
Comunidad Autónoma de
Aragón |
Aragon
Communauté autonome d'Aragon |

Capitale:
Saragosse
Population: 1,3 million
(2011)
Langue officielle:
castillan
Groupe majoritaire: castillan
(90 %)
Groupes minoritaires: catalan
(3,3 %), aragonais (2,5 %), arabe,
roumain,
bulgare, portugais, chinois, polonais, etc.
Système politique: l’une des 17
communautés autonomes d’Espagne
Articles constitutionnels (langue):
art. 3 de la
Constitution espagnole de 1978; art. 7 de la
Loi organique
5/2007 du 20 avril sur la réforme du Statut d'autonomie de l'Aragon (2007)
Lois linguistiques:
Déclaration de Mequinenza
(1984);
Loi sur les voies de circulation d'Aragon (1998);
Loi 8/1997 du 30 octobre sur le statut du consommateur et de l'usager de la
Communauté autonome d'Aragon (1997);
Loi 7/1999 du 9 avril sur l'administration locale d'Aragon
(1999) ;
Loi 3 du 10
mars sur le patrimoine culturel aragonais (1999);
Décret
140/2000 du 11 juillet du gouvernement d'Aragon créant les
départements didactiques d'économie, de formation et
d'orientation du travail et des langues d'Aragon dans les
établissements d'enseignement secondaire de la communauté
autonome d'Aragon (2000);
Loi de la Communauté autonome d'Aragon no 5 du 28 novembre sur les
relations avec les communautés aragonaises de l'extérieur (2000);
Avant-projet de
Loi sur les langues d'Aragon
(2001);
Loi
10/2002 du 3 mai portant création de la comarque de Banjo-Aragon (2002);
Loi no 16 du 24 mars sur la publicité institutionnelle (2003);
Décret 206/03 du 22 juillet du gouvernement d'Aragon approuvant le
Règlement général de la loi 8/98 du 17 décembre sur les voies de
circulation d'Aragon (2003) ;
Ordonnance du 6 mai du département de l'Éducation, de la Culture et
du Sport approuvant le programme d'études de l'enseignement primaire
pour la Communauté autonome d'Aragon (2005);
Loi sur la qualité des aliments en Aragon (2006);
Loi sur les consommateurs et les usagers d'Aragon (2006);
Loi sur la jeunesse d'Aragon (2007);
Loi no 10 du 22
décembre sur l'utilisation, la protection et la promotion des
langues distinctives d'Aragon (2009);
Code du droit foral d'Aragon (2011);
Décret 87 du
5 avril du gouvernement d'Aragon approuvant les statuts de
l'Académie de la langue aragonaise
(2011);
Décret 88 du
5 avril du gouvernement d'Aragon adoptant les règles d'organisation
interne et le fonctionnement du Conseil supérieur des langues
d'Aragon (2011);
Décret 89 du
5 avril du gouvernement d'Aragon approuvant les statuts de
l'Académie aragonaise du catalan (2011);
Avant-projet de loi sur l'usage, la protection et la promotion des
langues et des variétés linguistiques d'Aragon (2012).
|
1
Situation géographique
 |
Située au nord de l'Espagne, l'Aragon (esp.:
Aragón) est au pied de la chaîne des Pyrénées. Sa superficie est de 47 720
km² (9,4 % de la superficie du pays), soit
l'équivalent de la République dominicaine ou du Bhoutan.
L'Aragon forme une Communauté autonome (Comunidad autónoma de
Aragón) limitée au nord par la France, à l'est par la Catalogne et le
Pays valencien, au sud par le Pays valencien et la Castille-La Manche, à l'ouest par
la Navarre, La Rioja et la Castille-et-Léon. L'Aragon est formée de trois provinces: Huesca au nord,
Zaragoza (ou Saragosse) au centre et Teruel au sud. La capitale est
Saragosse (Zaragoza) située dans la province du même nom, sur l’Èbre. |
Le drapeau de l'Aragon est formé de quatre bandes rouges horizontales sur
champ d’or avec le blason d’Aragon constitué de ses quatre quartiers
traditionnels: le chêne de Sobrarbe (une croix rouge sur un arbre représentant
l’ancien royaume de Sobrarbe), la croix d’Iñigo Arista (une croix blanche sur
fond bleu foncé, rappelant la première dynastie de rois d’Aragon), la croix de
San Jorge (entourée par les quatre têtes de Maures sur un champ d’argent
rappelant la victoire des troupes chrétiennes guidées par Pedro Ier
en 1096,
contre l’armée musulmane sur le coteau d’Alcoraz) et les bandes d’Aragon (à la
verticale).
 |
Lors de la réforme territoriale de 1833, l'Aragon fut divisé en
trois provinces; la capitale de chacune d'entre elle se trouve dans
la ville du même nom. Chacune des provinces est divisée en dix
comarques (comarca ou comarcas)
dans les provinces de Huesca et de Teruel, mais treize dans la
province de Saragosse. Puis chaque comarque est divisée en plusieurs
communes, elles-mêmes comprenant des municipalités ou
municipios, ou des villages.
