
La carte ci-contre illustre l'emplacement des principales minorités linguistiques de la Grèce. Au nord vivent des Slavophones, c'est-à-dire des Macédoniens (région de Florina) et des Bulgares (région de Serres), ainsi que des Pomaques et des Turcs (en Thrace). En Épire et en Thessalie, on trouve des Arvanites et des Aroumains.
Dans la grande région d'Athènes, dans le Péloponnèse, dans les îles d'Eubée et d'Andros, on trouve des Arvanites qui coexistent avec les Grecs. Enfin, dans l'île de Kos et dans l'île de Rhodes vivent de petites communautés turques.
Quant à la minorité tsigane (rom), elle est éparpillée dans toute la Grèce, mais d'importantes communautés résident dans la Thrace occidentale. Près de Thessalonique, on peut encore y trouver une minuscule minorité juive. Il reste aussi de petites communautés arméniennes à Thessalonique, à Athènes et dans l'île de Crète.
Quoi qu'il en soit, une estimation moyenne dénombrait au moins 700 000 personnes faisant partie d'une minorité ethnique en Grèce. Si l'on ajoute quelque 800 000 étrangers recensés en 2001, nous devons supposer qu'un million et demi d'habitants, sur un peu plus de 11,4 millions, ne font pas partie de l'ethnie grecque, soit plus de 13 %. |
2.3 Les minorités «turques»
En Grèce, seule la minorité musulmane bénéficie de droits officiels sur la base des dispositions du traité de Lausanne (1923). Or, pour l'État grec, cette minorité est composée de trois groupes de population ethno-linguistiquement distincts:
- les musulmans turcophones d’origine turque (40 % à 50 %);
- les Pomaques, une population autochtone qui parle un dialecte slave et s'est islamisée durant le régime ottoman (35 % à 40 %);
- les Roms/Tsiganes musulmans (15 %à 20 %).
Ainsi, les Turcs, les Pomaques et les Tsiganes (Roms) appartiennent à la même communauté des musulmans
associés au turc. Au point de vue social, le turc se situe à l’échelon le plus élevé
(après le grec), suivi du pomaque et, en tout dernier, par le romani. En réalité, la situation socio-économique des Tsiganes en Grèce est simplement inacceptable et le gouvernement grec reconnaît qu’il y a «beaucoup de chemin à parcourir pour remédier à la situation». Les Pomaques sont considérés comme des «Turcs musulmans», bien qu'ils soient en fait des «Bulgares musulmans». Cette identification s'explique par les liens étroits entre les deux ethnies musulmanes. Quant aux Tsiganes, souvent turcophones, ils ont été en grande partie catalogués comme des Turcs.
- Turcs musulmans et Turcs orthodoxes
Les minorités turques comptent deux communautés différenciées : les Turcs musulmans (env.
60 000), d’une part; les Turcs orthodoxes (env.
6000), d’autre part. Ces derniers résident dans les îles du Dodécanèse dans le
sud-est, notamment l'île de Kos et l'île de Rhodes; ils sont orthodoxe et
parlent le turc, mais ils ne bénéficient d’aucun quelconque statut. Les premiers, qui habitent la Thrace occidentale et bénéficient d’un statut reconnu par le traité de Lausan ne (1923), ce qui leur permet de conserver leurs institutions religieuses.
Parmi ceux qu’on identifie comme «musulmans reconnus», on doit distinguer les Turcs, les Tsiganes et les Pomaques. La langue turque parlée par les Turcs de Thrace est parfois appelée le «turc de Thrace» parce qu'il diffère un peu du turc officiel de Turquie. Les turcophones de Thrace s'expriment
presque exclusivement en langue turque; ils regardent uniquement les chaînes de la télévision turque et, par conséquent, sont plutôt mal intégrés au sein de leur propre pays, la Grèce. Par ailleurs, les mariages mixtes entre les membres de la majorité et ceux de la minorité sont quasiment inexistants. Selon les représentants de minorité turque, seuls quelque 20 % des enfants membres de cette minorité maîtriseraient à peu près le grec à leur sortie de l'école primaire, ce qui semble extrêmement faible et en dit long sur le degré d'intégration de cette minorité à la société grecque.
- Les Pomaques
Les Pomaques (env. 42 000) constituent une minorité musulmane identifiée aux Turcs de Thrace; ils vivent dans les trois
préfectures de la Thrace occidentale (Xanthi, Rhodope et Évros). Cette communauté parle une variété dialectale du bulgare méridional (langue slave) appelé pomaski ou pomatski (en grec: pomakika), et évoluant en dehors de tout contact avec le bulgare officiel, au point où l’on peut parler de deux langues distinctes; c’est une langue très influencée par le turc de Thrace. Bien qu'il n'y ait pas de tradition écrite, l'alphabet propre à écrire la langue pomaque est le cyrillique. Certains auteurs grecs considèrent les Pomaques comme les descendants des anciennes tribus thraces qui furent tour à tour hellénisées, latinisées, slavinisées, christianisées et islamisées. Ceux d'entre eux qui sont demeurés dans les montagnes ont réussi à rester de «purs» descendants de ces anciennes tribus, mais ils ont acquis au cours des siècles beaucoup de mots du grec ancien dans leur vocabulaire.
Pour les historiens bulgares, le fait que les Pomaques parlent une langue bulgare démontre que les Pomaques sont des Bulgares qui, sans doute au XVIIe siècle, ont été forcés de s'islamiser, mais ils sont aussi restés crypto-chrétiens et ont de fait conservé leur culture bulgare. Pour les Turcs, parce que les Pomaques sont de religion musulmane, ils seraient les descendants de diverses tribus turques (les Petchenègues, les Avars et les Coumans) qui se sont établis dans le sud des Balkans avant la conquête de la région par les Ottomans. Ainsi, les Pomaques seraient les plus anciennes populations turques d'Europe. En 1951, l'État grec a décidé d'introduire l'enseignement du turc dans les écoles des Pomaques afin de les éloigner des Bulgares.
