Član 13
Jezik i pismo
1) Službeni jezik u Crnoj Gori je crnogorski jezik. 2) Cirilicno i latinicno pismo su ravnopravni. 3) U službenoj upotrebi su i srpski, bosanski, albanski i hrvatski jezik. |
Article 13
Langue et alphabet
1) La langue officielle du Monténégro est le monténégrin. 2) Les alphabets cyrillique et latin sont égaux. 3) Le serbe, le bosniaque, l'albanais et le croate sont aussi d'usage officiel. |
Mot à mot, les termes sont les suivants:
- Službeni jezik = officielle + langue;
- Crnoj Gori = montagne + noire (Monténégro);
- crnogorski jezik = monténégrin(e) + langue.
Pour des raisons de stylistique et pour éviter la répétition du même mot, il vaut mieux écrire en français au 1er paragraphe «le monténégrin» plutôt que «la langue monténégrine» ("crnogorski jezik"). De plus, les alphabets cyrillique et latin sont réputés égaux. Par comparaison avec la Constitution précédente de 1992, la langue officielle n'est plus la «langue serbe issue du dialecte iékavien», mais le monténégrin. Ce changement de nom est très significatif, puisqu'il témoigne de la distance prise par le Monténégro à l'égard de la Serbie... et de sa langue. La présente Constitution du Monténégro distingue le monténégrin du serbe, du bosniaque et du croate, en plus de l'albanais (ce qui est normal dans ce dernier cas), le serbo-croate étant disparu dans les textes juridiques de tous les pays slaves.
Au Monténégro, en plus du monténégrin, les langues serbe, bosniaque, croate et albanaise sont aussi «d'usage officiel», selon l'expression consacrée dans les textes de loi. Le monténégrin se trouve donc dans une hiérarchie plus élevée, ce qui n'est pas le cas du serbe, du bosniaque, du croate et de l'albanais. Sinon on trouverait au 1er paragraphe que «les langues officielles du Monténégro sont le monténégrin, le serbe, le bosniaque, le croate et l'albanais», soit cinq langues officielles. Le monténégrin est donc la seule langue officielle, alors que les autres langues citées sont co-officielles ou «d'usage officiel».
Cependant, la Constitution ne précise pas la différence de statut entre la «langue officielle» et les langues «d'usage officiel». Nous verrons plus loin de quelle manière ces langues bénéficient de ce statut, tout en nous rappelant que le monténégrin, le serbe, le bosniaque et le croate sont la même langue et que, dans les faits, seul l'albanais étant vraiment distinct. C'est ainsi qu'en Croatie la variante serbe parlée en Croatie est appelée «croate»; la variante serbe parlée en Bosnie-Herzégovine, le «bosniaque». De même, la variante serbe du Monténégro est dorénavant appelée «monténégrin».
1.2 La justification du monténégrin
Dans la Constitution de 1992 de la république du Monténégro intégrée dans la Yougoslavie, la langue des Monténégrins était appelée «serbe» (српски језик, en serbe cyrillique; srpski jezik, en serbe latin):
Члан 15
1) У Савезној Републици Југославији у службеној употреби је српски језик екавског и ијекавског изговора и ћириличко писмо, а латиничко писмо је у службеној употреби, у складу са уставом и законом.
2) На подручјима Савезне Републике Југославије где живе националне мањине у службеној употреби су и њихови језици и писма, у складу са законом. |
Article 15 [abrogé]
1) En République fédérale de Yougoslavie, la langue serbe dans sa prononciation ékavienne et iékavienne, et l’alphabet cyrillique sont d’usage officiel, ainsi que l’alphabet latin qui est d’usage officiel, conformément à la Constitution et à la loi.
2) Dans les territoires de la République fédérale de Yougoslavie où vivent des minorités nationales, leurs langues et leurs alphabets sont d'usage officiel, conformément à la loi. |
- La déclaration du PEN
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Depuis la création du Centre PEN du Monténégro ("Crnogorski PEN Centar") en 1990, alors que le régime communiste à parti unique dans ce qui était alors la Yougoslavie prenait fin, des linguistes monténégrins proposèrent une nouvelle orthographe pour la langue officielle qu'ils nommèrent «langue monténégrine» ("crnogorski jezik"). Le Centre PEN a toujours œuvré pour promouvoir l'usage de la langue monténégrine. Le Centre PEN en a fait une déclaration en 1997: Déclaration du Centre monténégrin du PEN sur la position constitutionnelle de la langue monténégrine.
La déclaration du PEN présente une justification du terme «monténégrin» pour désigner la langue officielle du Monténégro. Jusque vers 1992, on utilisait encore le terme «serbo-croate», mais avec la désintégration de la République fédérale socialiste de Yougoslavie, le terme de serbo-croate fut abandonné dans toutes les républiques où il était officiel. Ainsi, les Croates ont opté définitivement pour le croate, les Serbes pour le serbe, les Bosniaques pour le bosniaque. |
Par le fait même, il ne restait que les Monténégrins pour continuer à recourir à un mot d'une autre nation pour désigner leur langue officielle, alors que toutes les langues slaves, à l'exception de la langue des Monténégrins, portent leur nom ethnique national pour désigner leur langue: le serbe, le croate, le bosniaque, le slovène, le tchèque, le polonais, le russe, le bulgare, etc. D'un point de vue scientifique, il ne paraissait pas de motif suffisant pour ne pas désigner la langue officielle du pays par son nom, le Monténégro.
Les auteurs de la déclaration de 1997 ne prétendaient pas que la «langue monténégrine» constituait une autre langue distincte du serbe. Ils voulaient signifier que le terme «monténégrin» faisait partie du «système stokavien» que les Monténégrins ont hérité avec les Serbes, les Croates et les Bosniaques. Ces auteurs n'acceptaient pas que leur langue monténégrine soit présentée et traitée comme une sous-variante ou pire comme un «dialecte du serbe», comme le prétendaient d'ailleurs les Serbes. Pour les experts, génétiquement, typologiquement et structurellement, la langue monténégrine n'est rien d'autre qu'une variante du système linguistique slave, avec ses particularités phonologiques, prosodiques, morphologiques, syntaxiques, sémantiques, lexico-phraséologiques, orthographiques et autres, ainsi que sa propre histoire et son affirmation littéraire.
- Exit le serbe
Dans ces conditions, la nouvelle Constitution d'un Monténégro devait supprimer toute allusion à la langue serbe. Les auteurs exigèrent que dans la Constitution de la république du Monténégro la langue des Monténégrins soit désignée comme la langue monténégrine, car c'est l'une des conditions essentielles de la liberté et de la survie du peuple monténégrin. Avec le changement constitutionnel de la langue serbe en langue monténégrine, les Monténégrins ne seront plus de jure désignés comme des Serbes, ce qui constitue un génocide linguistique contre le peuple monténégrin. En somme, les Monténégrins réclament le droit d'appeler leur langue nationale comme ils le veulent, bien que les Serbes aient voulu proposer l'appellation "crnogorsko-srpski", c'est-à-dire le «monténégrin-serbe». Même s'il s'agit de la même langue, le sentiment politique et ethnique des locuteurs du monténégrin, du serbe, du croate et du bosniaque est tel qu'ils ne s'identifient qu'à la norme de la langue de leur ethnicité, c'est-à-dire leur État.
1.3 Une loi pour la protection du monténégrin ?
Il n'existe pas de loi pour protéger ou promouvoir la langue monténégrine. Les experts de cette langue sont divisés sur la question de savoir si le pays a besoin d'une loi pour protéger la langue officielle, car si certains croient qu'une telle loi est nécessaire, d'autres soutiennent que ce n'est même pas utile. Il faut convenir que le monténégrin n'est parlé que par une majorité relative (47,4%), non par une majorité absolue qui serait de plus de 50%. La langue serbe suit de près avec 30,0%, puis le bosniaque (8,2%), l'albanais (4,7%) et le croate (0,9%). Bref, l'ensemble des autres langues détient la majorité absolue. Par ailleurs, le serbe exerce une sérieuse concurrence au monténégrin, ne serait-ce qu'en fonction du nombre de locuteurs du serbe dans le monde: plus de sept millions de personnes parlent le serbe contre un peu plus de 300 000 pour le monténégrin.
Les partisans d'une loi sur la promotion et la protection du monténégrin affirment que l'État doit en faire davantage pour protéger à la fois la langue monténégrine, sa culture ainsi que son enseignement dans les écoles parce que le concurrence linguistique ne joue pas en sa faveur. Ces défenseurs du monténégrin citent des pays qui démontreraient qu'il est nécessaire de protéger une langue officielle; il s'agirait de la Serbie et de la Slovénie. Pourtant, aucun de ces deux États n'a adopté de loi sur LA langue officielle, soit le serbe et le slovène. Par contre, d'autres pays se sont effectivement dotés d'une loi pour protéger leur langue officielle, laquelle n'est parlée principalement que dans leur pays: l'arménien en Arménie, l'azéri en Azerbaïdjan, l'estonien en Estonie, le géorgien en Géorgie, le kirghiz au Kirghizistan, le lituanien en Lituanie, le letton en Lettonie, le macédonien en Macédoine du Nord, etc. Tous ces pays ont en commun une langue qui n'est officielle que dans leur pays et qui a subi dans le passé une forte concurrence du russe. Comme c'est encore le cas au Monténégro avec le serbe et le russe!
Les opposants à une loi sur la langue officielle estiment qu'une telle intervention est totalement inutile, puisqu'on n'impose pas une langue par des lois, des règlements, des restrictions ou des pénalités. Évidemment, les opposants sont surtout des Serbes et des Albanais, ce qui semble normal dans la mesure où leurs intérêts ne sont pas ceux des locuteurs du monténégrin.
Par ailleurs, il est vrai que la seule coercition pour promouvoir une langue rend difficile l'adhésion des locuteurs à cette langue. Il faut aussi qu'une langue séduise pour attirer les locuteurs. Il faut qu'il y ait des avantages à la parler, sinon elle sera délaissée, même par les locuteurs dont c'est la langue maternelle. Aussi, pour changer le statut d'une langue, notamment le rehausser, il faut recourir à la fois à la séduction et à la coercition, car la seule incitation ne donne aucun résultat à long terme, alors que la seule coercition peut braquer les locuteurs contre la langue.
1.4 Les langues d'usage officiel
Lorsque la loi fait référence aux «langues d'usage officiel», elle suppose que ce statut s'applique à des minorités. Or, l'article 2 de la Loi sur les droits et libertés des minorités (2011) donne la définition suivante des minorités:
Article 2
Les peuples minoritaires et autres communautés nationales minoritaires, au sens de la présente loi, sont des groupes de citoyens du Monténégro, numériquement plus petits que le reste de la population majoritaire et qui possèdent des caractéristiques ethniques, religieuses ou linguistiques communes, différentes du reste de la population, qui sont historiquement liés au Monténégro et motivés par le désir d'exprimer et de préserver leur identité nationale, ethnique, culturelle, linguistique et religieuse. |
La loi mentionne qu'il s'agit, entre autres, de «groupes de citoyens du Monténégro numériquement plus petits que le reste de la population majoritaire». En plus de posséder des caractéristiques ethniques, culturelles et linguistiques, il faut avoir la citoyenneté du Monténégro et faire partie d'une communauté numériquement plus petite que la population majoritaire. Or, au Monténégro, il n'y a pas de majorité absolue, puisque les Monténégrins ne représentent que 47,4% de la population, alors que les Serbes sont 30,0%, les Bosniaques 8,2%, les Albanais 4,7%. Dans les circonstances, il s'agit pour les Monténégrins d'une majorité relative. Quant aux membres d'une minorité, il leur faut aussi être citoyens du Monténégro s'ils veulent exercer leurs droits minoritaires.