Province |
Population (2011) |
% |
Comarques |
Communes |
Huesca |
228 566 |
17,2
% |
10 |
202 |
Zaragoza
(Saragosse) |
973 252 |
73,3
% |
13 |
292 |
Teruel |
125
227 |
9,4
% |
10 |
236 |
Total |
1
327 045 |
100,0 % |
33 |
467 |
La population est inégalement répartie dans les provinces, puis
que la province de Saragosse compte pour 73,3 % des Aragonais. De
plus, la capitale, Saragosse, compte
675 121 habitants, ce qui représente 69,3 % de la province du
même nom et 50,8 % de toute la Communauté autonome. Ainsi, avec une
densité de 25,2 hab./km²,
l'Aragon se place au 4e rang parmi les autres communautés autonome,
après la
Castille-La Manche, l'Estrémadure
et la
Castille-et-Léon. |
2 Données démolinguistiques
L'Aragon comptait 1,3 million d'habitants en 2011. Plus de
90 % sont des ressortissants espagnols, mais les autres sont des immigrants
venant de nombreux pays et de tous les continents.
2.1 Les langues nationales
L'expression «langues nationales» n'a rien d'officielle en
Aragon,
car elle ne sert qu'à désigner les langues historiquement parlées en Aragon. On
dénombre trois langues romanes
historiques dans la région: le castillan, l'aragonais et le catalan. Ces langues
font partie du groupe
ibéro-roman septentrional. Le castillan, le catalan et l'aragonais sont trois langues
assez proches linguistiquement l'une de l'autre:
Français |
Castillan |
Aragonais |
Catalan |
L'aragonais
(langue aragonaise) est une langue romane parlée par plus de 10 000
personnes dans les localités pyrénéennes d'Aragon. |
El aragonés
(lengua aragonesa) es una lengua románica hablada por algo más de 10.000
personas en las localidades pirenaicas de Aragón. |
L'aragonés (Luenga
aragonesa) ye una luenga romanze parlada agora por bellas 10,000 personas
en as redoladas pirenencas d'Aragón. |
L'aragonès (llengua
aragonesa) és una llengua romànica parlada per alguna cosa més de 10.000
persones a les localitats pirenaiques d'Aragó. |
La répartition de la population pour chacune des trois
langues se révèle très inégale, notamment pour le castillan en position
nettement
dominante, tant pour le nombre des locuteurs que par le statut de chacune
d'elles. Seul le castillan bénéficie du statut de langue officielle en Aragon.
L'aragonais et le catalan d'Aragon font partie des "modalidades lingüísticas propias",
c'est-à-dire des «modalités linguistiques propres». Dans ce contexte, les termes
français «modalités» et «propres» sont pour le moins ambigus. Le mot «modalité»
ne peut s'appliquer à une forme particulière d'une langue; on parle alors de
«variantes», de «variétés» ou de «particularités» linguistiques. Quant au mot «propre», il peut
signifier «approprié», «spécifique» ou «qui n'est pas sale». En Espagne,
l'expression "modalidad lingüística propia" renvoie en français
davantage à des «particularités» linguistiques «distinctives» dans une région donnée. C'est pourquoi il
semble préférable de traduire cette expression en français par «particularités
linguistiques distinctives».
2.2 Le castillan
Près de 90 % des Aragonais, soit environ un million de
locuteurs, parlent le castillan (espagnol) comme langue maternelle. Le castillan
en usage en Aragon est similaire au reste de l'Espagne, et l'intercompréhension
est relativement aisée. Toutefois, le «castillan aragonais» ("castellano aragonés"),
appelé aussi «espagnol aragonais» ("español aragonés"),
compte certaines caractéristiques particulières, notamment un accent plus
régional, ainsi que quelques expressions et constructions syntaxiques locales.
La plupart de ces traits distinctifs proviennent de la langue aragonaise; c'est
donc un castillan influencé par l'aragonais. Ce castillan aragonais peut être
considéré comme une variante septentrionale du castillan.