Auparavant, la plupart des Pomaques s’identifiaient eux-mêmes comme des Turcs avec lesquels ils partageaient le même territoire et la même religion. Aujourd'hui, beaucoup veulent être reconnus comme des Pomaques, une revendication contre laquelle le consulat de Turquie à Komotiní essaie d'intervenir pour des raisons évidentes. Les Pomaques ne se définissent ni comme des Turcs ni comme des Bulgares, mais revendiquent une identité ethnique distincte. Jusqu'au milieu des années 1990, une bonne partie du territoire est restée interdite d’accès aux étrangers; pour se rendre dans cette zone frontalière, il fallait disposer d’une autorisation spéciale de l’armée.
- Les Tsiganes/Roms
Les Tsiganes (ou Roms) forment probablement une communauté de quelque 300 000 personnes (entre 250 000 et 300 000). Il est difficile d'estimer avec un degré raisonnable d'exactitude le nombre de Tsiganes vivant en Grèce d'aujourd'hui. Même les sources officielles présentent des estimations différentes. En 2001, le Plan d'action global pour l'intégration sociale des Tsiganes grecs, par exemple, a estimé leur nombre entre 250 000 et 300 000. Lors d'une étude de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en 2001, la délégation grecque a présenté une autre estimation: les Tsiganes furent estimés entre 120 000 et 150 000. En 1997, le Minority Rights Group International (MRG), une organisation non gouvernementale basée à Londres, estimait qu'il y avait entre 160 000 et 200 000 Tsiganes en Grèce, alors que d'autres chercheurs ont suggéré un nombre aussi élevé que 500 000. Quant au Greek Helsinki Monitor (GHM), il évalue la population tsigane à environ 3 % de la population grecque, soit environ de 300 000 à 350 000. Quoi qu'il en soit, nous ignorons la proportion exacte de ceux qui parlent encore la langue tsigane (groupe indo-iranien).
Selon toute probabilité, une grande partie d’entre eux parlent le turc comme langue maternelle — probablement 50 % —, et ce, depuis plusieurs générations. Les Tsiganes sont éparpillés dans toute la Grèce, mais ceux qui parlent encore le tsigane habitent surtout le département de Xanthi en Thrace, où leur nombre est estimé à environ 39 000 dans la région, soit 15 % de la population locale. Les Tsiganes sont chrétiens ou musulmans; ils constituent une population à part, à la fois en marge de la société grecque et de la minorité turcophone. Jusque vers 1975, les Tsiganes n'avaient même pas le droit à la citoyenneté grecque; ils étaient considérés comme des «étrangers d'origine tsigane», qui devaient être en possession de pièces d'identité spéciales que les autorités les obligent à renouveler tous les deux ans.
2.4 Les minorités non turques
Les minorités qui ne sont pas turques n’ont jamais obtenu quelque statut que ce soit en Grèce. Ce sont les Arvanites, les Albanais, les Aroumains (Valaques), les Macédoniens, les Bulgares, les Juifs et les Arméniens. Ce n'est pas un hasard si les plus importantes minorités non turques ne portent pas le nom de leur nationalité. Les Albanais sont appelés des Arvanites ; les Aroumains, des Valaques ; les Bulgares, des Pomaques ; les Macédoniens, des Slaves. L'attribution de termes différents pour désigner ces ethnies et leur langue est une façon pour la Grèce de nier l'origine de ces populations étrangères aux Grecs en leur attribuant le statut de «langue autonome». En conséquence, la vulnérabilité de la langue minoritaire augmente au fur et à mesure que les locuteurs perdent leur identité avec leur nation d'origine. Après de nombreuses décennies, ces minorités en viennent à parler une langue distincte de leur pays d'origine et sont d'autant plus vulnérables à l'assimilation. Les membres des minorités sont dans l'obligation d'être bilingues avant de devenir... unilingues grécophones. L'idéologie officielle de l'État grec a été construite presque exclusivement autour de la notion d'une seule nation, avec une seule religion et une seule langue.
- Les albanophones
On distingue deux groupes d'albanophones : les Arvanites ou Gréco-Albanais, constituant une minorité orthodoxe parlant l’albanais arvanite, et les Albanoï originaires d'Albanie (les «Albanais» proprement dits), de confession musulmane et parlant l'albanais tosque (officiel en Albanie).
Les Arvanites, appelés Arvanitika (en grec) ou Arberor (en arvanite), sont installés dans la plupart des départements des régions de la Grèce continentale et le Péloponnèse, y compris dans les îles avoisinantes, l'île Eubée et l'île d'Andros, un total de 200 villages. D'autres vivent près de la frontière albanaise, en Épire et dans les départements de Florina et de Kastoria (Macédoine occidentale). Depuis les années 1950, beaucoup d'Arvanites ont émigré de leurs villages vers les villes et surtout dans la capitale (Athènes) et sa banlieue. L'urbanisation a eu pour effet de rendre les Arvanites bilingues, alors que d'autres ont perdu leur langue ancestrale, l'arvanite, une variété d'albanais assez proche du tosque. Les locuteurs de l'arvanite détestent recourir au terme «albanais» pour désigner leur langue; ils emploient eux-mêmes le mot «arberor». En raison de la dispersion des Arvanites en Grèce, il existe trois variétés d'arvanite: l'arvanite de Thrace, l'arvanite du Nord-Ouest et l'arvanite central (région d'Athènes et Péloponnèse.
