États-Unis d'Amérique

La politique linguistique
fédérale américaine

Présentation générale

 

Capitale: Washington
Population: 340,1 millions (2024)
Langues officielles: anglais (de facto)
Groupe majoritaire: anglais (82,1 %)
Groupes minoritaires: espagnol (10,7 %), chinois, français, allemand, tagalog (filipino), vietnamien, italien, coréen, russe, polonais, arabe, portugais, japonais, + env. 160 langues dont 50 sont parlées par plus de 30 000 de locuteurs
Système politique: république fédérale de 50 États et d'
un district fédéral
Articles constitutionnels (langue): aucune disposition constitutionnelle (voir le texte complet en français)
 
Lois à portée linguistique:
Loi sur les droits civils (1964); Loi sur l'enseignement bilingue (1965, ABROGÉE); Loi sur le droit de vote (Nécessité du bilinguisme dans les élections) (1965-2006); Loi sur l'enseignement bilingue (1968); Loi sur l'égalité des chances en éducation (1974, abrogée); Loi sur les interprètes judiciaires (1978); Loi sur l'éducation bilingue (1994, ABROGÉE); Projet de loi Emerson pour promouvoir la langue anglaise (1996, NON ADOPTÉ); Loi du «aucun enfant laissé pour compte» - No Child Left Behind Act (2001, modifiée en 2015); Loi sur les langues amérindiennes (1990); Loi sur les langues amérindiennes de 1992; Décret présidentiel n° 13166 améliorant l'accès aux services pour les personnes dont les connaissances sont limitées en anglais (2000, révoqué); Loi modifiant la Loi sur les langues amérindiennes (2001); Loi sur la revitalisation des langues amérindiennes du Sud-Ouest (2003); Loi pour la réussite de chaque élève (2015); Décret présidentiel n° 1472 restaurant les noms qui honorent la grandeur américaine (2025); Décret présidentiel n° 14149 rétablissant la liberté d'expression et mettant fin à la censure fédérale (2025); Décret présidentiel désignant l’anglais comme langue officielle des États-Unis (2025).

Plan de l'article

1 Une politique linguistique restrictive
1.1 Le concept d'État-nation
1.2 Les pratiques expansives de l'anglais
1.3 Une société cosmopolite
1.4 Les pratiques du multilinguisme fédéral

2 La politique de l'immigration
2.1 Une politique confinée à l'immigration
2.2 La perception des langues immigrantes
2.3 La politique de déportation

3 L'éducation aux États-Unis
3.1 L'enseignement bilingue
3.2 Les lois sur l'enseignement bilingue
3.3 Les méthodes d'enseignement bilingue
3.4 L'intégration contre la préservation
3.5 La loi NCLB de 2001
3.6 Le mouvement d'unilinguisme anglais
3.7 L'enseignement bilingue au hachoir

4 L'officialisation de l'anglais
4.1 La promotion de l'unilinguisme anglais
4.2 D'un projet de loi à un autre

4.3 Le rejet du bilinguisme
4.4 Le décret sur l'anglais langue officielle (2025)

5 L'intervention sur la langue
5.1 Le bilinguisme des produits destinés à l'exportation
5.2 L'interdiction d'employer les mots indésirables
5.3 Les changements d'appellation toponymique

6 L’internationalisation de la langue anglaise
6 L’internationalisation de la langue anglaise
6.1 La langue de l’aviation civile
6.2 L’anglais dans les organismes internationaux
6.3 Les communications scientifiques
6.4 L’autoroute de l’information
6.5 La langue de l’armée américaine
6.6 La langue des succursales américaines à l’étranger
6.7 La langue des programmes de coopération bilatérale
6.8 La propagande américaine dans les médias

7 La législation fédérale et les autochtones
7.1 Les politiques génocidaires
7.2 Les moyens incitatifs de préservation
7.3 Les écoles de survie
7.4 La protection mise à mal

1  Une politique linguistique restrictive

Il n’est pas dû au hasard que la Constitution américaine de1787 (toujours en vigueur, mais plusieurs fois modifiée depuis) ne contienne aucune disposition linguistique pour rendre l’anglais langue officielle du pays. Souvenons-nous qu'à cette époque la population américaine était issue de différents pays et parlait différentes langues (comme aujourd'hui). En fait, les «pères fondateurs» refusèrent de faire de l'anglais la langue officielle, car ils croyaient qu'il s'imposerait de lui-même, sans appui officiel. Ce n’est certes pas un oubli de la part des législateurs de l’époque, mais bien une volonté délibérée de ne pas intervenir par la voie législative, donc contraignante. En fait, la plupart des hommes politiques américains associaient l'interventionnisme linguistique à une «pratique monarchiste» qu'ils abhorraient. Pour eux, les académies sur la langue, comme il en existait en France, en Espagne ou en Italie, étaient perçues comme des institutions royalistes. Aujourd'hui, ce genre de loi est plutôt apparenté à du socialisme, donc trop ressemblant à du communisme. Mais le retour de Donald Trump au pouvoir semble avoir changé cette idéologie.

1.1 Le concept d'État-nation

Dans les premières années de l'Union, le Congrès américain publia plusieurs documents en français, en allemand et en espagnol dans le but de mieux les diffuser dans certaines régions. En réalité, les États-Unis ont appliqué, depuis le début de leur histoire, une politique linguistique jacobine, c'est-à-dire d’imposition linguistique, le tout sans adopter de loi, avec des résultats qui feraient l’envie de nombreux pays. Cette politique est celle des États forts de la fin du XVIIIe siècle, tels que la Grande-Bretagne et la France: à un pays doivent correspondre une langue et une nation («One Language, One Nation»). En somme, c'est la vieille idée de l'État-nation développée par la Révolution française. En témoigne cette déclaration de Bertrand Barère (1755-1841), membre du Comité de salut public, qui déclencha l'offensive en faveur de l'existence d'une langue nationale:

La monarchie avait des raisons de ressembler à la tour de Babel; dans la démocratie, laisser les citoyens ignorants de la langue nationale, incapables de contrôler le pouvoir, c'est trahir la patrie... Chez un peuple libre, la langue doit être une et la même pour tous.

Quant aux États-Unis, le linguiste D. F. Marshall déclarait, en 1986, dans un article du International Journal of the Sociology of Language, ce qui suit: 

Il ressort de notre analyse de l'histoire américaine que le fait de ne pas avoir de langue officielle n'est pas dû à un oubli de la part des auteurs de la Constitution, mais résulte d'une volonté délibérée de planification linguistique.

1.2 Les pratiques expansives de l'anglais

Il faut toujours se rappeler que la non-intervention constitue une véritable politique linguistique. Malgré l'absence de prescription constitutionnelle relative à une langue officielle, des millions d'immigrants et d'autochtones parlant d'autres langues ont été anglicisés. Le gouvernement fédéral américain a toujours favorisé l'anglais et, pour ce faire, il a pratiqué des politiques linguistiques expansives pour l'anglais, mais restrictives pour les autres langues. Pourtant, il n'existe pas aux États-Unis une politique sociale officielle qui aurait pour objectif d'intégrer les immigrants ou de les aider à s'intégrer dans le courant dominant ("mainstream"). Il n'existe ni au niveau fédéral ni dans les États des structures destinées à jouer un rôle dans l'intégration ou l'immigration. Il n'existe pas au gouvernement fédéral américain un «secrétaire d'État à l'Immigration». Historiquement, l'État se tient loin de toute intervention en cette matière. Toute cette approche du processus d'intégration relève exclusivement de la «société civile». 

Dans les faits, l'anglais a toujours été la seule langue utilisée par l'administration fédérale américaine, que ce soit au Parlement, dans les cours de justice, les services publics, l'affichage, etc. Il y a eu quelques rares exceptions; par exemple, à l'occasion des deux derniers conflits mondiaux (1914-1918 et 1939-1945), alors que certains messages ont été publiés en une vingtaine de langues. Cette pratique expansive pour l'anglais a toujours été présente aux États-Unis et elle ne disparaîtra pas de sitôt, surtout que la «menace hispanique» (le «péril latino») risque de la renforcer encore davantage, notamment lorsque les présidents sont conservateurs comme George W. Bush ou Donal Trump.

En matière de langue, en 1919, Franklin Roosevelt, qui devait être président des États-Unis de 1932-1945, fit un jour cette déclaration :

We have room but for one language here, and that is the English language, for we intend to see that the crucible turns our people out as Americans, of American nationality, and not as dwellers in a polyglot boarding-house.

[Il n’y a de place ici que pour une seule langue, et c’est la langue anglaise, parce que nous entendons voir le creuset transformer la population en Américains, de nationalité américaine, et non en pensionnaires d’une auberge polyglotte.]

Toutefois, un arrêt de la Cour suprême des États-Unis est venu en 1923 semer un certain doute en déclarant ce qui suit :

The protection of the Constitution extends to all, to those who speak other languages as well as to those born with English on the tongue. Perhaps it would be highly advantageous if all had ready understanding of our ordinary speech, but this cannot be coerced by methods which conflict with the  with the Constitution, — a desirable end cannot be promoted by prohibited means. [La protection de la Constitution s'étend à tous, à ceux qui parlent d'autres langues, comme à ceux qui sont nés avec l'anglais comme langue maternelle. Il serait peut-être fort avantageux si tous avaient la compréhension rapide de notre langage ordinaire, mais cela ne peut pas être forcé par des méthodes qui sont en conflit avec la Constitution une fin désirable ne peut pas être encouragée par des moyens interdits.]

Le calme est revenu et les États-Unis ont continué de pratiquer une politique linguistique qui a tellement réussi qu'aujourd'hui l'unilinguisme anglais règne de façon quasi incontestée dans l'administration fédérale. Pourtant, certaines administrations américaines ont assoupli leur politique et permis une forme de bilinguisme. Rappelons qu'en août 2000 le président Clinton a signé un décret (EO 13166) intitulé Improving access for people of limited English proficiency («Amélioration de l'accès aux services pour les personnes dont les compétences sont limitées en anglais»). Ce décret obligeait tous les organismes fédéraux à s'adresser aux non-anglophones dans leur langue. La raison invoquée était que les non-anglophones avaient droit aux mêmes services que les anglophones. Évidemment, le respect de ce décret du président Clinton s'est fait de façon très inégale, car certains organismes, comme le U.S. Department of Education (département de l'Éducation), ont totalement ignoré ces prescriptions.

1.3 Une société cosmopolite

Soulignons qu'à l'origine les Anglo-Saxons, qui deviendront successivement les Yankees, les White Anglo-Saxon Protestants (WASP), puis les White ethnics, dominaient partout dans les Treize Colonies qui ont donné naissance à la fédération américaine, car aucune d'entre elles n'étant la patrie d'une minorité nationale. L'adoption du système fédéral n'a donc pas eu à tenir compte des différences ethniques, mais plutôt à introduire une forme supplémentaire de séparation des pouvoirs de l'État et à protéger les libertés individuelles. Toutefois, le problème des minorités a commencé à se poser du moment où les États-Unis se sont étendus territorialement, que ce soit par la colonisation, l'achat ou la conquête. Ces nouveaux territoires abritaient des peuples distincts du point de vue ethnique: peuples autochtones et populations hispaniques (Chicanos ou Latinos) de l'ouest et du sud-ouest, francophones de la Louisiane, Inuits de l'Alaska, Aléoutes, Hawaïens, Portoricains, etc. Ce sont là les véritables «minorités nationales» aux États-Unis!

Évidemment, le système fédéral aurait pu permettre à ces groupes de bénéficier d'une certaine autonomie politique à base territoriale. Mais cette solution a été délibérément écartée, même dans les territoires achetés (Louisiane et Alaska) ou annexés (Floride, Texas, Californie, Nouveau-Mexique, Hawaï). Les autorités américaines ont toujours réussi à empêcher qu'une minorité nationale ne prenne le contrôle politique d'un État américain (pensons à la Louisiane!) et ne bénéficie de cette façon d'une importante autonomie administrative. Cela dit, certains petits peuples autochtones des États-Unis exercent aujourd'hui une forme d'autonomie gouvernementale à base territoriale.

1.4 Les pratiques du multilinguisme fédéral

Dans les faits, seulement quelques documents gouvernementaux sont autorisés par la législation fédérale à être publiés dans une autre langue que l’anglais. Il a fallu l'intervention d'un Bill Clinton pour en arriver à certaines pratiques. Il s’agit des cas suivants:

1) Les procédures d'immigration

Les interprètes doivent être disponibles pendant l'examen mental et physique d'immigrants cherchant l'entrée aux États-Unis (8 USC 1224).

2) Les procès reconnus légalement

Des interprètes doivent être disponibles lors des procès fédéraux, au civil et au criminel, quand ceux-ci n’impliquent pas des personnes morales ou quand ce sont des individus affirmant ne pas connaître la langue anglaise (28 USC 1827).

3) Les soins médicaux des immigrants

Du personnel bilingue doit être prévu dans les centres fédéraux de santé et les programmes d’abus d’alcool, qui desservent une population significative de non-anglophones ( 42 USC 254b(f)(3)(J), 245c, 4577b).

4) Le droit de vote

De l'information bilingue doit être dispensée aux électeurs ainsi que dans les bureaux de scrutin dans des juridictions où des locuteurs d’origine amérindienne, hispanique ou asiatique dépassant 5 % de la population ou dont le nombre excède plus que 10 000 personnes. (42 USC 1973aa-1a).

5) Les écoles

La loi fédérale des droits civils oblige les écoles à prendre «des mesures appropriées pour surmonter les barrières de langue», qui ferment l'accès au cours des enfants ayant des connaissances limitées en anglais (20 USC 1703 f).

Quand une agence fédérale choisit de servir le public dans une autre langue que l’anglais, elle doit généralement faciliter des opérations efficaces, telles que:

- informer des membres du public de leurs droits et leurs responsabilités;
- appliquer les diverses lois fédérales;
- sauvegarder la sécurité et la santé publique;
- rassembler l'information, p. ex. lors des recensements décennaux;
- soutenir des programmes éducatifs, incluant les programmes qui enseignent la langue anglaise;
- fournir l’accès au gouvernement et à toute procédure politique.

Le décret présidentiel EO-13166 (l'Improving access for people of limited English proficiency) de Bill Clinton donne une certaine idée de ces services. Quoi qu'il en soit, un rapport du General Accounting Office montre que, entre 1990 et 1994, moins de 1 % (exactement 0,065 % d'après le 104e Congress Report du 30 juillet 1996) des documents du gouvernement fédéral ont été rédigés (traduits) dans d'autres langues que l'anglais. C'est pourquoi Edward M. Chen, membre de l'American Civil Liberties Union of Northern California, pouvait dire en 1995: "If anything... language minorities are vastly under-served" («Rien du tout... les minorités linguistiques sont immensément sous-employées»).

L'une des caractéristiques des droits linguistiques exercés aux États-Unis, c'est que ces droits sont définis comme des composantes des libertés et droits civils, assurant à tout citoyen de ne pas subir de discrimination en raison de l'origine nationale, dont la langue fait partie. C'est dans cette perspective qu'a été adoptée en 1974 la loi intitulée Equal Educational Opportunity Act ou EEOA, c'est-à-dire en français: Loi sur l'égalité des chances en éducation). Cette loi fédérale adoptée sous l'administration de Richard Nixon, interdit la discrimination à l'égard des professeurs, du personnel et des élèves, notamment sur la base de la race, de la couleur ou de l'origine nationale, ce qui inclut la langue parlée par un individu. La même loi oblige les districts scolaires à prendre des mesures pour surmonter les obstacles freinant une participation égale des élèves à l'éducation. De plus, les droits linguistiques sont toujours accordés sur une base individuelle, jamais sur une base collective. Ce sont donc des droits personnels, non des droits collectifs, car ils sont plus facilement révocables lorsque les circonstances s'y prêtent moins.

2 La politique de l'immigration

À proprement parler, les États-Unis n'ont jamais élaboré de politique linguistique consciemment planifiée et à portée nationale. Pour les parlementaires américains, le paradis du capitalisme, toute intervention à caractère social, que ce soit sur la santé, la langue ou la culture, est perçue comme du «socialisme». Toute intervention de l'État dans ces domaines est perçue comme une concurrence déloyale. Ainsi, le président Donald Trump a toujours dénoncé les politiques qui favorisaient la redistribution des richesses parce qu'il s'agissait pour lui du socialisme, d'ailleurs comme toute politique qui est différente de celle des États-Unis!

Or, les Américains éprouvent une forte hostilité pour des doctrines vues comme étrangères aux traditions politiques américaines. Il ne faut pas oublier que les Américains en général sont très conservateurs et qu'ils ne sont pas prêts à abandonner les avantages du capitalisme individuel. Et l'intervention législative sur la langue, du moins jusqu'à récemment, fait partie du socialisme parce qu'elle fait penser aux politiques de l'Union soviétique, de sorte que toute mesure législative est interprétée comme une menace pour les libertés individuelles. 

2.1 Une politique confinée à l'immigration

Au cours de la période présente du XXIe siècle, le gouvernement fédéral ne pouvait plus éviter totalement l'élaboration d'une politique linguistique. Mais celle-ci porte exclusivement sur l'immigration, rien d'autre. On s'en tient généralement au plus urgent, au plus incontournable, c'est-à-dire tout ce qui concerne l'enseignement des langues et l'accès aux élections. Le département de l'Éducation a investi des milliards de dollars dans ce qu'on peut appeler «l'éducation bilingue», principalement en termes de «moyen de transition» destiné à remplacer les langues des enfants issus des minorités par l'anglais.

Au cours des années 1980, la population née à l'étranger a augmenté de 40%, de 38 % pour le nombre des locuteurs de langues minoritaires et de 37 % pour le nombre de résidents américains ayant des difficultés avec l'anglais. Rien n'indique que ces tendances sont appelées à s'inverser, à moins qu'il y ait de grandes restrictions concernant l'immigration. L'impact social de ce mouvement semble tellement considérable qu'on a généralement balayé le problème sous le tapis en adoptant la méthode du tout-anglais. La question est de savoir quelle politique est-il préférable d'adopter pour réagir aux changements démographiques dans le but de servir l'intérêt national et à de préserver les traditions démocratiques américaines?