Comme n'importe quelle variété linguistique, ce castillan
aragonais n'est pas homogène. Il existe des différences géographiques que les
Espagnols appellent «géolectales» ("geolectales") découlant
de traits particuliers propres à une zone géographique
donnée.
 |
On distingue trois variétés internes dans le castillan
aragonais:
(1) Le castillan aragonais du Sud-Ouest ("castellano aragonés
suroccidental"):
C'est la variété parlée dans le sud-ouest des
provinces de Saragosse et de Teruel. Dans la province de Teruel, elle couvre
les comarques de Jiloca, de la Comunidad de Teruel, de la Sierra de
Albarracín, de Gúdar-Javalambre; dans la province de Saragosse, ce sont les
comarques de l'Aranda, de Campo de Daroca, de la Comunidad de Calatayud, de
Tarazona-et-Moncayo. C'est la variété castillane la plus proche du castillan
officiel parce qu'elle est située près de la Communauté autonome de
Castille-La Manche.
(2) Le castillan aragonais central ("castellano aragonés
central") :
Cette variété occupe
le milieu des provinces de Saragosse et de Teruel, englobant les comarques
de Ribera Alta del Ebro, de Campo de Borja, de Valdejalón,
de Zaragoza et de Campo de Cariñena (Saragosse) ainsi que les
comarques de Cuencas Mineras et de Maestrazgo (Teruel). Il s'agit d'une
variété intermédiaire partageant des traits distinctifs
du Sud-Ouest et du Nord-Est.
(3) Le castillan aragonais du Nord-Est ("castellano
aragonés nororiental") :
Cette troisième variété du castillan aragonais recouvre une
grande zone dans
la partie sud de la province de Huesca, ainsi que
l'extrémité nord de la province de Saragosse (Cinco Villas), une vaste zone
du sud de la province de Huesca (Monegros) et la partie orientale des
provinces de Saragosse et de Teruel (Bajo Aragón Histórico et de Ribera Baja
del Ebro). C'est la variété qui retient le plus représentatif des
particularités phonétiques de la langue aragonaise. |
En espagnol (castillan) |
En français |
- español aragonés
- español de Aragón
- español regional de Aragón |
- espagnol aragonais
- espagnol d'Aragon
- espagnol régional d'Aragon |
- castellano de Aragón
- castellano aragonés
- castellano-aragonés |
- castillan d'Aragon
- castillan aragonais
- castillan-aragonais |
- dialecto aragonés (del español)
- aragonés |
- dialecte aragonais
- aragonais |
-
baturro ou dialecto baturro |
- baturro ou dialecte beturro |
|
En réalité, le castillan aragonais est une variété
linguistique particulière aux locuteurs originaires de la Communauté autonome
d'Aragon. Il peut aussi porter plusieurs noms (voir le tableau de gauche). Le terme baturro semble être tombé en désuétude,
car il correspond à sens nettement dépréciatif: il est utilisé comme synonyme de rusticité
("rusticidad") et d'ignorance ("incultura").
Évidemment, pour les linguistes, les mots castillan (ou
espagnol) et aragonais ne sont pas du tout des synonymes. Le
castillan est une langue différente de l'aragonais, bien que des similitudes
soient manifestes.
|
Ces dernières décennies, le castillan aragonais tend à
perdre une grande partie de ses propres
caractéristiques. La cause est due généralement à la politique
de normalisation de la langue castillane qui existe en Espagne en éducation,
dans les médias et l'administration en Aragon. Dans les situations formelles de
communication, le castillan standard est de plus en plus utilisé aux dépens du
castillan aragonais qui se limite progressivement au plan informel. En outre, les traits
aragonais particuliers sont souvent considérés même par beaucoup d'Aragonais comme
«vulgaires» ("vulgares") ou «incorrects» ("incorrectos")
par comparaison au castillan standard.
L'autre langue particulière à
l'Aragon est l'aragonais,
appelé aussi fabla, mais aussi Aragoieraz,
Altoaragonés, Aragonés, Aragonesa, Patués
(patois) ou encore haut-aragonais.
Cette langue serait parlée par environ 30 000 locuteurs dans toute la partie nord de
l'Aragon. Cependant, il n'existe pas de recensement réel et fiable sur le nombre
de locuteurs parlant l'aragonais. La façon la plus habituelle de précéder est de
compiler les chiffres de plusieurs études sur cette question : le nombre de
locuteurs se situerait alors entre 12 000 et 40 000 personnes qui le parleraient
de façon active; plus de 40 000 Aragonais connaîtraient cette langue passivement
et l'utiliseraient occasionnellement. Par ailleurs, on estime que seulement
6000 locuteurs utiliseraient l'aragonais sur une base quotidienne. De plus, le degré de conservation
de la langue semble très disparate selon les localités. Ainsi, il existe des
localités où son degré de conservation est bon,
alors que dans d'autres l'aragonais paraît fortement castillanisé (castellanizada).