Ces variétés locales de l'albanais sont caractérisés par d'importants emprunts à la langue grecque dans le vocabulaire, ainsi que par des adaptations de la grammaire albanaise à la grammaire grecque. Certains linguistes affirment que l'arvanite est de l'«albanais hellénisé». À long terme, l'arvanite est une langue menacée d'extinction. Les jeunes ne l'apprennent plus; seules les personnes âgées sont unilingues; tout le reste de la communauté est bilingue. Les Arvanites vivent en Grèce depuis le XIIe siècle, mais ce fut le XVe siècle qui vit arriver le plus grand nombre: ce sont des chrétiens orthodoxes qui quittèrent l'Albanie occupée par les Ottomans afin d'éviter l'islamisation forcée. Depuis les années 1980, certains efforts visant à préserver la culture des Arvanites ont été entrepris. Quatre associations culturelles ont été créées: l'Arvanitikos Syndesmos Hellados («Ligue arvanite de Grèce»), le Kentro Arvanitikou Politismou («Centre pour la culture arvanite»), l'Arvanitikos Syllogos Ano Liosion («Association arvanite d'Ano Liosia») et la Corinthias Syllogos Arvaniton («Association des Arvanites de Corinthe»).
Quant aux Albanoï, ce sont des Albanais issus de l'immigration récente. Ils utilisent le terme shqip (le même mot que les Albanais d'Albanie) pour désigner leur langue (Shqiptar pour le peuple). Lorsque les frontières furent fixées au début du XXe siècle, certains Albanais chrétiens et musulmans se sont retrouvés sur le territoire grec, tout comme certains Grecs se sont trouvés sur le territoire albanais. Une partie importante de ces Albanais, les Chams musulmans, ont fui la Grèce vers la fin de la Seconde Guerre mondiale; comme beaucoup l'avaient collaboré avec l'occupant, ils ont été persécutés par la résistance grecque. Aujourd'hui, les Albanais d'origine forment une communauté d'environ 30 000 personnes. Ces Albanais ne constituent pas une minorité nationale, mais font partie des immigrants.
- Les Aroumains (Valaques)
Il existe aussi dans le pays
une minorité de langue romane: les
Aroumains que les Grecs appellent généralement Valaques (Vlachoi)
ou plus rarement Méglénites. Le terme Valaques provient du germanique
Walh («non-germain») et a aussi donné Wales (Galles), Wallonie, Velches ou
Valachie, mais en grec il permet des jeux de mots péjoratifs, car
vlakia signifie «stupidité». En albanais le mot Vlahos est
neutre et signifie «frère». Ailleurs dans les Balkans, là où les Valaques ont
abandonné leur langue romane pour adopter les langues slaves méridionales des
pays où ils vivent, Vlahi ou Vlasi signifie «berger».
|
Linguistiquement, l'aroumain fait partie des
langues romanes orientales, avec le roumain, l'istrien et le méglénite. On
l'appelle aussi macédo-roumain. L’intercompréhension entre ces quatre langues
est difficile: c’est pourquoi on parle de langues distinctes
(voir le texte particulier sur les Aroumains).
Les Aroumains de Grèce habitent dans les régions montagneuses de la Thessalie, de l’Épire et du Pinde,
ce qui leur a permis de conserver leur langue depuis quinze siècles, malgré la
présence du grec, du turc et des langues slaves. Après les guerres balkaniques
de 1912-1913, la Grèce a reconnu les Valaques (ou Vlachoi) comme minorité
par le traité de Bucarest (1913); la Roumanie a même financé quelques écoles
valaques jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre, à l'issue de la
guerre civile grecque perdue par les communistes, la Roumanie communiste a cessé
toute aide financière aux communautés valaques de Grèce, car le gouvernement
grec craignait la propagande communiste et réprimait les particularismes. |
Aujourd’hui, l'omniprésence du grec et l’hellénisation de la culture aroumaine ont certainement été des facteurs déterminants dans l'affaiblissement de cette langue considérée par le Conseil de l’Europe comme en grand danger d’extinction, avec seulement quelque 50 000 locuteurs de l’aroumain. Par ailleurs, l’Institut sociolinguistique catalan de Barcelone estime que la Grèce compterait une communauté ethnique de près de 200 000 Aroumains; pour sa part, l’Association des Aroumains français affirme dénombrer plus de 600 000 Aroumains en Grèce, ce qui semble peu probable.
Encore là, il faudrait distinguer les Aroumains qui parlent leur langue
ancestrale et ceux qui sont passés au grec.
Or, le recensement officiel de 1951 ne faisait mention que de 25 000 «Grecs valacophones», c’est-à-dire des Grecs parlant le valaque (aroumain). Bref, il est réaliste de croire à une communauté aroumaine de 200 000 membres, dont 50 000 locuteurs de la langue. Les autorités grecques considèrent maintenant les Aroumains (toujours appelés Valaques par les Grecs) comme faisant partie intégrante de la population grecque. Ils parlent la langue nationale sans difficulté, ils ont adopté les mœurs grecques et ils s’identifient comme des Grecs. Comme le traité de Lausanne de 1923 engageait la Grèce à accorder des droits aux minorités religieuses autres qu’orthodoxes, les Aroumains n’ont pas bénéficié de tels droits puisqu’ils sont de religion orthodoxe grecque. Les Aroumains de Grèce sont généralement considérés comme une minorité assimilée, surtout les individus qui ont migré vers les villes.