Les modalités concernant les langues d'usage officiel apparaissent dans la Loi sur les droits et libertés des minorités (2011):
Article 11
1) Les peuples minoritaires et les autres communautés nationales minoritaires et leurs membres ont le droit d'employer leur langue et leur alphabet.
2) Dans les unités d'autonomie locale dans lesquelles les membres des peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires constituent la majorité ou une partie significative de la population, selon les résultats du dernier recensement, la langue de ces peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires doit être d'usage officiel.
3) L'usage officiel des langues des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires, au sens du paragraphe 2 du présent article, comprend notamment l'emploi des langues dans la procédure administrative et judiciaire et dans le déroulement de la procédure administrative et judiciaire, dans l'émission des actes publics et la tenue des registres officiels, sur les bulletins de vote et autres documents, ainsi que dans les activités des organismes représentatifs.
4) Dans les territoires d'autonomie locale visés au paragraphe 2 du présent article, les noms des organismes exerçant l'autorité publique, le nom de l'unité d'autonomie locale, le nom des localités, des places et des rues, des institutions, des entreprises et autres entreprises et des toponymes doivent être écrits dans la langue et l'écriture des peuples minoritaires et autres communautés nationales minoritaires. |
Ce qui est mentionné dans cet article 11, c'est que ce sont les unités d'autonomie locale, c'est-à-dire les municipalités et les autres localités, qui doivent tenir compte des langues d'usage officiel. Le serbe, le bosniaque, l'albanais et le croate ne sont pas des langues officielles dans tout le pays, mais en principe dans les localités où les locuteurs de ces langues sont concentrés.
Le Monténégro compte 24 municipalités qui ont toutes le monténégrin comme langue officielle. La Constitution énonçait que les langues d'usage officiel étaient celles des groupes qui formaient au moins 1% de la population du Monténégro, selon le recensement de la population de 2003. Mais la Loi sur la protection des droits et libertés des minorités nationales de 2002 (aujourd'hui abrogée) précisait que le pourcentage de membres des minorités nationales dans la population totale du gouvernement local devrait être de 15% pour que leur langue et leur alphabet soient introduits dans l'usage officiel.
Article 11
L'emploi officiel de la langue et de l'alphabet
1) Sur le territoire d'une unité d'autonomie locale où vivent traditionnellement des membres des minorités nationales, leur langue et leur alphabet peuvent être en usage officiel égal.
2) Toute unité d'autonomie locale introduira obligatoirement la langue et l'alphabet d'une minorité nationale dans un usage officiel égal par son statut si le pourcentage de membres de cette minorité nationale dans la population totale de son territoire atteint 15% selon les résultats du dernier recensement. L'unité d'autonomie locale doit introduire la langue et l'alphabet de la minorité nationale dans l'usage officiel au plus tard 90 jours à compter de la détermination du respect des conditions prescrites par la loi.
3) Dans une unité d'autonomie locale où la langue d'une minorité nationale est d'usage officiel au moment de la promulgation de la présente loi, elle restera d'usage officiel.
4) L'usage officiel de la langue des minorités nationales visée au paragraphe 1 du présent article comprend notamment: l'emploi de la langue des minorités nationales dans toute procédure administrative et judiciaire, ainsi que dans le déroulement et la conduite de la procédure administrative et judiciaire dans la langue de la minorité nationale; la publication des documents publics et la tenue des registres officiels et des collections de données à caractère personnel dans les langues des minorités nationales et l'acceptation des documents dans ces langues comme valides; l'emploi des langues sur les bulletins de vote et le matériel de vote, l'usage des langues dans les travaux des organismes représentatifs.
5) Dans les territoires visés au paragraphe 2 du présent article, les noms des organismes exerçant l'autorité publique, les noms des collectivités locales autonomes, des localités, des places et des rues et des autres toponymes doivent également être écrits dans la langue de la minorité nationale respective, selon sa tradition et son orthographe. |
En réalité, depuis 2017, toutes les municipalités ont, en plus du monténégrin, au moins une autre langue d'usage officiel, du moins de facto. Cependant, ce statut des langues co-officielles n'est pas fréquemment proclamé dans les statuts des municipalités, c'est-à-dire de jure. En effet, seules cinq municipalités parmi les 24 du pays ont adopté dans leurs statuts des dispositions concernant les langues d'usage officiel: Podgorica (la capitale), Ulcinj, Tuzi, Gusinje et Petnjica:
Localité |
Nombre de langues |
Langues officielles |
Statuts |
Podgorica |
5 |
monténégrin (57,3%), serbe (23,2%), albanais (5,1%), bosniaque (1,9%), croate (0,47%) |
Statuts de la Ville de Podgorica (2019) |
Ulcinj |
2 |
monténégrin (12,6%), albanais (70,6%) |
Statuts de la municipalité d'Ulcinij (2019) Règlement intérieur (2020) |
Tuzi |
3 |
monténégrin (11,7%), albanais (50,2%), bosniaque (19,6%) |
Statuts de la municipalité de Tuzi (2019) |
Gusinje |
3 |
monténégrin (2,8%), albanais (10,1%), bosniaque (68,9%) |
Statuts de la municipalité de Gusinje (2018) |
Petnjica |
3 |
monténégrin (1,5%), bosniaque (83,0%), serbe (0,1%) |
Statuts de la municipalité de Petnjica (2014) |
- La municipalité de Podgorica
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La ville de Podgorica est la capitale qui abrite une population de quelque 186 000 habitants. Il s'agit d'une population très diversifiée, car la capitale attire beaucoup de citoyens, dont des Monténégrins (57,3%), des Serbes (23,5%), des Roms (2,1%), des Bosniaques (1,9%), des Albanais (5,1%), des Croates (0,3%), ainsi que plusieurs autres petites communautés.
Les Statuts de la Ville de Podgorica (2019) consacrent trois articles sur la question linguistique. L'article 19 énonce que le monténégrin est la langue officielle de l'Assemblée municipale, que les projets d'actes présentés sont soumis aux débats publics dans cette langue (art. 20) ainsi que l'adoption de ces actes (art. 21). Autrement dit, les Statuts semblent privilégier le monténégrin aux dépens des autres langues.
Pourtant, selon l'article 19.3 des Statuts, il existe quatre langues co-officielles, dont le libellé est le suivant: «Les langues serbe, bosniaque, albanaise et croate sont également d'usage officiel.»
De plus, les Statuts de la Ville ne précisent pas de quelle manière cet usage officiel doit être appliqué. |
- La municipalité d'Ulcinj
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La municipalité d'Ulcinj compte 19 920 habitants, dont 70,6 % sont des Albanais qui constituent donc une majorité absolue. L'article 10 des Statuts de la municipalité d'Ulcinij (2019) proclame que le monténégrin et l'albanais sont d'usage officiel égal. L'article 11 élabore avec précision les modalités qui font en sorte que les deux langues sont co-officielles: toute procédure administrative et judiciaire relevant de la juridiction de la municipalité, y compris les documents publics, les registres, le nom des organismes, des rues, des institutions, les écoles, etc. |
Parfois, les statuts sont accompagnés d'un "Règlement intérieur de l'Assemblée municipale", comme c'est le cas pour la municipalité d'Ulcinj. L'article 4 du Règlement intérieur (2020) reproduit l'article 10 des Statuts, mais ajoute aussi que les projets d'actes doivent être soumis à un débat public en monténégrin et en albanais, lequel doit avoir lieu dans les deux langues, le monténégrin et l'albanais avec l'aide d'un interprète dont les frais sont assurés par le service de l'Assemblée. |
- La municipalité de Tuzi
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La municipalité d'Ulcinj compte 11 400 habitants, dont 11,7 % de Monténégrins, 50,2 % d'Albanais et 19,6 % de Bosniaques. Ce sont donc les Albanais qui forment une majorité absolue, bien qu'à la limite. L'article 18 des Statuts de la municipalité de Tuzi (2019) déclare qu'en plus de l'usage de la langue et de l'alphabet monténégrins officiels, les langues et les alphabets albanais et bosniaques sont d'usage officiel. L'article 19 précise les modalités de cette co-officialité des trois langues: toute procédure administrative et judiciaire relevant de la juridiction de la municipalité, y compris les documents publics, les registres, le nom des organismes, des rues, des institutions, ainsi que tous les actes liés à la loi électorale, à l’expression, à la sauvegarde, à la préservation et au développement ainsi qu'à la manifestation publique des particularités nationales, ethniques, culturelles et religieuses. |
Les Albanais et les Bosniaques ne parlent pas la même langue, mais ils partagent la même religion, l'islam. Ils forment alors une majorité absolue de près de 70% en ce qui a trait à la religion. |
- La municipalité de Gusinje
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Dans la petite municipalité de Gusinje située à la frontière de l'Albanie, qui compte moins de 1700 habitants, les Bosniaques constituent la majorité absolue (68,9%); ils sont suivis des Albanais (10,1%) et des Monténégrins (2,8%). L'article 9 des Statuts de la municipalité de Gusinje (2018) énonce qu'en plus du monténégrin, l'albanais et le bosniaque sont d'usage officiel. L'article 10 stipule que les organismes locaux, les institutions publiques et les entreprises fondées par la municipalité sont tenus d'assurer l'usage de la langue et de l'alphabet des communautés bosniaques et albanaises dans la procédure administrative lors de l'émission de documents publics et de la tenue des registres officiels, de tous les actes liés au suffrage, à l'expression, à la préservation, à l'éducation et au développement et aux manifestations publiques des spécificités nationales, ethniques, culturelles et religieuses. |
De plus, le nom de la municipalité, le nom des localités habitées, des places, des rues, des services publics et des toponymes des lieux doivent être rédigés dans ces langues. Néanmoins, le nom de la municipalité, s'il est identique en monténégrin et en bosniaque, devrait apparaître en albanais comme "Gusinjes" dans le logo. |
- La municipalité de Petnjica
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Petnjica est une municipalité du Nord-Est de moins de 6000 habitants, dans le Sandjak. Les Bosniaques y sont fortement majoritaires (83,0%), alors que les Monténégrins (1,5%) et les Serbes (0,1%) demeurent très minoritaires; les Roms représentent 3,5% de la population.
Les Statuts de la municipalité de Petnjica (2014) ne contiennent qu'un seul article 4 qui se lit comme suit, sans aucune autre précision : «Dans la municipalité de Petnjica, les langues sont d'usage officiel, conformément à la Constitution du Monténégro».
On ne sait pas de quelle langue il s'agit, du bosniaque ou du monténégrin. Le monténégrin est obligatoirement la langue officielle, mais le bosniaque devrait être la langue d'usage officiel. Quoi qu'il en soit, le monténégrin et le serbe sont quasi similaires, mais on ne voit pas comment peut se transposer un minimum de trilinguisme. |
- Les autres municipalités
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Toutes les autres municipalités du pays concernent les Monténégrins et les Serbes, à l'exception de Tivat pour les Croates (20%). Or, les langues monténégrine et serbe sont quasi similaires et ce qui les distingue concerne davantage la culture et l'identité de leurs locuteurs. La plus grande différence linguistique réside dans la préférence des autorités monténégrines d'employer l'alphabet latin, alors que les autorités serbes privilégient l'alphabet cyrillique, bien que les deux États monténégrin et serbe reconnaissent les deux systèmes d'écriture.
De plus, certaines municipalités devraient être bilingues, alors qu'elles ne le sont pas. Par exemple, la municipalité de Rožaje abrite 83,9% de Bosniaques, alors que les Albanais (4,4%), les Serbes (3,9%) et les Monténégrins (1,9%) constituent nécessairement de petites minorités. Pourtant, seul le serbe est d'usage officiel. Il est tout aussi surprenant que le croate (20,1%) ne soit pas d'usage officiel dans la municipalité de Tivat. |
En somme, on ne peut même pas faire allusion à un bilinguisme, si ce n'est que par l'alphabet employé. Dans les assemblées municipales, tous se comprennent sans traduction, chacun parlant dans «sa langue». Qui plus est, les Monténégrins et les Serbes connaissent aisément les deux alphabets puisqu'ils les apprennent dès l'école primaire. Effectivement, les municipalités monténégrines-serbes n'ont que faire du bilinguisme proclamé ou non dans leurs statuts.