Selon l'UNESCO, l'aragonais
constituerait une «langue en danger» avec seulement quelque 10 000 locuteurs.
 |
Encore au Moyen Âge, l'aragonais était parlé sur presque tout le
territoire de l'ancien royaume d'Aragon, mais il a constamment régressé depuis le
XVIIIe siècle pour n'être plus parlé
aujourd'hui que dans certaines vallées des Pyrénées, tout au nord de la
seule province de Huesca.
De plus, l'aragonais est fragmenté en quatre grandes variétés dialectales:
1. L'aragonais occidental (Ansó, Echo, Chasa, Berdún et
Chaca):
2. L'aragonais central (Panticosa, Biescas, Torla,
Broto, Bielsa, Yebra et L'Ainsa);
3. L'aragonais oriental (Benás
- Benasque, Benasc, Patués -, Plan, Bisagorri, Campo, Perarrua, Graus,
Estadilla);
4. L'aragonais méridional (Augure, Ayerbe, Rasal, Bolea,
Lierta, Huesca, Almudébar, Nozito, Labata, Alguezra, Angüés, Pertusa,
Barbastro, Nabal).
En général le niveau d'intelligibilité entre les
variétés dialectes est assez élevé. L'aragonais central est réputé être «pur»,
c'est-à-dire libre de castillanismes («castellanismos») ou de catalanismes («catalanismos»).
Quant à l'aragonais écrit, il
est basé sur l'aragonais central et l'aragonais oriental. Ce dernier
compterait plus de locuteurs que toutes les autres variétés d'aragonais.
Il ne faut pas croire que les aires géographiques des
différentes variétés de castillan aragonais et d'aragonais
(proprement dit) sont parfaitement cloisonnées sur le territoire
d'Aragon. Ces parlers sont souvent enchevêtrés, car le
castillan aragonais est également parlé dans les aires de
l'aragonais occidental, central, oriental ou méridional. |
Ajoutons un mot sur le bénasquais ("benasqués")
parlé dans la
vallée de Bénasque (cast.: Valle de Benasque; arag. : Bal de Benás)
située dans les Pyrénées, plus précisément dans la
comarque de Ribargorce (province de Huesta). Le
bénasquais a conservé beaucoup de similitudes à la fois
avec l'aragonais, le catalan ribagorçan et même le
gascon (appelé aranais en Catalogne). Il s'agit d'une
«langue de transition» entre l'aragonais, le catalan et
le gascon, puisqu'elle possède des caractéristiques
communes avec chacune des trois langues. Le nombre de locuteurs
est estimé entre
1000 et 2500 locuteurs.
Il convient de considérer aussi les différents degrés de conservation de la langue
aragonaise. On distingue trois zones :
1) Les zones où l'aragonais est bien conservé
(zonas donde el aragonés donde se conserva bien);
c'est la langue habituelle des locuteurs parlant cette langue : bal
d'Echo, bal de Chistau, A fueba, bal de Benás, Ribagorza (depuis
Campo jusqu'à Graus) et Ballibió.
2) Les zones où l'aragonais est dans une phase régressive
(zonas donde el aragonés se encuentra en una clara fase regresiva);
le castillan est la langue habituelle des locuteurs qui utilisent également
l'aragonais dans les communications informelles: bal d'Ansó, bal de Tena, bal de Bielsa, Aragüés,
Sobrarbe central et méridional, Ayerbe et Galliguera, ainsi que les
localités de Semontanos et de Barbastro en Huesca.
3) Les zones où l'aragonais
est employée de façon
très résiduelle (zonas donde el aragonés se emplea de una forma
cada vez más residual); l'aragonais est limitée aux
conversations informelles: bal d'Aragón, Zinco Billas et de Bal d'Onsella,
Semontanos, Riberas del Ara, del Basa et du Güarga, Plana de Huesca.
On comprendra pourquoi l'UNESCO
considère que l'aragonais est une langue en danger de disparition. Pour
sa part, l'aragonais est aussi considéré par l'Union européenne comme
une langue minoritaire en danger de disparition. Aussi, s'efforce-t-elle
de faire pression sur les députés d'Aragon afin de promouvoir son usage.
2.4
Le catalan dans la
Frange d'Aragon
Le catalan est la troisième langue en usage
en Aragon; il serait parlé par environ 40 000 locuteurs
dans la Franja Oriental de Aragón (en espagnol) ou en catalan
Franja Oriental d'Aragó, c'est-à-dire la «Frange
orientale d'Aragon», une bande frontalière avec la Catalogne d'une
largeur de 15 à 30 km et d'une superficie de 5077 km². Familièrement,
cette région est appelée la Franja, la Frange. Ce
territoire ne correspond à aucune structure administrative:
tout en faisant partie de
Communauté autonome d'Aragon, les frontières des comarques ne coïncident
guère avec les aires linguistiques qui caractérisent la «Frange». La
Frange d'Aragon fait partie de l'aire catalane, qui est parlée dans le
Roussillon (département français des Pyrénées-Orientales), à Andorre, en
Catalogne, au Pays valencien et aux îles Baléares, sans oublier la ville
d'Alghero en Sardaigne. Dans la Frange d'Aragon, le
catalan est appelé le «catalan d'Aragon» (en esp.: "catalán
de Aragón" ou en catalan: "català a Aragó"). Dans la Frange, l'aire
linguistique comprend les comarques de la Ribagorza, la Litera, de Bajo
Cinca, de Bajo Aragón-Caspe, de Bajo Aragón et de Matarraña.