Des experts soutiennent que l'aroumain est menacé d'extinction davantage en Grèce que dans d'autres pays des Balkans qui ont eu tendance, après l'effondrement du communisme, à accorder une reconnaissance officielle aux Valaques/Aroumains. Les conditions sociales (isolement géographique, habitudes de travail, structure sociale, etc.) qui ont permis dans le passé aux
Aroumains de survivre sont aujourd'hui disparues, et ce, d'autant plus que l'État grec ne semble pas avoir l'intention de reconnaître l'aroumain comme langue minoritaire. De plus, les
Aroumains n'ont aucun contact avec la Roumanie, la patrie d'origine de cette communauté, ni avec les communautés valaques de l'Albanie, de la Macédoine ou de la Bulgarie. Quant à la Roumanie, elle évite soigneusement de soulever la moindre vague sur les
Aroumains, et ce, depuis le début des années 1990.
- Les Bulgares et les Macédoniens
À la frontière de la Macédoine de l’ex-Yougoslavie et de la Bulgarie, c’est-à-dire dans la région administrative grecque de
la Macédoine occidentale (plus précisément dans la région de Florina), habitent des Macédoniens et des Bulgares, sans oublier les Pomaques qui parlent une variété de bulgare. Pour l’État grec, il n’existe pas de minorité dite macédonienne ou bulgare. On parle plutôt de Grecs slavophones, car les Grecs n’ont jamais admis qu’il puisse exister une langue macédonienne distincte de la langue bulgare.
Rappelons qu’au point de vue linguistique le macédonien actuel puise ses racines dans la langue liturgique de l’ancien slavon du
Xe siècle, un idiome dont est également issu le bulgare. Le vieux slavon occupe la même place en bulgare que la katharévousa en Grèce. Cette langue est à l'origine du bulgare et a influencé le serbo-croate ainsi que le russe par l'entremise de l'Église orthodoxe. Le bulgare, tout comme le grec, n'existait qu'à l'état dialectal
au XIXe siècle, parmi lequel on comptait le dialecte bulgare de Macédoine ou le dialecte de Roumélie (ou dit aussi «bulgare de l'Est», reconnaissable à son accent «mouillé » plus proche du russe). Cette filiation directe issue du dialecte macédonien avec le vieux slavon date des mouvements autonomistes de la fin du
XIXe siècle dans cette région. Par la suite, cette lecture historique a été cultivée par le maréchal Tito de
l'ex-Yougoslavie, qui avait reconnu et standardisé le macédonien en 1944. Aujourd’hui, la langue macédonienne officielle de la république de Macédoine n'est pas très éloignée du bulgare, bien qu'elle ait conservé davantage de traits archaïsants par rapport au bulgare officiel.
Il est malaisé de savoir précisément combien de locuteurs parlent le macédonien et le bulgare en Grèce du Nord, car beaucoup de slavophones auraient délaissé leur langue pour le grec. On sait que les slavophones atteignent probablement les 250 000 ou 300 000, dont 148 000 Macédoniens. Il est probable aussi que quelque 38 000 Bulgares puissent parler le bulgare. En tant que membres d’une confession orthodoxe, les slavophones de Grèce ne sont pas considérés comme une minorité. Beaucoup d'observateurs ont remarqué une baisse importante du nombre des Macédoniens slavophones, qui sont passés au grec.
Par ailleurs, l'ère postcommuniste a amené en Grèce un nombre considérable d'immigrants qui parlent des langues slaves, surtout le russe, l'ukrainien et le polonais. La plupart de ces arrivants ont une origine ethnique grecque et, pour cette raison, ils sont implicitement encouragés à ne pas parler russe en public, si c'est la principale langue entendue dans certains marchés aux puces.
- Les Arméniens
Les Arméniens en Grèce (en grec: Αρμένιοι, Arménioi) sont des citoyens grecs d'origine arménienne (famille indo-européenne). La présence arménienne en Grèce a commencé il y a plusieurs siècles lorsque les Arméniens, pour diverses raisons, ont quitté l'Arménie et se sont installés dans la grande région de Thessalie, en Macédoine orientale et en Thrace. De petites communautés arméniennes ont pu également être trouvées dans les îles grecques de Crète et de Corfou. Puis, après le génocide de 1915, quelque 70 000 à 80 000 Arméniens ont fui la Turquie pour se réfugier en Grèce, surtout en Thrace. Mais il n'en existe presque plus depuis les années 1950, sauf à Komotiní, à Xanthi et à Alexandroúpolis, car la plupart des Gréco-Arméniens ont émigré en Amérique du Nord ou se sont installés dans d'autres régions grecques, surtout à Athènes et sa banlieue. On trouve encore de petites collectivités isolées à Thessalonique et dans l'île de Crète. La majorité des Arméniens sont de confession chrétienne apostolique, mais certains sont catholiques ou évangéliques. Le nombre des Gréco-Arméniens est estimé à environ 32 000.
- Les Juifs et le ladino
Mentionnons aussi une petite communauté juive qui, bien que décimée par les déportations allemandes de la Seconde Guerre mondiale, compte encore quelques milliers de membres à Thessalonique (encore 2000 et 3000 personnes sur un total de 5000). Avant 1944, la communauté juive comptait bien quelque 50 000 membres. Les Juifs parlent le ladino, une langue apparentée au castillan et parlée à l'origine par les Juifs espagnols depuis 1492.
