Andalousie (Espagne)
Comunidad Autónoma de Andalucía

Andalousie

Communauté autonome d'Andalousie

Capitale: Séville
Population: 8,4 millions  (2014)
Langue officielle: castillan   
Groupe majoritaire: castillan (80 %) 
Groupes minoritaires: andalou (20 %), tsigane, arabe, berbère, portugais, etc.
Système politique: l’une des 17 Communautés autonomes d’Espagne  
Articles constitutionnels (langue): art. 3 de la Constitution espagnole de 1978; art. 12 du Statut d'autonomie de 1982 (abrogé) et art. 10 et 213 du Statut d'autonomie de 2007
Lois linguistiques: plusieurs lois espagnoles dont la loi 1/1990 du 3 octobre sur la réglementation générale du système d'éducation et la Loi organique 2/2006 du 3 mai sur l'éducation; l'ordonnance du 11 avril 2006 sur l'établissement de prix pour des programmes scolaires en rapport avec la promotion du plurilinguisme dans les établissements d'enseignement pour l'année 2006.

1 Situation géographique

L'Andalousie (Andalucía en espagnol) constitue une Communauté autonome du sud de l'Espagne. Elle représente 17,3 % du territoire espagnol, avec 87 268 km²; c'est donc la plus grande des régions espagnoles et sa superficie dépasse de beaucoup celle d'un pays comme la Belgique (32 545 km²), pour équivaloir à celle, par exemple, de l'Autriche (83 858 km²). La capitale est Séville.

L'Andalousie est limitée au nord par l'Estrémadure et la Castille-La-Manche, à l'est par la Murcie, au sud par la mer Méditerranée et Gibraltar, et à l'ouest par le Portugal.

L'Andalousie compte huit provinces: 
 

Province

Capitale Superficie
Almería Almería  8769 km²
Cadix Cádix  7442 km²
Cordoue Córdoba 13 769 km²
Grenade Granada 12 635 km²
Huelva Huelva 10 148 km²
Jaén Jaén 13 484 km²
Malaga Málaga   7308 km²
Séville Séville 14 036 km²

Le drapeau d'Andalousie est vert et blanc avec un blason représentant Hercule accompagné de deux lions. Le blason porte aussi la devise suivante: DOMINATOR HERCULES FUNDATOR . Au bas du blason, on peut lire «Andalucía por sí, para España y la humanidad», ce qui signifie: «L'Andalousie pour elle, pour l'Espagne et pour l'humanité».

2 Données démolinguistiques

L'Andalousie comptait plus de sept millions d'habitants en 2014, soit 8,4 millions. La population est répartie comme suit selon les provinces:

Province Population
Almería    701 402
Cadix 1 240 175
Cordoue    799 402
Grenade    919 455
Huelva    519 229
Jaén    659 033
Málaga 1 621 968
Séville  1 941 355
Total 2014 8 402 305

Ainsi, les provinces les plus peuplées sont Séville (1,9 million), Malaga (1,6 million) et Cadix (1,2 million), voire Grenade (919 455). Les villes numériquement les plus importantes sont les suivantes: Séville, Malaga, Cordoue, Grenade, Jerez de la Frontera, Almería, Huelva, Marbella, Dos Hermanas, Cadix, Algeciras et Jaén.

2.1 Les langues parlées

En Andalousie, comme dans la plupart des régions d'Espagne, compte des locuteurs s'exprimant en diverses langues. Les plus nombreux parlent le castillan ou l'andalou, mais d'autres s'expriment en arabe, en berbère, en portugais, en anglais, en français, etc. Si ce sont des Espagnols d'origine, ils parlent tous le castillan ou l'andalou. Certaines communautés immigrantes parlent l'arabe marocain (le plus important) ou l'arabe tunisien, le bergère (et ses variétés), le portugais, etc. Officiellement, tous les Andalous parlent le castillan (appelé aussi «castillan septentrional»), la langue officielle de l'Espagne.

2.2 L'andalou

Dans les faits, le castillan parlé en Andalousie est le «castillan méridional» appelé simplement andalou (en français), andalùh (en andalou) ou andaluz (en espagnol), andalusian (en anglais) ou encore dialecto andaluz (en espagnol). La variété du castillan qu'on parle en Andalousie porte en effet différentes appellations en espagnol: andaluz («andalou»), dialecto andaluz («dialecte andalou»), modalidad lingüística andaluza (mot à mot «modalité linguistique andalouse»), habla andaluza («parler andalou») ou hablas andaluzas («parlers andalous»).

Dans la Constitution et les décrets concernant la Communauté autonome de l'Andalousie, c'est l'expression modalidad lingüística andaluza qui est la plus fréquemment utilisée pour désigner l'andalou considéré comme une variété locale du castillan. Le terme espagnol de modalidad peut être traduit en français par modalité, variété, particularité ou spécificité, mais c'est le terme modalité qui convient le moins (au sens de «forme particulière» appliquée à une langue). Il est préférable d'utiliser les termes variété («forme caractérisée par la variation de certains traits particuliers») ou particularité linguistique («caractère de ce qui appartient en propre») ou encore mieux spécificité linguistique («qui a son caractère propre»).

De plus, l'andalou n'est pas uniformisé et il est parlé de diverses façons selon la province d'appartenance. De façon générale, il convient de distinguer deux grandes aires : l'andalou occidental et l'andalou oriental. L'andalou occidental est parlé dans les provinces de Huelva, Séville, Cadix, la partie nord de Cordoue et l'ouest de Malaga. L'andalou oriental s'étend dans les provinces de Jaén, Grenade, Almeria et dans la partie sud de Cordoue et l'est de Malaga.