 |
Le catalan d'Aragon constitue un ensemble de parlers
locaux qui maintiennent des caractéristiques distinctes du
catalan occidental du Nord, même s'il en
fait partie. Ces
particularités sont souvent des «aragonismes» (aragonesismos), puisque cette langue a très
été en contact avec l'aragonais au moment où cette langue n'avait pas
encore été remplacée par le castillan. Le catalan d'Aragon, qui a maintenu aussi des
caractéristiques particulières dans la prononciation. En fait, il s'agit du «dialecte de Ribagorza» de la province de Huesca. La plupart
des catalanophones d'Aragon n'écrivent qu'en castillan. Selon le recensement de
1981, le nombre des locuteurs s'élevait à environ 48 000, dont quelque 10 000 locuteurs
passifs. Des estimations plus récentes de 2004 révèlent qu'environ 70 % de la population
locale aurait le catalan comme langue habituelle.
Comme dans tout l'Aragon, le catalan est fragmenté en plusieurs variétés locales dans
la région de la frange orientale : fragatino (Fraga), tamaritano (de Litera Tamarite)
maellano
(Maella), etc.
Par ailleurs, beaucoup de députés des partis de droite,
surtout ceux qui sont membres du PP (Partido Popular : Parti populaire)
et du PAR (Partido
Aragonés : Parti aragonais), ne veulent pas entendre parler de mesures de
protection. Ils sont même farouchement opposés à toute reconnaissance du catalan
en Aragon. Les termes suivants sont utilisés : "lengua aragonesa propia del
área oriental de la comunidad con sus modalidades lingüísticas",
ce qui correspond à «langue aragonaise de l'aire orientale de la communauté avec
ses variétés linguistiques».
|
En 2004, le Secrétariat à la politique linguistique de la Generalitat de
Catalunya effectué une enquête sur les locuteurs du catalan dans la Frange
d'Aragon. Les résultats ont révélé que 70,5 % des habitants de la Frange avaient
le catalan, ou l'une de ses variétés, comme langue maternelle, ce qui
représentait quelque 27 800 locuteurs. Le castillan arrivait en seconde position
avec 26,4 % des locuteurs (10 400).
Population selon la
langue maternelle ou langue première (2004) |
Nombre |
Pourcentage |
Catalan |
27 812 |
70,5 % |
Castillan |
10 402 |
26,4 % |
Catalan et castillan à
égalité |
715 |
1,8 % |
Autres situations |
519 |
1,3 % |
Total Frange d'Aragon
(Franja d’Aragó) |
39 448 |
100 % |
L'enquête a aussi porté sur la langue d'usage à la maison:
62 % des Aragonais de la région utilisent seulement le catalan:
Population selon
la langue d'usage à la maison |
Nombre |
Pourcentage |
Seulement en catalan |
21 695 |
62,0 % |
Plus en catalan qu'en
castillan |
2 344 |
6,7 % |
Autant en catalan qu'en
castillan |
2 546 |
7,3 % |
Plus en castillan qu'en
catalan |
1 651 |
4,7 % |
Seulement en castillan |
66 86 |
19,1 % |
Autres situations |
62 |
0,2 % |
Total Frange d'Aragon (Franja
d’Aragó) |
34 984 |
100,0 % |
Comme on le constate, le catalan est une langue vivante dans
la Frange d'Aragon, mais son prestige est quasi nul. Ce qui favorise le
catalan d'Aragon, c'est sa proximité avec le catalan de la Catalogne.
2.5 Les langues immigrantes
En 2007,
l'Aragon comptait quelque 124 400 immigrants, dont 41 000 Roumains, 12 700 Marocains, 11 4000
Équatoriens, 6300 Colombiens, 4200 Bulgares, 4000 Algériens, 3000
Portugais, 2800 Chinois, 2400 Polonais, 2200 Sénégalais, 2100
Argentins, 1800 Gambiens, 1700 Ukrainiens, 1500 Français, 1300
Italiens, etc. Les autres viennent de l'Allemagne, du Royaume-Uni,
de la Lituanie, des Pays-Bas, de la Belgique, de la Russie, de la
Moldavie, etc. Tous ces immigrants parlaient leur langue maternelle
à leur arrivée, mais progressivement ils adopteront le castillan
standard contribuant ainsi à minoriser davantage l'aragonais et le
catalan.