2.5 Les immigrants
Année |
Population immigrante |
Pourcentage |
2015 |
1 242 514 |
11,34 % |
2010 |
1 269 749 |
11,36 % |
2005 |
1 190 707 |
10,76 % |
2000 |
1 111 665 |
10,15 % |
1995 |
857 850 |
8,06 % |
1990 |
618 139 |
6,10 % |
1985 |
309 261 |
6,10 % |
1980 |
171 755 |
6,10 % |
1975 |
123 472 |
6,10 % |
1970 |
89 572 |
6,10 % |
1965 |
68 707 |
6,10 % |
1960 |
52 495 |
6,10 % | |
Longtemps considérée comme un pays d'émigration, la Grèce assiste, depuis la décennie de 1970, à un flux d'immigration croissant qui, ayant acquis des dimensions considérables dès le début des années 1980, la plaçait, en 1993, au troisième rang, en Europe occidentale, quant au taux d'immigrés résidant de manière régulière ou non sur son territoire et, en 1996, au premier rang, dans l'Union européenne, quant au taux d'immigrants clandestins.
Dans le tableau ci-contre, on peut constater que, depuis 1960, le nombre d'immigrants a constamment augmenté et de façon considérable. La différence entre 1960 (52 495 000) et 2015 (1,2 million) est en effet énorme.
En 2015, le nombre d'immigrants atteignait 1,2 million de personnes, soit 11,3 % de la population de la Grèce, ce qui correspondait encore à celui de 2020. De plus, le gouvernement grec admet aussi qu'il y aurait dans le pays entre 600 000 à 800 000 immigrants dits «illégaux».
Cette évolution de l'immigration témoigne sans doute de l'amélioration de la situation économique du pays et des conditions de vie qui ont suivi l'effondrement des régimes socialistes en Grèce. En même temps, ce changement n'est certainement pas étranger à la vague de xénophobie qui s'étend dans le pays, mais ce n'est probablement pas le seul facteur à considérer. |
La Grèce est devenue l'une des principales portes d'entrée dans l'Union européenne pour les sans-papiers d'Afrique ou d'Asie, mais les Chinois et les Pakistanais sont aussi très nombreux. Cette situation, que ce pays en pleine débâcle économique n'arrive pas à gérer, provoque de graves tensions. Sous le poids de la dette et de la politique de rigueur, la situation économique et sociale se dégrade continuellement, ce qui aggrave les tensions entre les différentes communautés. Depuis quelque temps, les inquiétudes des populations locales sont souvent exploitées par des groupes racistes organisés.
3 Le rôle de la religion en Grèce
La proportion des Grecs pratiquant la religion orthodoxe est de 90%, contre 2-3% pour le protestantisme, 1% pour le catholicisme, 4,5 % pour l'islam, 07% pour le judaïsme et encore moins pour l'hindouisme. Cela signifie que la plupart des Grecs sont orthodoxes, ce qui explique que l'Église orthodoxe grecque ait pratiquement le statut d'une «Église d'État». En réalité, l’Église orthodoxe constitue l'un des fondements de l’identité grecque. Son rôle est inscrit à l'article 3 de la Constitution de la République. Ce facteur identitaire entraîne également des conséquences patrimoniales et économiques, car l'Église orthodoxe est le premier propriétaire foncier et immobilier de la Grèce, avec environ 10 % du patrimoine national. Pendant plus d'un siècle, elle ne payait pratiquement pas d’impôts en raison d'un privilège qui remonte au milieu du XIXe siècle. De plus, l'État grec verse au moins 300 millions d’euros par année à l’Église orthodoxe pour le salaire des popes.
3.1 La religion orthodoxe
|
L’article 3 de la Constitution
grecque reconnaît comme «religion dominante la religion de l’Église orthodoxe
orientale du Christ» marquant par là que l’orthodoxie fait partie de
l’hellénisme. Elle accepte «l’inviolabilité de la liberté de la conscience
religieuse», mais interdit le prosélytisme, c’est-à-dire les efforts
déployés pour propager sa foi, à l’exception
de l’orthodoxie grecque. Selon
le ministère grec de la Justice, cette interdiction concerne «le prosélytisme de
mauvais aloi
des
sectes et des intégristes»
et non pas la diffusion des convictions religieuses,
pour
«protéger le pays de toute religion dangereuse». N’oublions pas que
le
prosélytisme
autre qu'orthodoxe
a souvent été sévèrement puni en Grèce: emprisonnement, amende élevée,
surveillance policière et expulsion des
missionnaires
étrangers,
notamment évangélistes et mormons.
L’État grec moderne, officiellement reconnu depuis 1830, n’a jamais été un État laïc. Même l’actuelle Constitution de 1975 est promulguée «au nom de la Sainte, Consubstantielle et Indivisible Trinité». |
- Le serment à la Sainte Trinité
Conformément au paragraphe 1 de l’article 59 de la Constitution, un serment
«à la Sainte, Consubstantielle et Indivisible Trinité» doit être prêté par les députés et par le président de la République avant leur prise en fonctions dans le palais de la Chambre des députés et en séance publique.
Άρθρο 59
1) Οι βουλευτές πριν αναλάβουν τα καθήκοντά τους δίνουν στο Βουλευτήριο και σε δημόσια συνεδρίαση τον ακόλουθο όρκο:
«Ορκίζομαι στο όνομα της Αγίας και Ομοούσιας και Αδιαίρετης Τριάδας να είμαι πιστός στην Πατρίδα και το δημοκρατικό πολίτευμα, να υπακούω στο Σύνταγμα και τους νόμους και να εκπληρώνω ευσυνείδητα τα καθήκοντά μου».
2) Αλλόθρησκοι ή ετερόδοξοι βουλευτές δίνουν τον ίδιο όρκο σύμφωνα με τον τύπο της δικής τους θρησκείας ή του δικού τους δόγματος.