Le Parlement (en monténégrin : Skupština Crne Gore / Скупштина Црне Горе) est l'institution monocamérale chargée de l'exercice du pouvoir législatif et du contrôle du gouvernement au Monténégro. Il compte 81 membres (députés) élus selon un système de représentation proportionnelle pour un mandat de quatre ans. Les 81 députés sont élus dans une seule circonscription nationale au scrutin proportionnel à liste fermée. Les sièges sont attribués avec un seuil électoral de 3%. C'est le Parlement qui nomme le premier ministre désigné par le président du Monténégro, ainsi que les ministres choisis par le premier ministre. C'est évidemment le Parlement qui adopte toutes les lois du Monténégro, ratifie les traités internationaux, nomme les juges de tous les tribunaux, adopte le budget et s'acquitte d'autres tâches prévues par la Constitution.
L'article 22a de la Loi sur les droits et libertés des minorités (2011) autorise ainsi la représentation proportionnelle des peuples minoritaires:
Article 22a
La représentation exacte des peuples minoritaires dont la langue est d'usage officiel au Monténégro et dans d'autres communautés nationales minoritaires au Parlement du Monténégro et dans les assemblées des collectivités locales dans lesquelles ils constituent une partie importante de la population est assurée conformément au principe de l'action positive. |
Dans les faits, les groupes minoritaires qui représentent au moins 15% de la population d'une circonscription bénéficient d'une exemption qui abaisse le seuil électoral à 0,7% si leur liste ne dépasse pas le seuil de 3%. Par exemple, pour les Croates, si aucune liste représentant la population ne dépasse le seuil de 0,7%, la liste avec le plus de voix remportera un siège si elle recueille plus de 0,35% des voix. D'après l'article 94 de la Loi sur l'élection des représentants et des députés ("Zakon o izboru odbornika i poslanika") de 2000, les représentants des minorités n’ont pas besoin d’atteindre le seuil de 3% pour entrer au Parlement du Monténégro. Au contraire, selon l’article 94 modifié en 2020, si les partis minoritaires n’atteignent pas individuellement le seuil des 3%, ils peuvent choisir de joindre leurs voix à une liste collective qui garantirait alors jusqu’à trois mandats, à condition que chaque parti minoritaire remporte 0,7% des voix. Le paragraphe 2 du même article établit des règles spéciales pour la minorité croate, qui est numériquement inférieure aux autres communautés minoritaires (Serbes, Bosniaques et Albanais). Si toutes les listes électorales de la minorité croate n’atteignent pas 0,7%, la plus élevée se voit accorder un mandat, à la condition qu’elle atteigne 0,35% des voix. Cette disposition vise à assurer la représentation politique de la minorité croate.
En principe, les principales communautés linguistiques sont représentées au Parlement, mais ce n'est pas automatique. Des difficultés d'application peuvent survenir et empêcher une minorité d'être représentée adéquatement, comme ce fut déjà le cas pour les Croates. Les partis ou groupes qui obtiennent au moins 3% du total des votes valides ont droit à une représentation parlementaire, mais il est possible de ne pas atteindre ce pourcentage. Dans la pratique, les minorités ont intérêt à se regrouper en coalitions afin d'unir leurs forces. C'est une pratique courante chez les Albanais.
2.1 La langue officielle au Parlement
La seule langue officielle employée au Parlement est le monténégrin, avec de préférence l'alphabet latin, mais l'alphabet cyrillique sert de bilinguisme dans les documents écrits. L'article 52 du Règlement du Parlement du Monténégro (2013) autorise un député dont la langue n'est pas d'usage officiel du Monténégro à employer sa langue maternelle lors d'une session de l'Assemblée :
Article 52
Emploi de la langue
Tout député dont la langue n'est pas une langue officielle du Monténégro a le droit de parler dans sa langue maternelle lors d'une session de l'Assemblée, à la condition que, s'il souhaite exercer ce droit, il en informe le secrétaire général de l'Assemblée en temps voulu. |
Plus précisément, seul l'albanais cause des difficultés, car les députés monténégrins, serbes, bosniaques ou croates se comprennent aisément. Depuis le mois de juillet 2016, il est possible à un député albanophone d'employer sa langue à la condition d'avertir le secrétaire général de l'Assemblée, le temps de quérir un traducteur. Il existe en effet, de façon permanente, un système de traduction simultanée en albanais et en monténégrin (et vice versa) qui peut être employé au cours des assemblées parlementaires du Monténégro.
2.2 Les langues dans les collectivités locales
Il est apparemment plus aisé de satisfaire aux exigences demandées dans les collectivités locales, c'est-à-dire les municipalités. L'article 11 de la Loi sur les droits et libertés des minorités (2011) précise ainsi l'emploi des langues minoritaires dans les unités d'autonomie locale :
Article 11
1) Les peuples minoritaires et les autres communautés nationales minoritaires et leurs membres ont le droit d'employer leur langue et leur alphabet.
2) Dans les unités d'autonomie locale dans lesquelles les membres des peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires constituent la majorité ou une partie significative de la population, selon les résultats du dernier recensement, la langue de ces peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires doit être d'usage officiel.
3) L'usage officiel des langues des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires, au sens du paragraphe 2 du présent article, comprend notamment l'emploi des langues dans la procédure administrative et judiciaire et dans le déroulement de la procédure administrative et judiciaire, dans l'émission des actes publics et la tenue des registres officiels, sur les bulletins de vote et autres documents, ainsi que dans les activités des organismes représentatifs.
4) Dans les territoires d'autonomie locale visés au paragraphe 2 du présent article, les noms des organismes exerçant l'autorité publique, le nom de l'unité d'autonomie locale, le nom des localités, des places et des rues, des institutions, des entreprises et autres entreprises et des toponymes doivent être écrits dans la langue et l'écriture des peuples minoritaires et autres communautés nationales minoritaires. |
L'article 11 de la Loi sur l'autonomie locale (2018-2020) prescrit que la municipalité doit fournir les conditions pour la protection et la promotion des droits des minorités, alors que l'article 168 oblige la municipalité à assurer la participation dans leur langue des populations minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires:
Article 11
La municipalité doit fournir les conditions pour la protection et la promotion des droits des minorités ainsi que l'égalité des sexes, conformément à la Constitution, à la loi et aux accords internationaux ratifiés.
Article 168
1) La participation de la population locale à la prise de décision dans les sujets visés à l'article 166 de la présente loi est assurée, en particulier:
5. l'accès du public aux documents, et en particulier à la mise à disposition de ces documents dans un format accessible aux personnes handicapées qui manifestent un intérêt à le faire.
2) La gestion des débats publics dans les municipalités où la majorité ou une partie importante de la population est composée des membres des minorités et d’autres communautés nationales minoritaires doit comprendre également un moyen d’assurer la participation dans leur langue des populations minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires. |
Au point de vue linguistique, les difficultés sont les mêmes qu'au Parlement : seul l'albanais présente de réelles difficultés de compréhension parmi les élus, les autres langues co-officielles étant mutuellement intelligibles. Dans les municipalités où l'albanais est d'usage officiel, les assemblées peuvent se dérouler à la fois en monténégrin et en albanais si les locuteurs de cette langue détiennent la majorité absolue, sauf que la traduction simultanée n'est pas obligatoire. Un albanophone a donc le droit d'employer sa langue au risque de ne pas être compris. Par exemple, la municipalité de Rožaje (23 024 hab.) abrite une majorité de 83,9% de Bosniaques, contre 4,4% d'Albanais, mais ces derniers peuvent constituer une majorité relative dans l'une ou l'autre des 26 localités qui font partie de cette municipalité, notamment les suivantes: Ballotiqi, Boxhovi, Vuçi, Llomnica e Epërme, Dacaj, Bukeli i Epërm, Bukeli i Poshtëm, Ibërci, Kolena, Plluncaj, Rozhaja, Seoshnica et Cërnokërpi.
D'ailleurs, l'article 79 de la Constitution précise que les minorités peuvent «être représentées véritablement au Parlement du Monténégro et aux assemblées des unités d'autonomie locale dans lesquelles ils constituent une partie significative de la population». Il est illusoire de penser que ces assemblées locales peuvent se dérouler à la fois en monténégrin et en albanais. En réalité, ce bilinguisme n'est réel que partiellement dans les municipalités de Gusinje et de Tuzi, mais il est plus systématique dans la seule municipalité d'Ulcinj. Il n'y a pas de représentants politiques des Roms, des Ashkalis ou des Égyptiens des Balkans au niveau municipal.
De façon générale, les Albanais ne sont que fort peu embauchés dans les bureaux des deux municipalités (Tuzi et Ulcinj) où ils constituent une part importante de la population. Les représentants albanais affirment même qu'il n'y avait pas d'employés d'origine albanaise dans plusieurs institutions des deux municipalités: aucun Albanais ne travaille pour la police des frontières locales, ni dans les tribunaux de première instance, ni dans le bureau du procureur, ni dans les services de l'emploi, du travail social, de l'administration fiscale, de la poste ou du parc national de Prokletije à proximité. Il en est ainsi pour les Croates et les Serbes dans la plupart des services publics. En vertu de la Constitution monténégrine, les minorités ont droit à une représentation proportionnelle dans les services publics de l'État et des collectivités d'autonomie locale. Manifestement, cette disposition n'est pas appliquée dans les faits. D'ailleurs, les partis politiques et les organismes serbes et albanais affirment régulièrement que les emplois dans le secteur public sont toujours déterminés par des critères ethniques et politiques, tandis que les soi-disant concours ouverts ne sont que de la poudre aux yeux pour épater la galerie.
Dans la municipalité de Tivat (13 630 hab.), les Croates forment une importante minorité de 20,1%, par rapport aux Serbes (34,6%) et aux Monténégrins (31,0%). Si le serbe est considéré de facto comme une langue d'usage officiel avec l'alphabet cyrillique, le croate n'a pas ce privilège, car il est considéré comme du monténégrin local: il n'est donc jamais employé dans la procédure administrative, ni dans les débats publics ou dans les assemblées municipales. Les noms des organismes qui effectuent des tâches publiques, les noms des établissements, des places et des rues ne sont jamais rédigés en croate.
Le Monténégro comprend 13 tribunaux de première instance ("osobni sudovi") et deux tribunaux de district ("vishi sudovi"). La juridiction de droit commun est le tribunal de première instance qui doit répondre à la plupart des causes civiles et pénales. Il existe aussi une cour d'appel et une Cour suprême. C'est le Conseil de la magistrature qui nomme les juges, sauf celui de la Cour suprême.
3.1 La non-discrimination
Deux articles de la Constitution du 19 octobre 2007 prévoient que toute personne privée de liberté ou accusée a le droit d'être informée dans une langue qu'elle comprend:
Article 29
Privation de la liberté
3) Une personne privée de liberté doit être immédiatement informée dans sa langue ou dans une langue qu'elle comprend des raisons de sa privation de liberté.