- faut-il considérer les langues minoritaires comme une menace et tenter d'en restreindre l'usage, en adoptant des mesures coercitives pour forcer les immigrés à s'assimiler?
- faut-il considérer la diversité linguistique comme une source perpétuelle de problèmes et y répondre par diverses stratégies non coordonnées pour faire face aux barrières linguistiques?
- faut-il envisager cette diversité comme un atout en encourageant les minorités linguistiques à conserver leurs connaissances linguistiques et leur offrant de nombreuses possibilités d'apprendre l'anglais, tout servant les États-Unis à faire face aux langues étrangères? 

En même temps, d'autres programmes fédéraux dépensaient des milliards pour soutenir l'enseignement des langues dites «étrangères», c'est-à-dire pour enseigner à peu près ces mêmes langues aux anglophones. Toutefois, aucune des deux approches n'a réussi à produire aux États-Unis de réels individus bilingues. Ou les enfants immigrants apprennent mal l'anglais ou les compétences des Américains dans les langues étrangères, pourtant jugées essentielles à la sécurité nationale et au commerce international, demeurent des exceptions. Par ailleurs, pourquoi dépenser de l'argent pour le bilinguisme quand la planète entière tente par tous les moyens d'apprendre l'anglais.

2.2 La perception des langues immigrantes

Il est vrai que la diversité linguistique est un phénomène relativement récent aux États-Unis, parce que les fondateurs de ce pays n'ont jamais eu à faire face à une telle situation. Dans les faits, le gouvernement fédéral n'a jamais senti le besoin de fournir des bulletins de vote bilingues, des écoles bilingues, des publications et des services bilingues aux frais de l’État, même si certains États fédérés l'ont fait, mais jamais de façon coordonnée. D'ailleurs, beaucoup d'enseignants dans le pays croient que les politiques prévues pour l'enseignement en langue maternelle ont pour effet de décourager les immigrants d’apprendre l’anglais. Il est certain que, sous la nouvelle administration de Donald Trump (2025-2029), les sommes investies en éducation vont passer au hachoir. Ce président n'a jamais caché son aversion pour les autres langues que l'anglais.

En mars 2024, Donal Trump se penchait sur un nouvel élément que les immigrants apportent avec eux en plus de leurs défauts prétendument chroniques: leur langue. Voici ce qu'il déclarait à ce sujet:

We have languages coming into our country. We don’t have one instructor in our entire nation that can speak that language.

These are languages — it’s the craziest thing — they have languages that nobody in this country has ever heard of.  It’s a very horrible thing.

Nous avons des langues qui arrivent dans notre pays. Nous n'avons pas un seul professeur dans tout le pays qui puisse parler cette langue.

Ce sont des langues — c’est la chose la plus folle — ce sont des langues dont personne dans ce pays n’a jamais entendu parler. C’est une chose très horrible.

Évidemment, de la part d'une personne unilingue comme Trump, toutes les autres langues que l'anglais sont des parlers dont il n'a jamais entendu parler, sauf probablement l'espagnol, l'allemand, le français, le russe ou le chinois. De plus, il ne précise jamais quelles sont ces langues, ni les pays d'où proviennent ces langues. Une chose est certaine pour lui: c'est horrible à entendre.

- La suppression de la version espagnole

Quelques heures après l'investiture du président Donald Trump, le 22 janvier 2025, la nouvelle administration supprimait la version espagnole du site Web officiel de la Maison-Blanche. Aussitôt, le site affichait un message d'erreur 404 ("Pager Not Found") et présentait un bouton "Go Home", qui dirigeait les internautes vers une page présentant un montage vidéo de Trump lors de son premier mandat et de sa campagne électorale.

Le profil espagnol de la Maison-Blanche (@LaCasaBlanca), et la page gouvernementale sur la liberté de procréation ont également été supprimés. Donald Trump avait déjà supprimé la version espagnole de la page Web en 2017. À l'époque, les responsables de la Maison-Blanche avaient déclaré qu'ils la rétabliraient; le président Joe Biden a rétabli la «page en espagnol» en 2021. La suppression de la page Web en janvier 2025 coïncidait avec la première vague de décrets présidentiels de Donald Trump, marquée par le lancement d'une répression contre l'immigration illégale, l'une de ses principales promesses de campagne. Selon les estimations du Bureau du recensement de 2023, environ 43,4 millions d'Américains, soit 13,7 % de la population américaine âgée de cinq ans et plus, parlent espagnol à la maison.

Le retrait du contenu espagnol du site Web de la Maison-Blanche a suscité la controverse. Interrogé à ce sujet, le porte-parole du président, Sean Spicer, a déclaré que l'absence de la version espagnole sur le site Web était due au fait que cette page était «en construction» après l'arrivée du nouveau gouvernement. Bien sûr, le retrait de cette section éveille les soupçons des groupes de défense des immigrants aux États-Unis, compte tenu de la rhétorique hostile que Trump avait utilisée pendant la campagne contre les Mexicains. D'ailleurs, alors qu'il était toujours candidat à l'investiture républicaine, Donald Trump avait attaqué son rival, Jeb Bush, pour le fait qu'il avait parlé en espagnol lors de certaines de ses apparitions publiques devant la presse.

Pourtant, dans les États, les élus américains n'ont jamais hésité à imposer des politiques linguistiques restrictives. Par exemple, la Californie a réécrit sa constitution en 1879 pour supprimer les droits linguistiques de l'espagnol. En 1897, la Pennsylvanie a fait de la maîtrise de l’anglais une condition d’emploi dans ses bassins houillers, une manière peu subtile d’exclure les Italiens et les Slaves. Les craintes en matière de sécurité pendant la Première Guerre mondiale ont conduit à des interdictions sans précédent de l'usage public de la langue allemande – dans les écoles, dans la rue, pendant les services religieux et même au téléphone.

Le retrait du contenu espagnol du site Web de la Maison-Blanche après l'investiture de Donald Trump en tant que président américain a suscité la controverse. C'est l'une des multiples sections de la page qui ont été retirées, comme celle qui fait référence aux droits de la communauté LGTB. Interrogé à ce sujet, le porte-parole du président Trump, Sean Spicer, avait déclaré que l'absence de la version espagnole sur le site Web de la Maison-Blanche était due au fait que cette page était «en construction» après l'arrivée du nouveau gouvernement. Toutefois, le retrait de cette section a éveillé les soupçons des groupes de défense des immigrants aux États-Unis, compte tenu de la rhétorique hostile que Trump a utilisée pendant sa campagne électorale contre les Mexicains.

2.3 La politique de déportation

Comme aux élections présidentielles de 2016, le candidat Donald Trump de 2024 ridiculisait ses adversaires politiques, il lançait de faux énoncés alarmistes à l’endroit des immigrants qui arrivent aux États-Unis, il accusait le président Joe Biden de tous les maux, tout en promettant le retour éblouissant d’un pays parfait qui n’a jamais existé. Durant la campagne électorale, il poursuivait ses longues tirades sur les immigrants qui arrivent à la frontière mexicaine et qui seraient tous des criminels, des meurtriers et des trafiquants de drogues.

Lors de ses assemblées de campagne, Trump affirmait régulièrement qu'il mènerait la plus grande opération d'expulsion de l'histoire s'il était réélu, comme déporter dix millions d'immigrants!  Il promettait également de rétablir son interdiction d'entrée sur le territoire américain pour les musulmans, de l'étendre aux réfugiés de Gaza et d'introduire des «contrôles idéologiques» pour tous les immigrants. Il a également affirmé à plusieurs reprises que les immigrants «empoisonnaient le sang de l'Amérique» ("are poisoning the blood of America"). Ce sont sûrement là de bonnes raisons pour interdire les autres langues que l'anglais. D'ailleurs, Trump a souvent relancé le débat sur la possibilité de faire de l'anglais la langue officielle des États-Unis, mais cela ne s'est pas réalisé au cours de son mandat, ni d'ailleurs au cours de l'histoire du pays.

Ce retour de Donald Trump n'augure rien de bon pour les minorités de ce pays; leurs membres n'ont qu'à bien se tenir. Il devrait mener des politiques plus radicales que lors de sa première présidence et encore plus destructrices pour les droits des minorités. D'ailleurs, il a annoncé une loi majeure sur l’immigration avec des mesures beaucoup plus précises et inquiétantes que ne pouvait l’être le fameux mur de 2016 qu’il voulait construire pour empêcher les migrants d’arriver aux États-Unis. Il a dans sa mire tout un projet d’expulsions massives des migrants illégaux avec la réquisition des forces de l’ordre, le placement dans des camps, puis l’expulsion. Cela risque de coûter quelque 80 milliards par année durant dix ans. 

Pour Donald Trump, les immigrants sont considérés comme des compétiteurs déloyaux venus de l’extérieur qu'il faut stopper ou déporter. Les programmes d’aide aux minorités sont perçus comme des entraves injustes à l’épanouissement de la majorité; ils doivent être abolis. À ce sujet, John Irving, l’un des plus grands romanciers américains de sa génération, affirmait dans une entrevue le 1er février 2024 dans un journal de Montréal:
 

La servilité, la complicité des républicains derrière ce leader autocratique, dictatorial, fasciste sont très menaçantes. Mais c’est aussi révélateur pour moi de l’échec de l’éducation publique aux États-Unis que tant de gens parmi les Américains de la classe ouvrière, parmi les Hispaniques, parmi les Noirs, l’aient soutenu, alors que ce n’est pas le moins du monde dans leur intérêt personnel de l’avoir fait.

Il estime que la réélection du président républicain est «tragique» pour les États-Unis, car il y voit «un pas en arrière immense» pour son pays. Il constate aussi la lâcheté de nombreux républicains qui n’accepteraient pas un tel vantard vulgaire dans leurs propres "country clubs", mais ils feront des courbettes s’il peut épargner aux riches des augmentations d’impôt.

3  L'éducation aux États-Unis

Le système d'éducation aux États-Unis est décentralisé, puisque la plupart des décisions sur le fonctionnement des écoles, les programmes et le financement sont prises en charge par les autorités locales, notamment les school boards dans chaque État. Les écoles publiques sont regroupées en districts ("school districts") administrés par des conseils élus. Les programmes scolaires sont généralement élaborés par chaque État. Le gouvernement des États prévoit des programmes avec certaines connaissances minimales communes dans les écoles. La Constitution des États-Unis laisse aux États une indépendance totale dans l'organisation scolaire, le choix des manuels, le salaire des enseignants et le budget consacré à l'enseignement. En réalité, ce sont les districts ("school districts") qui décident de tout. Tous les enfants ont droit à une éducation publique gratuite dans tous les États des États-Unis, mais il peut y avoir d'autres coûts, par exemple les repas à l'école, les fournitures scolaires telles que des cahiers, des stylos et un sac à dos, des programmes spéciaux comme des activités sportives ou artistiques après l’école, des sorties scolaires telles que des visites dans un musée, parfois des uniformes scolaires ou des vêtements particuliers.

Le coût moyen de la scolarité pour un étudiant vivant sur le campus d'une université durant quatre ans est d'environ 27 146 $ par an, soit 108 584 $ sur quatre. Les étudiants hors de l'État paient 45 708 $ par an, soit 182 832 $ sur quatre. Les étudiants des universités privées à but non lucratif paient généralement 58 628 $ par an, soit 234 512 $ sur quatre ans.  Alors que quatre ans est la période normale pour obtenir un baccalauréat, seulement 42 % des étudiants souhaitant obtenir ce diplôme l'obtiennent dans ce délai, car 97% des titulaires confirmés d'un baccalauréat obtiennent leur diplôme en six; le coût moyen des études sur six ans est de 229 620 $. L'étudiant moyen passe environ 20 ans à rembourser ses prêts. Cependant, il est possible de payer des frais de scolarité moins plus abordables dans les États du Sud, soit environ 6660 $.

Dans tout le pays, les cours sont donnés en anglais, sauf dans les programmes d'enseignement bilingue pour les immigrants ne maîtrisant pas l'anglais. Certains États offrent des cours en d'autres langues en plus de l'anglais: l'hawaïen à Hawaï, une langue autochtone en Alaska, le français en Louisiane.  Les autres exceptions concernent les États non incorporés des États-Unis où l'enseignement est généralement bilingue: Porto Rico (espagnol + anglais), Guam (chamorro + anglais), Mariannes du Nord (anglais + chamorro ou carolinien), Fédération des États de Micronésie (anglais + kosraéen, chuukois, yapais, pohnpéen).  

Toutefois, la décentralisation du système d'éducation est marquée par d'importantes disparités régionales. Étant donné que le revenu des écoles vient de l’impôt foncier, une école située dans un quartier aisé ou pauvre disposera de moyens différents non seulement de se procurer le matériel nécessaire, mais aussi pour attirer ou non les meilleurs enseignants, dont les disparités en matière de salaires sont très fortes.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral, grâce au département de l'Éducation des États-Unis, intervient surtout dans le financement de l’éducation, surtout pour corriger les inégalités d'accès à l'éducation, grâce à des programmes nationaux. Mais l'État fédéral ne finance qu'une très petite part à l'éducation, soit moins de 10 %, généralement 7%, des dépenses consacrées aux établissements du primaire et du secondaire.

3.1 L'enseignement bilingue

Sous la pression de personnalités hispanophones, le Congrès américain a fini par adopter des lois en matière linguistique. Celles-ci portent toutes sur l'éducation ou l'enseignement bilingue, à part les mesures prévues pour le droit de vote. À la fin des années 1960, les membres du Congrès désiraient tenir compte des besoins d’un nombre croissant d’élèves qui, du fait de leur connaissance limitée, sinon inexistante de l’anglais, se trouvaient perpétuellement en situation d’échec scolaire; ils étaient également désavantagés par rapport aux enfants anglophones. Cette législation s'inscrivait à la suite des revendications des Noirs américains et de l'adoption de la Loi sur les droits civils (Civil Rights Act of 1964). Parallèlement, les faits révélaient que les élèves hispanophones abandonnaient massivement leurs études en cours de scolarité, tandis que leur nombre augmentait sans cesse dans certains États tels que le Nouveau-Mexique, l'Arizona, le Texas, la Floride et même dans les États de New York et de la Nouvelle-Angleterre.

Mentionnons la Loi sur l'éducation bilingue (Bilingual Education Act, 1965), la Loi d'urgence d'assistance aux écoles (Emergency School Aid Act, 1972), la Loi sur l'éducation aux autochtones (Indian Education Act, 1972) et le Programme sur l'héritage ethnique (Ethnic Heritage Program, 1972). Cette politique d'éducation bilingue était destinée aux enfants dont la connaissance de l'anglais est limitée. Ces lois s’inscrivent, répétons-le, dans la suite du Civil Rights Act de 1964 qu’avaient obtenu les partisans du mouvement pour les droits civiques des Africains américains. À cette époque, les élèves hispanophones abandonnaient massivement leurs études en cours de scolarité, alors que leur nombre augmentait par suite de l’exil des Cubains en Floride, des Mexicains dans les états limitrophes du Mexique et de Portoricains dans les États de New York et de la Nouvelle-Angleterre.

3.2 Les lois sur l'enseignement bilingue

La loi la plus importante sur cette question fut sans contredit la Bilingual Education Act (Loi sur l'éducation bilingue) de 1965 instaurée sous la présidence de Lyndon B. Johnson. La Bilingual Education Act est la façon brève (dit titre court) d'appeler la loi de 1965 dont le nom était officiellement l’Elementary and Secondary Education Act (Loi sur l'enseignement primaire et secondaire) ou plus simplement l'ESEA. Cette loi constituait un effort majeur de l'administration Johnson pour lutter contre les effets de la pauvreté sur la réussite scolaire et économique. Des programmes tels que Head Start (maternelle) et Title I (services de soutien supplémentaires pour les élèves à risque) ont été lancés dans le cadre de cette loi. La loi de 1965 fut abrogée et remplacée en 1968 par la Loi sur l'enseignement bilingue, puis en 1994 elle fut appelée l'Improving America's Schools Act (Loi améliorant les lois scolaires d'Amérique), alors que le titre court demeurait encore Bilingual Education Act. Bien que cette loi sur l'enseignement bilingue de 1994 soit aujourd'hui abrogée, elle a servi de modèle aux États-Unis durant de longues années.

En vertu de cette politique d'ouverture, le gouvernement fédéral avait prévu des subventions aux États dont les écoles désiraient dispenser un enseignement bilingue. Malgré la complexité du système éducatif américain, les États ont profité d'énormes subventions fédérales à travers les dispositions du ESEA Act, en vertu du Titre VII (428 millions de dollars par an exclusivement affectés aux programmes «bilingues») ou du Titre I (8,6 milliards de dollars), dont 75 % peuvent, de façon discrétionnaire, être affectés à des programmes impliquant une autre langue que l’anglais.  Sur quelque 3,5 millions d’élèves bénéficiant de cet enseignement, 65 % seraient des hispanophones, les autres se répartissant environ entre 150 et 300 autres langues, surtout des minorités asiatiques, amérindiennes ou françaises (Louisiane, Maine). Selon des statistiques de 1990, quelque 72 % des élèves dont les compétences sont limitées en anglais (LEP) se trouveraient dans six États : la Californie, la Floride, l’Illinois, le New Jersey, New York et le Texas. Selon le paragraphe 702 de la Loi sur l'éducation bilingue, voici comment est définie cette politique:  
 

Section 702 [traduction]

(a) Reconnaissant:

(1) qu'il existe un grand nombre d'enfants dont les habiletés en anglais sont limitées; 

(2) que beaucoup de ces enfants ont un héritage culturel qui diffère de celui des anglophones;

(3) que l'usage de la langue d'un enfant et son héritage culturel sont des moyens fondamentaux par lesquels un enfant fait son apprentissage; et

(4) que, étant donné le grand nombre d'enfants dont les habiletés en anglais sont limitées, ces derniers ont des besoins éducatifs qui peuvent être satisfaits par le recours aux méthodes et aux techniques d'enseignement bilingue; et

(5) que, de plus, tous les enfants bénéficient de l'usage maximum des ressources linguistiques et culturelles diverses,

Le Congrès déclare par la présente la politique des États-Unis pour:

(1) encourager l'établissement et le fonctionnement des programmes éducatifs employant des méthodes et techniques bilingues éducatives et

(2) à cette fin fournissent l'aide financière aux agences scolaires locales pour permettre à ces agences de mettre en application les programmes au primaire, dont les écoles maternelles et secondaires, conçus pour répondre aux besoins éducatifs de ces enfants.