3) Βουλευτές που ανακηρύσσονται όταν η Βουλή απουσιάζει δίνουν τον όρκο στο Τμήμα της που λειτουργεί. |
Article 59
Devoirs et droits des députés
1) Avant de prendre leurs fonctions, les députés prêtent, dans le palais de la Chambre des députés et en séance publique, le serment suivant:
«Je jure au nom de la Sainte, Consubstantielle et Indivisible Trinité d'être fidèle à la Patrie et au régime démocratique, d'obéir à la Constitution et aux lois et de remplir consciencieusement mes fonctions.»
2) Les députés hétérodoxes ou appartenant à une autre religion prêtent le même serment selon la formule de leur propres dogme ou religion.
3) Ceux qui sont proclamés députés hors session de la Chambre des députés prêtent serment devant la Section de la Chambre en fonction. |
Ce n'est pas tout. Les popes et tout le personnel de l'Église orthodoxe sont rémunérés par les fonds publics. L'instruction religieuse est obligatoirement au programme dans toutes les écoles et fait l'objet d'une épreuve lors de l'examen de fin d'études. En 1981, le Pasok (Parti socialiste) avait inscrit la séparation de l'Église et de l'État à son programme, mais il a dû rapidement faire machine arrière. La seule avancée sur cette question semble être l'institution du mariage civil. Cependant, les couples, qui ont le choix, préfèrent toujours dans leur grande majorité avoir affaire à un pope.
- La liberté de religion
Jusqu'à une époque récente, un non-orthodoxe n’était pas considéré comme un «vrai Grec». À l’époque d’Homère, on qualifiait alors de «Barbares» (βάρβαρος) tous les non-Grecs. Ainsi, à leur façon, les Grecs ont pu donner en Europe l’image de ce que pouvait être l’«intégrisme islamique» dans d’autres régions du monde. En Grèce, on a jadis très mal toléré les exceptions. Mais, selon l’article 13 de la Constitution grecque, la liberté de religion est garantie comme «inviolable» pour tous les citoyens grecs...
à la condition que ce soit la religion orthodoxe :
Άρθρο 13
1) Η ελευθερία της θρησκευτικής συνείδησης είναι απαραβίαστη. Η απόλαυση των ατομικών και πολιτικών δικαιωμάτων δεν εξαρτάται από τις θρησκευτικές πεποιθήσεις καθενός.
2) Κάθε γνωστή θρησκεία είναι ελεύθερη και τα σχετικά με τη λατρεία της τελούνται ανεμπόδιστα υπό την προστασία των νόμων. Η άσκηση της λατρείας δεν επιτρέπεται να προσβάλλει τη δημόσια τάξη ή τα χρηστά ήθη. Ο προσηλυτισμός απαγορεύεται.
3) Οι λειτουργοί όλων των γνωστών θρησκειών υπόκεινται στην ίδια εποπτεία της Πολιτείας και στις ίδιες υποχρεώσεις απέναντί της, όπως και οι λειτουργοί της επικρατούσας θρησκείας.
4) Κανένας δεν μπορεί, εξαιτίας των θρησκευτικών του πεποιθήσεων, να απαλλαγεί από την εκπλήρωση των υποχρεώσεων προς το Κράτος ή να αρνηθεί να συμμορφωθεί προς τους νόμους.
5) Κανένας όρκος δεν επιβάλλεται χωρίς νόμο, που ορίζει και τον τύπο του. |
Article 13
1) La liberté de la conscience religieuse est inviolable. La jouissance des libertés publiques et des droits civiques ne dépend pas des convictions religieuses de chacun.
2) Toute religion connue est libre, et les pratiques de son culte s'exercent sans entrave sous la protection des lois. Il n'est pas permis que l'exercice du culte porte atteinte à l'ordre public ou aux bonnes mœurs. Le prosélytisme est interdit.
3) Les ministres de toutes les religions connues sont soumis à la même surveillance de la part de l'État et aux mêmes obligations envers lui que ceux de la religion dominante.
4) Nul ne peut, en raison de ses convictions religieuses, être dispensé de l'accomplissement de ses obligations envers l'État ou refuser de se conformer aux lois.
5) Aucun serment n'est imposé qu'en vertu d'une loi qui en détermine aussi la formule. |
La popularité de la religion orthodoxe auprès de la population grecque repose sur le souvenir des quatre siècles d’occupation ottomane, pendant lesquels l’Église orthodoxe fut le seul organisme pour défendre la langue et la culture grecques.
Néanmoins, selon un sondage paru le 13 février 2005 dans le quotidien Eleftherotypia, quelque 48 % des Grecs seraient favorables à la séparation de l'Église et de l'État, et 35 % seraient contre. L'attitude des Grecs vis-à-vis de la religion a tout de même beaucoup évolué.
- La carte d'identité
En 1993, le Parlement grec — soit tous les parlementaires grecs, qu’ils soient de gauche ou de droite — avait confirmé la loi rendant obligatoire la mention d'appartenance religieuse sur toutes les nouvelles cartes d'identité, malgré l'opposition des minorités juive et catholique, ainsi que de quelques députés et organisations non gouvernementales (ONG). La Grèce était alors le seul pays de l’Union européenne à imposer la mention de la religion sur les cartes d'identité. Les religions non orthodoxes reconnues étaient considérées par le gouvernement comme des «cultes étrangers», le Code pénal grec les désignant comme «tolérées». D’après le gouvernement grec (ministère de l’Intérieur, de l’Administration et de la Décentralisation), la mention de la religion sur la carte d’identité n’avait aucune valeur juridique.