Article 37
Le droit à la défense
Chacun a le droit à une défense, en particulier de prendre connaissance de l'accusation portée contre lui-même dans une langue qu'il comprend; d'avoir suffisamment de temps pour préparer sa défense et de se défendre en personne ou par l'intermédiaire d'un avocat de son choix. |
S'il est bien écrit que chaque membre d'une minorité nationale a le droit d'être informé dans une langue qu'il comprend des raisons de son arrestation, il arrive souvent que cette disposition ne soit pas appliquée. Les policiers peuvent expliquer en monténégrin (en serbe ou en bosniaque) les raisons d'une arrestation en croyant que, de toute façon, les inculpés comprennent la langue officielle. L'article 158 du Code pénal du Monténégro (2003-2020) porte la peine encourue à l'égard de la sur la discrimination à l'encontre des minorités:
Article 158
Violation du droit d'employer la langue et l'alphabet
Quiconque, contrairement à la réglementation sur l'usage de la langue et de l'alphabet des peuples ou des membres des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires vivant au Monténégro, refuse ou empêche un citoyen d'employer la langue ou l'alphabet qu'il emploie lorsqu'il exerce ses droits ou s'adresse à des organismes ou à des organisations, se verra infliger une amende ou un emprisonnement jusqu'à un an. |
S'il est plus aisé de veiller à ce que les locuteurs des langues d'usage officiel ne soient pas victimes de discrimination, il est plus difficile de l'éviter chez d'autres minorités qui sont restées plus vulnérables à la discrimination, principalement en raison de préjugés et d'un accès limité aux services sociaux. Le cas est particulièrement flagrant pour les Égyptiens des Balkans, les Roms/Tsiganes et les Ashkalis. La loi sur la citoyenneté et ses règlements d'accompagnement rendent difficile l'obtention de la citoyenneté pour les personnes sans papiers ou celles nées en dehors d'un hôpital. Contrairement à d'autres minorités, les Égyptiens des Balkans, les Roms, et les Ashkalis, par exemple, ne sont que très rarement représentés politiquement au Parlement national et dans les assemblées municipales.
De plus, de nombreux Albanais et de Bosniaques, qui habitent dans le nord et le sud du pays se plaignent fréquemment d'être victimes de discrimination de la part du gouvernement central et de négligence économique. Quelques représentants de ces minorités croient qu'il s'agit d'une politique intentionnelle conçue pour les contraindre à quitter le pays. Même des politiciens serbes qui habitent le pays depuis des générations affirment que le gouvernement ferait preuve de discrimination à l'égard de l'identité nationale, de la langue et de la religion serbes.
En réalité, la plupart des communautés autres que celle des Monténégrins se plaignent de nombreuses discriminations de la part de ces derniers, notamment dans les représentations auprès des instances institutionnelles, dans les emplois reliés à la fonction publique, y compris dans les municipalités, sans oublier les inscriptions sur les panneaux et enseignes dans leur langue, etc.
3.2 La langue officielle et l'interprétariat
De façon générale, les tribunaux se déroulent dans la langue officielle, le monténégrin. Étant donné que Monténégrins, Serbes, Croates et Bosniaques se comprennent sans interprète, le problème de l'intelligibilité ne se pose pas. Cependant, la situation est différente pour les Albanais, ainsi que pour les plus petites minorités, tels les Slovaques, les Roms/Tsiganes, les Roumains, les Égyptiens des Balkans, les Ruthènes, les Bulgares, etc.
Pour toutes ces minorités, la Loi sur la procédure civile (2004-2020) autorise le recours à l'interprétariat lors d'un procès :
Article 7
1) La procédure civile doit se dérouler dans une langue d'usage officiel au tribunal.
2) Les parties et autres participants à la procédure ne comprennent pas ou ne parlent pas une langue d'usage officiel au tribunal, ils ont le droit d'employer leur langue ou une langue qu'ils comprennent.
Article 99
1) Les parties et les autres participants à la procédure ont le droit d'employer leur langue ou une langue qu'ils comprennent devant le tribunal.
2) Si la procédure ne se déroule pas dans la langue de la partie ou des autres participants à la procédure, il leur sera fourni, sur demande, une traduction dans leur langue ou dans une langue qu'ils comprennent concernant toutes les déclarations et preuves écrites, ainsi que de ce qui est présenté à l'audience.
3) Les parties et les autres participants à la procédure sont informés du droit de suivre la procédure orale devant le tribunal dans leur langue par l'intermédiaire d'un interprète, il sera noté dans le procès-verbal qu'ils ont reçu des instructions, ainsi que les déclarations des parties ou des participants. La traduction est effectuée par un interprète.
Article 101
1) Les parties et autres participants à la procédure soumettront les poursuites, les convocations et autres soumissions au tribunal dans la langue d'usage officiel au tribunal.
2) Les parties et autres participants à la procédure peuvent également soumettre leurs déclarations au tribunal dans la langue des minorités nationales qui n'est pas d'usage officiel au tribunal, si cela est conforme à la loi.
Article 102
Les frais de traduction dans la langue des minorités nationales, qui résultent de l'application des dispositions de la Constitution et de la présente loi sur le droit des personnes appartenant à des minorités nationales d'employer leur langue, ainsi que les frais de traduction dans la langue des signes, sont sous la responsabilité du tribunal. |
Dans les articles du Code de procédure pénale (2009-2010), le déroulement est le même. À défaut d'employer le monténégrin (y compris, le serbe, le bosniaque ou le croate), on recourt au service d'un interprète:
Article 7
Langue officielle dans la procédure pénale
1) Dans la procédure pénale, la langue officielle est le monténégrin.
2) Dans un tribunal sur le territoire duquel une partie importante de la population est constituée de membres des peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires (ci-après: les minorités), leur langue est également employée officiellement dans la procédure pénale, conformément à la loi.
Article 8
Le droit d'employer sa langue dans la procédure pénale
1) La procédure pénale se déroule en monténégrin.
2) Les parties, les témoins et toute autre personne participant à la procédure ont le droit d'employer leur propre langue ou une langue qu'ils comprennent dans la procédure. Si celle-ci ne se déroule pas dans la langue de l'un des justiciables, la traduction des témoignages, des documents et de toute autre preuve écrite doit être fournie.
3) Toute personne visée au paragraphe 2 du présent article doit être instruite de son droit à la traduction, mais elle peut renoncer à ce droit si elle connaît la langue dans laquelle se déroule la procédure. Il sera noté dans le procès-verbal que l'instruction et la déclaration des participants à la procédure ont été données.
4) La traduction est confiée à un interprète.
Article 9
Langue dans laquelle les déclarations sont soumises au tribunal, c'est-à-dire dans laquelle le tribunal soumet les déclarations
1) Les poursuites, les convocations et toute autre déclaration doivent être adressées au tribunal en monténégrin.
2) Toute personne privée de liberté peut soumettre des déclarations au tribunal dans sa propre langue ou dans une langue qu'elle comprend.
3) Les convocations, les décisions et tout autre document sont envoyés par le tribunal en monténégrin.
4) Si la langue d'une minorité est également d'usage officiel au tribunal, celui-ci remet les documents judiciaires dans cette langue aux justiciables qui sont membres de cette minorité et qui ont employé cette langue dans la procédure. Ces justiciables peuvent demander que les lettres leur soient remises en monténégrin. |
En réalité, ces dispositions ne concernent que les Albanais et les autres plus petites minorités (slovaques, roms, bulgares, etc.). Selon la législation monténégrine, les tribunaux sont tenus d’informer les parties, lorsqu’il s’agit de représentants des minorités, de la possibilité d’employer leur propre langue dans la procédure. Jusqu’à présent, il n’existe pas de données officielles sur le nombre de procédures menées dans des langues minoritaires. Cette situation découle principalement dû au fait que le choix du déroulement de la procédure différentes langues a été jugée difficile, en particulier en raison des «langues sœurs» issues de l’ancien serbo-croate.
3.3 La sélection des juges
Afin de transposer ce droit à la langue minoritaire, il faut en principe que des juges issus des minorités soient représentés au sein de la magistrature. L'article 30 de la Loi sur le Conseil de la magistrature et les juges (2015-2018) prévoit que la sélection des juges doit tenir compte de la représentation proportionnelle des membres des minorités et des autres communautés nationales minoritaires et de l'équilibre entre les sexes:
Article 30
Décision
1) Les décisions du Conseil de la magistrature sont définitives et un litige administratif peut être engagé contre elles, sauf disposition contraire de la présente loi.
2) Lorsqu'il décide de la sélection des juges et des présidents de tribunaux, le Conseil de la magistrature est tenu de tenir compte de la représentation proportionnelle des membres des minorités et des autres communautés nationales minoritaires et de l'équilibre entre les sexes. |
Jusqu'à présent, la communauté albanaise reprochait au système judiciaire son manque d’indépendance face à l’appareil de l’État. La plupart des juges seraient généralement nommés sur la base de leur affiliation politique ou ethnique, surtout des Monténégrins et des Serbes, plutôt que d’après leurs qualifications professionnelles. Quoi qu'il en soit, rien dans la législation ne laisse supposer que le juge doit connaître la langue de l'accusé ou celle des témoins. Tout laisse croire que c'est par l'entremise d'un interprète que les membres d'une minorité nationale font respecter leurs droits. Les Bosniaques, pour leur part, préféreraient devoir se présenter devant un juge bosniaque de façon à être jugés par un magistrat plus sensible à leur culture. En somme, on peut affirmer que le droit reconnu aux minorités est davantage un droit à la traduction plutôt qu'un droit à la langue.
Par ailleurs, Il y aurait de nombreux cas de torture, ainsi que des traitements inhumains et cruels infligés par des policiers à l'encontre de certains membres des minorités nationales, notamment bosniaques et albanaises, bref des minorités religieuses. Dans de nombreuses situations rapportées par l'organisation "Legal Aid Center" (Centar za pravnu pomoć), les peines prononcées, lorsqu'elles le sont, se révèlent très légères à l'égard des contrevenants. De plus, toutes les procédures judiciaires peuvent être tellement longues qu'elles entraînent parfois des annulations de procès.
Dans les services aux citoyens, il faut distinguer ceux desservis par l'administration centrale, c'est-à-dire le gouvernement national, et ceux des administrations locales, donc ceux des municipalités et des petites localités. Commençons d'abord par les principes généraux qui doivent s'appliquer.
4.1 Les principes généraux
Le premier grand principe concerne l'interdiction de la discrimination. L'article 7 de la Loi sur les fonctionnaires et les employés (2018-2019) interdit aux fonctionnaires et aux employés de l'État toute discrimination à l’encontre des citoyens sur la base de la race, de la couleur, de la nationalité, de l’origine sociale ou ethnique, de l’appartenance à une nation ou à une communauté nationale minoritaire, de la langue, de la religion, etc.:
Article 7
Discrimination interdite
Aucun fonctionnaire ou employé de l’État ne peut pratiquer de la discrimination à l’encontre des citoyens sur la base de la race, de la couleur, de la nationalité, de l’origine sociale ou ethnique, de l’appartenance à une nation ou à une communauté nationale minoritaire, de la langue, de la religion ou des croyances, d'une opinion politique ou autre, de l'orientation sexuelle ou du changement de sexe, de l'identité de genre, et/ou des caractéristiques intersexuées, de l'état de santé, d'un handicap, de l'âge, de l'état de propriété, de l'état matrimonial ou familial, de l'affiliation à un groupe ou de la présomption d'appartenance à un groupe, d'un parti politique, d'un syndicat ou de toute autre organisation, et sur la base d’autres caractéristiques personnelles. |
Il en est ainsi dans la Loi sur l'autonomie locale (2018-2020):
Article 95
Aucun fonctionnaire ou employé de l’État ne peut pratiquer de la discrimination à l’encontre des citoyens sur la base de la race, de la couleur, de la nationalité, de l’origine sociale ou ethnique, de l’appartenance à une nation ou à une communauté nationale minoritaire, de la langue, de la religion ou des croyances, d'une opinion politique ou autre, de l'orientation sexuelle ou du changement de sexe, de l'identité de genre, et/ou des caractéristiques intersexuées, de l'état de santé, d'un handicap, de l'âge, de l'état de la propriété, de l'état matrimonial ou familial, de l'affiliation à un groupe ou de la présomption d'appartenance à un groupe, d'un parti politique, d'un syndicat ou de toute autre organisation, et sur la base d’autres caractéristiques personnelles. |
Il s'agit là de principes affirmés par la loi, de là à être appliqués c'est une autre histoire!