Par ailleurs, le paragraphe 7801 du chapitre 70 du US Code donne les définitions suivantes de l'expression ''Limited English Proficient'' (ou LEP), c'est-à-dire les connaissances limitées en anglais: 
 

Code des États-Unis [traduction]

TITRE 20, CHAPITRE 70

§ 7801

Définitions

(25) Connaissance limitée en anglais

L'expression "connaissance limitée en anglais", lorsqu'elle est employée en ce qui concerne un individu, désigne quelqu'un :

(A) qui est âgé entre 3 et 21 ans;

(B) qui est inscrit ou en voie de s'inscrire dans une école primaire ou une école secondaire général;

(C)

(i) qui n'est pas né aux États-Unis ou dont la langue maternelle est une autre langue que l'anglais;
(ii)

(I) qui est un Indien d'Amérique ou l'Indigène de l'Alaska, ou un résidant natal des secteurs périphériques; et
(II) qui vient d'un milieu où une autre langue que l'anglais a eu un impact significatif sur le niveau de l'individu dans ses connaissances de l'anglais; ou

(iii) qui est un immigrant dont la langue maternelle est une autre langue que l'anglais et qui vient d'un milieu où une autre langue que l'anglais est dominante; et

(D) dont les difficultés dans la conversation, la lecture, l'écriture ou la compréhension de l'anglais peuvent être suffisantes pour nier les droits d'un un individu:

(i) dans sa capacité de satisfaire au niveau de connaissance de l'État relativement aux évaluations nationales décrites au paragraphe 6311 (b) (3) du présent titre;
(ii) dans sa capacité de réussir avec succès dans des salles de classe dans lesquelles la langue d'enseignement est l'anglais; ou
(iii) dans ses possibilités de s'intégrer entièrement à la société.

Afin de bénéficier de l'enseignement bilingue, un enfant devait en principe venir d'une famille dont les revenus n'excédaient pas 3000 $, ce qui désignait avant tout les familles pauvres, voire très pauvres. On peut dire qu'il s'agissait d'une mesure sociale destinée à aider les immigrants à très faible revenu. La dimension linguistique paraissait secondaire, mais il n'était pas question de favoriser au départ la langue maternelle des immigrants. Bien que présentée en 1965, la loi ne fut adoptée qu'en 1968 et appliquée pour la première fois en 1971 dans l'État du Massachusetts. Il faudra même attendre en 1974 pour la loi puisse s'étendre à travers tout le pays. Tout cela constituait un effort majeur de l'administration Johnson pour lutter contre les effets de la pauvreté sur la réussite scolaire et économique. Des programmes tels que Head Start (maternelle) et Title I (services de soutien supplémentaires pour les élèves à risque) ont été lancés dans le cadre de cette loi.

Cette politique a donné lieu à de nombreuses poursuites judiciaires de la part des citoyens, des groupes et des États, qui n'acceptaient pas que le gouvernement fédéral s'ingère dans le domaine de l'éducation et de la langue grâce à son pouvoir de dépenser. Finalement, de nombreux Américains ont dû se résigner lorsque la Cour suprême des États-Unis a donné raison au gouvernement fédéral. C'est que l'arrêt de la Cour suprême Lau c. Nichols de 1974 fut interprété comme recommandant le recours à la langue maternelle de l'enfant en tant que langue d'enseignement. Lorsque les enfants arrivent à l'école avec une faible connaissance de l'anglais, sinon aucune, le choix entre l'«enseignement du lavabo ou de la piscine» ("sink or swim") constitue une violation de leurs droits civils, selon la Cour suprême américaine. La plus haute cour a suggéré que des aménagements pourraient consister en des cours préparatoires d'anglais ou en un enseignement bilingue dans lequel la langue minoritaire servirait, parallèlement à l'anglais, de langue d'enseignement durant les premières années de la scolarité; cette deuxième solution a été adoptée par un certain nombre d'administrations scolaires.

L'arrêt Lau c. Nichols demeure le précédent le plus important quant aux droits en éducation chez les minorités linguistiques, bien que la Cour se soit fondée uniquement sur la loi (le Titre VI de la Loi sur les droits civils de 1964), plutôt que sur la Constitution américaine. La question était de savoir si les administrateurs scolaires pouvaient répondre à leurs obligations d'offrir un enseignement avec des chances égales en traitant simplement tous les enfants de la même manière ou s'ils doivent leur accorder une aide particulière afin de favoriser l'apprentissage de l'anglais. Cet arrêt a ouvert une nouvelle ère dans l'application des droits civils fédéraux en vertu des «Lau Remedies» («les compensations Lau»). L'arrêt fut du plus haut tribunal du pays fut rendu le 21 janvier 1974.  Par la suite, l'enseignement bilingue est devenu un droit des familles et une responsabilité des États, car à partir de ce moment tout district scolaire à l'intérieur duquel habite un minimum de vingt élèves appartenant à un même groupe minoritaire fut tenu d'organiser un enseignement parallèle à leur intention.

3.3 Les méthodes d'enseignement bilingue

Retenons que, selon la loi de 1968, l'enseignement de la langue maternelle ne devait pas excéder trois ans. Il restait donc une phase transitoire, strictement temporaire. Dans les faits, cet enseignement dans la langue maternelle de l'enfant s'est prolongé indéfiniment, du moins dans certaines écoles. De plus, bien que la loi n'ait jamais précisé les méthodes pédagogiques devant être utilisées, il est possible de les résumer de la façon suivante.

1) Un enseignement bilingue transitoire (TBE: Transitional Bilingual Education) correspondant à un enseignement dans la langue maternelle de l'enfant pour une période ne dépassant pas trois ans, avant de passer définitivement à l'anglais.

2) Un enseignement bilingue proprement dit, qui développe et maintient la langue maternelle de l'enfant tout en dispensant un enseignement de l'anglais langue seconde (ESL: English as a Second Language). L'une des variantes de cette méthode consiste offrir des programmes d'immersion bilatéraux (appelés Two-Way Immersion) intégrant des élèves de la minorité linguistique et des élèves de la majorité linguistique, dispensant un enseignement tantôt en anglais tantôt dans l'autre langue. Le système du «Two-Way» semble surtout être en vigueur dans les milieux anglophones économiquement favorisés.

3) Un enseignement en immersion anglaise (SEI: Structured English Immersion) avec différentes modalités de soutien.

Durant de nombreuses années (trois décennies), l'enseignement dit la TBE fut la plus répandue à travers tous les États-Unis; on estime que plus de 70 % des enfants non anglophones recevaient ce type d'enseignement. Il correspondait davantage à ce que souhaitait la majorité blanche anglophone. Seulement quelque 11 % des enfants recevaient un enseignement selon la formule ESL, et très peu selon la variante «two-way» (et limitée pour l'essentiel à l'espagnol). Quelque 20 % des enfants d'immigrants recevaient leur instruction sous la forme de l'immersion SEI. Enfin, seulement 1 % des parents immigrants refusait l'enseignement bilingue pour leurs enfants. Quoi qu'il en soit, n'oublions pas que l'éducation aux États-Unis relève des compétences des États, et non de celles du gouvernement fédéral. Toutefois, par son pouvoir de dépenser, il peut s'ingérer dans le domaine de l'éducation.

Cela dit, le retour du président Donald Trump signifie aussi que ce type de programme touche probablement à sa fin. Les immigrants sont perçus par Trump comme des compétiteurs déloyaux venus de l’extérieur; il faut par donc les stopper. Par conséquent, les programmes d’aide aux minorités sont considérés comme des entraves injustes à l’épanouissement des autres; ils devront être abolis.

3.4 L'intégration contre la préservation

De façon pratique, ce système d'enseignement bilingue prévoit qu'on enseigne d'abord la langue minoritaire (en général l'espagnol), puis l'anglais est introduit progressivement jusqu'à ce qu'il devienne l'unique langue d'enseignement. On part du principe que les non-anglophones doivent finir par s'intégrer à la société américaine et maîtriser l'anglais comme langue principale. L'enseignement bilingue permet en principe aux enfants d'une minorité linguistique de conserver leur langue. Au fil des années, cet enseignement bilingue s'est considérablement développé au point où il semble définitivement faire partie du système scolaire américain. On estime que le nombre d'élèves se situe à environ un million et demi, dont plus de 40 % dans le seul État de la Californie. Ceux-ci proviennent surtout de groupes linguistiques minoritaires de niveau socio-économique généralement faible, mais majoritairement de la communauté hispanophone.

Toutefois, la politique d'éducation bilingue a donné lieu à deux conceptions opposées ou deux modèles extrêmes: l'éducation favorisant l'intégration (c'est-à-dire l'assimilation par l'anglicisation) et celle privilégiant la préservation, donc le maintien de la langue maternelle. Autrement dit, on a affaire, d'une part, au modèle assimilateur se caractérisant par un abandon rapide de la langue minoritaire, et ce, même si cette dernière est  enseignée, d'autre part, au modèle pluraliste dont l'effet est certainement plus positif pour le maintien et le développement de la langue des non-anglophones. Selon une enquête menée par R. Kjolseth au US Department of Education à partir des rapports annuels des programmes bilingues, il est démontré que 80 % des programmes dans l'ensemble des États américains correspondent au modèle d'intégration ou d'assimilation.

- La voie de l'intégration

La controverse demeure toujours très vive entre partisans de l'intégration et partisans de la conservation, mais les premiers ont réussi à obtenir la faveur populaire. D'ailleurs, l'ancien président des États-Unis, Ronald Reagan, déclarait déjà en 1981 qu'«il est absolument mauvais et contraire à l'idée américaine d'avoir un programme bilingue ouvertement destiné à préserver la langue maternelle des immigrants». Il n'est pas surprenant qu'en 1986 le gouvernement fédéral faisait adopter la «loi Simpson-Mazzoli» (la ''Simpson-Mazzoli Act'' ou plus officiellement l'Immigration Reform and Control Act) dont le but était de freiner le flot d'immigrants en provenance du Mexique. La loi a été ainsi justifiée par le sénateur républicain du Wyoming, Alan Kooi Simpson, au moment de présenter le projet de loi :
 

When differences introduced by the language and the culture become too important, unity and political stability of a country are in game. A common language as well as a culture of basic reference characterize us clearly as Americans.

[Lorsque les différences introduites par la langue et la culture deviennent trop importantes, l'unité et la stabilité politique d'un pays sont en jeu. Une langue commune ainsi qu'une culture de référence de base nous caractérisent distinctement comme Américains.]

Le même sénateur Alan Simpson parlait ainsi du «séparatisme linguistique»:

If language and cultural separatism rise above a certain level, the unity and political stability of the Nation will - in time - be seriously eroded. Pluralism within a united American nation has been our greatest strength. The unity comes from a common language and a core public culture of certain shared values, beliefs, and customs, which make us distinctly 'Americans.' [Si le séparatisme linguistique et culturel s'élève au-dessus d'un certain niveau, l'unité et la stabilité politique de la nation — par la suite — sont sérieusement érodées. Le pluralisme au sein d'une nation américaine unie a été notre plus grande force. L'unité vient d'une langue commune et d'un noyau culturel public de certaines valeurs, croyances et coutumes, qui nous font distinctement des «Américains».]

- La peur des immigrants

En bon républicain, Alan Simpson semblait avoir grand-peur des immigrants; c'est pourquoi il croyait à leur nécessaire assimilation. Le 6 août 1992, Simpson déclarait ce qui suit lors du débat sur le projet de loi HR 4312 portant sur l'emploi du bilinguisme sur les bulletins de vote:
 

But in my mind the surest way to encourage xenophobia and ethnic prejudice is to encourage the growth of enclaves in the United States where English is not the common language, wich is the language of commerce, the language of Government, and the language of jobs. The language of employment is English. [Mais dans mon esprit, le meilleur moyen pour encourager la xénophobie et les préjugés ethniques, c'est d'encourager la croissance des enclaves aux États-Unis, là où l'anglais n'est pas la langue commune, alors qu'il est la langue du commerce, la langue du gouvernement et la langue des emplois. La langue du travail est anglais.]

Le 14 juin 1995, le sénateur Simpson, alors qu'il était président de la sous-commission des lois du Sénat responsable de l’immigration, proposa l’augmentation des patrouilles de contrôle des frontières, l’accroissement des sanctions à l’encontre des fraudeurs et, pour financer ces actions, la création d’un péage à l’entrée des États-Unis. Mais, le 22 juin, la sous-commission compétente de la Chambre des représentants adopta une version quelque peu différente de la proposition sénatoriale, en y ajoutant la réduction de 25 % du quota annuel d’immigration légale. Cependant, ce ne sont pas tous les Américains adhéraient à l'idéologie du sénateur Alan Simpson. Ainsi, Barbara Jordan, présidente de la Commission de la réforme sur l'immigration, estimait que l'américanisation ne signifiait pas «conformité» («The Americanization Ideal», The New York Times, 11 septembre 1995:
 

There is a word for this process: Americanization. That word earned a bad reputation when it was stolen by racists and xenophobes in the 1920's. But it is our word, and we are taking it back. Americanization means becoming a part of the polity -- becoming one of us. But that does not mean conformity. We are more than a melting pot; we are a kaleidoscope, where every turn of history refracts new light on the old promise.

Immigration imposes mutual obligations. Those who choose to come here must embrace the common core of American civic culture. We must assist them in learning our common language: American English. We must renew civic education in the teaching of American history for all Americans. We must vigorously enforce the laws against hate crimes and discrimination. We must remind ourselves, as we illustrate for newcomers, what makes us America.

[ll y a un mot pour ce processus : l'américanisation. Ce mot a mérité une mauvaise réputation quand il a été subtilisé par des racistes et des xénophobes dans les années vingt. Mais c'est notre mot, et nous le prenons. L'américanisation désigne une partie du système social... devenu une part de nous-mêmes. Mais cela ne signifie pas conformité. Nous sommes plus qu'un melting pot; nous sommes un kaléidoscope dans lequel chaque tournant de notre histoire reflète une nouvelle lumière sur la vieille promesse.

L'immigration impose des obligations mutuelles. Ceux qui choisissent de venir ici doivent adopter un fonds commun de la culture civique américaine. Nous devons les aider à acquérir notre langue commune : l'anglais américain. Nous devons renouveler l'éducation civique par l'enseignement de l'histoire américaine à tous les Américains. Nous devons appliquer rigoureusement les lois contre les crimes haineux et la discrimination. Nous devons nous rappeler, comme nous le montrons aux nouveaux arrivants, ce qui fait de nous l'Amérique.]

La question de l'immigration souleva une levée de boucliers, surtout dans les six États qui accueillaient 70 % des nouveaux immigrants: la Californie, l'État de New York, le Texas, la Floride, le New Jersey et l'Illinois. Le sénateur Simpson a dû accepter de retirer la réforme de l’immigration légale de l’ordre du jour. Mais, en 1996, il a réussi à faire adopter par le Wyoming une nouvelle constitution qui rendait l'anglais la langue officielle de l'État : «English shall be designated as the official language of Wyoming.»

Aujourd'hui, les programmes d'enseignement bilingue continuent d'être controversés. Ils ont même été partiellement suspendus en Californie, en Arizona, en Alaska, etc. La plupart des opposants s’appuient sur l’inadéquation des programmes fédéraux coûteux qui y sont consacrés, sur l’inefficacité du système en cours et sur l’évolution des besoins en fonction des évolutions démographiques les plus récentes.

- La perte de contrôle

En réalité, la controverse sur l'enseignement bilingue vient du fait que la majorité anglo-protestante blanche, les WASP ou White Anglo-Saxon Protestants de la vieille Amérique, voient le contrôle de leur pays en voie de leur échapper éventuellement en raison des changements démographiques favorisant les Noirs et les Hispaniques. Par ailleurs, aucune étude n'est venue appuyer les avantages ou les inconvénients relatifs à l'enseignement bilingue.

Pour la plupart des Américains, l'affaire est classée: l'enseignement bilingue nuirait à l'apprentissage de l'anglais, sans qu'il ne soit nécessaire de le prouver. Par ailleurs, tout enseignement de la langue maternelle autre que l'anglais est perçu comme inutile, justement parce que cette langue est parlée par une minorité, c'est-à-dire une «race» perçue comme inférieure.

3.5 La loi NCLB de 2001

C'est pourquoi les lois sur l'enseignement bilingue ont fini par perdre une certaine considération, surtout que la presse américaine vilipendait ouvertement cette pratique. La Bilingual Education Act ou l’Elementary and Secondary Education Act (Loi sur l'enseignement primaire et secondaire) fut modifiée en 1994 en s'appelant l'Improving America's Schools Act (Loi améliorant les lois scolaires d'Amérique). Finalement, cette dernière loi a été à son tour abrogée le 8 janvier 2002, alors que le président George W. Bush a signé et renommé une nouvelle loi scolaire portant le nom de NCLB: la No Child Left Behind Act of 2001, ce qui peut se traduire par Loi du «aucun enfant laissé pour compte» ou encore Loi sur l'éducation pour qu'aucun enfant ne soit laissé pour compte. Tous les ans, des évaluations en lecture, en anglais et en mathématiques doivent être menées auprès des élèves de la troisième à la huitième année. De plus, un guide d'évaluation  — Standards and Assessments Peer Review Guidance: Information and Examples for Meeting Requirements of the No Child Left Behind Act of 2001 ou "Instructions sur les normes et les évaluations pour le contrôle par les pairs: informations et exemples d'exigences concernant la Loi du aucun enfant laissé pour compte de 2001"— a été destiné aux enseignants: il précise notamment la réglementation fédérale en matière d'évaluation. Mais, dorénavant, le financement des écoles est tributaire de la réussite des élèves.