2.6 Les zones linguistiques
 |
En 2009, les Cortes (Parlement) d'Aragon ont adopté dans la
controverse la Loi sur les langues (Ley
de Lenguas), officiellement appelé la
loi
10/2009 du 22 décembre sur
l'usage, la protection et la promotion des langues d'Aragon. Cette loi a
reconnu la réalité trilingue de l'Aragon, le castillan étant la
langue officielle, avec
l'aragonais et le catalan comme «langues distinctives» (en espagnol: "lenguas propias") ou
particulières. La loi
prévoyait quatre zones linguistiques:
1. Une zone d'utilisation
historique prédominante de l'aragonais, à côté du castillan, dans la
partie nord de la Communauté autonome.
2. Une zone d'utilisation historique prédominante du catalan, à côté du
castillan, dans la partie est de la Communauté autonome, la Frange orientale
du Sud.
3. Une zone mixte d'usage historique des deux langues d'Aragon, à côté du
castillan, dans la partie nord-est de la Communauté autonome, la Frange
orientale du Nord.
4. Une zone d'utilisation exclusive du castillan avec des variétés et des
particularités à l'ouest de la Frange du Nord.
Selon les annexes au texte de loi de 2009, la langue aragonaise et ses variétés locales sont
couramment utilisées dans 137 localités dans la province de Huesca et 8 dans
la province de Saragosse.
En ce qui concerne le catalan, il est utilisé dans 32 localités de Huesca,
dans 24 localités de Teruel et 5 localités de Saragosse.
Cependant, avec l'arrivée au pouvoir des
partis de droite, cette reconnaissance est remise en question,
surtout le catalan. |
3
Données historiques
Après la défaite des Carthaginois contre les Romains durant
les guerres puniques des IIIe
et IIe siècles avant
notre ère, l’Aragon fit partie de la province romaine appelée Tarraconaise. À
l'époque romaine, furent fondées des villes comme Cæsar Augusta (Zaragoza),
Bilbilis (Calatayud) et Osca (Huesca). La
région fut latinisée pour ensuite être conquise par les Wisigoths à la fin du
Ve siècle de notre ère,
puis par les Arabes sarrasins à la fin du VIIe
siècle.
L'incorporation progressive du monde musulman dans les villes contribua à
enrichir la vie culturelle et artistique en Aragon, parce les villes devinrent
des foyers de culture actifs en mettant en contact le monde occidental avec le
monde scientifique arabe.
La région fut rattachée royaume de Navarre au
Xe siècle.
L'Aragon devint un royaume
indépendant lorsque Ramire Ier
(1035-1063) reçut le territoire en héritage de son père
Sanche le Grand. En 1076, la Navarre fut
annexée au royaume d’Aragon et, au cours du siècle qui suivit, d’autres
territoires se rattachèrent au royaume grâce à des guerres victorieuses contres
les Arabes (Maures). La langue aragonaise fut appelée au cours de cette période le
navarro-aragonais.
 |
En 1137, Raimond Bérenger IV de Barcelone épousa Pétronille
d'Aragon et réunit le royaume de Catalogne et celui d’Aragon. L'union de
l'Aragon et de la Catalogne allait permettre d'annexer les royaumes de Valence
et de Majorque. Le catalan devint,
conjointement à l'aragonais, la langue officielle du royaume d'Aragon, alors une
puissance navale majeure autour du port de Barcelone. En 1172, le Roussillon fut
conquis par l’Aragon. Par la suite, le royaume de Valence (en 1238), suivi par
les îles Baléares (Majorque), puis la Sicile, la Sardaigne et la ville de Naples furent reprises
aux Arabes et formèrent avec le royaume d’Aragon une confédération d’États
appelée la «couronne d’Aragon». Au cours de cette période, la Chancellerie
royale utilisait le latin langue écrite, mais le catalan et l'aragonais comme
langues d'usage et, de façon occasionnelle, l'occitan.
En 1400, le Royaume d'Aragon comprenait la Catalogne, Valence,
les Baléares et la Sardaigne et, à partir de 1409, de la Sicile.
|
En 1469, le mariage de Ferdinand II d’Aragon (futur Ferdinand V de
Castille) et d’Isabelle Ire de Castille
(1451-1504) unifia les royaumes d’Aragon et de Castille: les deux monarques
régnèrent ensemble, même si les deux couronnes restèrent séparées. Les deux royaumes
fusionnèrent officiellement en 1516 avec l’accession au trône d’Espagne de Charles
Ier (futur Charles Quint). L’Aragon conserva sa propre administration et
ses institutions particulières jusqu’à la fin du XVIIe
siècle. L'usage
généralisé du castillan débuta au XVIIIe avec l'avènement de la dynastie
des Bourbon. Lors du découpage administratif de l'Espagne en provinces (1833), la Franja fut divisée entre les trois provinces aragonaises (Huesca, Saragosse et
Teruel). Dès lors, le castillan avait progressivement remplacé l'aragonais à la cour.
