Îles Canaries

Les îles Canaries
(Islas Canarias)

Espagne

Capitales:  Santa Cruz et Las Palmas
Population: 2,0 millions  (2007)
Langue officielle: castillan   
Groupe majoritaire: castillan (80 %) 
Groupes minoritaires: espagnol canarien, arabe marocain, amazigh, arabe hassanya, anglais, italien, allemand, néerlandais, français, chinois, etc.
Système politique: l’une des 17 communautés autonomes d’Espagne  
Articles constitutionnels (langue): art. 3 de la Constitution espagnole de 1978; aucune disposition dans le Statut d'autonomie de 1982  
Lois linguistiques: Loi 8 du 11 décembre sur la radiodiffusion et la télévision dans la Communauté autonome des îles Canaries (1984); Loi 2 du 30 mars relative à Fonction publique canarienne (1987); Loi 3 du 22 février relative au patrimoine documentaire et aux archives des îles Canaries (1990); Décret 46 du 26 mars approuvant le programme d'études de l'enseignement primaire (1993); Décret 129 du 6 août approuvant le règlement organique des établissements d'enseignement secondaire (1998); Loi 4 du 15 mars sur le patrimoine historique des Canaries (1999); Loi 13 du 4 avril relative à l'éducation et la formation permanente des adultes des Canaries (2003); Statuts de l'Académie canarienne de la langue (2004); Décret 363 du 2 octobre instaurant le programme d'études du niveau élémentaire dans l'enseignement du régime spécial des langues anglaise, allemande, française, italienne, espagnole langue étrangère, chinoise, russe et arabe dans la Communauté autonome des îles Canaries (2007).

1 Situation générale

Situées au nord-ouest du Sahara-Occidental, les îles Canaries (en espagnol: Islas Canarias) forment un archipel de l'océan Atlantique et occupent une superficie de 7447 km². L'archipel est distante de quelque 150 km des côtes africaines (Sahara-Occidental) et à plus de 1000 km du sud de l'Espagne. Bien que les Canaries fassent partie de l'une des 17 Communautés autonomes de l'Espagne sous le nom de Comunidad Autónoma de Canarias, elles sont situées en Afrique.

L'archipel des Canaries se compose de sept îles principales, en plus de quelques îlots déserts (Graciosa, Montaña Clara, Legranza et Lobos): Tenerife, Fuerteventura, la Grande Canarie, Lanzarote, La Palma, La Gomera et Hierro. Au point de vue administratif, les îles sont divisées en deux provinces : Las Palmas (les îles orientales: Gran Canaria, Fuerteventura et Lanzarote) et Santa Cruz de Tenerife (les îles occidentales: Tenerife, La Gomera, Hierro et La Palma). L'archipel compte deux capitales depuis 1927: Santa Cruz (Tenerife) et Las Palmas (Gran Canaria). 

Avec les enclaves de Ceuta (au nord du Maroc) et Melilla (sur sur la côte méditerranéenne du Maroc), c'est tout ce qu'il reste de l'ancien empire d'Espagne.  Les îles Canaries sont reconnues par l'Union africaine comme territoire «africain» occupé par une puissance «étrangère».

L'archipel des Canaries fait partie de la Macaronésie, un ensemble géographique regroupant les îles volcaniques des Canaries (hispanophones), l'archipel de Madère (lusophone), incluant les îles Selvagens ("Sauvages") inhabitées, l'archipel des Açores (lusophone) et les îles du Cap-Vert (lusophones). Cet ensemble fait partie d'un programme de coopération transfrontalière entre les gouvernements de l'Espagne, du Portugal et du Cap-Vert parce que ces îles présentent des caractéristiques communes, environnementales et historiques, entraînant de nombreuses similitudes au plan de la faune et de la flore. Grâce à sa flore et à sa faune, la Macaronésie est l'une des régions naturelles les plus importantes du monde.

Le drapeau des îles Canaries est formé de trois bandes verticales, blanches, bleue et jaune. Le bleu est composé d'un écusson comportant sept îles d’argent, le tout surmonté d’une couronne d’or et d’un ruban argenté avec la devise «Oceano» et encadré par deux chiens représentant les deux provinces de l'île. Rappelons que le mot Canaries provient du latin canis signifiant «chien», en raison des nombreux chiens qui peuplaient les îles lorsque les Espagnols les ont découvertes au XVe siècle; les chiens du blason rappellent le Prensa Canaria, la race propre aux Canaries, ce qui n'a rien à voir avec les oiseaux appelés «canaris».

De plus, les îles Canaries, en tant que communauté autonome d’outre-mer de l'Espagne, font partie de l'Union européenne et constituent plus précisément une «région ultrapériphérique» de l'Europe, une RUP. Une RUP est un territoire d'un pays membre de l'Union européenne situé en dehors du continent européen. À ce titre, les îles Canaries bénéficient de «mesures spécifiques qui adaptent le droit communautaire en tenant compte des caractéristiques et contraintes particulières de ces régions.

2 Données démolinguistiques

La population des îles était de 1 694 477 habitants en 2001. La population a augmenté approximativement de 120 % entre 1940 et 1991. Les trois îles les plus peuplées sont Tenerife (838 877), Grande Canarie (802 247) et Lanzarote (123 039).  Toutefois, selon les statistiques valables au 1er janvier 2007, la population canarienne a atteint les 2 020 947 habitants, dont 12,3 % d'étrangers.