Cette loi, qui est entrée en vigueur dans tous les États américains, a supprimé toute allusion au bilinguisme, le mot «bilingual» ("bilingue") y étant banni. Au nom de l’efficacité, la loi de 2001 impose une limitation de trois ans à la durée de la présence d'enfants dans les «programmes bilingues» appelés maintenant des «programs of English language development for limited English proficient children», c'est-à-dire des programmes de développement de l'anglais destinés aux enfants dont les compétences en anglais sont limitées.

Le paragraphe le plus important de la loi de 2001 (NCLB) semble être le suivant (n° 3102) sur les objectifs visant l'apprentissage de l'anglais:
 

PARAGRAPHE 3102 [traduction]

OBJECTIFS

Les objectifs de la présente partie sont:

(1)
D'aider à s'assurer que les jeunes et les enfants dont les compétences sont limitées en anglais, notamment chez les immigrants, acquièrent ces compétences, atteignent u
n haut niveau d'instruction en anglais et respectent les mêmes normes nationales rigoureuses quant au contenu et au rendement scolaire, conformément à ce que l'on attend de tous les enfants;

(2) D'aider tous les jeunes et les enfants dont les compétences sont limitées en anglais, notamment chez les immigrants, à atteindre de hauts niveaux dans les disciplines scolaires fondamentales afin qu'ils respectent les mêmes normes nationales rigoureuses quant au contenu et au rendement scolaires, conformément à ce que l'on attend de tous les enfants, ainsi qu'au paragraphe 1111 (b) (1);

(3) De développer
des programmes pédagogiques linguistiques de haute qualité
conçus dans le but d'aider les organismes scolaires nationaux et les écoles dans l'enseignement dispensé aux enfants et aux jeunes immigrants dont les compétences en anglais sont limitées;

(4) D'aider les organismes scolaires nationaux et locaux afin de développer et d'améliorer leur capacité à offrir des programmes d'enseignement de haute qualité et conçus pour préparer les enfants dont les compétences sont limitées en anglais, notamment les enfants et les jeunes immigrants, et pour atteindre les normes d'un enseignement tout-anglais;

(5) D'aider les organismes scolaires nationaux et locaux ainsi que les écoles à développer leur capacité pour établir, mettre en œuvre et soutenir un enseignement de la langue par des programmes scolaires et
des programmes de développement de l'anglais
destinés aux enfants dont les compétences en anglais sont limitées;

(6) De promouvoir la participation parentale et communautaire dans l'enseignement de la langue par des programmes scolaires destinés aux parents et aux communautés dont les enfants ont des compétences limitées en anglais;

(7) De simplifier l'enseignement de la langue dans les programmes scolaires gérés par des modalités de subventions à l'intention des organismes scolaires nationaux et locaux; le but est d'aider les enfants et les jeunes dont les compétences sont limitées en anglais, notamment les immigrants, pour qu'ils développent leur maîtrise en anglais, en répondant aux mêmes normes nationales rigoureuses quant au contenu et au rendement scolaires;

(8) De tenir les organismes scolaires nationaux et locaux ainsi que les écoles responsables de l'augmentation de la maîtrise en anglais et du contenu national des connaissances scolaires chez les enfants dont les compétences en anglais sont limitées en exigeant :

(a) des améliorations éprouvées de la maîtrise en anglais chez les enfants dont les compétences sont limitées en anglais pour chaque exercice financier; et

(b) un progrès annuel adéquat pour les enfants et les jeunes dont les compétences sont limitées en anglais, notamment chez les immigrants, tel qu'il est décrit au paragraphe 1111 (b) (2) (B); et

(9) De permettre aux organismes scolaires nationaux et locaux de mettre en œuvre avec flexibilité un enseignement de la langue par des programmes pédagogiques basés sur la recherche scientifique et destinés à un enseignement pour les enfants dont les compétences en anglais sont limitées; les organismes croient que ces programmes sont parmi les plus efficaces pour l'enseignement de l'anglais.

Dorénavant, la NCLB (No Child Left Behind Act) repose sur quatre principes de base: une responsabilisation accrue de la part des élèves et des enseignants, une plus grande flexibilité, un contrôle local élargi avec des «options» plus étendues pour les parents et un accent mis sur les méthodes d'enseignement efficaces. Il faut surtout retenir que la loi No Child Left Behind Act exige désormais le développement des standards et de l'évaluation des progrès des élèves en anglais, de publier des «bulletins scolaires» sur les écoles, de s'assurer que les enseignants soient hautement qualifiés et intervenir lorsque les écoles sont «en danger» ou ne font pas suffisamment de progrès scolaire en anglais. Cette loi suppose des modifications très importantes dans les écoles primaires des États, car elle introduit des normes comptables portant sur la comparaison des résultats. Ainsi, les parents pourront enlever leurs enfants des écoles peu ou pas performantes pour les envoyer dans une école qu'ils estiment meilleure.

En novembre 2000, le président des États-Unis, George W. Bush, déclarait à la presse que la clé du succès pour les immigrants reposait sur la connaissance de l'anglais et que les programmes d'immersion et d'enseignement bilingue seraient maintenus s'ils correspondent à cet objectif, le tout dans une atmosphère où chaque «héritage collectif» est respecté et honoré:
 

Q: Should English be made the country’s official language?

A: The ability to speak English is the key to success in America. I support a concept I call English-plus, insisting on English proficiency but recognizing the invaluable richness that other languages and cultures brings to our nation of immigrants. In Texas, the Spanish language enhances and helps define our state’s history. My fundamental priority is results. Whether a school uses an immersion program or a bilingual program, whichever effectively teaches children to read and comprehend English as quickly as possible, I will support. The standard is English literacy and the goal is equal opportunity - all in an atmosphere where every heritage is respected and celebrated.

Source: Associated Press Nov 1, 2000

Q: L'anglais doit-il être proclamé la langue officielle du pays ? [traduction]

R: La capacité de parler l'anglais est la clef du succès en Amérique. Je soutiens un concept que j'appelle «l'anglais plus», en insistant sur la connaissance de l'anglais, mais la reconnaissance de la richesse inestimable des autres langues et cultures est bénéfique à notre nation d'immigrants. Au Texas, la langue espagnole est en hausse et contribue à définir l'histoire de notre État. Ma priorité fondamentale repose sur les résultats. Si une école emploie un programme d'immersion ou un programme bilingue, tout ce qui fait apprendre aux enfants de façon efficace à lire et comprendre l'anglais aussi rapidement que possible, je le soutiendrai. Le standard est l'alphabétisation en anglais et les chances égales constituent l'objectif - le tout dans une atmosphère où chaque héritage est respecté et honoré.

Source : Associated Press, le 1er novembre 2000 .

Tout en exaltant la «grande tradition américaine du melting pot» (creuset) et en assurant que l'Amérique pouvait «être à la fois une société régie par la loi et une société accueillante», le président George W. Bush a dépêché 6000 membres de la Garde nationale à la frontière mexicaine afin de freiner l'afflux des immigrants clandestins. Pour obtenir leur citoyenneté, les immigrés illégaux devraient payer une amende «significative», acquitter leurs impôts, apprendre l'anglais et avoir un travail pendant plusieurs années. Seulement après, ils pourraient demander de devenir des citoyens américains.

Pour beaucoup d'enseignants américains, la Loi du «aucun enfant laissé pour compte» (NCLB) est aussi le signe d’un début de changement de la politique linguistique fédérale pour une politique résolument tournée vers le «tout-anglais». Cette loi a été très controversée au moment de son adoption; le nouveau président des États-Unis, Barack Obama, a promis de la réformer. Le «plan Obama» est destiné à mettre en place une évaluation des écoles moins «punitive» en offrant des «récompenses financières» aux établissements d'enseignement les plus performants, plutôt que de mettre l'accent sur les «écoles défaillantes» ("failling schools"). En mars 2010, le président Obama déclarait:
 

Under these guidelines, schools that achieve excellence or show real progress will be rewarded, and local districts will be encouraged to commit to change in schools that are clearly letting their students down.” Selon ces directives, les écoles qui permettent d'atteindre l'excellence ou de témoigner des progrès réels seront récompensées, et les districts locaux seront encouragés à s'engager à changer dans les écoles celles qui nivellent manifestement leurs élèves vers le bas.

La réforme visait aussi à réduire le décalage entre les taux de réussite des élèves blancs et celui des élèves qui ne le sont pas. Les enseignants devraient aussi être évalués davantage sur la réussite scolaire et la progression de leurs élèves ou étudiants. Le président Trump essaie de faire passer le message que si quelqu'un n’est pas blanc, riche et qu'il ne parle pas anglais, il n'a pas sa place aux États-Unis. Toutefois, les immigrants sont là pour rester et il est très difficile de les effacer.

3.6 Le mouvement d'unilinguisme anglais

Il s'agit de rappeler ici le fait que certaines organisations, comme US English et English Only, ont toujours cru que la fameuse éducation bilingue (destinée surtout aux hispanophones) n'aboutisse à des «schismes linguistiques». C'est pourquoi on assiste à une vague d'unilinguisme anglais qui balaie les États-Unis. En voici quelques manifestations dignes de mention:
 
- En 1985, au Texas, une radio de langue espagnole a été l'objet d'une pétition auprès de la Commission de réglementation des télécommunications (FCC) en vue de sa suppression. Quelques années plus tard, un juge a même interdit à une mère de parler espagnol à son enfant, sous le prétexte qu'il s'agissait d'un cas de mauvais traitement («child abuse»).

- Au Colorado, en 1986, un chauffeur d'autobus scolaire a ordonné aux élèves hispanophones de ne parler qu'anglais quand ils étaient dans son autobus.

- En 1988, un employé de restaurant (hispanique) est congédié par son patron pour avoir traduit en espagnol le menu à l'un de ses clients.

- En 1988, à Coral Gables, en Floride, un employé a été licencié pour avoir parlé espagnol sur son lieu de travail.

- En 1988, à Huntington Beach, en Californie, les tribunaux ont interdit brusquement aux interprètes d'utiliser l'espagnol dans leurs conversations privées. À Monterey Park, la Ville s'est aussi servie d'un règlement municipal contre le bilinguisme pour interdire aux bibliothèques publiques d'acheter des livres en langues étrangères.

- En 1988, la modification constitutionnelle de l'Arizona a eu comme conséquence d'interdire aux employés de l'État de communiquer avec les administrés en espagnol ou en navajo.

- Michael Dukakis a fait campagne pour la présidence des États-Unis contre George Bush; il prononça plusieurs discours en espagnol dans des villes du Sud où vivaient une majorité d'hispanophones. Non seulement les membres de son propre parti (démocrate) condamnèrent cette attitude, mais la majorité des commentateurs politiques attribuèrent sa défaite électorale à cet «écart de langage».

- En 1995, un juge texan a condamné une femme parce qu'elle parlait espagnol à son enfant en précisant qu'il faudrait retirer l'enfant à sa mère si elle persistait dans cette pratique.

Pour une organisation telle que English Only, la diversité des langues conduit forcément au conflit linguistique, à la haine ethnique et au séparatisme politique «à la Québec»: «Language diversity inevitably leads to language conflict, ethnic hostility, and political separatism à la Québec.» Bref, la diversité linguistique est généralement très mal perçue aux États-Unis, et le cas du Québec au Canada constitue un exemple à ne pas suivre. L'enseignement bilingue est de plus en plus perçu comme une façon de légitimer et d'officialiser le statut des minorités linguistiques. D'où le refus d'accorder un droit à une minorité abusivement reconnue comme hispanophone par le gouvernement fédéral. Pour les tenants du English Only, par exemple, il est temps de mettre fin aux politiques d'éducation bilingue, car la Nation américaine n'a pas à s'adapter aux nouveaux venus, et peut et doit recourir à des mesures qui la menacent en défendant son identité et imposer l'assimilation comme unique mode d'intégration. 

Alors qu'il était toujours candidat à l'investiture républicaine, le nouveau président américain, alors Donald Trump, avait attaqué son rival Jeb Bush pour le fait que, lors de certaines de ses apparitions publiques devant la presse, il parlait en espagnol. Avec cela, Trump avait relancé le débat sur la possibilité de faire de l'anglais la langue officielle des États-Unis, ce qui ne s'est pas produit. Ni la Constitution américaine ni aucune loi fédérale n'avait établi l'officialité de l'anglais.

3.7 L'enseignement bilingue au hachoir

Depuis les années 1960, les membres du Congrès ont voulu tenir compte des besoins d’un nombre croissant d’élèves qui, du fait de leur connaissance limitée, sinon inexistante en anglais, se trouvaient perpétuellement en situation d’échec scolaire; ces élèves étaient en même temps désavantagés par rapport aux enfants anglophones. Le Congrès a adopté des lois pour favoriser un enseignement dans la langue maternelle des enfants afin de les préparer à réintégrer les écoles avec un enseignement en anglais. Il est à parier que ce genre de programme sera dans la ligne de mire de la présidence américaine parce qu'elle n'est pas financièrement rentable.

- Un agence de financement en éducation

Doté d'un budget annuel d'environ 242 milliards de dollars, le ministère de l'Éducation (en anglo-américain: Department of Education) contribue au financement d'environ 98 000 écoles publiques américaines et de 32 000 écoles privées de la maternelle à la terminale, ainsi que de milliers de collèges, d'universités, d'écoles professionnelles et d'autres établissements d'enseignement supérieur. Dans les faits, les écoles publiques du primaire et du secondaire reçoivent peu d’argent du gouvernement fédéral, puisque moins de 8% des revenus des écoles publiques proviennent d’agences fédérales, la majeure partie du budget à l'éducation va à la formation des adultes, à savoir les étudiants inscrits dans des programmes professionnels et techniques et les personnes handicapées qui ont besoin d'aide pour trouver un emploi.

- La suppression du ministère de l'Éducation

Dans sa campagne de réélection (2024), Donald Trump s'était engagé à fermer le ministère de l'Éducation ("Department of Education") des États-Unis s'il revenait à la Maison-Blanche. Il a clairement indiqué qu’il s’opposait aux soi-disant «programmes de diversité», ainsi qu’aux exigences de vaccination dans les écoles, à l’enseignement de la théorie critique de la race dans les classes du primaire et du secondaire et à l’autorisation pour les étudiants transgenres de participer à des sports qui correspondent à leur identité de genre. On ne voit pas pourquoi l'enseignement de la langue maternelle aux Hispaniques, aux Asiatiques et aux autochtones serait oublié! D'ailleurs, depuis quelques décennies, les républicains parlent de supprimer le ministère fédéral de l’Éducation, de réduire considérablement «l’éducation bilingue» et les dépenses massives du gouvernement fédéral dans l’éducation. Évidemment, une baisse du financement pourrait être dévastatrice pour les institutions au service des minorités, qui accueillent près de la moitié des élèves et des étudiants américains appartenant à des minorités raciales ou ethniques.

- Le retour de l'éducation aux États

Cependant, peu après la réélection de Trump en novembre 2024, le sénateur américain Mike Rounds, un républicain du Dakota du Sud, présentait la Returning Education to Our States Act, c'est-à-dire la "Loi sur le retour de l’éducation dans nos États". Ce projet de loi viserait à abolir le département de l'Éducation et à transférer ses programmes et ses responsabilités à d'autres agences. Le financement de l’éducation serait distribué aux États sous forme de subventions globales, mais le projet de loi ne précise pas les montants de financement ni les garanties pour les niveaux de financement futurs.

Bien que l'administration de Donald Trump soit favorable à la fermeture du département de l'Éducation, certains spécialistes affirment que cela n'aura pas lieu. Non seulement les républicains n'auraient pas les voix nécessaires pour procéder à ce changement, mais ils n'ont montré que peu d'intérêt à réduire les programmes destinés aux enfants issus de familles à faibles revenus et aux enfants handicapés. Le plus grand avantage de ce «Department of Education" est qu'il aide à réduire les écarts éducation entre les États riches et les États pauvres. 

4 L'officialisation de l'anglais

Même si 80 % des Américains parlent l'anglais comme langue maternelle (1994 US Census Bureau), certaines organisations craignent les méfaits du bilinguisme au sein de la société américaine. De plus, beaucoup de politiciens américains redoutent d'être envahis d'immigrants exigeant le bilinguisme dans les services publics. C'est pourquoi la vague d'unilinguisme qui balaie les États-Unis depuis une dizaine d'années connaît une popularité croissante. Malgré le fait que l'anglais n'était pas jusqu'ici la langue officielle au niveau fédéral, les statistiques indiquaient que plus de 95% de la population avait une connaissance adéquate de cette langue, qui demeure un outil d'intégration essentiel pour les nouveaux arrivants.

4.1 La promotion de l'unilinguisme anglais

La présence de fortes minorités hispanophones (dépassant les 22 millions de locuteurs) dans des agglomérations importantes, sans compter les groupes asiatiques, a conduit plusieurs États à adopter des lois et des règlements décrétant l'unilinguisme anglais. C'est pourquoi des organismes tels que US English et English Only ont entrepris un véritable combat politique pour promouvoir l'unilinguisme officiel dans les États. Selon ces organismes, l'anglais est en danger aux États-Unis. Ainsi, par la voix du Wall Street Journal, un représentant d'US English déclarait: «L'anglais est menacé aux États-Unis [...] par des chefs de minorités ethniques dynamiques et puissants qui sont financés en bonne partie par notre propre gouvernement fédéral.» Et beaucoup d'Américains croient en la véracité de ces propos. La guerre entreprise par US English et English Only a sûrement porté fruit, car plusieurs États ont modifié leur constitution pour «protéger l'anglais».