Par ailleurs, il existe d'autres régions ayant des variétés linguistiques relativement similaires et font partie de l'andalou occidental comme l'extremadurien (Extremadure: province de Badajoz) ou de l'andalou oriental comme le murcien (Murcie) et le canarien (îles Canaries).

L'andalou présente certaines différences phonétiques et lexicales par rapport au castillan officiel, notamment en raison des nombreux emprunts à l'arabe (les «arabismos», c'est-à-dire les arabismes) parce que l'Andalousie a été soumise plus que d'autres régions à l'influence arabe. En andalou, on ne prononce pas de [s] ni de [z], ni de [n] à la fin des mots: «Yo cuento, tu cuenta(s).» Le [d] du do (participe passé) est remplacé par [o] : comprado > compraho; le système est similaire avec quelques noms : mercado > mercaho, pescado > pescaho. Enfin, il y a dans l'andalou une façon assez différente de prononcer par rapport au castillan, sans oublier les emprunts lexicaux au castillan et les transferts de sens apportés par le castillan.

2.3 La controverse

En Espagne, l'andalou est souvent considéré comme un «dialecte de l'espagnol», alors qu'il provient historiquement, à l'instar du castillan, du latin populaire (la langue mère), non de l'espagnol. L'andalou est historiquement un «dialecte du latin», pas de l'espagnol ; ou bien l'andalou est un «dialecte de l'espagnol» comme le castillan en est un également, plus précisément d'un «proto-espagnol» ou d'un «proto-castillan». Mais associer le mot «dialecte» au castillan apparaît comme une aberration pour un Espagnol. Pourtant, le castillan est bel et bien un «dialecte du latin», du latin populaire, à l'exemple du français, de l'italien, du portugais, du catalan, bref de toutes les langues romanes (y compris l'andalou, le murcien, le canarien, comme le champenois, le saintongeais, le provençal, le piémontais, le sicilien, le corse, etc.), qui proviennent toutes de la même langue mère. Pour beaucoup d'Espagnols, l'andalou ne saurait être une langue, puisqu'il serait de l'«espagnol déformé»!

Il s'agit là d'un débat relativement similaire qui a eu lieu au Québec dans les années soixante entre les tenants du «bon français» et les tenants du «joual». Rappelons que le mot joual provient de cheval prononcé [jwal] comme en français du XVIIe siècle. Le terme joual est utilisé au Québec pour désigner globalement les différences ou écarts phonétiques, grammaticaux, syntaxiques et lexicaux (y compris les anglicismes) du français populaire canadien, soit pour les stigmatiser, soit pour en faire un symbole d'identité. Il existe toutefois une différence notable d'ordre génétique: le «joual québécois» provient du français issu d'un mélange de français archaïsant, de français populaire et d'un certain nombre d'anglicismes, alors que l'andalou ne provient pas du castillan, mais du latin. En ce sens, le joual est historiquement un «dialecte du français», alors que l'andalou est historiquement un dialecte du latin... comme le castillan et le français.

Toutefois, les pro-castillans tiennent absolument à en faire un «dialecte du castillan». Pour d'autres pro-castillans, l'andalou non seulement n'est pas une langue ("el andaluz no es una lengua"), mais il n'est pas d'avantage un dialecte ("ni un dialecto"), il n'est qu'une façon déformée de parler le castillan ("solo una forma de hablar el castellano»). On devine derrière ce débat les motivations idéologiques. C'est probablement moins «noble» de provenir du castillan que du latin!

Pour tout linguiste, l'andalou est une langue dans la mesure où il correspond à un système de signes et de règles combinatoires utilisé par une communauté pour communiquer. Bien sûr, la notion de prestige n'entre pas en considération dans cette notion. En ce sens, tout ce qui sert à communiquer des idées au moyen d'un langage articulé est une langue, peu importe qu'on l'appelle socialement «langue», «dialecte», «patois», «créole», etc. Les termes utilisés pour désigner les langues servent à les «classer» selon des critères sociaux, politiques, économiques, historiques et idéologiques, voire moraux. Tous ces critères sont soit dépréciatifs (p. ex., le «dialecte») soit mélioratifs (p. ex., la «langue»), jamais neutres. Ils sont teintés d'un jugement de valeur. Or, une langue est avant tout un code, une convention adoptée par un ensemble de locuteurs pour exprimer des idées. Dans les faits, l'andalou peut être considéré aujourd'hui comme une variante locale du castillan, une variante nettement stigmatisée lorsqu'elle est utilisée ailleurs qu'en Andalousie, c'est-à-dire plus au nord, à Madrid ou au nord de Madrid.

2.4 L'absence de statut politique

En réalité, la plus grande différence par rapport au castillan de la Vieille-Castille est de l'ordre du statut, pas du code lui-même: le castillan est une langue officielle, tandis que la variante andalouse n'a jamais été reconnue juridiquement. Au contraire, elle a toujours été dévalorisée au plan social. Les médias ont depuis toujours habitué les Andalous à identifier les locuteurs de l'andalou comme des personnes peu instruites au demeurant... fort charmantes. Même dans les milieux universitaires, il est très normal de considérer l'andalou comme du «castillan mal parlé». L'andalou est généralement mal perçu non seulement par les Castillans, mais par les Andalous eux-mêmes.