2.1 L'espagnol

La langue officielle est le castillan («espagnol»). C'est la langue de l'Administration et de la plupart des Espagnols résidant dans l'archipel, car plus de 90 % des insulaires sont des ressortissants espagnols parlant généralement le castillan, mais parfois le catalan, le galicien, le basque, etc. Les immigrants en provenance de l'Amérique du Sud parlent une langue espagnole quelque peu différente. L'espagnol d'Espagne est la langue véhiculaire et la langue administrative des îles.

2.2 Le canarien

Toutefois, la variété espagnole locale est le canarien (canario en espagnol) qui compte de nombreuses particularités phonétiques apparentées à l'andalou oriental (ou «castillan méridional»). Les îles Canaries ont reçu des apports démographiques provenant de groupes très différents et de tribus berbères continentales; c'est pourquoi il est possible de trouver dans une même île des éléments d'origines ethniques et linguistiques différentes.

En Espagne, on utilise généralement l'expression «modalidad lingüística» (''modalité linguistique'') pour désigner ce qu'on appelle davantage en français une «variété linguistique». Dans l'archipel des Canaries, il s'agit de l'espagnol atlantique ou méridional (''español atlántico o meridional''). C'est le plus loin qu'on puisse aller pour désigner la variété particulière du canarien (canario), forcément associée à l'espagnol. D'ailleurs, on utilise généralement l'expression español canario (en français: «espagnol canarien») ou español de Canarias («espagnol des Canaries»), comme quoi il s'agit bel et bien d'une forme d'espagnol et non d'une langue distincte. Sur le continent, on utilise davantage du terme «castillan» plutôt que le mot «espagnol».

En réalité, le canarien est relativement similaire à l'andalou oriental parlé dans le sud-est de l'Espagne (en Andalousie, en Extremadure et en Murcie), mais il compte quelques différences phonétiques et grammaticales particulières. Au plan du lexique, le canarien diffère aussi du castillan par ses archaïsmes (les ''arcaísmos'') et ses andalousismes (les ''andalucismos'') particuliers (sardinel, empoyatarse, embelesarse, barcina, etc.), mais aussi par ses emprunts provenant du portugais (les ''portuguesismos'' ou lusophonismes), du galicien (les ''galicianismos''), du guanche (les ''guanchismos''), de l'anglo-américain (les ''americanismos'') et de l'hispano-américain (les ''hispanoamericanismos'') :

Ganche Portugais ou galicien Anglais Hispano-américain
Arique au lieu de soga (corde)
Chola au lieu de calzado de playa (chaussure de plage)
Gánigo au lieu de vasija de barro (poterie)
Baifo au lieu de cabrito (cabri)
Mago au lieu de campesino (paysan)
Tagoror au lieu de lugar de reunión (local de réunion)
Cañoto au lieu de zurdo (gauche)
Enchumbado au lieu de mojado (mouillé)
Escachar au lieu de aplastar (écraser)
Gago au lieu de tartamudo (bègue)
Boncho au lieu de fiesta (<bunch)
Creyón au lieu de lápiz de color (<crayon)
Queque au lieu de bizcocho, bizcochon (<cake).
Moni au lieu de dinero (<money).
Trinque au lieu de bebida (<drink).
Bacilón au lieu de festejo (bon accueil).
Fajarse au lieu de pelearse (battre)
Guagua au lieu de autobús.
Singuango au lieu de bobo (idiot)
Tenis au lieu de zapatillas deportivas (escarpins sportifs)

Les arabismes (les ''arabismos'') constituent également un apport lexical intéressant dans cette variété linguistique des îles Canaries.

Cela étant dit, les particularismes canariens semblent en nette régression depuis plusieurs années au profit du castillan d'Espagne. Les moyens modernes de communication, l'immigration et la suppression ou l'abandon de nombreux métiers traditionnels ont eu des effets considérables sur le vocabulaire des insulaires. Cela signifie aussi que les Canariens vont éventuellement perdre une partie de leur identité qu'on percevait dans leur variété linguistique. Certains insulaires dits «nationalistes» estiment qu'il s'agit là un patrimoine qu'il conviendrait de sauvegarder.

2.3 Le guanche, le berbère (amazigh) et l'arabe

On désigne parfois par «guanche» la langue parlée par les anciens habitants des îles. En réalité, cette langue n'était parlée auparavant que dans l'île de Tenerife. Il ne subsiste aujourd'hui qu'un certain nombre d'inscriptions gravées sur des rochers et des poteries et attestant cette langue disparue. Il s'agit donc d'une langue morte, puisque les descendants des Guanches ignorent la langue ancestrale. L’existence des inscriptions apparentées au lybico-berbère montre que le guanche utilisait un système d’écriture similaire à celui déjà connu en Afrique du Nord, notamment au berbère. C'est pourquoi on a coutume d'associer le guanche à l'ensemble des variétés berbères.  Aujourd'hui, seuls des termes toponymiques témoignent encore de la présence des premiers habitants.

Par ailleurs, plusieurs milliers d'habitants de l'archipel proviennent du Maroc et des autres pays du Maghreb. Ils parlent l'arabe marocain, l'arabe tunisien, l'arabe hassanya de Mauritanie, etc., ou l'une des variétés berbères mais surtout l'amazigh. Les immigrants d'Afrique du Nord sont généralement concentrés dans l'île de La Grande-Canarie et l'île de Tenerife.