Même les analystes américains s'entendent pour décrire le phénomène English Only comme un mouvement de droite anti-immigrant. Le fondateur de US English, l'ophtalmologue du Michigan John Tanton, s'est longtemps intéressé par les restrictions sur l'immigration aux États-Unis, en particulier dans le sud du pays à la frontière; les rapports financiers d'US English ont révélé que l'organisation avait reçu 680 000 $ entre 1982 et 1989 du Pionner Fund, une organisation consacrée à «l'amélioration de la race» par eugénisme. Avant de fonder US English, John Tanton avait fondé la FAIR, la Federation for American Immigration Reform, qui militait en faveur des restrictions sur l'immigration. Pour ce qui est de English First, qui se voulait à l'origine un projet du Committee to Protect the Family, il fut fondé par Larry Pratt, le président du groupe Gun Owners of America («Les propriétaires d'armes à feu de l'Amérique»).  

Déjà, en août 1996, sous les pressions de US English, la Chambre des représentants a adopté (259 voix contre 169) un projet de loi faisant de l’anglais la langue officielle du gouvernement fédéral des États-Unis. Le projet de loi H.R. 123 portait le titre suivant: The Bill Emerson English Language Empowerment Act of 1996. Il était décrit par ses instigateurs comme un mécanisme de défense de la société américaine contre l’assaut d’un multiculturalisme indésirable.

4.2 D'un projet de loi à un autre

Ce projet de loi pourrait être appelé en français Loi de 1996 pour promouvoir la langue anglaise. Au paragraphe 161, le texte déclare que «la langue officielle de l'administration fédérale est l’anglais». En vertu de la section 162, les représentants du gouvernement fédéral auront l’obligation de préserver et de promouvoir le rôle de l’anglais comme langue officielle du gouvernement fédéral. Une telle obligation devrait entraîner des circonstances plus favorables aux individus pour apprendre la langue anglaise. De plus, les représentants du gouvernement fédéral doivent mener les activités officielles en anglais. Par ailleurs, le projet énonce que nul ne sera privé, directement ou indirectement, de services, d'assistance ou de facilités fournis par le gouvernement fédéral uniquement parce qu’une personne communique en anglais (paragraphe 163). Toute personne aux États-Unis est autorisée à communiquer avec des représentants du gouvernement fédéral en anglais, à en recevoir des informations ou à être informée par des textes officiels en anglais. 

Quiconque est offensé par une violation de cette partie de la loi peut obtenir un dédommagement en matière civile. Selon le paragraphe 165, l’obtention de la citoyenneté est facilitée par la connaissance de l’anglais qui est le moyen par excellence de conquérir leur place légitime dans la société américaine. C’est pourquoi les fonctionnaires autorisés devront conduire toutes les cérémonies de naturalisation entièrement en anglais. D’après la section 167, rien dans la loi ne sera interprété pour interdire à un membre du Congrès ou à un fonctionnaire du gouvernement fédéral, durant l’exercice de ses fonctions, de communiquer oralement avec une autre personne dans une langue autre que l’anglais; pour discriminer ou limiter les droits de tout individu dans le pays; et pour décourager ou empêcher l'emploi d’une langue autre que l’anglais dans toute fonction non officielle.

On peut consulter quelques extraits (en français et en anglais) de ce projet de loi de 1996 pour promouvoir la langue anglaise (The Bill Emerson English Language Empowerment Act of 1996).  

Cependant, le projet de loi n’a pas été adopté au Sénat. Les partisans de l'unilinguisme anglais ont fini par abandonner tout projet d'intervenir à nouveau au niveau fédéral. Depuis, US English et English First continuent de protester contre le maintien de services «en langue étrangère» par les agences fédérales. Ils s'offusquent encore plus lorsqu'un élu s'exprime publiquement en espagnol, comme ce fut le cas de George W. Bush, le 5 mai 2001, jour de la fête nationale des Mexicains, alors que le président s'était adressé en public en espagnol (qu'il appelle lui-même le mexicain). À titre de président, il ne convient pas de parler une autre langue que l'anglais. Même le candidat démocrate aux élections de novembre 2000, John Kerry, qui parlait pourtant l'espagnol, le français et l'allemand, n'a jamais, au cours de la campagne électorale présidentielle, osé s'exprimer en une autre que l'anglais. Il se serait mis à dos tous les WASP.

4.3 Le rejet du bilinguisme

Certes, l'anglais n'est pas menacé aux États-Unis en tant langue nationale, mais il pourrait bien, un jour, dans certains États, être concurrencé dans une dominance qu'il n'a jamais partagée jusqu'ici. Il est donc possible que, dans certains États, on soit obligé de remettre en question la préséance absolue de l’anglais et faire cesser cette attitude pragmatique qui consiste à temporiser et à faire patienter les minorités, en attendant de les intégrer, c’est-à-dire les assimiler à la société américaine.

Signalons enfin que les causes des organismes tels que US English et English First ne sont pas toujours exemptes d'erreurs. Parfois, il s'agit de véritables faussetés répandues sciemment. En témoigne cet exemple rapporté par English First sur la situation linguistique du Québec, par ailleurs fort mal perçue aux États-Unis: 

Look what happened in Canada, where radical bilingualists have held power in Quebec. It is now a criminal offense for companies not to give French equal billing with English. It's doubled the paperwork load, driven up the cost of doing business and forced businesses out of the province. [Regardons ce qui est arrivé au Canada, où les «bilingualistes» radicaux ont exercé le pouvoir au Québec. C'est maintenant une infraction criminelle pour les compagnies qui ne donnent pas de facturation en français de façon égale à l'anglais. Elles ont doublé la paperasserie, augmenté le coût de gestion des affaires et restreint les affaires de la province.]

On se demande d'où proviennent ces informations loufoques, car il n'y a jamais eu de partisans radicaux du bilinguisme, qui auraient pris le pouvoir à Québec. De plus, quel Américain accepterait de recevoir une facture dans une autre langue que celle de la majorité (l'anglais), alors que c'est ce qui est demandé au Québec pour la majorité francophone? Voici un extrait d'un article de Mauro E. Mujica (de US English) intitulé «Are we creating an American Quebec? (''Allons-nous créer un Québec américain?'')». Cet article, paru dans le Human Events du 11 juillet 2003, insiste sur les dangers de séparatisme linguistique et ethnique dans les politiques de multilinguisme (bilinguisme?) officiel telles qu'elles sont appliquées au Canada: 

Are we creating an American Quebec?

We need only look to Canada to see the problems a multilingual society can bring. America’s northern neighbor faces a severe crisis over the issue of language. [...]

Battles over language rage across the globe . However, since Canada is so similar, it offers the most instructive warning for the United States. While the policy of official multilingualism has led to disunity, resentment and near secession, it is also very costly. Canada's dual-language requirement costs approximately $4 billion each year. Canada has one-tenth the population of the United States and spent that amount accommodating only two languages. A similar language policy would cost the United States much more than $4 billion a year as we have a greater population and many more languages to accommodate.

Unless the United States changes course, we are clearly on the road to a Canadian style system of linguistic enclaves, wasteful government expenses, language battles that fuel ethnic resentments and, in the long run, serious ethnic and linguistic separatist movements. [...]

[Allons-nous créer un Québec américain?

Nous devons seulement observer le Canada pour voir les problèmes que peut apporter une société multilingue. Notre voisin du nord de l'Amérique fait face à une sévère crise sur la question linguistique. [...]

Les batailles linguistiques font rage à travers le globe. Cependant, puisque le Canada nous est si semblable, il présente un avertissement des plus instructifs pour les États-Unis. Non seulement la politique de multilinguisme officiel a entraîné la désunion, le ressentiment et la quasi-sécession, mais elle est également très coûteuse. Les exigences d'application du bilinguisme au Canada coûtent approximativement quatre milliards de dollars par année. La population du Canada équivaut à un dixième de celle des États-Unis et ce pays dépense une fortune pour accommoder seulement deux langues. Une politique linguistique semblable aux États-Unis coûterait beaucoup plus que quatre milliards par année, étant donné que nous avons une population plus élevée et beaucoup plus de langues à accommoder.

À moins que les États-Unis ne changent de cap, nous nous acheminons clairement vers la voie d'un système de style canadien fait d'enclaves linguistiques, de dépenses gouvernementales dispendieuses, de batailles linguistiques qui alimentent les ressentiments ethniques et, à long terme, qui susciteront de sérieux mouvements séparatistes ethniques et linguistiques.]

Ce point de vue de US English est répandu partout aux États-Unis. En somme, les Américains ne veulent pas que le modèle du bilinguisme canadien se transpose dans leur propre pays. Évidemment, les gens n'ont pas fini d'entendre de telles énormités qui n'offrent aucune prise à commentaire puisqu'on ignore précisément de quoi les Américains peuvent bien parler. Est-ce que les quatre milliards de dollars dont parle US English comprennent les coûts de formation linguistique des fonctionnaires fédéraux? la traduction des documents publics? les frais d'impression dans les deux langues? et quoi encore... les coûts des programmes des gouvernements provinciaux? Or, au plan fédéral, une certaine compilation a été effectuée par le Conseil du Trésor jusqu'en 1996-1997. En voici les paramètres:

Pour l'année 1996-1997, les dépenses occasionnées par l'offre de services dans les deux langues officielles au sein des institutions fédérales (notamment au titre de la formation linguistique, de la traduction, des primes au bilinguisme et des frais d'administration) se sont élevées à quelque 260 millions de dollars. Ceci revient à environ 0,20 $ par tranche de 100 $ consacrée aux services offerts à la population, soit environ 0,03 $ par jour par Canadien.

On est bien loin des quatre milliards de US English, car 260 millions de dollars sur un budget de quelque 192 milliards de dollars ne représentent qu'une bien maigre dépense. Autrement dit, si le coût du bilinguisme représente 0,03 $ par citoyen par jour, cela signifie 10,95 $ par année. Étant donné que cette dépense permet de conserver le Canada dans son entité politique, c'est, peut-on dire, un coût fort acceptable! C'est peut-être même un très bon investissement pour assurer la paix sociale!

4.4 Le décret sur l'anglais langue officielle (2025)

Formellement, c'est-à-dire de jure («de par la loi»), les États-Unis n'ont jamais eu de langue officielle, du moins au niveau fédéral. Toutes les tentatives pour faire adopter une telle loi ont avorté au Congrès. Cependant, dès son entrée sur la scène politique en 2015, Donald Trump avait lui-même évoqué l’importance de l’anglais pour la société américaine, notamment dans le contexte de l’immigration.

Le 28 février 2025, le président américain a annoncé qu'il allait signer un décret établissant l’anglais comme langue officielle des États-Unis, avec comme objectif de «promouvoir l’unité» du pays. Il affirmait qu'il était plus que temps que l’anglais soit reconnu comme la langue officielle des États-Unis. De fait, le 1er mars 2025, il signait le Décret présidentiel désignant l’anglais comme langue officielle des États-Unis (2025).

Article 3

Désignation d'une langue officielle pour les États-Unis.

(a) L'anglais est la langue officielle des États-Unis.

(b) Le
décret exécutif n° 13166 du 11 août 2000 (améliorant l'accès aux services pour les personnes dont les connaissances sont limitée en anglais) est par la présente révoqué; rien dans le présent décret, cependant, n'exige ou n'ordonne un changement dans les services fournis par une agence. Les responsables d'agence doivent prendre les décisions qu'ils jugent nécessaires pour remplir la mission de leurs agences respectives et fournir efficacement des services gouvernementaux au peuple américain. Les responsables d'agence ne sont pas tenus de modifier, de supprimer ou d'arrêter de toute autre manière la production de documents, produits ou autres services préparés ou proposés dans d'autres langues que l'anglais.

(c) Le procureur général doit annuler tout document d'orientation politique publié en vertu du décret exécutif n° 13166 et fournir des orientations mises à jour, conformément à la loi applicable.

Article 4

Dispositions générales

(a) Rien dans le présent décret ne doit être interprété comme portant atteinte ou affectant de quelque autre manière que ce soit :

(i) à l'autorité accordée par la loi à un département ou à une agence exécutive, ou à son chef ; ou
(ii) aux fonctions du directeur du Bureau de la gestion et du budget relatives aux propositions budgétaires, administratives ou législatives.

(b) Le présent décret doit être mis en œuvre conformément à la loi applicable et sous réserve de la disponibilité des crédits.

(c) Le présent décret n'a pas pour but de créer, et ne crée, aucun droit ou avantage, substantiel ou procédural, opposable en droit ou en équité par une partie contre les États-Unis, ses départements, agences ou entités, ses dirigeants, employés ou agents, ou toute autre personne.

- Une erreur d'interprétation de l'Histoire

Dans son article 1er, le décret affirme que, depuis la fondation de la République, les documents historiques régissant les États-Unis, y compris la Déclaration d’indépendance et la Constitution, ont tous été rédigés en anglais: 

Article 1er

Objectif et politique

Depuis la fondation de notre république, l’anglais est employé comme langue nationale. Les documents historiques régissant notre nation, y compris la Déclaration d’indépendance et la Constitution, ont tous été rédigés en anglais. Il est donc grand temps que l’anglais soit déclaré langue officielle des États-Unis. Une langue désignée au niveau national est au cœur d’une société unifiée et cohésive, et les États-Unis sont renforcés par une citoyenneté qui peut échanger librement des idées dans une langue commune.

Dans les faits, l’anglais a coexisté avec d’autres langues depuis les premières heures de ladite République. Durant la guerre d’indépendance, par exemple, le Congrès continental a publié des documents officiels en français, en allemand et en anglais. Le premier document juridique, les Articles de la Confédération de 1777, a été publié en anglais, en français et en allemand, ce qui pouvait signifier une forme de reconnaissance du multilinguisme. De fait, durant un certain temps, il y eut des versions de documents juridiques en anglais, en allemand, en français et en espagnol. Les trois dernières langues ont résisté longtemps à l'anglicisation, mais les communautés qui utilisaient ces langues n'ont jamais réclamé pour celles-ci un statut particulier. Quant à la Constitution elle-même, adoptée le 17 septembre 1887, elle fut traduite en allemand, seulement huit jours après son adoption. En effet, le 25 septembre, l’Assemblée de Pennsylvanie ordonna l’impression de 3000 exemplaires du document en anglais et de 1500 exemplaires en allemand «pour être distribués dans tout l’État pour ses habitants». Quelque temps après, une version en néerlandais apparut à la suite d'une demande des colons hollandais. En fait, dans les premières années de l'Union, le Congrès américain publia plusieurs documents en français et en allemand dans le but de mieux les diffuser dans certaines régions du pays.

- La révocation du décret de Bill Clinton

Ce décret révoque celui signé en 2000 par le président Bill Clinton: le Décret présidentiel n° 13166 améliorant l'accès aux services pour les personnes dont les connaissances sont limitées en anglais. Le décret de Donald Trump permet aux agences gouvernementales et aux organismes financés par le gouvernement fédéral de décider de continuer à offrir ou non des documents et des services dans d'autres langues que l’anglais, renversant ainsi un mandat de l’ère Clinton, qui exigeait une assistance linguistique pour les non-anglophones. En raison du décret de Trump, les agences fédérales ne seront plus tenues d'offrir des services en d'autres langues.

En réalité, ce décret de Trump risque d'annuler toute aide fédérale aux non-anglophones, car continuer de le faire risque de paraître comme une acte subversif. En un rien de temps, parler une autre langue que l’anglais en public va ressembler à un acte de défiance politique. 

Le Décret présidentiel désignant l’anglais comme langue officielle des États-Unis ouvre maintenant la voie à des implications potentielles à long terme, en particulier pour les communautés immigrantes et autochtones, et les établissements d’enseignement qui desservent des populations multilingues. D'ailleurs, beaucoup d'hispanophones croient que, derrière le soutien des membres du mouvement "English Only", se cache un sentiment anti-immigrant, en particulier contre les citoyens d'origine hispanique, première minorité du pays, ce qui a fait de l'espagnol la deuxième langue la plus employée aux États-Unis, avec plus de 42 millions de locuteurs. En réalité, les groupes de pression pro-anglais voient dans le décret de Donald Trump un outil essentiel à l’assimilation des immigrants dans un pays où quelque 350 langues sont parlées. En fait, le décret donne la permission d'exclure les non-anglophones des services financés par leurs impôts.

- La présumée menace des autres langues

Bien que le décret n’impose pas de changements structurels immédiats aux programmes fédéraux, il représente une victoire plus que symbolique pour les mouvements pro-anglais. Pendant des années, ces mouvements ont été liés à des efforts plus grands pour freiner l’immigration et restreindre l’éducation bilingue, préconisant souvent des politiques qui privilégient la maîtrise de l’anglais plutôt que la diversité linguistique.

Mais la directrice du mouvement ProEnglish, Stephanie White, va plus loin, car elle croit que ce décret était nécessaire pour éviter l'effondrement du pays:

Every American should be proud of their national origin, race, native language, and customs. This sentiment reflects a broader appreciation for the diversity and rich cultural heritage that make up the American identity. It is being proud of one's background is essential for fostering a sense of belonging and unity among all American.

But without public policies that strengthen the English bond that unites us, multilingual diversity could well become our country's downfall.
Chaque Américain devrait être fier de son origine nationale, de sa race, de sa langue maternelle et de ses coutumes. Ce sentiment reflète une plus large appréciation de la diversité et du riche héritage culturel qui constituent l'identité américaine. Il est essentiel d'être fier de ses origines pour favoriser un sentiment d'appartenance et d'unité entre tous les Américains.