De plus, beaucoup d'Espagnols se servent comme prétexte de la diversité des variétés andalouses pour nier existence même de cette langue. C'est évidemment leur droit! C'est vrai que l'andalou n'existe pas juridiquement comme «langue», mais linguistiquement il s'agit bel et bien d'une langue, très proche du castillan, il est vrai! Que l'andalou soit une «variété du castillan» ne l'empêche pas d'être une langue! Autrement dit, rien n'empêche que l'andalou et le castillan soient des variétés d'une même langue, mais il ne convient sûrement pas d'affirmer que seul le castillan est une langue, l'andalou étant relégué au «dialecte». Un linguiste ne peut souscrire à ce genre de jugement de valeur. Il faut savoir que dans les questions linguistiques tout peut devenir politique. L'andalou serait une langue distincte du castillan s'il était déclaré langue officielle du sud de l'Espagne, tout comme c'est le cas du catalan en Catalogne et du valencien au Pays valencien, ou encore du croate en Croatie, du serbe en Serbie, du monténégrin au Monténégro, du bosniaque en Bosnie-Herzégovine, qui sont devenus politiquement des langues distinctes tout en étant, au plan strictement linguistique, des variétés d'une même langue. Bref, tout dépend du statut politique! Politiquement, ce sont des langues distinctes, linguistiquement, des variétés linguistiques! Il en serait ainsi de l'andalou et du castillan.   

En Andalousie, les classes moyennes urbaines (majoritaires dans la région) sont bilingues; elles peuvent  s'exprimer oralement en andalou, tout en employant le castillan à l'écrit en tant que langue de la culture et de la littérature. La haute bourgeoisie andalouse s'exprime en castillan, tant à l'oral qu'à l'écrit, en employant cette langue comme une caractéristique de distinction sociale. Les agriculteurs, éleveurs, paysans et, en général, ceux qui vivent dans les milieux populaires, s'expriment généralement dans la variété andalouse plutôt que castillane. Leur scolarisation est souvent très précaire et leur maîtrise de l'écriture en castillan demeure parfois rudimentaire.

Selon diverses études, l'andalou est également à l'origine de diverses variétés de l'espagnol en Amérique latine, spécialement celui des zones côtières qui ont été les plus exposées au contact du sud de la Péninsule espagnole. Rappelons que c'est en Andalousie qu'ont pris naissance plusieurs événements ayant influencé la plupart des hispanophones des Amériques.

2.5 L'andalou dit standard

Il existe néanmoins un «andalou standard» (andaluz estándar) employé surtout par les étudiants et les enseignants, les politiciens et d'autres groupes sociaux influencés par le système scolaire et l'administration locale. Cet andalou est à un mi-chemin entre le castillan et l'andalou traditionnel.

Andalou standard Castillan Français
La pozterió konkihta kahteyana okazionó ke ambah ablah (la kahteyana i la andaluza) no diberhieran zino ke ze enkontraran, por lo kuá oi en día no zuelen zer konzideráh lenguaz dihtintah. La conquista castellana ocasionó que ambas hablas (la castellana y la andaluza) no divergieran sino que se encontraran, por lo cual hoy en día no suelen ser consideradas lenguas distintas. La conquête castillane a entraîné deux parlers (le castillan et l'andalou) qui ne divergent pas, mais se sont rencontrés; c'est pourquoi de nos jours ils ne sont pas considérés comme des langues distinctes.

À l'écrit, l'andalou est transcrit à partir du système appelé "NOA" (Norma Ortográfica Andaluza : norme orthographique andalouse, très différente de l'orthographe castillane), laquelle est basée sur l'andalou de Séville, notamment utilisée pour les chansons populaires, le flamenco ou pour toutes les occasions dans lesquelles il est possible de refléter la façon particulière de parler du peuple andalou. Pour nombre de Castillans, le système orthographique de l'andalou actuel ne correspondrait qu'à une forme «capricieuse» et «inventée» de l'«espagnol mal parlé». Il serait impossible d'enseigner l'écriture de manière différente du castillan. On n'en sort pas! Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage...  En réalité, cette façon de représenter la langue comme de «l'espagnol mal parlé» n'est ni scientifiquement valable ni culturellement acceptable.

Il est possible que l'andalou obtienne un jour un statut plus valorisant parce qu'il s'agit d'un idiome répandu et caractérisé par des traits spécifiques. Mais il faudra sans doute attendre que les «dinosaures» qui, jusqu'ici, ont empêché cette «promotion» ne puissent plus utiliser leur rapport de forces. De tels propos sont considérés évidemment par les Andalous pro-castillan comme une hérésie choquante, qui tiendrait de la folie furieuse, mais pour les nationalistes pro-andalou il s'agirait d'une perspective normale. De toute façon, ce sera aux Andalous de décider du sort de leur "modalidad lingüística" s'ils veulent en faire une langue ("lengua andaluza"). Mais aussi longtemps que les Andalous parleront andalou et écriront en castillan, l'andalou demeurera sans statut; et pour l'écrire, il faut l'enseigner dans les écoles, l'administration, la justice, etc. 

Il n'existe pas de statistiques officielles sur le nombre des locuteurs de l'andalou, mais on estime qu'environ 20 % des habitants de la Communauté autonome pourraient parler l'andalou comme langue maternelle et usuelle. Les autres parleraient le castillan et un certain nombre de langues immigrantes (portugais, arabe, berbère, etc.). 

2.6 La langue tsigane (gitane)

L'Andalousie compte sur son territoire un grand nombre de Tsiganes, appelés plus souvent «Gitans» ("Gitanos") en Espagne. On emploie aussi les expressions Pueblo Gitano («peuple gitan») et comunidad gitana («communauté gitane») pour désigner les Tsiganes espagnols. La langue parlée ("el idioma gitano") par les Tsiganes est appelée le romaní en espagnol («tsigane» ou «rom» en français). On compte environ 600 000 Tsiganes ou Gitans dans toute l'Espagne, dont 270 000 en Andalousie, ce qui représente 45 % de la population gitane du pays, mais seulement 3,6 % de la population totale des Andalous. 