2.4 Les langues immigrantes

Bien que plus de 90 % des Canariens soient des ressortissants espagnols, il reste environ 10 % de la population provenant de nombreux pays d'Europe, d'Asie et d'Amérique. Les immigrants les plus nombreux sont originaires de l'Europe, soit plus de 48 000 personnes (recensement de 2001). Mentionnons, entre autres, l'Allemagne (15 895), le Royaume-Uni (11 690), l'Italie (5545), la France (2885),  la Belgique (1859), les Pays-Bas (1440), le Portugal (1404), etc. Le second contingent d'importance vient de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale, soit plus de 25 000 personnes): Colombie (10 645), Venezuela (6028), Argentine (3684), Équateur (2198), Cuba (5424), etc. Les autres viennent d'Asie avec 6057 personnes: Inde (2609), Chine (1432), Corée (759), etc. Le total des immigrants serait d'environ 100 000 personnes. La plupart de ces immigrants parlent encore leur langue, c'est-à-dire l'allemand, l'anglais, l'italien, le français, le néerlandais, le portugais, etc., sans oublier l'espagnol sud-américain. On comprendra que l'espagnol sert de langue véhiculaire dans l'ensemble des îles Canaries, mais également l'amazigh et l'arabe à La Grande-Canarie et à Tenerife.

2.5 Le silbo

Sur l'île de La Gomera, il existe une curiosité linguistique sous la forme d'une «langue sifflée», le silbo. Il s'agit de l'équivalent sifflé de l'«espagnol local» ou de ''el español canario''.  Les Canariens constituent l'une de populations utilisant des formes complémentaires de la langue en ayant recours à des modulations du sifflement à la place de celles des vibrations des cordes vocales. Cette forme de langue, qui conserve la même complexité que toute autre langue en termes de syntaxe et de vocabulaire, permet des communications à plus grande distance que le langage parlé dans les îles Canaries. Cette «langue», qui était en voie de disparition, semble connaître une certaine renaissance avec l'aide d'associations culturelles.

3 Données historiques

Les îles Canaries furent connues par les Carthaginois et par les Phéniciens, sous le nom des îles Fortunées (Fortunatae Insulae). Les Romains les ont ignorées, puis elles furent fréquentées par les Arabes à partir du XIIe siècle. Ces îles étaient habitées par des populations d'origine incertaine, mais probablement berbère: les Guanches.

Le nom de «canari» proviendrait du mot latin canis signifiant «chien», dérivé en Canaria à l'une de ces îles à cause de sa population de chiens très gros. Même les oiseaux ont été nommés canarias, mais les chiens sont disparus, alors que les oiseaux ont survécu.

Puis des marins français ont redécouvert les îles en 1334. De sa propre initiative, le pape Clément VII accorda les Canaries à la Castille en 1344 avant qu'elles ne soient conquises en 1402 par le gentilhomme normand Jean de Béthencourt. Celui-ci devint roi des Canaries tout en acceptant d'être le vassal de Henri III, roi de Castille. Par la suite, l'archipel des Canaries fut constamment disputé entre le Portugal et l'Espagne, avant d'être définitivement rendu à l'Espagne lors du traité d'Alcáçovas de 1479. Le Portugal conservait les Açores et Madère; l'Espagne, les Canaries.

El Tratado de Alcaçovas

Además, los antes citados Rey y Reina de Castilla, Aragón, Sicilia, etc., deseosos y resueltos, con el objetivo de que esta paz sea firme, estable y duradera, prometen de ahora en adelante, que ni ellos directamente, ni por medio de otras personas, pública o secretamente, [...] molestarán, dificultarán o impedirán [...] al citado Rey y Príncipe de Portugal o a los futuros soberanos de Portugal (...) en sus posesiones [...] comerciales, territoriales [...] en Guinea, con sus minas de oro, o en cualquiera otras islas, costas o tierra firme, descubiertas o por descubrir, encontradas o por encontrar, o en las islas de Madeira, Porto Santo y Desierta, o en todas las islas Azores [...] así como en las islas de Cabo Verde, o en todas las islas hasta ahora descubiertas, o en las que sean descubiertas o adquiridas por conquista desde las islas Canarias hacia el sur y Guinea. Todo lo encontrado o que sea encontrado en el futuro, adquirido por conquista o descubierto, pertenece al citado Rey y Príncipe de Portugal [...], con la única excepción de las Islas Canarias [...] las cuales pertenecen al Reino de Castilla.
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Fragmentos del Tratado de Alcaçovas firmado por España y Portugal en 1479.

Le traité d'Alcaçovas

En outre, le roi et la reine précédemment cités de Castille, d'Aragon, de Sicile, etc., désireux et résolus, dans le but de que cette paix soit ferme, stable et durable, promettent dorénavant, que ni directement ni par l'intermédiaire d'autres personnes, publiquement ou secrètement, [...] ne gêneront, ne rendront difficile ou priveront [...] ledit roi et le prince du Portugal ou les futurs souverains du Portugal [...] dans leurs possessions [...] commerciales, territoriales [...], en Guinée avec ses mines d'or, ou dans quelque autre isle, côte ou terre ferme, découvertes ou à découvrir, trouvées ou à trouver, dans les isles du Cap-Vert, ou dans les isles Madère, de Porto Santo et Desierta, et toutes les isles jusqu'à présent découvertes, ou toutes les autres isles découvertes ou acquises par conquête depuis les îles Canaries vers le sud et la Guinée. Tout ce qui est trouvé ou qu'il sera trouvé dans le futur, acquis par conquête ou par découverte, appartient audit roi et au prince du Portugal [...], avec la seule exception pour les isles Canaries [...], lesquelles appartiennent au royaume de Castille.
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Extrait du traité d'Alcaçovas signé par l'Espagne et le Portugal en 1479.