Mais sans politiques publiques qui renforcent le lien anglais qui nous unit, la diversité multilingue pourrait bien entraîner l'effondrement de notre pays.

Un danger bien imaginaire. De son côté, le sociolinguiste américain Joshua Fishman (1926-2015), l'une des plus hautes autorités en la matière, ne voyait aucun danger pour l'avenir de l'anglais aux États-Unis, car il est parlé par 82 % de la population comme langue maternelle et au total par 96 % de la population, si l'on additionne ceux qui le parlent comme langue seconde. Les résidents nés à l'étranger forment aujourd'hui 10 % de la population américaine, contre 15 % à l'époque de Theodore Roosevelt et de Woodrow Wilson.   

L’élimination de la langue d’une culture étrangère a toujours été une stratégie essentielle par tous les colonialistes dans le but d'assimiler, de fragmenter et de finalement de contrôler les divers autres peuples. Dès le début de l'histoire des États-Unis, les Amérindiens ont été entraînés hors de leur tribus et placés dans des écoles anglaises où ils n’avaient pas le droit de parler leur langue maternelle. La perte des langues modernes autres que l'espagnol pour les enfants d'immigrants témoigne qu’un élément de cette attitude assimilationniste existe toujours dans les écoles américaines, même si ce n’est pas aussi évident qu'auparavant.

5 L'intervention sur la langue

Les États-Unis ont toujours pratiqué la non-intervention dans le domaine linguistique. Ce n'est pas toujours le cas pour les États en particulier, mais le gouvernement fédéral ne s'est jamais permis de légiférer dans le domaine de la langue officielle par méfiance du socialisme. Sauf que des indices laissent croire que ce ne sera peut-être pas le cas avec l'administration de Donald Trump.

5.1 Le bilinguisme des produits destinés à l'exportation

Un autre domaine risque de passer bientôt au hachoir: les inscriptions en d'autres langues sur les produits destinés à l'étranger. Dans le commerce international, les produits vendus au Canada ou au Mexique, par exemple, doivent être dans les langues officielles de ces pays limitrophes, soit l'espagnol pour le Mexique, soit l'anglais et le français pour le Canada. Donald Trump remet en question ce procédé qui coûterait cher aux entreprises américaines, alors qu'ils refilent les coûts à l'acheteur. Le Canada exige un emballage bilingue, alors que les États-Unis ne le font pas, ce qui reviendrait à «maltraiter» les entreprises américaines qui doivent prévoir des emballages distincts. La situation est similaire au Mexique.

Tant au Mexique qu'au Canada, comme d'ailleurs dans de nombreux pays, divers instruments juridiques régissent l'emballage et l'étiquetage des produits. Ces lois et ces règlements répondent à diverses prérogatives, notamment en matière de protection du consommateur et de préservation de la langue officielle, voire la langue maternelle des citoyens. Selon l'administration américaine, les États-Unis seraient l’une des économies les plus ouvertes au monde, mais leurs partenaires commerciaux réduisent la rentabilité des produits américains avec des contraintes linguistiques inutiles. Actuellement, les fabricants apposent généralement des avertissements de sécurité sur leurs produits en plusieurs langues, soit la ou les langues du pays destinataire, mais la tentation est grande de le faire dorénavant seulement en anglais. Toute politique de protection culturelle ou linguistique de la part des pays étrangers est perçue comme une autre forme de concurrence déloyale et condamnable.

5.2 L'interdiction d'employer les mots indésirables

Il est peu fréquent qu'un gouvernement intervienne par décret ou par la loi pour contrôler les mots que les gens ou les agences gouvernementales emploient. Lorsqu'ils le font, c'est en général pour éliminer la concurrence d'une langue étrangère dans le lexique de leur langue nationale. C'est une politique interventionniste assez fréquente qu'on voit, par exemple, en France, en Allemagne, au Brésil, en Italie, au Canada-Québec, etc., pour favoriser ou imposer les termes de la langue officielle au lieu de... l'anglais. C'est ainsi qu'on crée des organismes linguistiques destinés à réglementer l'apport des néologismes nécessaires dans le lexique administratif. En général, on limite leur emploi dans la langue officielle aux employés de l'État, sans trop de pénalité en cas de manquement. 

Toutefois, il est beaucoup plus rare pour un État d'interdire des termes dans sa langue officielle. On peut constater ce genre d'intervention linguistique dans des régimes politiques très autoritaires telles la Corée du Nord, la Russie ou la Chine. Dans ces pays, les autorités, plus précisément le président tout-puissant, condamnent l'emploi de dizaines de mots dans la langue nationale parce qu'ils sont jugés subversifs, liés à la sexualité ou contraires aux bonnes mœurs. Même les termes issus d'une traduction de l'anglais et bien intégrés à la langue d'arrivée peuvent être frappés d'interdiction. On peut lire à ce sujet la Loi fédérale «portant modification de la loi fédérale sur la langue officielle de la fédération de Russie» (2023), ainsi que pur la Corée du Nord la Loi sur le rejet de l'idéologie et de la culture réactionnaires (2022) et la Loi sur la protection de la langue culturelle de Pyongyang (2023).  

Ce qui est tout à fait nouveau aux États-Unis, réputés pour sa liberté d'expression, c'est le fait que le président Trump a entrepris une guerre contre la diversité, l’inclusion et l’équité par le Décret présidentiel n° 14149 rétablissant la liberté d'expression et mettant fin à la censure fédérale (2025). Ainsi, la "National Science Foundation" (NSF) a reçu l’ordre de retirer ou de stopper toute recherche contenant certains mots interdits liés à la diversité et à l’inclusion. En clair, l'ordre est donné aux agences fédérales d’identifier et d’éliminer tous les programmes, les activités, les règlements, etc., promouvant l’activisme climatique, l'équité raciale, l'environnement, etc.

- L'épuration linguistique liée au financement

Évidemment, les accords de financement à la recherche n’échappent pas à l’épuration, puisque les scientifiques américains doivent désormais bannir tout un lexique environnemental et social de leurs travaux, sous peine de risquer la perte de subventions. Les questions d’équité raciale, de genre, de diversité et d’inclusion figurent aussi dans la liste noire du président climato-dénialiste, parce qu’elles seraient discriminatoires à l’égard des Blancs, en particulier les hommes.

Selon les rapports à ce sujet, la liste des mots interdits remise à la NSF et aux autres agences fédérales est plutôt longue et comprend des termes jugés «illégaux» ("illegal"), «radicaux» ("radical") et «discriminatoires ("discriminatory”). En voici quelques-uns de ces "prohibited words":
 
Black («Noir)
Latinx («Latinos»)
cultural differences («différences culturelles»)
disability («invalidité»)
diverse group («groupe diversifié»)
equality («égalité»)
gender («genre»)
female («femelle»)
historically («historiquement»)
inclusive («inclusif»)
LGBT (LGBT)
excluded («exclu»)
injustice («injustice»)
systemic («systémique»)
advocacy («plaidoyer»)
feminism («féminisme»)
discriminated («discriminé»)
indigenous community («communauté autochtone»)
marginalized («marginalisé»)
multicultural («multiculturel»)
polarization («polarisation»)
racial diversity («diversité raciale»)
biodiversity («biodiversité»)

victim («victime»)
sexuality («sexualité»)

racism («racisme»)
trauma (traumatisme»)
woman/women («femme»/«femmes»)

La liste compte 120 mots interdits, mais on n'y trouve pas les termes  “male” («mâle»), “man” («homme») ou “white” («Blanc»).

Le but de ces interdictions est de supprimer les politiques "woke" portées sous l’ère Biden (démocrate). Désormais, si le mot apparaît dans un article de recherche, le texte correspondant ne sera pas immédiatement jeté à la poubelle, mais il devra être examiné méticuleusement pour déterminer s'il viole ou non les décrets exécutifs sur la DEI (le décret appelé “diversity, equity, and inclusion”). Dès lors, la "National Science Foundation" (NSF), les "National Institutes of Health" (NIH) et les autres agences scientifiques doivent s'efforcer de se conformer aux décrets du président Trump visant à éliminer le soutien fédéral aux efforts de diversité, d'équité et d'inclusion. Les universitaires commencent également à recevoir des instructions pour respecter le décret présidentiel.

David Ho, un chercheur sino-américain célèbre pour comme pionnier dans les traitements contre le VIH et spécialiste en sciences du climat à l’université d’Hawaï, avance ces propos:

We received a message from the university asking us to remove any use of the terms ‘DEI,’ ‘diversity,’ ‘equity,’ or ‘inclusion’ from all public-facing materials. They told us that even the word ‘biodiversity’ was flagged by the federal government. We live in the stupidest times ever .  Nous avons reçu un message de l’Université nous demandant de supprimer tout emploi des termes DEI, «diversité», «équité» ou «inclusion» de tous les documents destinés au public. On nous a dit que même le mot «biodiversité» avait été identifié par le gouvernement fédéral. Nous vivons les moments les plus stupides de tous les temps.

Par conséquent, il est dorénavant interdit de parler de «changement climatique» ou d'«émissions de gaz à effet de serre» dans les futures demandes de financement de recherche du ministère américain des Transports. Selon la liste de la "Food and Drug Administration" (FDA), les mots suivants sont bannis sans la moindre explication: ederly («personnes âgées»), underrepresented («sous-représenté»), underserved («mal desservi»), understudied («sous-étudié»), sex («sexe»), identity («identité»), woman («femme»), promote («promouvoir»), definition («définition»), continuum («continuum»), ideology («idéologie»), self-assessed («auto-évalué»), special populations («populations spéciales») et disabled («handicapé»).

- Une attaque contre le progrès scientifique

Ainsi, le Décret présidentiel n° 14149 rétablissant la liberté d'expression et mettant fin à la censure fédérale (2025) vise à «ramener le bon sens» et à «rétablir la vérité biologique au sen du gouvernement fédéral». Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une censure exercée chez de nombreuses agences fédérales et, selon les scientifiques, d'une attaque flagrante contre le progrès scientifique.

Il semble bien que personne n'ait perçu l'incohérence concernant la liberté d'expression, celle-ci consistant à pouvoir s'exprimer librement à la condition de ne pas employer les «mots interdits». Au cours des deux ou trois semaines suivant son application, l’administration fédérale avait déjà pris de nombreuses mesures pour censurer ou réprimer les mots qu’elle déteste.

En réalité, c'est une tentative flagrante de forcer les bénéficiaires de subventions gouvernementales à cesser de tenir des propos par des mots que l’administration actuelle n’aime pas, notamment des textes ou des propos sur la diversité en éducation ou sur les changements climatiques. Le gouvernement fédéral a également demandé aux agences de supprimer tous les sites non conformes et de mettre fin aux subventions et aux contrats signés et de remplacer partout le terme "genre" par "sex" sur tous les formulaires gouvernementaux. Dans les couloirs des bâtiments de la NASA à travers les États-Unis, des photos célébrant les femmes dans la science ont été retirées. Sans en avoir reçu l’ordre, des universités et des centres scientifiques ont déjà modifié leurs programmes et leurs sites dans l’espoir d’apaiser le président.

Si l’interdiction de mots ne constitue pas une restriction de la liberté d’expression, on ne sait pas vraiment ce que cela pourrait être. Au moins, contrairement à la Corée du Nord avec la Loi sur le rejet de l'idéologie et de la culture réactionnaires de 2022, les contrevenants aux États-Unis ne risquent pas la prison ni la peine de mort. Au-delà des mots que le président veut contrôler, il s'agit aussi d’une guerre contre la science et contre les progrès réalisés au cours des décennies dans la construction de partenariats mondiaux pour faire progresser le droit à la santé.

- L'ignorance comme projet scientifique

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants américains ont cru que le progrès scientifique était essentiel à la sécurité de la nation. Durant les huit décennies qui ont suivi, les responsables gouvernementaux des deux partis politiques ont convenu d’investir dans la science américaine. Effectivement, la contribution des États-Unis à la science constitue l’un des plus grands accomplissements de l’humanité. Les avancées de la science ont fait progresser les États-Unis

Toutefois, un mois seulement après le début du deuxième mandat du président républicain Donald Trump, les scientifiques craignent que cette pratique de longue date ne soit en train de s’effondrer.

Avec une rapidité sans précédent, sous prétexte de gaspillage, l'administration Trump a licencié des milliers d'employés des agences scientifiques américaines et annoncé des réformes des critères d'octroi de subventions de recherche qui pourraient réduire considérablement le soutien financier fédéral à la science. Ces coupes font partie d'un effort plus vaste visant à réduire radicalement les dépenses du gouvernement et à réduire ses effectifs. Des coupes budgétaires massives sont également à prévoir pour les agences scientifiques, ce qui touchera quelque 280 000 scientifiques. Les actions fédérales concernent les moyens suivants :

- la censure gouvernementale;
- l'autocensure;
- les coupes budgétaires;
- le changement de personnel;
- les entraves à la recherche;
- les fausses déclarations.

Les attaques de l’administration Trump, par exemple, contre la science climatique concordent parfaitement avec l’un des objectifs clés de sa présidence: faire reculer les réglementations climatiques dont la recherche scientifique démontrant qu’elles amélioreraient la santé publique et la qualité de l’environnement. Or, les scientifiques qui se sont exprimés sur cette question ont été démis de leurs fonctions, tandis que d’autres ont été empêchés de mener d’autres recherches sur des sujets jugés «controversés», comme le changement climatique.

Dans une série de mesures, l’administration Trump censure la recherche scientifique, réduit les ressources consacrées à la santé publique et à l’environnement, et fait progresser la propagande de l’industrie des combustibles fossiles. Ces mesures ne servent que les intérêts des entreprises corrompues, au détriment des citoyens ordinaires et de la planète. Les faits révèlent qu'une administration gouvernementale qui prétend sévir contre la fraude, le gaspillage et les abus ont généralement l’effet inverse : les individus se livrent à une corruption à grande échelle au profit d’oligarques riches et politiquement connectés, au détriment du reste de la population.

Au final, le président Trump s’attaque aux savoirs. Ses prétendues réformes visent à affaiblir toute pensée critique et à effacer les luttes sociales. En supprimant les politiques de diversité et d’inclusion (DEI), il propose en même temps la réintégration de la Bible dans l’enseignement public. Des républicains lui suggèrent d’installer des bibles dans chaque salle de classe des écoles publiques, une initiative soutenue par les cercles conservateurs. Toute cette politique contre la science n'est pas anodine, elle traduit une volonté d’imposer une pensée unique et d’étouffer les débats sur l’égalité et la justice sociale.

5.3 Les changements d'appellation toponymique

Le 9 février 2024, le président Trump a fêté la «journée du golfe d’Amérique» (en anglais: Golf of America) afin de remplacer l'appellation «golfe du Mexique» sur les cartes et les textes. Cette décision fait suite au Décret présidentiel n° 14172 du 20 janvier 2025, signé par le président américain intitulé «Décret restaurant les noms qui honorent la grandeur américaine» (en anglais: "Executive Order Restoring Names That Honor American Greatness"). Le décret ne semble pas avoir été rédigé par des juristes, mais par des militants inféodés à une idéologie politique de type MAGA (Make America Great Again). On y lit un grand nombre de justifications sur un fonds de fort patriotisme.

L'entreprise américaine Google a aussitôt fait le changement d'appellation dans ses cartes parce qu'elle avait consulté les sources gouvernementales officielles, en l’occurrence le "Geographic Names Information System" (GNIS) des États-Unis. Ce n'est pas anodin, mais le président a interdit l'accès aux journalistes à la Maison-Blanche, qui n'ont pas changé le nom de «golfe du Mexique» dans leurs textes ou leurs cartes.

La nouvelle appellation décrétée par Trump a suscité des préoccupations diplomatiques de la part du Mexique et d’autres pays. Cela dit, ce genre de changement dans une appellation hydronymique concerne uniquement les États-Unis. Vérification de la réalité : les États-Unis ne contrôlent pas exclusivement le golfe et ne peuvent pas décider unilatéralement son appellation. D'ailleurs, les usagers du Mexique ont conservé le "Golfo de México", conformément à la volonté du gouvernement mexicain. Et les usagers des autres pays ne sont nullement tenus de respecter le décret du président Trump, car il n'est pas si simple de modifier l'appellation d'un lieu au-delà de ses frontières.

- Les instances internationales

Ce genre de modification relève de deux instances internationales: le Groupe d’experts des Nations unies pour les noms géographiques ("United Nation Group of Experts on Geographical Names" ou UNGEGN) et l’Organisation hydrographique internationale ("International Hydrographic Organization"). L'objectif visé par les Nations unies au moyen de l'UNGEGN et de l'IHO est d'établir des formes utilisables et cohérentes des noms géographiques dans le monde. Cet objectif se poursuit en deux niveaux : un échelon national concernant l'emploi officiel des toponymes à l'intérieur de chaque pays et un échelon international pour lequel l'uniformisation des noms géographiques est importante pour le commerce et les relations internationales.

Il faut surtout retenir que le golfe en question ne fait pas partie du territoire américain. Sur la côte, les 12 premiers milles marins du rivage sont considérés comme faisant partie de ce pays, mais au-delà, ce sont des eaux internationales. Par conséquent, les États-Unis ne sont pas les seuls pays côtiers à se partager le golfe: il y a aussi le Mexique et Cuba.

D'autres noms ont déjà suscité des controverses dans un passé récent: l'appellation golfe Persique fut remise en cause par l’Arabie saoudite qui lui préférait golfe Arabique, l'appellation mer du Japon fut contestée par les deux Corée, lesquelles promouvaient mer de l'Est et, bien sûr, mer de Corée.

Bref, Donald Trump peut bien décider de renommer le golfe du Mexique sur les cartes américaines, mais cela ne signifie pas que cette initiative unilatérale sera suivie par le reste du monde. En fait, en eaux internationales c’est l'Organisation hydrographique internationale (IHO) qui confirme les conflits d'appellation et qui décide en définitive. Sur les cartes du monde, cela restera le golfe du Mexique, sauf aux États-Unis... pour quelque temps.