3 Bref historique

L'Andalousie porte les traces de la présence humaine dès l’époque du néolithique. La région côtière, en particulier celle du Bas-Guadalquivir, fut colonisée par les Phéniciens vers le xiie siècle avant notre ère. Ceux-ci donnèrent à la région le nom de «Tarsis» et fondèrent de nombreux comptoirs : Bartulos (aujourd’hui, Almería), Gadès (aujourd’hui Cadix), Hispalis (aujourd’hui Séville), Oruba (aujourd’hui Huelva). Par la suite, les Carthaginois succédèrent aux Phéniciens, au vie siècle avant notre ère, et imposèrent leur hégémonie sur l’Andalousie. Ils en firent la plus riche province de leur empire, soit entre le vie siècle et le IIe siècle avant notre ère.

3.1 L'Andalousie romaine (Bétique)

L'Espagne (ou l'Hispania) fut conquise par les Romains en 206 avant notre ère, après la bataille de Zama. Ceux-ci créèrent trois provinces qu'ils nommèrent la Bétique (Baetica), l'actuelle Andalousie, la Tarraconaise (Tarraconesis) et la Lusitanie (Lusitania), l'actuel Portugal. La Bétique tirait son nom du fleuve Betis, aujourd'hui appelé Guadalquivir. Les Romains installèrent la capitale de la province à Cordoue (en latin: Corduba). La romanisation de l'Andalousie fut si intense qu'elle donna à Rome des personnalités comme Trajan, Hadrien, Théodose, Sénèque et Lucain.

Le christianisme fit son apparition au IVe siècle, mais depuis un certain temps, le processus de romanisation linguistique fut particulièrement intense en Andalousie. Très tôt, les Andalous assimilèrent les usages, les coutumes et la langue latine. La «paix romaine» dura quatre siècles dans la Péninsule.

Au début du ve siècle, l’Andalousie fut envahie par les Vandales qui lui donnèrent le nom de Vandalusia, lequel se transforma au cours des siècles en Andalousia. Mais les Vandales furent vite chassés par un autre conquérant germanique, les Wisigoths, qui occupèrent l’Andalousie dès 429. Les Wisigoths laissèrent leur marque dans la langue andalouse par des apports lexicaux germaniques.

3.2 L'Andalousie arabe

Par la suite, les Wisigoths furent chassés à leur tour en 711 par les Maures lors du débarquement à Tarifa. Ces conquérants installés d'abord au sud de la Péninsule n'étaient pas des Arabes, mais des Berbères islamisés venus du Maroc. Au début de la conquête, les Arabes furent très peu nombreux comparativement aux Espagnols et aux Berbères, car les troupes maures étaient constituées de guerriers berbères, alors que seuls les chefs et les officiers étaient arabes. 

- La fragmentation linguistique de l'Espagne

Puis le califat de Cordoue (viiie-xe siècle), fondé en 756, connut son apogée sous Abd al-Rahmān III (912-961). À partir du XIe siècle, l'Espagne, plus particulièrement l'Andalousie, vit déferler une arrivée massive d'Arabes, notamment avec la dynastie des Almoravides, puis des Almohades qui régnèrent sur l'Al-Ándalus à partir de cette époque.

L’Andalousie devint en Europe le centre de la civilisation musulmane et arabe, avec Grenade, Cordoue, Séville et Jaén, qui furent de brillants foyers de la culture islamique. Dès lors, le sud de l'Espagne connut une forte arabisation, certainement avec l'immigration et l'influence du Coran, le livre sacré de la nouvelle religion, qui devait être lu ou récité en arabe.

L'arrivée des Arabes entraîna la rupture d'une certaine uniformité linguistique et culturelle de la péninsule Ibérique et favorisa la fragmentation linguistique. En effet, l'occupation favorisa la dispersion et le repli des chrétiens vers le nord et à le morcellement du latin d'origine, qui se fragmenta en castillan, en andalou, en catalan, en navarrais, en aragonais, en asturo-léonais, etc. Les zones les plus arabisées ont été l'Andalousie et le centre de l'Espagne jusqu'à la vallée de l'Èbre au nord-est, qui ont constitué la région appelée Al-Ándalus par les conquérants.

La coexistence dans cette région entre les nouveaux habitants et la population autochtone a provoqué d'importants échanges linguistiques. En devenant la langue officielle et la langue de culture, l'arabe imprégna, entre autres, la langue de la population andalouse.
 

Durant l'occupation arabe, le sud de la Péninsule connut au moins cinq langues principales, l'arabe, le castillan, le mozarabe, l'andalou et le latin. La langue arabe était avant tout employée par l'Administration du calife, ainsi que par les colons et soldats en provenance de l'Afrique et de l'Arabie. Mais l'arabe devint progressivement ce qu'on appellerait aujourd'hui «la langue des affaires» en Espagne: Arabes, Mozarabes, chrétiens et juifs finirent par adopter l'arabe comme langue écrite et véhiculaire.

Le castillan était utilisé par l'aristocratie et la bourgeoisie espagnole, ainsi que par les grands commerçants. Le latin demeurait la langue de l'Église catholique, encore toute puissante en Espagne; c'était un symbole distinctif en terre d'islam ibérique. C'était la langue de la liturgie, de l'enseignement à l'usage du clergé, de la copie des manuscrits, des inscriptions funéraires, etc. Par ailleurs, beaucoup d'Espagnols (fonctionnaires, serviteurs, soldats, commerçants, artisans, etc.), gravitant autour des autorités arabes ou du califat, furent arabisés, mais non islamisés. Ce sont les Mozarabes. Ces chrétiens (habillés comme des Arabes) parlaient une langue romane appelée aljamía ou mozarabe, et écrite en alphabet arabe.