La noblesse et les centres urbains furent les premiers foyers de la castillanisation. L'aragonais périclita tout en subissant une influence
déterminante de la part du castillan et fut graduellement relégué à l'oral, à la
ruralité et au discrédit social.
La plupart des auteurs aragonais n'écrivaient déjà plus qu'en castillan.
Au XIXe siècle,
l’Aragon résista fermement aux troupes napoléoniennes, alors que la lutte pour la
succession au trône (dès 1833) déchira la population aragonaise entre les partisans carlistes et révolutionnaires et
les libéraux. Le XXe siècle vit naître,
dans la vallée de l’Èbre, un mouvement anarcho-syndicaliste qui, lors de la
guerre d’Espagne (1936-1939), devint un groupe révolutionnaire tentant d’imposer
un communisme agraire. Les batailles les plus sanglantes du conflit entre
révolutionnaires aragonais et franquistes eurent lieu à Teruel et sur l’Èbre.
Sous le règne du général Franco (1937-1975), la répression linguistique
s'abattit sur les Aragonais qui ont dû voir leur langue interdite sur la place
publique. On ne l'employait plus qu'en famille.
Cependant, après des années de dictature franquiste,
l'aragonais vécut une certaine revitalisation. On a assisté à la création
d'associations de défense et de promotion de la langue, à des tentatives de
normalisation des dialectes et de l'orthographe, à une grande créativité artistique, principalement
littéraire. Depuis 1978, l'Aragon est devenue une communauté autonome et
dispose d'une large autonomie dans plusieurs domaines. Si le Nord conserve
encore l'usage de l'aragonais et l'est, celui du catalan, le castillan demeure
néanmoins la seule langue officielle du gouvernement autonome.
L'aragonais, qui fut la langue de l'ancien
royaume d'Aragon pendant des siècles, semble n'être plus que l'ombre de
lui-même.
En 1984, la
déclaration de Mequinenza
devint le premier document juridique assurant une
certaine protection au catalan d'Aragon: il fut alors possible pour un élève de recevoir des cours en catalan sur
une base volontaire. En 1999, la
loi 3 du 10 mars sur
le patrimoine
culturel aragonais accordait le statut de «langues minoritaires» à
l'aragonais et au catalan,
lesquels constituent «une richesse culturelle propre» et
doivent être particulièrement protégés par l'Administration. Après
maintes tergiversations, le Parlement aragonais finit par adopter la
loi no 10/2009 du 22
décembre sur l'utilisation, la protection et la promotion des
langues distinctives d'Aragon. Ce fut là le premier texte
juridique réglementant l'emploi de l'aragonais et du catalan en tant que langues
distinctives ou particulières («langues propres») de l'Aragon.
Cependant, la Communauté autonome d'Aragon est soumise aux
aléas de la petite politique. Si les partis de gauche, tels le PSOE (Parti socialiste ouvrier
espagnol), le CHA (Chunta
Aragonesista : Union aragonaise) et l'UI (Izquierda Unida :
Gauche unie), appuient généralement les mesures de protection
concernant l'aragonais et le catalan, les partis de droite les combattent
vigoureusement. En effet, le PP (Parti populaire) et le PAR (Parti
aragonais) sont prêts à abroger la Loi sur les langues de 2009 pour abolir toute
protection au catalan perçu par beaucoup de castillanophones comme inacceptable.
4
Le
statut des langues
Le statut des langues est mentionné dans deux documents importants: la
Constitution espagnole de 1978
et le Statut d'autonomie ou la
Loi organique
5/2007 du 20 avril sur la réforme du Statut d'autonomie de l'Aragon
de 2007.
4.1 La Constitution espagnole
et le castillan
Lorsqu'il n'existe pas de disposition dans la
législation d'une communauté autonome, c'est l'article
3 (trois paragraphes) de la Constitution espagnole qui s'applique, car le
castillan est la langue espagnole officielle de l'État :
Artículo 3
1) El castellano es la lengua
española oficial del Estado. Todos los españoles tienen el deber de
conocerla y el derecho a usarla.
2) Las demás lenguas españolas serán también oficiales en las
respectivas Comunidades Autónomas de acuerdo con sus Estatutos.