Et il n'existe aucun moyen officiel pour les États-Unis d'obliger les autres pays à changer le nom de ces lieux. Il est possible que le président des États-Unis demande officiellement aux autres pays de changer le nom, sinon il imposerait des sanctions aux pays qui ne s’y conformeraient pas; c'est alors du chantage! Le 27 janvier 2025, la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, présentait une lettre adressée à Google et affirmant que les États-Unis n'ont pas l'autorité de changer le nom du golfe.

- Le changement des toponymes autochtones

Non seulement le Décret présidentiel n° 14172 change le nom du «golfe du Mexique» pour «golfe d'Amérique», mais également le «mont Denali» (un nom traditionnel des Koyukon Athabascans signifiant «le Très-Haut») pour celui de William McKinley, le 25e président des États-Unis, qui entraîna le pays dans la guerre hispano-américaine (1898); l'expansion territoriale de 1898 est souvent considérée par les historiens comme le début de l'impérialisme américain. En 1896, un prospecteur américain avait baptisé le sommet de la plus haute montagne de l'Alaska en «mont McKinley», en hommage au président William McKinley, qui n'avait jamais mis les pieds en Alaska et fut assassiné en 1901.

Le nom fut officiellement reconnu par le gouvernement américain jusqu'à ce que l’administration de Barak Obama change le nom de la montagne en 2015 sous son nom d’origine autochtone, afin de refléter les traditions des autochtones d'Alaska et de reconnaître la préférence de nombreux résidents de l'Alaska. À cette époque, la Maison-Blanche avait signalé que le président McKinley n'avait jamais visité l'Alaska tout en précisant que le site était important culturellement pour les autochtones de l'Alaska et dans l'histoire de la nation athabascane. Effectivement, le nom Denali est utilisé officiellement par l’État d’Alaska depuis 1975, mais plus important encore la montagne est connue sous ce nom depuis des milliers d'années. Mais pour Donal Trump l'appellation de «Denali» («le Très Haut») ne semblait pas dire grand-chose, sinon rien du tout, alors qu'il idolâtre l'ancien président McKinley, un dirigeant expansionniste et autoritaire. Voici ses propos à ce sujet: "We will restore the name of a great president, William McKinley, to Mount McKinley, where it should be and where it belongs", c'est-à-dire: «Nous rétablirons le nom d’un grand président, William McKinley, sur le mont McKinley, là où il devrait être et à sa place.»

En principe, c'est le Bureau des États-Unis sur les noms géographiques — US Board on Geographic Names (BGN), qui fait partie de l'US Geological Survey, l'agence chargée de réaliser les cartes —, un organisme fédéral créé en 1890 et établi sous sa forme actuelle par une loi publique en 1947 (Public Law 242-80th Congress: Act to provide a central authority for standardizing geographic names for the purpose of eliminating duplication in standardizing names among the Federal departments, and for other purposes), qui veille à maintenir un usage uniforme des noms géographiques dans l'ensemble du gouvernement fédéral afin d'éviter des doublons. En général, le critère le plus important concernant les toponymes est l’usage et l’acceptation au niveau local. Jusqu'à tout récemment, les décisions du BGN ont été acceptées comme contraignantes par tous les ministères et toutes les agences du gouvernement fédéral.

Le 24 janvier 2025, le ministère américain de l'Intérieur a publié une déclaration sur les changements de nom :

In accordance with President Donald J. Trump’s recent executive order, the Department of the Interior is proud to announce the implementation of name restorations that honor the legacy of American greatness, with efforts already underway.

As directed by the President, the Gulf of Mexico will now officially be known as the Gulf of America and North America’s highest peak will once again bear the name Mount McKinley [...]. The U.S. Board on Geographic Names, under the purview of the Department of the Interior, is working expeditiously to update the official federal nomenclature in the Geographic Names Information System to reflect these changes, effective immediately for federal use.
Conformément au récent décret du président Donald J. Trump, le ministère de l’Intérieur est fier d’annoncer la mise en œuvre de restaurations de noms qui honorent l’héritage de la grandeur américaine, avec des efforts déjà en cours.

Comme l’a ordonné le président, le golfe du Mexique sera désormais officiellement connu sous le nom de «golfe d’Amérique» et le plus haut sommet d’Amérique du Nord portera à nouveau le nom de «mont McKinley» [...]. Le Bureau des États-Unis sur les noms géographiques, sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, travaille rapidement à la mise à jour de la nomenclature fédérale officielle dans le Système d’information sur les noms géographiques afin de refléter ces changements, avec effet immédiat pour l'usage fédéral.

Effectivement, le président Trukmp n’a eu qu’à signer son décret pour que les géants de Silicon Valley se précipitent avec docilité, voire avec servilité, pour modifier leurs applications mobiles de cartographie. Le 27 janvier 2025, la Chambre des représentants de l'Alaska a voté 28 contre 10 en faveur de la résolution qui appelle officiellement Trump et le gouvernement fédéral à rétablir Denali. Toutefois, cette résolution n'est guère contraignante, en dépit de la colère des Alaskiens.

Dans les faits, le décret n° 14172 se trouve à discréditer le BGN en remettant le nom de «mont McKinley», un changement que personne ne voulait, pas même chez les républicains. Ce renversement de 2025 s’inscrit dans le cadre d’efforts de Donald Trump visant à «restaurer la grandeur américaine», quitte à révoquer la restauration de noms autochtones. Vingt-sept États ont des noms d’origine autochtone, ce qui souligne les liens historiques profonds des peuples autochtones avec ces terres continentales. Pour les autochtones, dénommer le nom d'un lieu autochtone et en imposer un nouveau en anglais sur les cartes, les atlas et les systèmes de navigation est «un acte de domination coloniale». 

6 L’internationalisation de la langue anglaise

Comme toute grande puissance au faîte de sa renommée, les États-Unis pratiquent inévitablement une politique d’expansion et d’internationalisation de leur langue. Toutefois, contrairement à des pays comme la France ou le Portugal, aucun texte juridique ne vient confirmer cette politique. Il s’agit, dans le cas des États-Unis, de méthodes officieuses, mais formidablement bien orchestrées et utilisées autant par les agences gouvernementales fédérales et autres que par les universités, les comités scientifiques et les firmes multinationales américaines. 

L’expansion de l’anglais est un objectif réel et poursuivi de façon à discréditer les langues concurrentes en les faisant passer pour des langues «régionales», «dépassées», voire «archaïques». Mais le grand «défaut» des autres langues est leur non-universalité. En réalité, pour la majorité des Américains, la multiplicité de langues est considérée comme un mal et une source de conflit. Il suffit de décrire quelques faits qui, considérés dans leur ensemble, donnent une curieuse impression de «plan machiavélique» américain.

6.1 La langue de l’aviation civile

L’OACI (Organisation aéronautique civile internationale) a été fondée à Chicago, le 7 décembre 1944 par les représentants de 47 pays, alors que la seule industrie aéronautique civile vraiment opérationnelle était américaine. Peu après, sous la pression du gouvernement fédéral américain, l’OACI décida d’adopter l’anglais comme deuxième langue officielle de tous les aéroports internationaux des pays non anglophones. Cette politique a incité les non-anglophones à utiliser l’anglais non seulement dans les annonces faites durant les vols internationaux, mais aussi sur les lignes aériennes nationales et jusque dans l’affichage des aéroports du monde.

6.2 L’anglais dans les organismes internationaux

L’anglais n’a pas toujours été une langue officielle dans les organismes internationaux. Ainsi, à la Commission européenne, l’anglais n’a fait son apparition que lors de l’admission de la Grande-Bretagne en 1972. Il en a été ainsi à l’Agence spatiale européenne, mais depuis que l’anglais est une langue officielle avec le français, celui-ci est devenu une simple langue de traduction. À l’Union postale internationale dont le siège social est à Berne (Suisse), le français est encore la seule langue officielle. On assiste actuellement à une offensive américaine afin d’y imposer l’anglais.

Le problème, c'est qu'une fois que l’anglais est admis comme langue officielle au sein d’une organisation internationale, les Américains, généralement aidés des Britanniques, font tous les efforts nécessaires pour éliminer les autres langues qui ne deviennent que des véhicules de traduction.

6.3 Les communications scientifiques

Depuis les années soixante, les Américains ont toujours refusé de publier des articles scientifiques rédigés dans une autre langue que l’anglais. Cette imposition d’une langue unique dans toutes les communications scientifiques internationales s’est faite essentiellement sous la pression des universitaires et chercheurs américains.

Or, l’immense majorité des chercheurs américains ne parle que l’anglais. Les comités universitaires américains ignorent systématiquement les publications rédigées dans une autre langue. Les Américains se retrouvent dans la position où ils jouent à la fois le rôle d’acteur et de jury, tout en accaparant, avec la bénédiction des autres pays, le monde de l’édition scientifique internationale. C’est pourquoi la plupart des Américains croient que toutes les découvertes scientifiques sont américaines et qu’elles ne sont possibles qu’en anglais. Pire, ils croient que fermement que la plupart des scientifiques vivants sont américains.  

6.4 L’autoroute de l’information

Les Américains présentent les technologies de l’inforoute comme étant exclusivement d’origine américaine. Comme par hasard, cette perception quasi universelle favorise considérablement la pénétration commerciale américaine dans le secteur informatique et celui des télécommunications. Les premières machines et les premiers logiciels, il est vrai, furent conçus pour traiter des textes en anglais. Au début, on ne pouvait transmettre que des messages électroniques codés en Ascii – l'acronyme de cette norme américaine de codage des caractères – à sept bits. Ce système n'intègre qu'une gamme limitée de caractères, celle nécessaire à la langue anglaise et, accessoirement, au français, à l’espagnol, au swahili, etc. Le code Ascii est, en effet, constitué de jeux de caractères à sept bits (et non, classiquement, de huit), et les outils qui l'utilisent ont encore tendance à éliminer un bit sur huit pour les jeux de caractères autres que ceux de l'anglais. D'où, par exemple, avec ce code, la disparition, à l'affichage, des signes diacritiques du français: accents, trémas, cédille. 

Or, rien dans l'architecture informatique du réseau ne s'oppose à l'usage de quelque langue que ce soit. Tout est affaire de protocoles d'utilisation de cette «quincaillerie», donc d'élaboration de normes universelles et, tout aussi importants, de moyens pour les mettre en place. Les Américains n’ont donc aucun intérêt à changer ce système qui les favorise grandement. Mais ils ont la complicité des autres nations qui ne protestent que fort peu.

6.5 La langue de l’armée américaine

Les Américains ont implanté d’importantes troupes militaires dans plusieurs pays du monde. De ce fait, il existe une relation entre la présence des Forces armées américaines et la popularité de la langue anglaise où elles se trouvent. Par exemple, on se rend compte que le véhicule de communication imposé avec les fournisseurs locaux est exclusivement l’anglais qui acquiert alors un statut privilégié dans le pays hôte. Le cas est particulièrement flagrant en Allemagne, au Japon, en Corée, au Panama, en Islande, au Groenland, aux Philippines, etc.  Étant donné que l’armée américaine est présente, d’une façon ou d’une autre, dans quelque 110 pays dans le monde, on peut comprendre l’impact d’une telle politique d’unilinguisme décidé unilatéralement. Évidemment, si un quelconque pays utilisait les mêmes tactiques à l'égard des Américains, ce serait le tollé! 

6.6 La langue des succursales américaines à l’étranger

Dans toutes les multinationales américaines basées à l’étranger, l’anglais sert de véhicule obligatoire dans l’utilisation des méthodes comptables pour les rapports de fin d’exercice. Ainsi, de plus en plus de comptables, de banquiers, et autres gens d’affaires ont recours uniquement à l’anglais pour la rédaction des rapports qu’ils rédigent. Dans la plupart des cas, les compagnies américaines fournissent maintenant à leurs succursales des logiciels made in USA qui accompagnent la même documentation que celle disponible aux États-Unis. Manifestement, les Américains ignorent la «plus-value» de la langue du pays lorsqu’ils y font affaire. C’est l’ancien chancelier de l’Allemagne, Willy Brandt, en visite à Londres qui déclarait:  
 

I sell you some thing, I speak your language. If I buy, dann müssen sie Deutsch sprechen.

Ce qui signifie (dans le texte en anglais): «Je vous vends quelque chose, je parle votre langue. Si j’achète, alors, vous devez parler allemand» (texte en allemand).

6.7 La langue des programmes de coopération bilatérale

Pour tous les stagiaires américains, la langue des programmes de coopération bilatérale est l’anglais, car peu importe le pays où ils se trouvent – à l’exception des pays d’Amérique latine – ils comptent toujours sur leurs hôtes pour parler anglais. Subrepticement, l’anglais s’impose comme langue véhiculaire dans tous les programmes de coopération et la langue nationale du pays hôte est toujours secondaire.

Il faut dire que les universités américaines n’exigent aucune connaissance des langues étrangères depuis au moins trente ans, alors que dans le reste du monde, particulièrement en Europe, en Asie et en Afrique, la connaissance d’une langue étrangère est obligatoire pour obtenir un diplôme de second ou de troisième cycle. Inévitablement, les Américains détiennent probablement le record mondial d’incompétence en la matière, mais c’est là une stratégie – efficace – destinée à rendre l’anglais incontournable, le tout avec la complicité des autres nations.

6.8 La propagande américaine dans les médias

La plupart des journaux américains ne ratent jamais une occasion de signaler les succès de l'anglais dans le monde et, conséquemment, de diminuer ou ridiculiser les tentatives de résistance des autres langues, notamment le français. Outre le New York Times et US Today, le journal The Economist demeure l'un des plus fervents propagandistes américains de la réussite de l'anglais dans le monde. Le journal a même publié en décembre 2001 un article expliquant les causes qui expliquent The Triumph of English («Le triomphe de l'anglais») sur toute la planète. Au besoin, on n'hésite pas à railler tous les États, notamment la France et le Québec, qui tentent de stopper par une législation l'envahissement de l'anglais. Bref, pour la plupart des journalistes américains, seules les petites langues en danger méritent qu'on les protège... surtout à l'extérieur des États-Unis. 

Les informations véhiculées par les chaînes américaines concourent toutes à une sorte de propagande destinée à donner à leur auditoire l’impression que le monde entier parle l’anglais. Que ce soit en France, en Inde ou en Indonésie, la caméra doit toujours fixer une affiche en anglais. Lorsqu’il existe des affiches bilingues, comme en Inde, le cameraman se doit de ne montrer que l’inscription anglaise. Dans la plupart des pays non anglophones, certains journalistes n’hésitent même pas à trafiquer des séquences montrant des affiches anglaises inexistantes, ou plutôt créées pour la circonstance. Évidemment, les journalistes américains s’organisent toujours pour que les personnes interviewées parlent anglais, de telle sorte que les téléspectateurs de leur pays croient vraiment que le monde entier parle leur langue.

De plus, la promotion publicitaire de la langue anglaise est courante dans les médias tant écrits qu’électroniques. Ainsi, on apprend qu’il faut parler anglais parce que c’est une «force unificatrice entre les peuples» qui «bannira les guerres une fois pour toutes», pas les autres langues. Il faut aussi parler anglais pour les «échanges économiques planétaires», ce qui réduira les risques de conflit ou d’agressivité entre les peuples. Évidemment, l’anglais est toujours la «langue de l’avenir», jamais les autres langues. Tous ces messages sont affirmés sans possibilités de réplique sous la forme de promotion publicitaire du genre: «Notre produit est le meilleur.»

En fait, beaucoup d’Américains ne comprennent pas pourquoi les autres peuples ne veulent pas s’assimiler à l’anglais, ce qui, à leurs yeux, serait tellement plus simple et éviterait tant de conflits. S'il n'en tenait qu'à eux, qu'à leurs seules valeurs et à leur démocratie, le monde entier croulerait sous la paix. C'est pourquoi il est difficile pour l'Américain moyen de comprendre, après l'attaque terroriste du 11 septembre 2001, que d'autres pouvaient ne pas envier ces valeurs universelles et cette langue qui l'est tout autant. La plupart des Américains ne peuvent pas comprendre que de nombreux pays tentent d'adopter des mesures visant à protéger leur langue officielle (ou nationale) de l’envahissement de l’anglais, malgré la compréhension généralement admise de l’utilité de son apprentissage par leurs citoyens, alors que, au même moment, près d'une trentaine d'États des États-Unis officialisent l'anglais sur leur territoire. Pendant que les politiques linguistiques américaines visent l'isolationnisme, les politiques des autres pays tendent vers le multilinguisme. Tandis que beaucoup d'États du monde s'ouvrent vers les autres langues et les autres cultures, l'Amérique favorise l'unilinguisme anglais et la fermeture aux autres.

On aurait intérêt à consulter les chapitres sur ce site consacré à la section portant sur l'Histoire sociolinguistique des États-Unis, intitulée «La superpuissance et l'expansion de l'anglais» en cliquant ICI, s.v.p.

7 La législation fédérale et les autochtones

Les débuts de la formation des États-Unis n'ont pas été tendres à l'égard des autochtones. Ces derniers furent spoliés de leurs terres et exclus de toute décision politique. À la suite de l'indépendance, leur sort fut même aggravé. Considérés comme «sauvages», ils furent implicitement traités comme des «nations étrangères» par la Constitution de 1787 et tenus pour hostiles par les politiciens américains qui attribuèrent alors les relations avec les «Indiens» au secrétaire à la Guerre (War Secretary).