Le mot «Ajam» était utilisé pour désigner ceux que les Arabes considéraient comme des «étrangers», voire des rivaux; les Mozarabes étaient de «faux Arabes» pour les Arabes, et des «traîtres» pour les Castillans; alors que les Arabes les considéraient comme des chrétiens, les Castillans voyaient en eux des Arabes.

Dans tout le Sud, on parlait des langues mozarabes parce qu'il y en avait plusieurs variétés. Par exemple, on distingue le «castillan mozárabe», qui se divisait lui-même en de nombreuses sous-variétés, le «catalan mossàrab» et le «portugais moçárabe». Ces Mozarabes étaient considérés par les Arabes comme une communauté repliée sur elle-même, imperméable à toute influence de l'islam, mais en réalité ils étaient plus «réceptifs» aux autres cultures que les Castillans. Le reste de la population, surtout des paysans, mais aussi des pêcheurs et des explorateurs, parlaient ce qui allait devenir l'andalou.

Au début du xie siècle, le royaume cordouan fut divisé en plusieurs principautés mauresques indépendantes (Cordoue, Séville, Jaén et Grenade). Ce démembrement de la région favorisa la fameuse «reconquête» (Reconquista) de l'Espagne chrétienne.

Au xiiie siècle, après la défaite de Las Navas de Tolosa (1212), les chrétiens espagnols reprirent Cordoue (1236), Jaén (1246), Séville (1248), Jérez et Cadix (1250). Seul subsista le royaume de Grenade qui connut pendant deux siècles une grande civilisation.

Le Royaume de Grenade était le dernier État musulman dans la péninsule Ibérique. Les sultans de Grenade réussirent à freiner la Reconquista jusqu'aux dernières décennies du XVe siècle. Dans le Royaume de Grenade vivait une population diversifiée formée de descendants d'Arabes syriens, de Berbères, d'Espagnols convertis à l'islam, de mozarabes ou de chrétiens arabisés et de juifs. Acculé à la mer, cet État devint intolérant par instinct de survie. La société dominante devint monoculturelle, avec une seule religion (l'islam), une seule langue (l'arabe), un seul royaume (Grenade). Les autorités religieuses cherchèrent l'islamisation complète des individus habitant le Royaume de Grenade. Au cours de cette dernière période, beaucoup de chrétiens quittèrent le territoire pour se réfugier dans le Nord «en terre chrétienne».

3.3 La Reconquête espagnole

En 1492, la prise de Grenade par les Rois Catholiques, Ferdinand II d’Aragon et Isabelle Ire de Castille (voir le tableau de Francisco Pradilla y Ortiz ci-dessous), chassa définitivement les Arabes de la péninsule. La capitulation de Grenade constitua la fin de l'occupation musulmane en Espagne et en même temps que celle de la Reconquista. Boabdil, déformation castillane de Abû Abdil-lah, fut le dernier roi maure de Grenade; il remit les clés de la ville après sa capitulation à Isabelle de Castille et à Ferdinand d'Aragon. Il était connu aussi sous le nom de El Moro, «le Maure».

Dès lors, l’Andalousie fut rattachée au royaume d’Espagne. Séville devint le principal port espagnol pour les voyages avec le Nouveau Monde, car il était le seul a avoir le droit de commercer avec les Amériques. Comme la reconquête de l'Andalousie occidentale avait commencé au XIIIe avec Fernando III en 1236 et que celle de l'Andalousie orientale et du royaume de Grenade n'eut lieu qu'en 1492, l'hispanisation de l'Andalousie s'est produite de manière progressive tout au long de plus de deux siècles. Ces événements furent à l'origine des différences linguistiques significatives (spécialement phonétiques) dans l'évolution de la langue dans les deux zones de l'Andalousie (occidentale et orientale). La langue mozarabe disparut après la Reconquête espagnole. Ce que la conquête arabe n'avait pu faire, c'est-à-dire l'assimilation des masses andalouses, les Rois Catholiques ont réussi à le faire en grande partie. Auparavant, vers 1460, les premiers Gitans sont arrivés en Andalousie et ils se sont rapidement liés aux nobles en se rendant indispensables pour les entreprises guerrières, les travaux de forge et le dressage des bêtes de somme.

En 1704, l'Espagne perdit Gibraltar au profit de la Grande-Bretagne. Au cours du XVIIIe siècle, les autorités espagnoles se mirent à persécuter  les Gitans qui refusaient de se sédentariser et de s'assimiler; ils furent souvent associés à des criminels. Une nouvelle constitution fut promulguée, le 12 mars 1812, à Cadix. En 1936, la guerre civile espagnole éclata et l'armée de Francisco Franco, soutenue par des troupes italiennes, s'empara de Malaga, le 8 février 1937.  Des navires allemands bombardèrent Almería le 31 mai 1937 pour soutenir Franco. Les diverses langues parlées par les Espagnols autres que le castillan (catalan, basque, aragonais, andalou, etc.) furent pourchassées et interdites dans la vie publique jusqu'à la mort de Franco en 1975. Durant des décennies, soit depuis au moins les années vingt, les journaux ont fait des campagnes «de bon parler» (''cruzada del bien hablar'') afin de valoriser le castillan aux dépens de l'andalou. Cette dévalorisation de l'andalou a profondément marqué la population locale pendant des générations. Bref, parler andalou était honteux!