4.2 La représentation proportionnelle et la participation aux décisions
Un autre grand principe réside dans le droit à une représentation proportionnelle dans les services publics, parmi les autorités de l’État et les administrations locales. C'est l'objet de l'article 25 de la Loi sur les droits et libertés des minorités (2011):
Article 25
1) Les peuples minoritaires et les autres communautés nationales minoritaires ont droit à une représentation proportionnelle dans les services publics, parmi les autorités de l’État et les administrations locales.
2) La représentation des membres des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires, aux termes du paragraphe 1 du présent article, est assurée par les organismes compétents responsables des questions de personnel, en coopération avec les conseils des peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires. |
Cette représentation proportionnelle semble avoir été oubliée. Une enquête du ministère des Droits de l'homme et des Minorités menées auprès d'une cinquantaine d'organismes de l'État en 2015 révélait que les minorités au Monténégro restaient très sous-représentées dans les emplois du secteur public. Par exemple, si les Albanais de souche représentent environ 5% de la population du pays, ils ne constitueraient que 1,8% de la main-d'œuvre de l'administration publique du pays, donc bien en dessous de leur pourcentage dans la population. Les Serbes représentent 30% de la population, mais ne comptent que 7,3% des emplois concernant la masse salariale de l’État. Les Bosniaques, les Roms, les Croates, etc., qui sont de plus petites minorités, ont également une part encore moindre des emplois dans l'administration publique.
Par conséquent, les Monténégrins, qui représentent quelque 45 % de la population du pays, occupent un peu plus de 82 % des emplois dans l'administration publique. Non seulement la représentation proportionnelle n'est pas respectée, mais également la non-discrimination!
L'article 26 de la Loi sur les droits et libertés des minorités (2011) énonce que les membres des peuples minoritaires ont le droit de participer à la prise de décisions proposées par les organismes de l’État, surtout lorsque cela concerne leurs intérêts:
Article 26
1) Les peuples minoritaires et les autres communautés nationales minoritaires et leurs membres ont le droit de participer à la prise de décisions et aux décisions proposées par les organismes de l’État qui sont d’intérêt pour la réalisation des droits des peuples minoritaires et d’autres communautés nationales minoritaires, conformément à la loi.
2) La participation visée au paragraphe 1 du présent article comprend des consultations, des sondages d’opinion publique, un dialogue et des procédures spéciales des personnes directement concernées par la décision. |
De la même manière, cette disposition de la loi n'a jamais été vraiment appliquée, sauf dans les petites agglomérations où les minorités sont en nombre suffisant. Un rapport de 2014 du "Minority Rights Group International" (Londres) en arrivait à la même conclusion.
4.3 L'emploi des langues dans l'administration centrale
Le gouvernement et son administration comptent majoritairement des locuteurs appartenant à la communauté monténégrine. Il est possible que les fonctionnaires monténégrins aient tendance à privilégier l'usage de la langue officielle. Ainsi, maîtriser un minimum de la langue monténégrine serait une exigence pour remplir un formulaire dans le but d'obtenir la citoyenneté. C'est l'article 8 de la Loi sur la citoyenneté monténégrine (2008-2019) qui prescrit cette exigence :
Article 8
Acquisition de la nationalité monténégrine par admission
Conformément aux intérêts du Monténégro, la citoyenneté monténégrine par acquisition peut être acquise par une personne qui a présenté une demande et remplit les conditions suivantes:
6. avoir une connaissance de la langue monténégrine dans la mesure où elle permet une communication de base;
Le gouvernement du Monténégro (ci-après: le gouvernement) désigne une organisation d'experts pour déterminer les critères et tester la connaissance de la langue visée au paragraphe 1, alinéa 6 du présent article. |
- La procédure administrative
Selon la Loi sur la procédure administrative (2014-2017), l'emploi du monténégrin est obligatoire et, si un individu ne comprend pas cette langue, une traduction sera fournie:
Article 9
Usage de la langue et de l'alphabet dans la procédure
1) L'organisme de droit public doit diriger la procédure administrative en langue monténégrine.
2) Si une partie ou tout autre participant à la procédure administrative ne comprend pas la langue monténégrine, l'organisme public est tenu de fournir une traduction du déroulement de la procédure dans sa langue ou dans une langue qu'il comprend, ainsi que la remise des convocations et autres documents dans cette langue et son alphabet. |
De fait, la plupart des albanophones ont recourt à la traduction lorsqu'ils communiquent avec l'administration centrale ou une administration municipale, même lorsqu'ils sont majoritaires comme à Tuzi (68,4%) et à Ulcinj (70,6%).
- La langue des entreprises
Pour ce qui est des entreprises installées au Monténégro, la loi est claire en ce qui a trait à l'usage de la langue officielle. L'article 36 de la Loi sur les banques (2008-2017) oblige qu'au moins l'un des cadres étrangers «connaisse la langue parlée d'usage officiel au Monténégro». La Loi sur les entreprises (2020) à l'article 120 que l'inscription dans le Registre central des entreprises commerciales soit rédigée «dans la langue monténégrine», mais une traduction certifiée est autorisée «dans l'une des langues d'usage officiel dans l'Union européenne»:
Article 120
Publication de données
8) Outre la publication obligatoire des documents et données visés au paragraphe 1 du présent article et à l'article 115 de la présente loi dans la langue monténégrine, l'autorité d'enregistrement compétente autorise la publication dans une traduction certifiée dans l'une des langues d'usage officiel dans l'Union européenne.
9) En cas d'incohérence entre les documents et les données publiés en monténégrin et leur traduction visée au paragraphe 8 du présent article, l'entreprise ne peut pas invoquer la traduction publiée contre des tiers, tandis que des tiers peuvent se référer aux traductions publiées, sauf lorsque l'entreprise prouve que ces personnes connaissaient le contenu de la version publiée en monténégrin. |
Quant à l'article 5 de la Loi sur les marchés publics (2019), le choix de la langue est plus diversifié, puisqu'il permet de mener la procédure d'appel d'offres en monténégrin ou «dans une autre langue d'usage officiel au Monténégro», voire une langue employée dans le commerce international:
Article 5
Langue de la procédure de passation des marchés publics
1) L'entité adjudicatrice doit préparer la documentation relative à l'appel d'offres et mener la procédure dans la langue monténégrine ou dans une autre langue d'usage officiel au Monténégro.
2) Le pouvoir adjudicateur peut également préparer le dossier d'appel d'offres ou des parties individuelles du dossier de l'appel d'offres dans la langue utilisée dans le commerce international.
3) La demande de qualification et l'offre doivent être rédigées dans la langue fournie par le dossier de l'appel d'offres.
4) L'entité adjudicatrice peut stipuler que la demande de qualification et l'offre doivent être rédigées en partie dans la langue employée dans le commerce international, dans la partie relative aux caractéristiques techniques, à la qualité et à la documentation technique.
5) Si le soumissionnaire soumet une partie de l'offre dans la langue employée dans le commerce international conformément à la documentation relative à l'appel d'offres, le pouvoir adjudicateur est tenu de fournir des traductions par un interprète certifié de tous les documents qui ne sont pas rédigés dans la langue visée au paragraphe 1 du présent article. |
Cependant, dans le cas où le soumissionnaire soumet une partie de l'offre dans la langue employée dans le commerce international, il faut néanmoins fournir des traductions par un interprète certifié de tous les documents qui ne sont pas rédigés en monténégrin.
- La langue des citoyens
L'article 5 de la Loi sur les soins de santé (2016-2020) interdit la discrimination en raison de la langue pour tous les citoyens, mais oblige les intervenants ou les agents de santé étrangers à détenir une preuve de la maîtrise du monténégrin:
Article 5
Dans l'exercice du droit aux soins de santé, les citoyens sont égaux, indépendamment de leur nationalité, de leur race, de leur sexe, de l'identité de genre, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur handicap, de leur langue, de leur religion, de leur éducation, de leur origine sociale, de leur statut de propriété et d'autres caractéristiques personnelles, conformément à par la loi.
Article 114
1) L'organisme de santé compétent peut émettre une licence de travail aux agents de santé étrangers, ainsi qu'une licence de travail temporaire.
2) L'organisme de santé compétente peut émettre une licence visée au paragraphe 1 du présent article à un agent de santé étranger, qui satisfait aux conditions prescrites par la présente loi et par la loi régissant le domaine de l'emploi et du travail des étrangers, et qui joint une preuve de connaissance de la langue monténégrine émise par l'établissement d'enseignement supérieur compétent. |
Tous les citoyens du pays peuvent se faire soigner sans distinction de nationalité, de langue ou de religion, mais il n'est pas garanti que les communications doivent se faire dans leur langue si celle-ci n'est pas le monténégrin. Encore une fois, ce problème n'existe pas pour les Serbes, les Bosniaques ou les Croates, mais il est présent pour les Albanais et surtout pour les plus petites minorités tels les Roms, les Ashkalis ou les Égyptiens des Balkans.
La Loi sur la protection du consommateur (2014-2019) donne un aperçu dans son article 95 de l'emploi des langues auprès des citoyens. La loi oblige à ce que les contrats soient rédigés en monténégrin ou dans une langue d'usage officiel du Monténégro:
Article 94
La langue du contrat
1) Les contrats visés à l'article 90 de la présente loi doivent être rédigés dans la langue monténégrine ou dans l'une des langues officielles de l'État dans lequel le consommateur réside ou dont il est citoyen, au choix du consommateur, et s'il réside ou est citoyen d'un État membre de l'Union européenne également dans la langue de ce pays si cette langue est une langue officielle de l'Union européenne.
2) Si le consommateur réside au Monténégro ou si le commerçant exerce son activité sur le territoire du Monténégro, les contrats visés à l'article 90 de la présente loi doivent être rédigés dans la langue officielle ou dans la langue d'usage officiel.
3) Si le contrat sur l'emploi du temps fait référence à un bien immobilier, le commerçant est tenu de fournir au consommateur une traduction certifiée conforme de ce contrat en monténégrin ou dans la langue officielle de l'État dans lequel le bien immobilier est situé.
4) Si le bien immobilier est situé dans un État membre de l'Union européenne, le contrat doit être traduit dans la langue officielle ou dans l'une des langues officielles de cet État, si cette langue est également la langue officielle de l'Union européenne. |
De façon générale, l'État monténégrin privilégie nettement l'usage de la langue officielle, bien que les autres langues d'usage officiel soient autorisées tout en demeurant sous-utilisées.
4.4 L'emploi des langues dans les collectivités locales
En pratique, l'emploi des langues demeure plus près des citoyens dans les collectivités locales. L'article 11 de la Loi sur les droits et libertés des minorités (2011) prescrit le droit pour les minorités d'employer leur langue et leur alphabet:
Article 11
1) Les peuples minoritaires et les autres communautés nationales minoritaires et leurs membres ont le droit d'employer leur langue et leur alphabet.
2) Dans les unités d'autonomie locale dans lesquelles les membres des peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires constituent la majorité ou une partie significative de la population, selon les résultats du dernier recensement, la langue de ces peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires doit être d'usage officiel.
3) L'usage officiel des langues des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires, au sens du paragraphe 2 du présent article, comprend notamment l'emploi des langues dans la procédure administrative et judiciaire et dans le déroulement de la procédure administrative et judiciaire, dans l'émission des actes publics et la tenue des registres officiels, sur les bulletins de vote et autres documents, ainsi que dans les activités des organismes représentatifs.