Cette mention correspondait simplement à l’expression d’une «tradition religieuse» et répondait aux «demandes faites par l’Église orthodoxe grecque». Puis le Parlement européen a demandé au gouvernement grec d’abolir toute mention de religion, même facultative, sur les nouvelles cartes d’identité grecques et de ne pas se laisser influencer par la hiérarchie orthodoxe. La résolution du Parlement européen affirmait que «la mention obligatoire de la religion sur les cartes d’identité viole les libertés fondamentales de l’individu, telles que celles-ci sont exposées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme». Le Parlement européen a même rappelé que la liberté d’opinion et de religion constitue l’un des fondements de l’État de droit et qu’une telle liberté est du ressort exclusif de la conscience humaine.
Quoi qu'il en soit, la mention religieuse sur les cartes d'identité a fini par être abolie par le gouvernement grec. N'oublions pas que la Grèce est passée d'un État théocratique à un État laïc moderne. Par exemple, l'état civil est une création récente dans un pays où seules les autorités religieuses tenaient les registres de chaque communauté. Dès lors, pour qu'un Grec du Dodécanèse puisse obtenir un passeport, il fallait parfois écrire à l'évêché pour obtenir l'acte de naissance des parents. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
- Le blasphème comme délit
Dans ce pays, l’article 198 du Code pénal (Ποινικού Κώδικα) punit tout individu qui, en public et avec malveillance, offense Dieu de quelque manière que ce soit, et celui qui manifeste en public, en blasphémant, un manque de respect envers le sentiment religieux:
Aρθρο 198
Κακόβουλη βλασφημία.
1) Με φυλάκιση μέχρι δύο ετών τιμωρείται όποιος δημόσια και κακόβουλα βρίζει με οποιονδήποτε τρόπο το Θεό.
2) Όποιος, εκτός από την περίπτωση της παραγράφου 1, εκδηλώνει δημόσια με βλασφημία έλλειψη σεβασμού προς τα θεία, τιμωρείται με κράτηση έως έξι (6) μηνες ή με πρόστιμο έως τρεις χιλιάδες (3.000) ευρώ. Σχόλια:- Η παράγραφος. 2 του άρθρου 198 τίθεται όπως αντικαταστάθηκε από την παρ. |
Article 198
Le blasphème malveillant
1) Quiconque, en public et avec malveillance, offense Dieu est passible de deux ans d'emprisonnement.
2) Quiconque, sauf dans ce qui est prévu au paragraphe 1, manifeste en public en blasphémant un manque de respect envers le sentiment religieux, est passible de six mois ou d'une amende de 3000 euros. |
Cette loi a encore été utilisée en 2005 pour faire condamner à six mois de prison l'illustrateur autrichien Gerhard Haderer, et ce, pour une bande dessinée jugée blasphématoire, interdite de parution en 2003. Mais la Cour d'appel a, par la suite, levé cette interdiction, sous la pression de l’Union européenne. La Grèce demeure parmi les derniers pays européens, avec l’Allemagne, le Danemark, l’Italie et l’Irlande, à avoir conservé la criminalisation des paroles blasphématoires. Dans tous les autres pays, le délit de blasphème est irrecevable. Des citoyens irlandais demandent l'abrogation de la Defamation Act 2009 qu'ils jugent comme ayant un «caractère moyenâgeux».
3.2 La religion et la langue
Dans ce pays, la Constitution ne reconnaît que la «Communauté nationale
hellénique» ( Έλληνική
εθνικί κοινωνία, helleniki ethniki koinonia) une et indivisible, qui
inclut tous les orthodoxes sans distinction. La seule exception, instituée en
1923 par le traité de Lausanne,
concerne les musulmans, tous considérés comme des «Turcs», là encore quelles que
soient leurs langues. C'est pourquoi des personnalités politiques importantes
nient l’existence des minorités ethniques, que ce soient les Aroumains, les
Arvanites (Albanais orthodoxes), les Tchams (Albanais musulmans), les Torbèches
(Macédoniens slaves musulmans), les Macédo-Slaves orthodoxes, les Pomaques
(Bulgares musulmans) ou les Bulgares orthodoxes.
Par exemple, le 24 juin 1996, la Commission
européenne des droits de l'homme a jugé recevable l'appel du Foyer de la
civilisation macédonienne, association des Macédo-Slaves orthodoxes, qui
avait été refusée par les instances grecques du fait qu'«il n'existait pas de
minorité macédonienne» et que cette association mettait en danger «l'intégrité
territoriale du pays» au profit de la Macédoine du Nord slave. Il ne s’agit là
que d’un exemple (et il y en aurait bien d'autres!), mais il donne une idée du
jacobinisme grec face aux minorités linguistiques.
|
En Grèce, la religion, la langue et la citoyenneté grecques ne font qu’un. Autrement dit, un citoyen grec pratique nécessairement la religion grecque orthodoxe et parle obligatoirement la langue grecque; il doit croire aussi à l’hellénisme, développé surtout à l’époque de l’empire d’Alexandre le Grand, mais qui est cinq fois millénaire en Grèce. Dans les années 1920, toute personne qui ne satisfaisait pas à ces trois conditions devait être assimilée ou expulsée. Ce n'est plus le cas aujourd'hui !
Dans les faits, le grec est la langue officielle de la Grèce sans qu’il soit nécessaire de le proclamer dans la Constitution.
De fait, il n'existe aucune texte juridique en vigueur qui reconnaît que le grec
est la langue officielle de la Grèce. |
Citons néanmoins l’article 3 de la Constitution (Σύνταγμα της Ελλάδας) qui traite sommairement de la langue.