3.4 La Communauté autonome

En 1982, l'Andalousie obtint son Statut d'autonomie (Estatuto de Autonomia para Andalucia) dans le cadre la nouvelle Constitution espagnole de 1978, mais c'est le castillan qui fut choisie comme unique langue officielle, l'andalou étant considéré comme un simple «dialecte de l'espagnol». Le gouvernement autonome n'a jamais reconsidéré cette question sous un autre angle. En 1998, la Communauté autonome d’Andalousie a décidé de mettre en œuvre une politique de développement d’enseignement bilingue dans les écoles publiques en introduisant plusieurs langues étrangères. Un nouveau Statut d'autonomie est en vigueur depuis février 2007. Cette fois-ci, l'article 37 de la la loi organique tient compte de la protection, de la promotion et de l'enseignement de la variété linguistique (modalité linguistique) andalouse dans toutes ses expressions. Certes, ce n'est pas encore énorme, mais c'est un pas dans la bonne direction.

3 La politique linguistique

Le Statut d'autonomie de 1982 (aujourd'hui abrogé par celui de 2007) ne proclamait aucune langue officielle particulière, ce qui impliquait que, en fonction de l'article 3 de la Constitution espagnole, le castillan demeurait la seule langue officielle de l'Andalousie: «Le castillan est la langue espagnole officielle de l'État. Tous les Espagnols ont le devoir de le connaître et le droit de l'utiliser.»  Seul l'article 3 du Statut d'autonomie de 1982 faisait allusion à la langue pour préciser que la Communauté autonome devait «affermir la conscience de l'identité andalouse grâce à l'étude, la diffusion et la connaissance des valeurs historiques, culturelles et linguistiques du peuple andalou dans toute leur richesse et leur variété»:

Estatuto de Autonomia, 1982 (abrogato)

Artículo 12

[...]

3) Para todo ello, la Comunidad Autónoma ejercerá sus poderes con los siguientes objetivos básicos:

[...]

2o El acceso de todos los andaluces a los niveles educativos y culturales que les permitan su realización personal y social.

Afianzar la conciencia de identidad andaluza a través de la investigación, difusión y conocimiento de los valores históricos, culturales y lingüísticos del pueblo andaluz en toda su riqueza y variedad.

Statut d'autonomie de 1982 (abrogé)

Article 12

[...]

3) Par conséquent, la Communauté autonome exercera ses pouvoirs en tenant compte des objectifs fondamentaux suivants:

[...]

2o L'accès de tous les Andalous aux niveaux éducatifs et culturels qui leur permettent leur réalisation personnelle et sociale.

Affermir la conscience de l'identité andalouse grâce à l'étude, la diffusion et la connaissance des valeurs historiques, culturelles et linguistiques du peuple andalou dans toute leur richesse et leur variété.

Bref, l'Andalousie n'avait pas de langue co-officielle, mais avait obligatoirement, par défaut, le castillan qui est la langue officielle de l'État espagnol. En ce qui a trait à l'identité andalouse et à ses richesses linguistiques, le gouvernement autonome n'a pratiquement rien fait à ce chapitre. De plus, il y a toujours eu des opposants. Périodiquement, des députés demandent que l'andalou soit reconnu et utilisé officiellement dans les moyens de communication pour éviter notamment la discrimination dont souffrent les Andalous dans leur façon de parler. Comme on peut s'y attendre, toutes les propositions du genre ont été rejetées, car les politiciens nient généralement l'existence d'une telle discrimination.

Le nouveau Statut d'autonomie ("Estatuto de Autonomia") de 2007 prévoit dans son article 10 des objectifs de base, dont certains aspects linguistiques et culturels au paragraphe 3 (alinéas 2, 3, 4, 17, 18 et 21):

Article 10

Les objectifs fondamentaux de Communauté autonome

1)
La Communauté autonome d'Andalousie doit favoriser les conditions pour faire en sorte que la liberté et l'égalité des individus et des groupes auxquels ils appartiennent soient intégrées de façon réelle et effective; elle doit supprimer les obstacles qui empêchent ou entravent leur épanouissement et promouvoir la qualité de la démocratie en facilitant la participation de tous les Andalous à la vie politique, économique, culturelle et sociale. À cette fin, elle doit adopter toutes les mesures positives qui pourraient être nécessaires.

2) La Communauté autonome doit favoriser l'égalité effective des hommes et des femmes andalouses, promouvoir la démocratie paritaire et la pleine intégration dans la vie sociale, en surmontant toute discrimination au travail, au point de vue culturel, économique, politique ou social.

3) Pour ce faire, la Communauté autonome, dans l'intérêt général, exercera ses prérogatives avec les objectifs fondamentaux suivants:

[...]

L'accès de tous les Andalous à l'éducation permanente et de qualité afin de permettre leur épanouissement personnel et social.

3° Le renforcement de la conscience de l'identité et de la culture andalouses au moyen de la connaissance, de la recherche et de la diffusion du patrimoine historique, anthropologique et linguistique.

4° La défense, la promotion, l'étude et le prestige de la variété linguistique andalouse dans toutes ses expressions.

17° L'intégration sociale, économique, professionnelle et culturelle des immigrants en Andalousie.

18° L'expression du pluralisme politique, social et culturel de l'Andalousie par le biais de tous les moyens de communication.

21° La promotion des conditions nécessaires pour la pleine intégration des minorités et en particulier de la communauté gitane pour sa pleine intégration sociale.