Mais la conquête espagnole entraîna également la liquidation rapide des différentes populations indigènes; les maladies et les massacres eurent raison de la population; malgré leur résistance aux conquérants, les Guanches disparurent, ainsi que leur langue et leur culture. Il ne reste pratiquement aucun vestige de cette civilisation éteinte.

Lors de la fondation de l'Amérique espagnole, les Canaries devinrent un important relais entre l'Europe et le Nouveau Monde, et subirent de nombreux assauts de la part des Britanniques, des Français et des Hollandais. Évidemment, l'archipel des Canaries devint un lieu de prédilection pour la traite des esclaves et servit de comptoir de négoce pour les négriers faisant la navette entre l'Afrique et l'Amérique. Sous la conduite de l'amiral Robert Blake, les Britanniques réussirent à vaincre les Espagnols à Tenerife, mais ceux-ci résistèrent et, en 1821, les Canaries devinrent une province espagnole. Santa Cruz de Tenerife fut choisie comme capitale.

Le tourisme fit son apparition en 1880, pour prendre davantage d'expansion à partir de 1900. Aujourd'hui, le tourisme demeure l'activité économique principale des îles Canaries, avec plus de huit millions de visiteurs annuels. Ce n'est qu'en 1927 que les Canaries furent partagées en deux provinces (Las Palmas et Santa Cruz de Tenerife), puis elles ont été constituées en Communauté autonome en 1978. En 1985, les Canaries obtinrent un régime spécial au sein de l'Union européenne.

4 La politique linguistique

Les îles Canaries constituent une communauté autonome de langue espagnole, même si la population dans son ensemble parle une variété locale appelée le canarien. D'ailleurs, le Statut d'autonomie de 1982 (Estatuto de Autonomía de Canarias) ou Loi organique du 10 août 1982 ne contient aucune disposition linguistique, parce que ce n'était pas perçu comme nécessaire ni utile. L'article 5 des Statut parle des droits et devoirs sans impliquer de quelque manière que ce soit la langue:

Article 5

1) Les citoyens des îles Canaries sont titulaires des droits et devoirs fondamentaux prévus dans la Constitution.

2) Les pouvoirs publics canaris, dans le cadre de leurs compétences, assument comme principes directeurs de leur politique :

a) La promotion des conditions nécessaires pour le libre exercice des droits et libertés des citoyens et l'égalité des individus et groupes dans lesquels ils sont intégrés.
b) La défense de l'identité et des valeurs ainsi que les intérêts du peuple canarien.
c) La réalisation du plein emploi et du développement équilibré entre les îles.
d) La solidarité consacrée par l'article 138 de la Constitution.
e) La défense et la protection de la nature et de l'environnement.

Tout au plus, cet article (par. 2.b) mentionne «la défense et l'identité des valeurs ainsi que les intérêts du peuple canarien». 

L'article 7 du même Statut ne mentionne pas d'avantage la langue en matière d'immigration au sein de la Communauté autonome: 

Article 7

Les communautés canariennes établies hors du territoire de la Communauté autonome pourront solliciter comme tels la reconnaissance de leur personnalité d'origine, y compris le droit de collaborer et de partager la vie sociale et culturelle des îles. Une loi du Parlement des îles Canaries devra réglementer la portée et le contenu de la reconnaissance mentionnée, sans préjudice des compétences de l'État, ainsi que la considération particulière due aux descendants des émigrés canariens qui retournent dans l'Archipel, ce qui, dans aucun cas, n'implique la cession des droits politiques.

Il n'existe aucun document juridique concernant la variété canarienne ou toute autre langue, ni loi ni décret; même le nouveau statut d'autonomie (Nuevo Estatuto de Autonomía) de 2006 n'y fait pas allusion, sauf à l'article 7, alors le paragraphe 3-c mentionne les «valeurs linguistiques du peuple canarien», sans préciser quoi que ce soit à ce sujet:

Artículo 7.

Objetivos básicos de la Comunidad Autónoma.

3)
La Comunidad Autónoma, en defensa del interés general, ejercerá sus poderes con los siguientes objetivos básicos:

c) El afianzamiento de la conciencia de identidad y de la cultura canaria, a través del conocimiento, conservación, defensa, promoción, investigación y difusión del patrimonio histórico, artístico y paisajístico de Canarias, así como de los valores lingüísticos del pueblo canario en toda su riqueza y variedad.

Article 7

Objectifs fondamentaux de la Communauté autonome

3) La Communauté autonome, dans la défense de l'intérêt général, exerce ses attributions avec les objectifs de base suivants :

(c) le renforcement de la prise de conscience de l'identité et de la culture canarienne au moyen de la connaissance, de la préservation, de la défense, de la promotion, de la recherche et de la diffusion du patrimoine historique, artistique et paysagé des îles Canaries, ainsi que les valeurs linguistiques du peuple canarien dans toute sa richesse et ses variétés.