4) Dans les territoires d'autonomie locale visés au paragraphe 2 du présent article, les noms des organismes exerçant l'autorité publique, le nom de l'unité d'autonomie locale, le nom des localités, des places et des rues, des institutions, des entreprises et autres entreprises et des toponymes doivent être écrits dans la langue et l'écriture des peuples minoritaires et autres communautés nationales minoritaires. |
L'article 27 de la même loi impose l'usage des langues minoritaires dans les statuts, les ordonnances ou autres actes généraux adoptés par les organismes des unités d'autonomie locale :
Article 27
Dans les unités d'autonomie locale visées au paragraphe 2 de l'article 11 de la présente loi, les statuts, les ordonnances ou autres actes généraux adoptés par les organismes des unités d'autonomie locale sont rédigés et publiés dans la langue officielle et dans la langue et l'alphabet des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires. |
Ces beaux principes ne sont pas toujours appliqués avec rigueur, même dans les municipalités où les minorités sont majoritaires, y compris chez les Serbes. S'il est plus facile de publier des documents écrits dans certaines langues minoritaires, il est plus difficile d'offrir des services oraux dans les langues des citoyens. La plupart des 24 municipalités abritent un grand nombre de citoyens issus de plusieurs communautés ethniques. Par exemple, des municipalités comme Podgorica, Cetinje, Kotor, Nikšik, etc., comptent au moins une quinzaine de nationalités différentes. En plus des Monténégrins, des Serbes, des Bosniaques, des Croates et des Albanais, on trouve des Roms, des Macédoniens, des Slovènes, des Hongrois, des Russes, des Allemands, des Égyptiens des Balkans, des Italiens, etc. Là où certaines minorités sont majoritaires, comme à Andrijevica (Serbes), Gusinje (Bosniaques), Petnjica (Bosniaques), Plužine (Serbes), Rožaje (Bosniaques), Tuzi (Albanais) ou Ulcinj (Albanais), les services bilingues ou multilingues ne sont pas plus accessibles.
Lorsque leur langue est d'usage officiel, on peut s'attendre à ce que les albanophones reçoivent un exemplaire au moins bilingue des décisions ou des documents, notamment dans les municipalités de Podgorica, de Tuzi, d'Ulcinj et de Plav. Sur demande, ces municipalités disent fournir des informations écrites en albanais, ce qui inclut les documents nécessaires en période électorale (inscriptions et bulletins de vote). Tant qu'il s'agit de documents écrits, la langue albanaise peut éventuellement être employée, mais à l'oral les albanophones doivent passer par des interprètes.
Dans la municipalité d’Ulcinj, où les membres de la minorité nationale albanaise représentent pourtant 70,6 % de la population, les communications officielles se font en monténégrin, tandis que l’albanais n’est que fort peu employé. Par exemple, les documents officiels ne sont pas publiés en format bilingue, comme le prévoit la loi. Quant aux documents personnels, tels que les actes de naissance, les certificats du registre des décès, les certificats du registre des mariages, les pièces d’identité personnelles, ils ne sont pas transmis en albanais, mais en monténégrin dont les locuteurs représentent seulement 12,4% de la municipalité. Dans la municipalité de Tivat, seule la langue serbe (34,6%) est d'usage officiel, mais après le monténégrin (31,0%, alors que le croate est totalement ignoré malgré le fait que les Croates représentent 20 % de la population de cette municipalité.
4.5 Les langues dans l'affichage public et commercial
La plupart des enseignes et des panneaux d'affichage sont en monténégrin écrit avec l'alphabet latin. Le bilinguisme n'est pas très fréquent au Monténégro, même à Podgorica, la capitale. Le bilinguisme est cependant visible dans la municipalité d'Ulcinj/Ulqinit, là où les Albanais forment la majorité absolue: Ulica/Rruga, Majka Tereza/Nëna Rerezë, Vuthaj/Vusanje. Mais cela ne vaut que pour les inscriptions publiques municipales.
Même si la plupart des municipalités abritent plusieurs groupes ethniques, des inscriptions importantes telles Policija («Police») ou Pošta Crne Gore («Poste monténégrine») n'apparaissent qu'en monténégrin (ce qui est identique en bosniaque et en croate, mais non en serbe qui utilise le cyrillique).
En réalité, le bilinguise monténégrin-anglais, voire l'anglais seulement, est beaucoup plus fréquent, surtout à l'intention des ressortissants étrangers: Apoteka/Pharmacy, Vozite oprezno/Drive carafully, No parking, Holiday Hotel, Montenegro Airlines.
Les panneaux de direction à l'intention des touristes sont strictement bilingues: Sahat-kula / The Clock Tower, The Ribnica Fortress / Tvrđava Ribnica, Dovidenja / Goodbye, etc. |
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Le Monténégro offre un enseignement préprimaire, primaire, secondaire et postsecondaire.
5.1 Le système d'éducation
L'enseignement de la maternelle est offert dans des jardins d'enfants, mais ce niveau d'instruction d'une durée de trois ans est facultatif et s'adresse aux enfants à partir de trois ans. La plupart de ces écoles offrent leurs cours en monténégrin, ce qui comprend le serbe, le bosniaque et le croate. Dans les municipalités où l'albanais est d'usage officiel, l'emploi de l'albanais est assuré dans les écoles maternelles.
L'enseignement primaire ("Osnovna skola") est obligatoire et gratuit pour les enfants âgés de 6 à 15 ans. Il est d'une durée de neuf ans, c'est-à-dire de la 1re à la 9e année. Cet enseignement est donné en monténégrin ou dans la langue des minorités.
L'enseignement secondaire ("Srednja skola") dure quatre ans, il s'adresse aux jeunes de 15 à 18 ans et il comprend trois orientations différentes:
- le gymnase ("Gimnazija"): ces écoles offrent un enseignement général durant quatre ans;
- les écoles professionnelles de type "Stručna skola": ces écoles mettent l'accent sur une discipline particulière; les études dans ces écoles durent de trois à quatre ans;
- les écoles professionnelles de type "Zanatska skola": ces écoles offrent un enseignement sans possibilité de formation continue, et elles se spécialisent dans les domaines spécialisés; la durée des études dans ces écoles professionnelles est de trois ans.
Au Monténégro, il existe également des écoles secondaires spécialisées qui proposent des études en musique, en art et en danse ou en ballet; la durée des études dans ces écoles est de quatre ans. Tous les programmes scolaires au Monténégro couvrent l'histoire et la culture de tous les groupes ethniques. À la fin de leurs études secondaires, les élèves doivent passer un examen de maturité ("Matura").
L'enseignement supérieur est donné dans les universités publiques et privées. L'Université du Monténégro est une université publique, et l'Université de Donja Gorica et l'Université de la Méditerranée sont des établissements privés.
5.2 Les droits scolaires
L'article 79 de la Constitution monténégrine reconnaît aux membres des minorités nationales le droit de recevoir leur instruction dans leur langue et leur alphabet dans les établissements publics et de voir inclus les programmes d'études comprenant leur histoire et leur culture:
Article 79
Protection de l'identité
Les membres des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires bénéficient de droits et libertés garantis qu'ils peuvent employer individuellement et en communauté avec d'autres:
4. de recevoir leur instruction dans leur langue et leur alphabet dans les établissements publics et de voir inclus les programmes d'études comprenant l'histoire et la culture des membres des minorités et d'autres communautés nationales minoritaires; |
L'article 13 de la Loi sur les droits et libertés des minorités (2011) énonce des précisions concernant l'enseignement destiné aux membres des minorités nationales:
Article 13
1) Les peuples minoritaires et les autres communautés nationales minoritaires et leurs membres ont droit à un enseignement dans leur propre langue et à une représentation appropriée de leur langue dans l'enseignement général et professionnel, en fonction du nombre d'étudiants et des capacités financières du Monténégro.
2) Les droits visés au paragraphe 1 du présent article sont exercés à tous les niveaux de l’éducation et de la formation.
3) Les droits visés au paragraphe 1 du présent article sont exercés dans les écoles spéciales ou les classes spéciales des écoles ordinaires.
4) Les cours sont donnés entièrement dans la langue des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires.
5) Lorsque l'enseignement est donné dans la langue des peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires, la langue officielle et l'alphabet doivent être enseignés.
6) Les élèves et les étudiants n'appartenant pas à des minorités peuvent apprendre la langue des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires avec lesquelles ils vivent ensemble. |
Soulignons que l'enseignement destiné aux minorités est un droit; celui-ci vaut pour tous les niveaux de l'éducation; les cours sont donnés entièrement dans la langue minoritaire; l'enseignement du monténégrin demeure obligatoire comme langue seconde; n'importe quel élève ou étudiant a le droit de s'inscrire dans une école minoritaire.
La Loi générale sur l'éducation (2002-2017) apporte d'autres précisions sur l'éducation. L'article 11 stipule que «l'enseignement dans les établissements scolaires est donné dans la langue officielle monténégrine», mais qu'il peut également se dérouler «dans les langues d'usage officiel», le serbe, le bosniaque, le croate et l'albanais:
Article 11
L'emploi de la langue
1) L'enseignement dans les établissements scolaires est donné dans la langue officielle monténégrine.
2) L'enseignement dans les établissements scolaires se déroule également dans les langues d'usage officiel:
- en gardant à l'esprit la même base linguistique, soit en serbe; - en respectant les droits des peuples minoritaires, en bosniaque, en albanais et en croate; |
L'article 10 de la même loi oblige les enseignants à posséder une connaissance active de la langue et de l'alphabet lorsqu'ils donnent des cours aux membres des minorités:
Article 101
Recrutement des enseignants
1) Un enseignant dans une institution publique est embauché sur la base d'un concours public, conformément à la loi.
2) Le concours visé au paragraphe 1 du présent article est annoncé par le directeur de l'institution et dure 15 jours.
3) Les enseignants des établissements ou des départements spéciaux des établissements offrant un enseignement dans la langue des membres des minorités et des autres communautés nationales minoritaires doivent, en plus des conditions prescrites par la loi, avoir une connaissance active de la langue et de l'alphabet de cette minorité et de la langue monténégrine. |
De plus, l'article 115 de la Loi générale sur l'éducation impose le bilinguisme avec le monténégrin dans la rédaction des documents publics transmis par les établissements d'enseignement destinés aux membres des minorités:
Article 115
Documents publics
1) Sur la base des données des dossiers pédagogiques, l'école qui met publiquement en œuvre des programmes valides doit publier ses documents publics.
2) Les documents publics visés au paragraphe 1 du présent article sont les suivants: les certificats, les diplômes et suppléments au diplôme des écoles professionnelles, la traduction ou les relevés de notes et autres documents publics émis conformément à la loi.
3) Dans une école où l'enseignement est offert dans la langue des membres des minorités et des autres communautés nationales minoritaires, les documents publics sont imprimés et publiés à la fois en monténégrin et dans la langue des membres des minorités et des autres communautés nationales minoritaires. |
Toutefois, depuis septembre 2016, toute la correspondance officielle dans les écoles publiques du Monténégro, y compris les diplômes, a dû être rédigée en caractères latins, à l'exclusion du cyrillique, une décision ministérielle qui a agacé certains parents dans la communauté serbe.
5.3 L'enseignement primaire
L'enseignement est régi par la Loi sur la formation et l'enseignement primaire (2002-2017).
Les nouveaux élèves qui sont inscrits dans le programme d’études et ne connaissent pas ou ne maîtrisent pas suffisamment la langue dans laquelle les cours sont donnés doivent être dirigés dans des classes supplémentaires dans le but d'accélérer la maîtrise de la langue et acquérir une meilleure intégration dans l’enseignement (art. 15).
Au cours d'une semaine scolaire, les élèves ont le nombre de cours suivant en fonction de la partie obligatoire du programme pédagogique, soit 19 heures au premier cycle, 24 heures au second cycle et un maximum de 28 heures au troisième cycle; dans les écoles où le monténégrin est étudié comme langue première, le nombre de classes est augmenté de deux heures (art. 26). L'article 76 de la
Loi sur la formation et l'enseignement primaire impose une formation adéquate pour les enseignants d'anglais et ceux assignés dans une langue minoritaire. L'article 55 de la loi oblige les élèves à subir une évaluation concernant le monténégrin ou la langue maternelle, ainsi que les mathématiques, l'anglais et certaines disciplines
dans les sciences naturelles et sociales :
Article 55
Évaluations
1) À la fin du deuxième cycle, sur la base des activités préparées à l'extérieur de l'école, les acquis des élèves en monténégrin ou dans la langue maternelle, ainsi que les mathématiques, la langue anglaise ou des parties sélectionnées dans les sciences naturelles et sociales doivent être évaluées.