Le Statut contient un nouvel article 213

Artículo 213 (2007)

Reconocimiento y uso de la modalidad lingüística andaluza

Los medios audiovisuales públicos promoverán el reconocimiento y uso de la modalidad lingüística andaluza, en sus diferentes hablas.

Article 213 (2007)

Reconnaissance et usage de la variété linguistique andalouse

Les médias audiovisuels publics favoriseront la reconnaissance et l'usage de la variété linguistique andalouse, dans ses différentes expressions.

Cette réforme du Statut d'autonomie avait été adoptée par les deux principaux partis politiques (le PSOE, le Parti socialiste ouvrier espagnol, et le PP, le Parti populaire) qui s'étaient mis d'accord sur le texte; le Parlement régional et le Parlement national (Cortes de Madrid) ont ensuite entériné le nouveau Statut. Le 18 février 2007, un référendum s'est tenu en Andalousie et le OUI l'a emporté avec 87,4 % des voix, malgré une importante abstention (sur six millions d'électeurs inscrits, seuls 36 % sont allés voter), le résultat paraissant acquis d'avance.

Contrairement au Statut d'autonomie de la Catalogne, qui avait fait l'objet d'une vive controverse (en juin 2006), le nouveau Statut d'autonomie de l'Andalousie a recueilli la quasi-unanimité parmi les intervenants politiques locaux, à l'exception d'un parti régionaliste minoritaire (le PA, Partido Andalucista ou Parti andalousiste). Cependant, ce nouveau Statut ne proclame pas d'avantage de langue co-officielle, l'andalou étant toujours considéré comme une «modalité linguistique» ou plus précisément une «variété linguistique». Le nouveau Statut est entré en vigueur le 20 mars 2007 par la Loi organique 2/2007 du 19 mars sur la réforme du Statut d'autonomie pour l'Andalousie (Ley Orgánica 2/2007, de 19 de marzo, de reforma del Estatuto de Autonomía para Andalucía).  

La dénomination officielle pour désigner le gouvernement autonome est la Junta de Andalucía (en français: Junte d'Andalousie), ce qui équivaudrait à un «Exécutif gouvernemental». Selon les dispositions du Statut d'autonomie de 2007 (chapitres III et IV), la Junte d'Andalousie est composée du président ("Presidente"), de plusieurs vice-présidents ("Vicepresidentes") et de «conseillers» ("Consejeros») équivalant à la fonction de «ministres». Le président est élu par le parlement d'Andalousie, mais nommé par le roi d'Espagne. Le terme de «Junte» ("Junta") désignait auparavant certaines institutions propres à l'ancienne monarchie espagnole.

À l'instar des autres Communautés autonomes, l'Andalousie utilise les termes Consellería (ancien français: «conseillerie») et consejero / consejera (fr. «conseiller / conseillère») servent à désigner les ministères et les ministres de la Junte d'Andalousie. On peut, en français, employer l'expression «ministre-conseiller» (ou «ministre-conseillère»), voire simplement «ministre», pour rendre compte adéquatement du terme consejero / consejera ; le terme français «conseiller» correspond mal à la fonction dévolue aux conselleiros / conselleiras en Espagne, car ces postes n'ont rien à voir avec une «personne qui donne des conseils» conseiller juridique, conseiller d'orientation, etc. ou qui fait partie, par exemple, d'un conseil municipal. De plus, le mot vicepresident (fr. «vice-président») sert d'équivalent à «premier ministre». En Espagne, les termes ministerio (fr. «ministère») et ministro / ministra (fr. «ministre») désignent les ministères et les ministres du gouvernement central, et non ceux des Communautés autonomes; le premier ministre du gouvernement espagnol est désigné par l'expression Primer ministro (fr. «premier ministre»).  

Dans l'organisation politique des anciens royaumes d'Espagne, notamment sous le régime de la monarchie absolue, il existait des «conseils» (consejeros) ou assemblées (juntas) dotées de «commissions» particulières. Dans l'Espagne contemporaine de 1978, certaines Communautés autonomes, dont l'Adalousie, ont repris ce terme de «Junte» pour désigner l'ensemble de leurs institutions, notamment le gouvernement et le Parlement. On dit aussi simplement «la Junta».

3.1 La justice

Aucune loi régionale ne fait une quelconque allusion à la langue des tribunaux. Quoi qu'il en soit, l'andalou n'est jamais utilisé dans les cours de justice d'Andalousie. Étant donné que le castillan est la langue officielle et que tous les citoyens connaissent cette langue, seul le castillan est employé. Les seuls documents écrits et déposés à la cour doivent être rédigés en castillan. On ignore quelle est la proportion du personnel qui pourrait savoir utiliser l'andalou dans une cour de justice.

3.2 Les services publics

En ce qui concerne les services gouvernementaux du pouvoir central, l'Administration s'en tient aux dispositions constitutionnelles qui déclarent que le castillan est la langue officielle. Lorsqu'un citoyen fait parvenir une lettre en andalou dans un bureau du gouvernement central, l'Administration se contente de retourner le document sans même y répondre. La même politique est appliquée pour l'Administration autonome.  Les seuls fonctionnaires qui connaissent l'andalou sont originaires de la Communauté autonome. À l'oral, ces fonctionnaires peuvent occasionnellement répondre en andalou si le citoyen y a recours.

3.3 L'éducation

Compte tenu de la législation espagnole en vigueur, les écoles publiques d'Andalousie sont dans l'obligation de dispenser un enseignement en castillan. Il n'existe donc aucune école dispensant un enseignement en andalou. De plus, dans toutes les écoles, on n'enseigne que la langue et l'histoire de l'Espagne, en ignorant complètement l'histoire et la culture particulières de l'Andalousie.