L'article 9 de ce nouveau Statut précise que l'intégration sociale suppose la non-discrimination et l'égalité des chances, ce qui inclut l'usage des langues qui permettent de communiquer et d'éliminer pleinement les barrières entre les individus. On peut supposer que cette langue qui éliminerait les barrières est l'espagnol:

Artículo 9

Principios rectores de las políticas públicas

Los poderes públicos de la Comunidad Autónoma, en desarrollo de sus competencias, orientarán sus políticas públicas a garantizar y asegurar el ejercicio de los derechos reconocidos en los artículos anteriores, mediante la aplicación efectiva de los siguientes principios rectores:

e) La autonomía y la integración social y profesional de las personas con discapacidad, de acuerdo con los principios de no discriminación, accesibilidad universal e igualdad de oportunidades, incluyendo la utilización de los lenguajes que les permitan la comunicación y la plena eliminación de las barreras.

f) El uso de la lengua de signos española y las condiciones que permitan alcanzar la igualdad de las personas sordas que opten por esta lengua, que será objeto de enseñanza, protección y respeto.

Article 9

Principes directeurs des politiques publiques

Les pouvoirs publics de la Communauté autonome, en fonction de leur juridiction, doivent orienter leurs politiques publiques afin de garantir et d'assurer l'exercice des droits reconnus dans les articles précédents au moyen de l'application effective des principes directeurs suivants :

e) L'autonomie et l'intégration sociale et professionnelle des personnes souffrant d'invalidité, en accord avec les principes de non-discrimination, d'accessibilité universelle et d'égalité des chances, y compris l'usage des langues qui leur permettent de communiquer et d'éliminer pleinement les barrières.

f) L'usage de la langue des signes espagnols et des conditions permettant d'atteindre l'égalité des personnes malentendantes qui choisissent cette langue, laquelle fera l'objet d'enseignement, de protection et de respect.

Ce nouveau Statut a été approuvé par le Parlement des îles Canaries le 13 septembre 2006; il reste à être adopté par les Cortès Generales de Madrid, ce qui n'a pas été fait après toutes ces années.

4.1 La langue de l'État

Aucune loi régionale ne fait une quelconque allusion à la langue utilisée au Parlement local ou dans les tribunaux. Quoi qu'il en soit, seul le castillan est utilisé dans les cours de justice de l'archipel. Les seuls documents écrits et déposés à la cour doivent être rédigés en castillan. Cependant, en raison de l'arrivée des immigrants parlant différentes langues, un service de traduction est prévu lorsqu'il n'y a pas moyen de faire autrement.

En ce qui a trait aux services gouvernementaux du pouvoir central, l'Administration s'en tient aux dispositions constitutionnelles qui déclarent que le castillan est la langue officielle. La même politique est appliquée pour l'Administration autonome. Le canarien, lorsqu'il est utilisé, est réservé à l'oral et aux communications informelles, le castillan aux communications formelles et à l'écrit.

Dans les textes législatifs, le seul article de loi dans lequel il est fait allusion à la langue est l'article 58 de la Loi 2/1987 du 30 mars relative à Fonction publique canarienne. Cet article interdit simplement à tout fonctionnaire de pratiquer une discrimination en matière de langue, de race, de religion, de sexe, d'opinion ou de lieu de naissance:

Article 58

Seront considérés comme des fautes très graves :

a) Le non-accomplissement du devoir de fidélité à la Constitution ou au Statut d'autonomie des îles Canaries dans l'exercice de la Fonction publique.

b) Toute activité qui suppose une discrimination pour des motifs de race, de sexe, de religion, de langue, d'opinion, de lieu de naissance ou de voisinage ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale.

b) L'abandon du service.

Il est probable que la discrimination en matière de langue concerne davantage l'arabe ou les langues immigrantes que le canarien. La Loi 3/1990 du 22 février relative au patrimoine documentaire et aux archives des îles Canaries ne mentionne pas davantage de langue particulière. À l'article 1er, le paragraphe 1 précise que «le Patrimoine documentaire canarien fait partie intégrante du Patrimoine documentaire espagnol», ce qui en dit long sur la spécificité canarienne. Quant au paragraphe 2, il énonce que «toute expression en langue orale» est considérée comme un «document»:

Article 1

1) Le Patrimoine documentaire canarien fait partie intégrante du Patrimoine documentaire espagnol et il est constitué de tous les documents réunis ou non dans les archives, les institutions ou par les personnes reconnues, conformément aux dispositions prévues dans la présente loi.

2) Sont considérés comme un document, selon les termes de la présente loi, toute expression en langue orale ou tout document, naturel ou codifié recueilli dans tout type de support matériel, y compris les moyens mécaniques ou magnétiques.

3) Sont considérés comme des archives l'ensemble organique de documents ou la réunion de plusieurs d'entre eux, complets ou fractionnés, produits, reçus ou réunis par des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à des fins de gestion administrative, d'information ou de recherche historique, scientifique ou culturelle.

4) De même, sont considérés comme des archives les centres institutionnels reconnus qui organisent, conservent et desservent pour les fins mentionnées tout ensemble organique de documents.

Juridiquement parlant (de jure), le canarien n'existe pas.

4.2 L'éducation

Compte tenu de la législation espagnole en vigueur, les écoles publiques des îles Canaries sont dans l'obligation de dispenser un enseignement en castillan. Il n'existe donc aucune école primaire ou secondaire dispensant un enseignement en canarien. D'après les articles 13 et 14 de la loi espagnole 1/1990 du 3 octobre relative à l'éducation, il apparaît clairement que toutes les écoles primaires publiques doivent enseigner «la langue castillane» et, selon le cas, «la langue officielle propre de la Communauté autonome»:

Article 13

L'éducation primaire contribuera à développer chez les enfants les capacités suivantes :

a) Utiliser de manière appropriée la langue castillane et la langue officielle propre de la Communauté autonome.

b) Comprendre et exprimer des messages simples dans une langue étrangère.