2) Les tests visés au paragraphe 1 du présent article sont effectués par le centre d'examens. |
- Les langues étrangères
La Loi sur la formation et l'enseignement primaire précise que l'anglais doit être enseigné dès la 1re année du primaire, mais qu'à partir de la 6e année, une autre langue étrangère doit être introduite parmi les suivantes:
le français, le russe, l'italien, l'allemand, l'espagnol et d'autres langues possibles.
Article 25
Langues étrangères
1) Les élèves étudient l'anglais dès la première année en tant que matière obligatoire.
2) À partir de la sixième année, les élèves étudient l'une des langues étrangères comme matière obligatoire: le français, le russe, l'italien, l'allemand, l'espagnol et d'autres langues conformément au programme pédagogique public.
3) L'école est tenue de proposer à l'élève au moins deux langues étrangères, conformément au paragraphe 2 du présent article.
4) L'élève choisit la langue étrangère visée au paragraphe 2 du présent article en fonction des possibilités de l'école.
Article 82ter
Une langue étrangère
1) Les élèves de septième année de l'année scolaire 2017-2018 étudient une autre langue étrangère durant quatre heures par semaine, conformément à la présente loi.
2) Les élèves, qui n'ont pas étudié l'anglais comme première langue étrangère jusqu'au jour où est entrée en vigueur la présente loi, continuent d'étudier une langue étrangère qu'ils ont étudiée comme première langue étrangère. |
Lorsqu'une seconde langue étrangère (après l'anglais) est introduite comme option, beaucoup d'élèves choisissent d'abord le russe ou l'italien, puis suivent de loin le français, l'allemand et l'espagnol.
- Les écoles des minorités nationales
Le monténégrin est la langue officielle enseignée dans toutes les écoles et une politique a été adoptée pour que les manuels scolaires soient imprimés dans cette langue. Cependant, les membres des minorités ont le droit de recevoir leur instruction dans leur langue et leur alphabet. Le gouvernement monténégrin reconnaît que, même si la plupart des citoyens parlent la même langue, nombreux sont ceux qui préfèrent la désigner comme le serbe, le bosniaque ou le croate, selon leurs origines. Dans les municipalités où les Serbes et les Bosniaques sont en nombre suffisant, ils peuvent bénéficier d'écoles homogènes, sinon ils sont mélangés dans les établissements scolaires.
Étant donné que les Serbes, les Bosniaques et les Croates parlent la même langue, malgré ses différences locales, ce droit à la langue vaut surtout pour les albanophones. Dans les municipalités d'Ulcinj (4 écoles), de Tuzi (4 écoles), de Rožaje (1 école), de Plav (2 écoles) et de Bar (1 école), les albanophones reçoivent leur instruction entièrement en albanais. Il s'agit d'une bonne douzaine d'écoles et d'un grand nombre de classes «spéciales». Cependant, à l’école primaire Boško Strugar dans la municipalité d'Ulcinj, les élèves qui suivent des cours d’albanais ont plus de matières enseignées en monténégrin qu'en albanais. Par conséquent, les élèves sont obligés d’assister aux cours d'anglais en monténégrin, ce qui exige un effort supplémentaire sur eux parce qu’ils doivent apprendre deux langues étrangères en même temps.
Dans le Sandjak, les Bosniaques bénéficient d'écoles homogènes où ils reçoivent un enseignement conforme aux préceptes de l'islam, mais ce droit n'implique pas nécessairement la langue bosniaque. Par exemple, dans la municipalité de Berané, qui compte 16,15 % de Bosniaques, l’école en langue bosniaque n’existe pas. Il n'y a que des écoles pour les minorités «religieuses».
Dans la municipalité de Tivat où les Croates représentent 20 % de la population locale, il existe une seule école, la "škola Drago Milović", laquelle est fréquentée par de nombreux enfants de nationalité croate. Cependant, il n’y a qu’une seule classe où l'on enseigne dans la «langue» de cette minorité, ce qui n’est certainement pas suffisant si l’on considère le pourcentage de minorité croate dans cette municipalité.
Lorsque l'enseignement est donné dans la langue des groupes nationaux ou ethniques, la langue officielle, le monténégrin, doit aussi être enseignée comme langue seconde puisque c'est une matière obligatoire. Cela signifie que les membres des minorités nationales doivent atteindre un certain niveau de bilinguisme. Toutefois, les Monténégrins, les Serbes, les Croates et les Bosniaques parlent une langue presque identique; ils ont toujours été éduqués en recourant aux mêmes programmes dans la langue serbe, officielle jusqu'à l'indépendance. Par conséquent, bien que la Constitution de la république du Monténégro (article 79.4) reconnaisse le droit des membres des groupes nationaux et ethniques de recevoir leur instruction dans leur langue maternelle, seuls les membres de la minorité albanaise peuvent réellement exercer ce droit.
La fréquentation scolaire est très difficile pour les enfants appartenant aux communautés des Roms/Tsiganes, des Ashkalis et des Égyptiens des Balkans. Seulement 50% du total des élèves de ces minorités fréquentent une école primaire au Monténégro. La langue romani des Roms n'est pas normalisée au Monténégro et il n'existe pas d'enseignants qualifiés et encore moins de manuels scolaires dans cette langue. Dans le village d’Ozrinić, près de la municipalité de Nikšić, les enfants roms qui fréquentent l’école primaire, la "škola Radoje Čizmović", ne sont autorisés à suivre des cours que le week-end, lorsque les autres enfants monténégrins ou serbes sont absents; bien souvent, ils vont à l’école les jours ouvrables après 17 heures lorsque les autres enfants n'y sont pas.
5.4 Les écoles secondaires et professionnelles
Tous les citoyens du pays ont le droit d'envoyer leurs enfants à l'école secondaire. Selon l'article 13 de la Loi sur l'enseignement secondaire (2002-2017), l'une des conditions d'admission est la réussite de l'examen du monténégrin ou de la langue maternelle pour les minorités. Pour les immigrants, qui ne connaissent pas ou ne maîtrisent pas suffisamment la langue d'enseignement, l'école doit leur offrir une aide dans l'apprentissage de la langue officielle (art. 14). L'article 38 décrit les prescriptions concernant l'examen de fin d'études appelé «maturité ("matura"):
Article 38
Examen de fin d'études
1) L'examen de maturité est un test de la réussite des élèves à adopter les normes au sujet des connaissances nécessaires.
2) L'examen de maturité au secondaire général comprend des matières obligatoires et une matière au choix de l'élève.
3) Les matières obligatoires visées au paragraphe 2 du présent article sont les suivantes:
- la langue et la littérature monténégrines ou celles de la maternelle; - les mathématiques ou la première langue étrangère.
6) Dans les départements dans lesquels le programme du secondaire en mathématique est effectué, les matières obligatoires sont les suivantes:
- la langue et la littérature monténégrines ou celles de la maternelle; - l'analyse avec l'algèbre.
7) Dans les classes mettant en œuvre un programme les matières obligatoires du secondaire philologique sont les suivantes:
- la langue et littérature monténégrine ou celles de la maternelle; - la première langue étrangère. |
La Loi sur la formation professionnelle (2002-2017) n'ajoute rien de plus à la loi précédente. En plus du monténégrin, le ministère de l'Éducation offre un enseignement complet en albanais dans les écoles secondaires, là où c'est nécessaire. Dans les municipalités où les albanophones forment la majorité ou ou une partie importante de la population (Ulcinj, Tuzi, Rožaje, Plav et Bar) et là où le nombre d'élèves est suffisant, l'enseignement secondaire ou professionnel leur est offert entièrement en albanais, à l'exception du monténégrin langue seconde et des langues étrangères obligatoires. Dans la pratique, seules les municipalités d'Ulcinj et de Tuzi offrent des cours complets et homogènes pour tout le secondaire. Ailleurs, ce sont des classes spéciales dans les écoles monténégrines. Dans le Sandjak, les Bosniaques peuvent fréquenter quelques écoles conformes aux exigences de la religion islamique, mais en monténégrin.
La langue étrangère obligatoire au secondaire pour tous est l'anglais, mais les cours au choix sont par ordre décroissant sont les suivants: l'italien, l'espagnol, le français, le turc et le russe. Au Monténégro, beaucoup de jeunes favorisent l'italien comme langue étrangère. Mentionnons également que, hormis la proximité géographique avec l'Italie, la popularité de l’italien dans le Sud a de fortes raisons historiques puisque le littoral a fait partie, pendant quatre siècles, de la République de Venise. De ce fait, et en particulier dans la région de la baie de Kotor, l’italien demeure une langue seconde pour la majorité de la population. Il est vrai également que l’italien a la réputation d’être «une langue mélodieuse» beaucoup plus facile à apprendre que le français ou de l’allemand.
5.5 L'enseignement supérieur
Après la fin des études d’enseignement secondaire, une autre voie que l’université s’offre aux diplômés, celles des études postsecondaires dans des écoles techniques supérieures, qui proposent des formations en deux ans pour les jeunes venant de l’enseignement secondaire professionnel. Néanmoins, les études de l’enseignement supérieur se déroulent dans le cadre de l’Université publique du Monténégro qui comprend des facultés, des académies et des instituts d’enseignement supérieur – ou dans le cadre d’institutions privées d’enseignement supérieur : Université du Monténégro (Podgorica), Université méditerranéenne (Podgorica), Université Donja Gorica (Podgorica), Faculté des études commerciales méditerranéennes (Tivat), Faculté de gestion des affaires (Bar), Faculté de gestion de la circulation et de la communication (Berané), Faculté d'administration publique et d'études européennes (Podgorica), Faculté de gestion (Herceg Novi).
Selon l'article 6 de la Loi sur l'enseignement supérieur (2014-2020), l'enseignement supérieur est accessible à tous, sans distinction de langue ou de religion, hormis le fait qu'il faut posséder un diplôme d'études secondaires. Les universités offrent un large éventail de programmes, mais l'enseignement se déroule en monténégrin ou en anglais. L'article 80 de la loi prescrit la connaissance d'au moins une langue étrangère à un niveau avancé:
Article 80
Programmes d'études
L'établissement d'enseignement supérieur, dans le cadre du programme qu'il met en œuvre, doit offrir aux étudiants les conditions pour acquérir la connaissance d'au moins une langue étrangère à un niveau avancé supérieur. |
Il est possible d'étudier la langue albanaise à l'Université du Monténégro (Podgorica) dans le cadre du département de langue et de littérature albanaises. Par ailleurs, les autorités monténégrines ne reconnaissent plus les diplômes des étudiants ayant fréquenté l’université parallèle de Pristina au Kosovo. Même ceux qui ont obtenu un baccalauréat de l’université de Tirana en Albanie voient leurs diplômes non reconnus, semble-t-il, pour des raisons politiques. De plus, plusieurs Monténégrins albanophones, qui ont quitté la république pour terminer leurs études en Albanie, se voient interdire par la suite l’entrée dans leur pays.
Or, l'article 19 de la Loi sur les droits et libertés des minorités (2011) est restrictif dans la mesure où il précise que l’Université du Monténégro, à la suggestion du Conseil des peuples minoritaires, peut inscrire chaque année un certain nombre d’étudiants, de membres de minorités et d’autres communautés nationales minoritaires:
Article 19
Pour la pleine jouissance des droits des minorités, l’Université du Monténégro, à la suggestion du Conseil des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires, peut inscrire chaque année un certain nombre d’étudiants, de membres de minorités et d’autres communautés nationales minoritaires, conformément à la loi de l’université. |
Il aurait été préférable d'écrire «doit» au lieu de «peut», car cela signifie que l’Université du Monténégro n'est pas tenue d'admettre un certain nombre d’étudiants minoritaires chaque année à la demande du Conseil de la minorité.