7.1 Les politiques génocidaires

De nombreux traités furent signés, mais aucun ne fut respecté dans la mesure où l'on considérait les autochtones comme des «nations vaincues». De façon générale, tous les traités eurent pour objet principal la cession des terres indiennes au gouvernement des États-Unis. Les premiers présidents américains refusèrent systématiquement la «solution de l'État indien» et adoptèrent une politique qui consistait à faire reconnaître la suprématie du gouvernement des États-Unis sur les autochtones. Ceux-ci durent abandonner leur mode de vie pour s'américaniser. Ce fut la logique du président Thomas Jefferson (1743-1826), le troisième président, dans ses nombreux discours aux nations autochtones: «Vendez vos terres, adoptez l'économie agrarienne, défaites-vous de vos coutumes tribales et vous pourrez devenir citoyens américains.» Dans le cas contraire, les autochtones devaient se résigner à vivre à l'écart des Blancs dans une sorte de partition du continent.

Tous les gouvernements américains pratiquèrent une politique de liquidation, pour ne pas dire une politique génocidaire à l'égard des autochtones. De quelque 25 millions avant l'arrivée des Blancs en Amérique du Nord, la population autochtone compte aujourd'hui environ 800 000 Amérindiens habitant les États-Unis (après avoir été 350 000 vers 1920). Ils sont répartis surtout dans une quinzaine d'États, notamment l'Oklahoma, Californie, Arizona, Nouveau-Mexique, Alaska, etc. La Loi sur l'éducation aux autochtones (Indian Education Act) de 1972 correspondait encore à cette politique qui consistait à rendre les autochtones bilingues en espérant leur assimilation.

7.2 Les moyens incitatifs de préservation

À la fin des années 1980, la politique américaine commença à changer. Certains politiciens voulurent reconnaître les droits linguistiques des Amérindiens, notamment les autochtones de l'Alaska, les indigènes d'Hawaï et les insulaires du Pacifique. Quelques lois furent adoptées: la Native American Languages Act of 1990 (ou Loi sur les langues amérindiennes de 1990), la Native American Languages Act of 1992 (ou Loi sur les langues amérindiennes de 1992), la Native American Languages Act Amendments Act of 2001 (ou Loi de 2001 modifiant la Loi sur les langues amérindiennes) et la Southwest Native American Language Revitalization Act of 2003 (ou Loi de 2003 sur la revitalisation des langues amérindiennes du Sud-Ouest).

Ces lois n'autorisent aucun nouveau programme pour les autochtones américains, ni ne permettent un financement supplémentaire, mais proposent des moyens incitatifs pour préserver les langues amérindiennes en usage aux États-Unis. Ces dispositions législatives fédérales concernent les droits linguistiques des «Indiens américains» (Americans Indians), des autochtones d'Alaska (Alaska Natives), des autochtones d'Hawaï (Native Hawaiians) et des insulaires du Pacifique (Pacific Islanders), c'est-à-dire les autochtones vivant dans les possessions ou territoires américains du Pacifique. 

Les paragraphes 1 à 5 de l'article 102 de la Loi sur les langues amérindiennes de 1990 (Native American Languages Act) déclarent ce qui suit:

Paragraphe 102 [traduction]

Le Congrès considère que :

(1) Le statut des langues et des cultures amérindiennes est unique et que les États-Unis ont la responsabilité d'agir de concert avec des Amérindiens pour assurer la survie de ces langues et cultures uniques;

(2) Il est accordé aux Amérindiens un statut spécial aux États-Unis, un statut qui reconnaît des droits culturels et politiques distincts, incluant le droit de constituer des identités séparées;

(3) Les langues traditionnelles amérindiennes constituent une partie intégrante de leurs cultures et de leurs identités, et forment le moyen de base pour la transmission et la survie des cultures amérindiennes, de leurs littératures, leur histoire, leurs religions, leurs institutions politiques et leurs valeurs;

(4) Il est une pratique généralisée qui consiste à traiter les langues amérindiennes comme si elles étaient des anachronismes;

(5) Il y a un manque de politique fédérale claire, complète et cohérente quant au traitement des langues amérindiennes qui ont souvent abouti à des actes de suppression et à l'extermination des cultures et des langues amérindiennes;

La loi reconnaît ainsi le tort que les États-Unis ont causé aux nations amérindiennes et le manque de politique claire et cohérente quant au traitement des langues amérindiennes. L'article 104 de la Loi sur les langues amérindiennes de 1990 déclare que la politique des États-Unis est de préserver, sauvegarder et promouvoir les droits et libertés des Amérindiens afin d'employer, pratiquer et développer les langues amérindiennes:

Paragraphe 104 [traduction]

La politique des États-Unis est de: 

(1) Préserver, sauvegarder et promouvoir les droits et libertés des Amérindiens afin d'employer, pratiquer et développer les langues amérindiennes;

La Loi sur les langues amérindiennes (alinéas 5 et 6 du paragraphe) veut reconnaître le droit aux autochtones d'employer leurs langues dans toutes les écoles financées par le Secrétariat à l'Intérieur et de prendre des mesures pour accorder le statut officiel à leurs langues:

Paragraphe 104 [traduction]

(5) Reconnaître le droit des tribus indiennes et d'autres Amérindiens administrant des organismes d'employer les langues amérindiennes comme moyen d'instruction dans toutes les écoles financées par le secrétaire de l'Intérieur;

(6) Reconnaître entièrement le droit inhérent des tribus indiennes et d'autres Amérindiens administrant des organismes, des États, des territoires et possessions des États-Unis de prendre des mesures et d'accorder le statut officiel à leurs langues amérindiennes dans le but de conduire leurs propres affaires;

L'alinéa 8 du même paragraphe (de la Loi sur les langues amérindiennes de 1990) encourage tous les établissements d'enseignement primaire, secondaire et supérieur d'inclure, en cas de nécessité, des langues amérindiennes dans leurs programmes d'études, de la même manière que les langues étrangères, et d'accorder pour la compétence en langues amérindiennes les mêmes crédits universitaires que pour la compétence en langues étrangères:

(8) Encourager tous les établissements d'enseignement primaire, secondaire et supérieur d'inclure, en cas de nécessité, des langues amérindiennes dans les programmes d'études, de la même manière que les langues étrangères, et d'accorder pour la compétence en langues amérindiennes les mêmes crédits universitaires que pour la compétence en langues étrangères.

Enfin, le paragraphe 107 précise que «rien dans cette loi ne sera interprété comme excluant l'usage de fonds fédéraux pour apprendre l'anglais aux Amérindiens».

7.3 Les écoles de survie

Pour sa part, la Loi sur les langues amérindiennes de 1992 a été adoptée pour accorder des programmes de subvention permettant d'assurer la survie et la vitalité des langues autochtones, les "survival schools". Les buts pour lesquels le gouvernement américain veut attribuer des subventions consistent à faciliter et encourager le transfert des habiletés langagières amérindiennes d'une génération à un autre, de former des interprètes ou des traducteurs pour ces langues, de développer du matériel pédagogique dans l'enseignement, de favoriser la production d'émissions de radio et de télévision en langues amérindiennes, d'enregistrer, compiler et analyser des témoignages oraux dans ces langues et enfin de permettre l'achat d'équipements audiovisuels, d'ordinateurs et de logiciels afin de produire des documents en langues amérindiennes. Les subventions prévoient couvrir plus de 80% des coûts des projets soumis pour les langues amérindiennes.

La loi de 2001 modifiant la Loi sur les langues amérindiennes prévoit favoriser les écoles de survie en langue amérindienne (Native American Language Survival Schools).  Selon le paragraphe 2, les objectifs de cette loi visent notamment à encourager et soutenir le développement d'écoles de survie en langue amérindienne (Native American Language Survival Schools) comme des moyens innovateurs de réparer les effets de discrimination passée contre les locuteurs des langues amérindiennes et de soutenir la revitalisation de ces langues par l'éducation en langues amérindiennes et par l'instruction dans d'autres matières scolaires soumises à l'emploi des langues amérindiennes comme un moyen d'instruction, compatible avec la politique des États-Unis, telle qu'exprimée dans la Loi sur les langues amérindiennes.

La loi de 2001 prétend également démontrer les effets positifs des écoles de survie en langue amérindienne sur le succès scolaire d'élèves ou d'étudiants amérindiens, ainsi que leur maîtrise en anglais standard.

Paragraphe 2 [traduction]

Les objectifs de la présente loi sont:

(1) D'encourager et soutenir le développement d'écoles de survie en langue amérindienne comme des moyens innovateurs de réparer les effets de discrimination passée contre les locuteurs des langues amérindiennes et de soutenir la revitalisation de ces langues par l'enseignement dans les langues amérindiennes et par l'instruction dans d'autres matières scolaires soumises à l'emploi des langues amérindiennes comme moyen d'enseignement, conformément avec la politique des États-Unis telle qu'elle est prévue dans la Loi sur les langues amérindiennes (25 USC 2901 et suiv.);

(2) De démontrer les effets positifs des écoles de survie en langue amérindienne sur la réussite scolaire des élèves amérindiens et leur maîtrise en anglais standard; [...]

En vertu des dispositions de cette loi, il est prévu d'offrir l'instruction et la protection chez les enfants dans une langue amérindienne pour un groupe d'au moins 10 enfants âgés de sept ans pour au moins 700 heures annuelles. Le secrétaire à l'Éducation est autorisé à fournir des fonds pour les organisations éducatives, les écoles et collèges en langues amérindiennes, les administrations indiennes tribales (Indian tribal governments) afin de faire fonctionner, étendre et augmenter les écoles de survie en langue amérindienne, partout aux États-Unis et dans leurs territoires, pour des enfants amérindiens parlant ou non une langue amérindienne. Toute école de survie en langue amérindienne peut bénéficier des fonds prévus par la loi et accordera pas moins de 700 heures d'instruction en langue amérindienne par élève, pour un groupe d'au moins 15 personnes pour lesquelles une école de survie en langue amérindienne est leur lieu principal d'éducation.

Le problème principal de ces lois est qu'elles arrivent trop tard, alors que de nombreuses langues autochtones (amérindiennes ou insulaires) sont moribondes. D'ailleurs, la législation parle de «survie» ou de "survival schools" (Native American Language Survival School), pas tellement de promotion. On peut aussi se demander s'il ne s'agit pas, encore une fois, une autre façon de mieux enseigner l'anglais en tant que langue seconde en attendant qu'elle devienne la première langue. En tous cas, ce n'est pas avec ce genre de loi qu'on fera renaître, par exemple, la langue hawaïenne.

7.4 La protection mise à mal

Durant la campagne électorale de 2024, Donald Trump avait promis d'améliorer le sort des autochtones, sans trop donner de détails, alors que l'autonomie gouvernementale des communautés locales semble être la clé de leur prospérité. La majorité des communautés a voté pour Trump à la présidence.  Pourtant, un mois après son assermentation comme président, celui-ci autorisait la résiliation de tous les baux de la plupart des propriétés utilisées par le Bureau des Affaires indiennes (BIA) et l'Indian Health Service (IHS).

- Le droit du sol

De plus, les peuples autochtones des États-Unis sont préoccupés par la tentative du président Trump de mettre fin au droit du sol, un droit constitutionnel, en utilisant une cause du XIXe siècle qui avait refusé la citoyenneté à un Amérindien. À l'époque, les peuples autochtones n'étaient pas considérés comme des citoyens des États-Unis. Or, le 14e amendement stipule que «toutes les personnes nées ou naturalisées aux États-Unis et soumises à leur juridiction sont citoyens des États-Unis». De plus, l'administration Trump se trouve à nier les précédents juridiques du XIXe siècle antérieurs à la Loi sur la citoyenneté indienne de 1924, qui accordait la citoyenneté américaine à tous les Amérindiens. De récentes contestations ont suggéré une possible reconsidération de leur statut. Les juristes et les défenseurs des peuples autochtones soutiennent que de telles mesures pourraient porter atteinte à la «souveraineté tribale» ("tribal sovereignty") et aux droits issus de traités.

Au cours des semaines suivant l'assermentation de Trump, des raids de la part des services de l’Immigration et des douanes (ICE) ont eu lieu dans tout le pays et signalaient à tort des citoyens autochtones comme des immigrants illégaux.

- La réduction des services aux autochtones

Les coupes sombres opérées par le président Donald Trump dans les effectifs fédéraux et les dépenses gouvernementales ont déjà eu des répercussions sur tout le territoire indien, laissant les communautés dans une profonde incertitude quant à leurs cliniques de santé, leurs écoles, leurs services de police et leurs équipes de lutte contre les incendies de forêt. Les Amérindiens servent dans l’armée dans des proportions plus élevées que tout autre groupe, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux coupes dans les soins aux anciens combattants.

Quant aux écoles situées sur les terres indiennes et sous les auspices du Bureau of Indian Education (BIE), elles comptent parmi les écoles publiques les moins performantes du pays. Par ailleurs, les dirigeants autochtones craignent également que les efforts continus de Trump pour réduire les programmes DEI (Diversité, équité, inclusion) puissent cibler par erreur le financement des communautés autochtones. Or, les coupes budgétaires de Trump ont également visé les écoles qui accueillent les membres des communautés.

Il existe actuellement 37 collèges et universités autochtones accueillant plus de 15 000 étudiants aux États-Unis. Ces établissements offrent un enseignement culturellement pertinent, intégrant les langues, l'histoire et les traditions autochtones dans leurs programmes. Les récents défis de financement et les changements de politique ont menacé le soutien fédéral à ces institutions, ce qui a eu un impact sur l'accès des étudiants autochtones à l'enseignement supérieur.

L'éducation, comme les soins de santé, fait partie de la responsabilité du gouvernement fédéral envers les peuples autochtones. De nombreux experts juridiques estiment que les efforts de l'administration Trump pour réduire les dépenses des agences fédérales et couper les fonds aux communautés autochtones sont susceptibles de violer les obligations du gouvernement. En effet, les services aux autochtones ne résultent pas d'un pacte d’altruisme national; ils sont inscrits dans des traités vieux de quelques siècles que le gouvernement fédéral doit respecter. Des organismes comme la Ligue Maya Internationale et le Congrès national des Indiens d’Amérique affirment que le manque de services adéquats en langues autochtones à la frontière viole de nombreuses lois et normes internationales.

- La violation des traités

Rappelons que la Constitution des États-Unis stipule que les traités signés entre les nations autochtones et le gouvernement américain constituent la loi suprême du pays, supérieure aux lois des États et, une fois signés, entrent en vigueur à moins qu'ils ne soient remplacés par des lois du Congrès. À ce jour, il existe 574 tribus ou nations reconnues par le gouvernement fédéral aux États-Unis, dont plus de 220 villages autochtones d'Alaska. Les nations autochtones, en tant que souveraines, détiennent un statut unique auprès des États-Unis basé sur environ 374 traités contraignants qui ont été ratifiés entre les États-Unis et les nations autochtones jusqu'en 1871. Les programmes de financement fédéraux et les mécanismes de réglementation qui fournissent des services et facilitent la souveraineté et l'autodétermination des nations tribales sont créés par des lois et des politiques fédérales renforçant l'obligation du gouvernement fédéral de s'acquitter de sa responsabilité d'aider et de soutenir les nations autochtones, leurs citoyens et leurs institutions.

Sans qu’il ne soit nécessaire de le préciser dans des textes juridiques, le gouvernement fédéral américain a toujours favorisé l'anglais et a toujours pratiqué des politiques expansives pour l'anglais, mais restrictives pour les autres langues, y compris celles des autochtones. Les pratiques administratives passées et actuelles illustrent ce procédé, de même que la politique d’enseignement bilingue destinée à intégrer les immigrants et les autochtones à la société américaine. Quant aux politiques d’internationalisation de l'anglais, il s’agit de pratiques officieuses et bien planifiées de la part des intervenants gouvernementaux, militaires, financiers, industriels, etc. Les Américains sont devenus en ce domaine les apôtres les plus zélés du mouvement d’internationalisation de l’anglais et essayent d’en propager la doctrine aux quatre coins du monde. Ils semblent avoir compris que l’expansion culturelle et linguistique favorise, en général, l’expansion économique. 

Cet effort américain pour répandre l’anglais et la culture américaine n’a probablement pas son équivalent ailleurs dans le monde. Les politiques linguistiques américaines correspondent à celles d’un grand État puissant et prédateur qui ne s’en laisse pas imposer par l'extérieur, qui recourt à des pressions juridiques à l'intérieur de ses propres frontières, bien qu’il dispose de moyens autrement plus efficaces. Il est peut-être malaisé de prétendre hors de tout doute que la domination de l’anglais dans le monde ait été délibérément voulue, organisée et soutenue par les États-Unis ou par tout autre État anglo-saxon, parallèlement à leurs démarches sur l’échiquier politique ou à la pénétration de leurs firmes internationales sur le marché économique. Mais la politique linguistique d'expansion de la langue existe bel et bien. Certes, la «guerre des langues» n'a jamais, nulle part dans le monde, été réellement déclarée. Néanmoins, il ne faut pas oublier que, à la différence des empires romain ou britannique, l'impérialisme américain en est un de démocratie et de liberté, qui exclut en principe la conquête de territoires ou la colonisation.

Tout cela est en train de changer. Avec le retour de Donald Trump aux commandes et ses attaques contre la science et les scientifiques, sans compter ses visées expansionnistes au Groenland, au Canada et à Panama, les États-Unis risquent aussi de de perdre leur «grandeur», car les autorités vont favoriser la pensée unique. Trump ne veut pas convaincre : il agit comme s’il voulait empêcher toute alternative intellectuelle d’exister. La deuxième présidence de Trump ne fera qu’accélérer le déclin des États-Unis, bien que tout cela ne changera rien pour la diffusion de l'anglais dans le monde, car le déclin d'une grande langue ne suit pas la même courbe que celle de la nation qui la parle.

Dernière mise à jour: 10 mars 2025
 

Les États-Unis d'Amérique

 

(1) Les États-Unis d'Amérique: situation générale
(2) La politique linguistique fédérale
(3) Les États américains: présentation générale
(4) Liste des États américains disponibles
(5) Bibliographie

Histoire sociolinguistique des États-Unis

Amérique du Nord

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