Article 14

1)
L'éducation primaire comprendra trois cycles de deux cours académiques chacun et il sera organisé dans des unités qui seront obligatoires et auront un caractère global et intégrateur.

2) Les unités de ce niveau éducatif seront les suivants :

a) La connaissance de l'environnement naturel, social et culturel.
b) L'éducation artistique.
c) L'éducation physique.
d) La langue castillane, la langue officielle propre de la Communauté autonome correspondante et la littérature.
e) Les langues étrangères.

Mais la loi no 1/1990 a été remplacée par la Loi organique 2/2006 du 3 mai sur l'éducation (Ley Orgánica 2/2006, de 3 de mayo, de Educación). Dorénavant, il faut tenir compte de l'article 17 pour l'enseignement primaire:

Article 17

Objectifs de l'éducation primaire

L'éducation primaire doit contribue à développer chez les files et les garçons des habiletés qui leur permettent :

e. De connaître et d'utiliser de manière appropriée la langue castillane et, s'il y a lieu, la langue co-officielle de la Communauté autonome et de développer des habitudes de lecture.

f. D'acquérir dans au moins une langue étrangère les compétences de base en communication, qui leur permettent d'exprimer et de comprendre des messages simples et de fonctionner dans des situations quotidiennes.

Quant à l'enseignement secondaire, c'est l'article 23:

Article 23

Objectifs

L'éducation secondaire obligatoire doit contribuer à développer chez les élèves les habiletés qui leur permettent :

h. De comprendre et d'exprimer correctement, à l'oral et à l'écrit, dans la langue castillane et, s'il y a lieu, dans la langue co-officielle de la Communauté autonome, des textes et des messages complexes, et débuter leurs connaissances par la lecture et l'étude de la littérature.

i. De comprendre et de s'exprimer dans une ou plusieurs langues étrangères de manière appropriée.

Mais la Communauté autonome des îles Canaries n'a pas de «langue co-officielle», puisque la seule langue officielle est le castillan. De plus, dans toutes les écoles canariennes, on n'enseigne que la langue et l'histoire de la Castille, en ignorant généralement l'histoire et la culture spécifiques des îles Canaries. Le Décret 46/1993 du 26 mars approuvant le programme d'études de l'enseignement primaire ne mentionne d'ailleurs aucune contrainte particulière en ce qui concerne la langue. En effet, l'article 6 du décret 46/1993 reprend simplement les dispositions de la loi nationale espagnole:

Article 6

1) Les disciplines de l'enseignement primaire seront celles qui sont en relation de continuité et en conformité avec les les dispositions de l'article 14 de la Loi organique 1/1990 du 3 octobre :

a) Connaissance du milieu naturel, social et culturel.
b) Éducation Artistique.
c) Éducation physique.
d) Langue et littérature castillane.
e) Langues étrangères.
f) Mathématiques.

[...]

Le décret est en effet en tous points conforme à l'article 14 de la loi espagnole 1/1990. Dans les écoles secondaires, le Décret 129/1998 de 6 août approuvant le règlement organique des établissements d'enseignement secondaire autorise la création de «départements didactiques»:

Article 53

Départements didactiques. Compétences.

1) Dans les établissements d'enseignement secondaire, il est possible d'instituer les départements didactiques suivants : allemand, arts plastiques, sciences naturelles, éducation physique et sportive, philosophie, physique et chimie, français, géographie et histoire, grec, anglais, latin, langue et littérature castillanes, mathématiques, musique, technologie, religion et formation ainsi que orientation au travail.

Cela signifie que l'enseignement des langues étrangères concerne le français, l'anglais, l'allemand, le latin et le grec.

On trouve des précisions relatives à l'identité canarienne dans la Loi 13/2003 du 4 avril relative à l'éducation et la formation permanente des adultes des Canaries. L'article 8 mentionne cet aspect de l'enseignement pour les adultes et en fait même une question de priorité:

Article 8

De l'identité canarienne

1) Dans le cadre d'un monde multiculturel et d'un État autonome, la culture et l'identité de la nationalité canarienne, en raison de sa portée et de sa dimension, doivent être tenue en compte dans le développement et l'application de la présente loi.

2) Tout ce qui sert à promouvoir la préservation et l'évolution de l'identité culturelle canarienne sera considéré comme des activités prioritaires dans ce domaine.

3) L'Administration publique canarienne doit promouvoir les organismes et les centres consacrés à des activités éducatives pour les adultes, qui développent des initiatives et des enseignements en rapport avec l'identité culturelle, économique et sociale des îles Canaries.

L'article 9 de la même loi précise clairement que la langue d'enseignement est le castillan (par. 2), tout en tenant compte des particularités de la culture canarie:

Article 9

De l'égalité

1) L'Administration publique canarienne doit promouvoir l'égalité des conditions d'accès aux activités en éducation et en formation, spécialement celles destinées à résoudre les difficultés reliées à la distance et à l'insularité, et à garantir la promotion, l'intégration et l'insertion sociale au travail à l'égard des personnes ayant des besoins éducatifs particuliers, et des groupes en situation d'inégalité, de discrimination, d'exclusion ou de marginalisation sociale et au travail.