En ce qui a trait à l'éducation, plus précisément l'enseignement dans la langue des minorités, l'ensemble des droits linguistiques reconnus est resté au Monténégro une pure théorie sur papier pour deux raisons: les similitudes linguistiques entre le monténégrin, le serbe, le bosniaque et le croate, ainsi que le profil démographique diversifié des municipalités ou localités monténégrines. À l’heure actuelle, seule la minorité albanaise exerce son droit à l’éducation dans sa langue maternelle.
Les médias du Monténégro comprennent les journaux, les magazines, la radio et la télévision, qui sont gérés par des sociétés d'État et entreprises privées à but lucratif, et qui dépendent de la publicité, des abonnements et d'autres revenus liés aux ventes. La Constitution du Monténégro garantit la liberté d'expression, mais en tant que pays en transition le système médiatique du Monténégro est en cours de transformation. Ainsi, le pays est passé en 2020 au 105e rang du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, ce qui constitue en léger recul par rapport aux années précédentes.
6.1 La presse écrite
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La presse écrite au Monténégro emploie à la fois les alphabets latin et cyrillique, ainsi que les langues monténégrine et serbe. Les quotidiens les plus lus au Monténégro sont le Блиц Црна Гора
en serbe ("Blic Crna Gora"), le Dnevne Novine en monténégrin
(«Les Nouvelles du quotidien»), le Дан ("Dan" en serbe: «Le Jour»), le Pobjeda en monténégrin
(«La Victoire») et le Vijesti en monténégrin («Les Nouvelles»). La
plupart des journaux du Monténégro, qui publiaient en cyrillique, sont passés à
l'alphabet latin. Il existe aussi un quotidien en anglais (Mina).
Parmi les périodiques, citons le Monitor (hebdomadaire monténégrin ) et le Magazin BIT (mensuel monténégrin ). Les journaux locaux comprennent le Pljevaljske Novine (en anglais), le Koha Javore (hebdomadaire albanais) et le PCnen (Prve crnogorske elektronske novine : "Premier Journal électronique du Monténégro"). La seule presse écrite croate au Monténégro est le journal local Hrvatski glasnik ("Le Héraut croate") publié à Kotor tous les deux mois par l’Association civile croate. L'Allmanah est un magazine publié au moins deux fois par an et est destiné à la promotion et à la protection du patrimoine culturel et historique des Bosniaques. Cependant, aucun des journaux dans les langues des minorités, à l'exception du Koha Javore, n'est soutenu financièrement par le gouvernement (Hrvatski glasnik, Allmanah, Revija D, etc.).
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Au Monténégro, les journaux restent souvent sous la menace de poursuites civiles. La plupart des quotidiens cités ci-haut (Vijesti, Dan, Monitor, etc.) ont été poursuivis et condamnés à des amendes de plusieurs milliers d'euros pour avoir «insulté», par exemple, le premier ministre ou d'autres dirigeants monténégrins et leur famille. Or, le système judiciaire semble mal préparé pour traiter les affaires liées aux médias, car les procédures sont très lentes, les enquêtes inadéquates et les juges sans formation. La loi monténégrine rend les médias responsables de la publication consciente ou imprudente de faits faussés. Des journalistes ont signalé le recours à la diffamation civile par les autorités à des fins d'ingérence politique.
De plus, l'article 6 de la Loi sur les activités de publication (2012) énonce que les publications doivent servir l'intérêt public en encourageant la traduction d'œuvres de la littérature monténégrine en langues étrangères et en publiant des ouvrages dans la langue des membres des minorités :
Article 6
L'intérêt public
1) La publication doit être dans l'intérêt public.
2) L'intérêt public pour l'édition est réalisé :
1. en encourageant l'édition d'œuvres d'artistes nationaux et en augmentant l'accessibilité aux lecteurs dans le pays et à l'étranger; 2. en publiant des ouvrages d'une importance particulière pour la culture monténégrine; 3. en encourageant la traduction d'œuvres de la littérature monténégrine en langues étrangères; 4. en publiant des ouvrages dans la langue des membres des minorités et d'autres communautés nationales minoritaires du Monténégro, ainsi que des ouvrages destinés aux enfants et aux jeunes;
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6.2 La presse électronique
L'article 55.6 de la Loi sur les médias électroniques (2010-2020) précise que tout radiodiffuseur est tenu de contribuer à l'amélioration de la culture du dialogue public et au respect des normes linguistiques. De plus, le radiodiffuseur doit publier des émissions de radio ou de télévision en monténégrin et en alphabet latin ou cyrillique, ou dans une autre langue d'usage officiel, hormis les cas prévus par le paragraphe 8:
Article 55
Obligations des radiodiffuseurs concernant le contenu des émissions
6) Les radiodiffuseurs sont tenus de contribuer:
1. à une information libre, honnête, complète, impartiale et opportune auprès du public sur les événements dans le pays et à l'étranger;
2. au respect et à la promotion des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des valeurs démocratiques, des institutions et du pluralisme des idées;
3. à l'amélioration de la culture du dialogue public et au respect des normes linguistiques.
7) Les radiodiffuseurs sont tenus de publier des émissions de radio ou de télévision en monténégrin et en alphabet latin ou cyrillique, ou dans une autre langue d'usage officiel, conformément à la loi.
8) L'emploi de la langue monténégrine n'est pas obligatoire:
1. si des films et autres œuvres audio et audiovisuelles sont publiés dans leur forme originale; 2. si des œuvres musicales sont publiées avec des paroles en partie ou entièrement dans une langue étrangère, 3. si les émissions sont partiellement ou entièrement destinées à l'apprentissage d'une langue et d'un alphabet étrangers.
9) L'emploi de la langue monténégrine n'est pas obligatoire dans les émissions destinées aux membres des minorités et aux autres communautés nationales minoritaires. |
L'article 12 de la Loi sur les droits et libertés des minorités (2011) est consacré aux exigences concernant les peuples minoritaires et les autres communautés nationales minoritaires :
Article 12
1) Les peuples minoritaires et les autres communautés nationales minoritaires et leurs membres bénéficient de la liberté d'information concernant les normes contenues dans les documents internationaux sur les droits de l'homme et les libertés.
2) Les membres des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires ont le droit au libre établissement des médias et à un travail sans entrave fondé sur la liberté d'expression, la recherche, la collecte, la diffusion, la publication et la réception d'informations, le libre accès à toutes les sources d'information, la protection de la personnalité et de la dignité humaine et la libre circulation de l'information.
3) Les organismes compétents de l'administration et de la programmation des médias créés par le Monténégro doivent consacrer un nombre d'heures suffisant à la diffusion d'émissions d'information, de culture, d'éducation, de sport et de divertissement dans les langues des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires et de leurs membres, ainsi que des programmes liés à la vie, la tradition et la culture des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires et fournir des ressources financières pour financer le contenu de ces programmes.
4) Le contenu lié à la vie, à la culture et à l'identité des peuples minoritaires et des autres communautés nationales minoritaires est diffusé au moins une fois par mois, dans la langue officielle, par les services publics.
5) Le Monténégro peut, en fonction de ses capacités matérielles, assurer la traduction (sous-titrage) des émissions dans les langues des peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires vers la langue officielle. |
La Loi sur les médias (2020) prévoit des fonds publics pour fournir des services
dans les langues des peuples minoritaires:
Article 17
2) L'État peut fournir une partie des fonds du budget du Monténégro afin de fournir des services publics dans le but d'exercer les droits garantis par la Constitution et la loi :
1. concernant le contenu médiatique non commercial d'intérêt public, dans les langues des peuples minoritaires et d'autres communautés nationales minoritaires; |
De plus, l'article 8 de la Loi sur la radiotélévision nationale publique du Monténégro (2008-2016), dont le sigle est RTCG (pour Radio i Televizija Crne Gore) ou RTM en français, impose la production et la diffusion d'émissions dans les langues des membres des minorités:
Article 8
Études pour la diffusion d'émissions radiophoniques et télévisées régionales
La RTM peut créer des studios de radio et de télévision régionaux pour les besoins de certains radiodiffuseurs publics, avec l'obligation de produire et de diffuser des émissions régionales et des émissions dans les langues des membres des minorités et d'autres communautés nationales minoritaires de la région. |
Le Monténégro compte 14 stations de radio publiques locales et plus de 40 stations de radio privées. La RTCG financée par l'État exploite deux réseaux de radio: Radio Crne Gore et Radio 98 ; les autres stations de radio avec une couverture nationale sont Atlas Radio, Montena Radio, ProFM, Radio Antena M, Radio Crne Gore, Radio Svetigora et Russkoye Radio (radio russe).
L'État verse une partie du financement de ses contenus pour des émissions en albanais et dans d'autres langues minoritaires; en romani, mais aussi en slovaque et en roumain.
Le Monténégro dénombre aussi quatre chaînes de télévision publiques et une vingtaine de chaînes de télévision privées et une chaîne de télévision par satellite. D'autres stations de télévision privées couvrent principalement les grandes villes du Monténégro. LA RTCG exploite deux réseaux de télévision terrestres: TVCG 1, pour les informations et la production nationale, et TVCG 2 pour le sport et le divertissement.
Quant aux chaînes de télévision privées, certaines assurent une couverture nationale : RTV Atlas, TV Vijesti, Pink M, Prva crnogorska televizija («Première télévision monténégrine»), NTV Montena et MBC. Il existe aussi plusieurs chaînes de télévision locales: RTV APR (Rožaje), RTV Nikšić (Nikšić), TV Budva (Budva), RTV Panorama (Pljevlja), TV Teuta (Ulcinj, Bar et Podgorica) et TV BOiN (Tuzi, Ulcinj et Podgorica). Toutes ces chaînes diffusent en principe en monténégrin, mais pour les Serbes c'est en serbe; pour les Bosniaques, c'est en bosniaque; pour les Croates, c'est en croate.
L'État assure partiellement le financement de contenus d'émissions à la télévision non seulement en albanais, mais aussi en d'autres langues pour les groupes nationaux ou ethniques, notamment en romani (Roms), en slovaque, en roumain, en macédonien, etc. Si les Albanais peuvent compter bénéficier d'émissions toute la journée, il n'en est pas ainsi pour les autres langues qui ont comme avantage de recevoir des informations parfois jusqu'à 90 minutes par jour. La législation monténégrine oblige aussi les collectivités locales (les municipalités) à financer en partie des contenus d'émissions dans les langues employées localement. Bien sûr, les représentants de la minorité albanaise ne sont pas satisfaits du contenu, de la qualité des émissions en albanais.
Selon le Groupe de surveillance de la réforme des médias, le Conseil national de la radio et de la télévision ("Savjetu nacionalne radio i televizije") a jusqu'à présent été approché par plusieurs groupes minoritaires avec des propositions spécifiques qui n'ont pas été prises en compte du fait que le Conseil n'a aucune obligation légale d'envisager des initiatives de la société civile. La transformation de certains médias électroniques en un service public, notamment au plan local, s'est faite sans respect des principes de publicité et d'impartialité. De nombreux groupes et individus œuvrant dans le domaine des droits de l'homme et des minorités n'ont pas eu accès au processus et les informations qui le concernent concernent. En somme, les droits des membres des minorités d'être informés dans leur langue maternelle au Monténégro ne sont pas très bien respectés. Cela concerne en particulier les minorités nationales croate, bosniaque et rom, car il n'existe pas une seule télévision au sein des médias électroniques publics diffusés dans les langues des minorités susmentionnées.