Article 3
1) La religion dominante en Grèce est celle de l'Église orthodoxe orientale du Christ. L'Église orthodoxe de Grèce, reconnaissant pour chef Notre Seigneur Jésus-Christ, est indissolublement unie, quant au dogme, à la Grande Église de Constantinople et à toute autre Église chrétienne du même dogme, observant immuablement, comme celles-ci, les saints canons apostoliques et synodiques ainsi que les saintes traditions. Elle est autocéphale et administrée par le Saint-Synode, qui est composé des évêques en fonction, et par le Saint-Synode permanent qui, émanant de celui- ci, est constitué comme il est prescrit par la Charte statutaire de l'Église, les dispositions du Tome patriarcal du 29 juin 1850 et de l'Acte synodique du 4 septembre 1928 étant observées.
2) Le régime ecclésiastique existant dans certaines régions de l'État n'est pas contraire aux dispositions du paragraphe précédent.
3) Le texte des Saintes Écritures reste inaltérable. Sa traduction officielle en une autre forme de langue sans l'approbation de l'Église autocéphale de Grèce et de la Grande Église du Christ à Constantinople est interdite. |
Le texte des Saintes Écritures est en grec ancien. Cet article 3 ne définit pas le statut de la langue officielle en Grèce, mais celui de la langue officielle de l’Église autocéphale de Grèce, sans même nommer cette langue : «Le texte des Saintes Écritures reste inaltérable (il ne peut pas être modifié). La traduction officielle du texte dans une autre forme de langue, sans l'approbation de l'Église autocéphale de Grèce et de la Grande Église du Christ à Constantinople, est interdite.» Comme pour le judaïsme en Israël, la religion orthodoxe en Grèce revêt une dimension ethnique très forte que l’État se doit de défendre. C’est ce qu’on appelle une «démocratie ethnique», comme il en existe en Israël, en Croatie, en Serbie, en Afghanistan ou en Iran.
De plus, la Constitution grecque définit l’éducation comme une «mission fondamentale de l’État ayant comme but [...] le développement de la conscience nationale et religieuse des Grecs». En vertu de ces principes, l’enseignement religieux, selon le rite de l’Église orthodoxe, est obligatoire dans toutes les écoles primaires et secondaires; il est par ailleurs interdit d’embaucher des enseignants non orthodoxes; par ailleurs, l’autorisation d’un évêque orthodoxe est obligatoire pour la construction ou la réparation des lieux de culte des autres religions. Et il ne faudrait pas croire que ce sont là des détails sans importance!
Qu’on pense aux problèmes auxquels les membres des autres confessions religieuses doivent faire face lorsque, par exemple, ils veulent faire éduquer leurs enfants selon les préceptes de leur religion. Les enfants devront-ils, malgré tout, recevoir un enseignement conforme aux rites de l’Église orthodoxe grecque? Comment feront-ils pour embaucher des professeurs non orthodoxes? L’autorisation d’un évêque est-elle une simple formalité lorsqu’il s’agit, par exemple, de réparer une mosquée? Ce sont là d’énormes problèmes auxquels sont confrontées les minorités en Grèce, et il ne faut pas en minimiser l’importance pour une raison bien simple: les minorités linguistiques ne correspondent à aucune réalité juridique en Grèce, seules sont «tolérées» les minorités religieuses.
3.3 L’hellénisme
|
On sait aussi que, de tout temps, les historiens ont souligné la notion d'hellénisme dans l’identité nationale grecque. L'hellénisme demeure une notion culturelle: est grecque toute personne qui a reçu une «éducation hellénique». Forte de plusieurs millénaires, cette identité continue d'influencer profondément la société grecque moderne. La situation géographique et l'histoire de la Grèce avec les pays voisins, notamment la Bulgarie et la Turquie (les anciens «ennemis historiques»), constituent des facteurs qui expliquent cette importance si grande. L'hellénisme est lié à un concept de supériorité accordé à la langue et à culture de la civilisation hellénique qui distinguait, d'une part, les Grecs, d'autre part, des «Barbares» (les autres). Or, les Hellènes sont devenus des Grecs. Toutefois, cette perpétuation de l'hellénisme historique a fini par engendrer dans certains cas un ethnocentrisme excessif. D’ailleurs, la Grèce a fort à faire pour améliorer sa réputation plutôt médiocre en matière d’intolérance à l’égard de toute différence, voire de xénophobie, envers les étrangers ou les minorités. |
À ce sujet, on peut rappeler quelques résultats d’un sondage européen effectué en 1993 sur la perception des Grecs à l’égard de leurs minorités nationales: 89 % des Grecs trouveraient les Turcs «antipathiques», 76 % auraient une perception «défavorable» envers les Arvanites (Albanais), 57 % envers les Juifs et 55 % envers les Tsiganes/Roms. De plus, 84 % de la population considérait que «beaucoup d'étrangers vivant en Grèce constituent un danger public» et 90 % croient qu'ils «usurpent le travail des Grecs». Ce n’est pas pour rien que tous les groupes minoritaires en Grèce, tant chez les ressortissants grecs que chez les immigrants, disent éprouver une impression d'aliénation, car ils ont tous été confrontés à la xénophobie des grécophones orthodoxes et à la violence de la part de la police, tandis que les tribunaux ont souvent violé ou supprimé leurs droits.
Or, la Grèce connaît, depuis quelques années, une hausse sensible de l'immigration régulière, mais aussi et surtout clandestine (illégale). Il semble évident que le pays n'a pas toujours disposé de structures et de procédures efficaces pour y faire face. C'est ainsi que l’hellénisme, si cher aux Grecs, peut servir à creuser un fossé de plus en plus grand entre les orthodoxes et les minorités nationales.
Dernière mise à jour:
08 déc. 2024