L'article 13 de la loi 1/1990 du 3 octobre sur la réglementation générale du système d'éducation (loi de l'État espagnol) précise que l'éducation primaire doit contribuer à développer chez l'enfant l'usage de de manière appropriée de la langue castillane et la langue officielle propre à la Communauté autonome. Comme l'Andalousie n'a pas d'autre langue officielle, c'est nécessairement le castillan:

Article 13

L'éducation primaire contribuera à développer chez les enfants les capacités suivantes :

a) Utiliser de manière appropriée la langue castillane et la langue officielle propre à la Communauté autonome.

b) Comprendre et exprimer des messages simples dans une langue étrangère.

Cependant, des cours de langues étrangères (notamment en anglais, en français et en allemand) sont donnés dans de nombreuses écoles, surtout depuis 1998. Il s'agit d'une politique d’enseignement bilingue et multilingue. Au début, une trentaine d’établissements scolaires du premier et second cycles du primaire ont tenté l'expérience. Puis le gouvernement andalou a étendu ce genre de pratique dans plus de 400 établissements scolaires, le tout échelonné sur quatre années, en diversifiant les langues secondes (allemand, anglais, français, etc.), ce qui correspondait aux recommandations du Conseil de l’Europe et de la Commission européenne visant à développer chez les élèves des compétences multilingues. En avril 2006, le gouvernement local a adopté une ordonnance (11 avril 2006) destinée à accorder des prix pour les écoles qui proposeraient des programmes scolaires assurant la promotion du multilinguisme, ce qui n'inclut même pas l'andalou. Les programmes scolaires auxquels renvoie cette ordonnance doivent être orientés dans leur application, de préférence, vers les établissements bilingues autorisés par le département de l'Éducation de la Junte d'Andalousie.

En Andalousie, il existe une diglossie généralisée chez ceux qui parlent l'andalou comme langue maternelle. Cette diglossie est du type appelé «orthographique» ("ortográfico"), c'est-à-dire que la population s'exprime dans une langue (l'andalou), alors qu'elle reçoit son instruction et écrit dans une autre (le castillan). Cette situation provoque quantité de problèmes linguistiques en compliquant le processus d'apprentissage scolaire, ce qui entraîne une qualité inférieure en éducation, crée un fort complexe d'infériorité et fait que plus de la moitié des élèves andalous terminent avec un maîtrise incorrecte de l'écriture espagnole.

Séville (photo: Michel Leclerc)

Séville (photo: Michel Leclerc)

5.4 Les médias

Tous les quotidiens et la plupart des magazines publiés en Andalousie sont en castillan, sinon ils sont en anglais, en portugais ou en arabe. Les grande villes de l'Andalousie, tells que Séville (Diario de Sevilla), Malaga (Diario de Málaga), Cadiz (Diario de Cádiz), Jerez (Diario de Jerez), Cordoue (El Dia de Cordoba), Almeria (Diario de Almería), etc., ont toutes leur quotidien en castillan. La radio et la télévision nationale (Televisión Española) ne diffusent qu'en castillan. Cependant, certaines stations locales émettent partiellement en andalou, surtout pour des émissions musicales.

À l'heure où la plupart des États d'Europe ont adopté la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, il paraît plutôt insolite que des citoyens espagnols, comme en Andalousie, s'opposent encore à sauvegarder des langues minoritaires sur leur territoire.  Le discours des opposants fait penser à celui des Américains devant l'espagnol: ils craignent, eux aussi, de voir apparaître le spectre de la tour de Babel!

Du point de vue de la politique linguistique, la Communauté autonome d'Andalousie a encore beaucoup de chemin à parcourir, car la situation actuelle paraît quelque peu anachronique. Il n'est pas normal que, dans un pays aussi démocratique que l'Espagne, des membres des minorités nationales aient à subir des traitements différents selon qu'ils habitent l'Andalousie, les Asturies, l'Aragon, la Catalogne ou le Pays basque. Il existe encore un bon nombre de politiciens espagnols du pouvoir central qui ne peuvent supporter un seul instant que des langues comme l'andalou (ou l'asturien aux Asturies ou l'aragonais en Aragon) bénéficient d'un statut de co-officialité; ils en ont déjà pleins les bras avec le catalan, le basque et le galicien! C'est pourquoi ils font tout pour nuire à la normalisation et à l'officialité de l'andalou, de l'asturien ou de l'aragonais.

De toute façon, le gouvernement andalou n'a jamais fait d'efforts pour même tenter de revaloriser l'andalou. Il a toujours été extrêmement timoré devant les partisans opposés à toute officialisation de l'andalou. Ce n'est pas avec une ordonnance sur l'attribution de prix dans les programmes scolaires qu'on va répandre l'usage de cette langue. Néanmoins, un statut de co-officialité de l'andalou ne saurait résoudre toutes les difficultés, car c'est une langue faible et sans prestige. Il faudrait aussi que le gouvernement autonome fasse tous les efforts pour transposer dans la pratique ce même statut et que les citoyens jouent le jeu. Pour ce faire, il faut réussir à changer les mentalités de la majorité, ce qui n'est pas une mince tâche, et ce, d'autant plus que la politique de non-intervention à l'égard de l'andalou fait l'affaire de bien de gens nantis. Pour le moment, la politique linguistique de la Communauté andalouse correspond à la fois à une politique de non-intervention à l'égard de l'andalou et à une politique de plurilinguisme dans l'enseignement des langues étrangères. On est loin de la politique linguistique pratiquée en Catalogne!    

Dernière mise à jour: 18 févr. 2024
   

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