2) Il est accordé la priorité aux programmes qui facilitent l'intégration des immigrants, spécialement en ce qui concerne l'apprentissage du castillan et de la connaissance des éléments de base de notre culture.

3) Seront considérés comme également prioritaires les programmes qui servent la promotion de la participation socioculturelle, de l'éducation interculturelle et la résolution de tout type de discriminations.

Cependant, les particularismes culturels dont il est question ne semblent pas passer par la langue locale, mais uniquement par le castillan.

Bref, comme en Andalousie, il existe une diglossie généralisée chez ceux qui parlent le canarien comme langue maternelle. Cette diglossie est du type appelé «orthographique» ("ortográfico"), c'est-à-dire que la population s'exprime dans une langue (canarien), alors qu'elle reçoit son instruction et écrit dans une autre (castillan). Cette situation provoque quantité de problèmes linguistiques en compliquant le processus d'apprentissage scolaire, ce qui entraîne une qualité inférieure en éducation, crée un fort complexe d'infériorité et fait qu'un grand nombre d'élèves canariens terminent avec un maîtrise souvent insatisfaisante de l'écriture espagnole.

4.3 Les médias et la publicité

Les îles Canaries font partie de l'Espagne. En conséquence, c'est un archipel massivement hispanophone. Les affiches commerciales sont quasi exclusivement en espagnol (castillan), hormis de rarissimes exceptions pour certains types de commerces. tels les restaurants et les hôtels, ou certains messages destinés aux touristes. Évidemment, toutes les affiches relevant de la Communauté autonome sont en castillan, de même que les noms des rues et autres toponymes.

Tous les quotidiens et la plupart des magazines publiés dans l'archipel des Canaries sont en castillan, à l'exception de certains journaux internationaux (US Today, The Boston Globe, Chicago-Sun-Times, Le Monde, La Tribune, etc.). Les principaux jopurnaux canariens sont les suivants: Canarias 7, La Provincia, Indice Siete, Diario El Progreso, La Gazeta de Canarias, Ultima Hora, Tribuna, La Voz de Gran Canaria, etc. Évidemment, l'archipel bénéficie de l'apport des journaux nationaux de l'Espagne tels que El Pais, El Mundo, La Vanguadia, etc.

La radio et la télévision nationale (Televisión Española) ne diffusent qu'en castillan, de même que les stations locales. La Loi 8/1984 du 11 décembre sur la radiodiffusion et la télévision dans la Communauté autonome des îles Canaries ne contient aucune disposition en matière de langue:
 

Article 2

La présente loi doit être interprétée et appliquée en conformité avec les critères de respect, de promotion et de défense de la liberté, de la justice, de l'égalité, du pluralisme politique et des autres valeurs de l'ordre constitutionnel et statutaire.

Article 3

L'activité des services de radiodiffusion et de télévision sous la juridiction de la Communauté autonome est guidée par les principes suivants:

e. La promotion de la culture et de l'éducation.

L'article 3 mentionne que l'une des activités de la radiodiffusion et de télévision est la promotion de la culture et de l'éducation, sans plus de précision. Toutes les stations émettrices espagnoles sont représentées aux Canaries: SER, Onda Cero, Punto Radio, Radio Nacional de España y COPER.  Il existe aussi de nombreuses radios locales, dont Radio San Borondón (du Centro de la Cultura Popular Canaria) et la Radio Taoro à Tenerife; la Radio Guiniguada à Las Palmas et la Radio Sol, la Radio Archipiélago à Puerto Cabras, etc.

4.4 La protection des variétés linguistiques canariennes 

Paradoxalement, c'est l'État espagnol qui semble protéger le canarien ou «l'espagnol canarien» (''español canario''), non le gouvernement autonome des Canaries. Cette langue a fait l'objet d'un projet de recherche sous le nom de Proyecto de Investigación Lingüística: Estudio Global (fónico, gramatical y léxico) del español de Canarias, financé par la Direction générale de recherche scientifique et technique de l'Espagne (''Dirección General de Investigación Científica y Técnica de España''). Le résultat de la recherche constitue notamment en un dictionnaire des canarismes (Diccionario de canarismos) publié en 1995. L'importance du Dictionnaire des canarismes provient du fait qu'il ne se réfère pas seulement une île ou une localité particulière, mais à la totalité des îles canariennes. Évidemment, il s'agit ici d'une intervention sur le code, non sur le statut.

Certains politiciens ont réclamé de Madrid la création de l'Academia Canaria de la Lengua (''Académie canarienne de la langue'') à l’exemple de la Real Academia Española (''Académie royale espagnole''), afin de conserver et de développer la spécificité culturelle des îles. Finalement, cette fameuse académie a été créée en 2004. Les Statuts de l'Académie canarienne de la langue permettent d'en savoir davantage sur une éventuelle politique linguistique.  L'article 2 nous apprend que l'Académie canarienne de la langue est une institution non lucrative poursuivant des fins exclusivement scientifiques, des objectifs d'information et de consultation. Pour la première fois, dans un texte officiel, on peut lire que «la ''canariennité'' est un fait linguistique et culturel défini et expliqué comme hispanique»:

Statuts de l'Académie canarienne de la langue (2004)

Article 2

La Fondation canarienne de l'Académie canarienne de la langue (désormais «la Fondation») est une institution non lucrative poursuivant des fins exclusivement scientifiques, d'information et de consultation, qui soumet ses activités en vertu des principes institutionnels suivants :

a) Reconnaître et respecter la liberté idiomatique et intellectuelle des personnes, en évitant toute attitude d'exclusion;

b) Rejeter et condamner tout dogmatisme linguistique ou intellectuel, parce qu'il n'existe aucune variété idiomatique supérieure ou inférieure aux autres.

c) Reconnaître que la «canariennité» est un fait linguistique et culturel défini et expliqué comme hispanique, pour lequel il est proclamé comme propre tant pour la variété riche de la langue qui nous unit que pour celle de ses littératures, et que la Fondation s'engage à stimuler et à en diffuser la connaissance parmi tous.

On peut supposer que cette «Canariedad» (''canariennité'') concerne l'espagnol canarien, tout autant que le guanche, le silbo, voire l'amazigh ou l'arabe, mais il faut considérer que le fait linguistique canarien est défini comme «hispanique», ce qui exclurait le guanche (au grand dam de ses défenseurs), l'amazigh, l'arabe et toutes les langues immigrantes.  

Cependant, l'article 3 des Statuts de l'Académie canarienne de la langue prévoit au paragraphe b) «l'étude scientifique de toutes les variétés linguistiques canariennes»:

Article 3

La Fondation canarienne a les objectifs suivants :

a) La Fondation a la responsabilité fondamentale et essentielle d'élaborer une grammaire de la langue et un dictionnaire, tous les deux de niveau universel, destinés à l'usage des Canariens. La connaissance de la langue propre ne sera jamais réalisée sans le concours de toute ses variétés historiques, tant dans le domaine de la grammaire que dans celui du lexique.

b) Favoriser et stimuler l'étude scientifique de toutes les variétés linguistiques canariennes, tant en ce qui concerne son état actuel que son histoire.

c) Favoriser et stimuler l'étude scientifique de la littérature canarienne, orale et écrite, tant en ce qui concerne son état actuel que son son histoire.

d) Divulguer, au moyen de publications autorisées, les résultats des recherches auxquelles réfèrent les paragraphes précédents.

e) Résoudre autant de consultations linguistiques qu'il soit possible de faire.

f) Conseiller dans tout ce qui concerne l'enseignement de l'espagnol dans l'archipel, et organiser ou rendre propices des cours destinés non seulement aux professeurs, mais aussi au public en général.

g) Collaborer avec les organismes éducatifs et scientifiques tant en ce qui concerne l'enseignement de la langue maternelle qu'en ce qui concerne son usage dans les divers domaines de la vie et de la connaissance.

h) Favoriser la collaboration scientifique et institutionnelle avec le reste des Académies de la langue dans le monde linguistique hispanique et, en particulier, avec les Amériques.

i) Stimuler le développement des perspectives culturelles des Canariens, par l'étude et la diffusion de l'essentiel des littératures de notre langue - tant écrites qu'orales -, non seulement dans le cadre canarien, mais aussi au plan national et international. En ce sens, la Fondation créera une bibliothèque fondamentale dans laquelle figureront toutes les oeuvres littéraires que doit connaître tout hispanophone cultivé.

En même temps, le paragraphe f) ne mentionne que «l'enseignement de l'espagnol dans l'archipel», alors que le paragraphe g) parle de façon ambiguë de «l'enseignement de la langue maternelle» (laquelle?). De plus, le paragraphe h) précise bien qu'il convient de «favoriser la collaboration scientifique et institutionnelle avec le reste des Académies de la langue dans le monde linguistique hispanique et, en particulier, avec les Amériques». Cela signifierait que l'Académie canarienne de la langue compte effectuer des travaux de recherche relatifs à toutes les «variétés linguistiques canariennes» et appliquer une politique de l'enseignement de la langue espagnole dans les écoles et établissements publics des îles Canaries.

Bref, les statuts de l'Académie canarienne de la langue ne mentionnent guère la dimension culturelle guanche et l’avenir de celle-ci dans l'archipel. Tout au plus peut-on croire que les «variétés linguistiques canariennes» (''las modalidades lingüísticas canarias'') doivent correspondre à des variantes très proches de la langue castillane.

Au contraire, l’intérêt manifesté aux langues et civilisations étrangères, telles que l'anglais, l'arabe, l'allemand, etc., semblent beaucoup plus préoccuper les autorités canariennes. On peut même affirmer que l'héritage linguistique spécifiquement canarien ne bénéficie d’aucune protection particulière de la part des institutions canariennes.

Du point de vue de la politique linguistique, le gouvernement des Canaries n'a jamais fait d'efforts pour même tenter de valoriser la variété canarienne. Il est probable que personne parmi les autorités n'a pensé à une quelconque reconnaissance du canarien. Il n'existe pas davantage de programmes permettant une attribution de prix dans l'emploi de la variété linguistique canarienne. Cela signifie que le canarien ne bénéficie d'aucun prestige. Pour ce faire, il faudrait réussir à changer les mentalités des insulaires, ce qui n'est pas une mince tâche.

En somme, la politique linguistique de la Communauté des îles Canaries correspond à une politique de non-intervention tant à l'égard du castillan que du canarien. Il n'en demeure pas moins que les autorités canariennes tiennent à maintenir la «culture canarienne», même si celle-ci ne passe pas par la langue. Quoi qu'il en soit, le canarien n'est pas considéré comme une «langue», mais seulement une «modalidad lingüística», c'est-à-dire une «variété linguistique» qu'il n'apparaît pas nécessaire de protéger.

Dernière mise à jour: 17 févr. 2024
   

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