3) La riqueza de las distintas modalidades lingüísticas de España
es un patrimonio cultural que será objeto de especial respeto y protección. |
Article 3
1)
Le castillan est la langue
espagnole officielle de l'État. Tous les Espagnols ont le devoir de le
connaître et le droit de l'utiliser.
2)
Les autres langues
espagnoles seront également officielles dans les Communautés autonomes
respectives en accord avec leurs Statuts.
3)
La richesse des diverses
spécificités
linguistiques de l'Espagne est un patrimoine culturel qui doit
être l'objet d'une protection et d'un respect particuliers. |
Le gouvernement espagnol a utilisé lui-même dans sa
traduction française le mot «modalité» («modalidades») plutôt que «spécificités»
ou «variétés». Rappelons que, si tous les
Espagnols ont le devoir de connaître le castillan, cette obligation
ne s'applique pas au catalan, au basque et au galicien. L'utilisation de ces
langues minoritaires en Espagne ne constitue pas une obligation, mais simplement
un droit. Les langues ne sont donc pas officielles au même degré: la langue
officielle de toute l'Espagne demeure le castillan, ce qui lui assure une
préséance certaine. Il faut bien comprendre que, en termes de droits
linguistiques, la Constitution espagnole reconnaît deux catégories de citoyens
et deux catégories de territoires.
Ainsi, la Constitution prévoit un
État espagnol unilingue composé de territoires
officiellement unilingues (les castillanophones) et de territoires
officiellement bilingues (pour les Catalan, Basques et les Galiciens). Comme la
Constitution est muette sur l'aragonais et le catalan d'Aragon et que le Statut
d'autonomie de l'Aragon n'en fait pas davantage mention, seul le castillan
bénéficie du statut d'officialité. Bref, le catalan et l'aragonais n'ont aucun
statut au sens juridique du terme.
Bien sûr, cette absence de reconnaissance officielle a souvent été critiquée.
Beaucoup ont reproché au gouvernement aragonais de ne pas avoir respecté l'article 3.2 de la Constitution
espagnole en vertu de laquelle les langues autres
que le castillan «seront également officielles dans les Communautés autonomes
respectives, en accord avec leurs statuts». Certains croient
cet article implique un caractère obligatoire, ce qui signifierait que cette situation
correspondrait à une discrimination par rapport aux langues des autres communautés
autonomes.
Selon un rapport que la Commission juridique consultative
publié en 2001, il n'est pas possible, du strict point de vue de l'adéquation à
la Constitution espagnole de déclarer l'aragonais ou le catalan co-officiel dans
la Communauté autonome d'Aragon.
4.2 Le Statut d'autonomie de 1982: des
particularités linguistiques distinctives
Le Statut d'autonomie de 1982, modifié
en 1996 par la Loi organique 5/1996 du 30 décembre (Ley Orgánica 5/1996, de 30 de diciembre), ne traitait pas de la langue
officielle en Aragon.
Artículo 7
[abrogé]
(Modificado por Ley Orgánica 5/1996, de 30 de diciembre)
Las lenguas y modalidades lingüísticas propias de Aragón gozarán de
protección. Se garantizará su enseñanza y el derecho de los hablantes en
la forma que establezca una ley de Cortes de Aragón para las zonas de
utilización predominante de aquéllas.
Artículo 35
[abrogé]
(Modificado por las Leyes Orgánicas 6/1994, de 24 de
marzo y 5/1996, de 30 de diciembre)
Uno. Corresponde a la Comunidad Autónoma la competencia exclusiva
en las siguientes materias:
[...]
30) Cultura, con especial atención a las
manifestaciones peculiares de Aragón y a sus modalidades lingüísticas, a
su conservación y a la promoción de su estudio.
31) Artesanía.
32) Museos, archivos y bibliotecas,
conservatorios de música y danza y centros dramáticos y de bellas artes de
interés para la Comunidad Autónoma que no sean de titularidad estatal.
33) Patrimonio cultural, histórico, artístico,
monumental, arqueológico, arquitectónico y científico de interés para la
Comunidad Autónoma.
|
Article 7
[abrogé]
(Modifié
par la Loi organique 5/1996 du 30 décembre)
Les langues et les particularités linguistiques distinctives de l'Aragon jouiront de
protection. Leur enseignement et le droit des locuteurs de ces langues
sont garantis selon la manière prévue par une loi des Cortès d'Aragon dans
les zones d'utilisation prédominante de celles-ci.
Article 35
[abrogé]
(Modifié par les lois
organiques 6/1994 du 24 mars et 5/1996 du du 30 décembre)
Unique. La Communauté autonome a compétence exclusive dans les
matières suivantes :
[...]
30) La culture, spécialement dans
ses manifestations particulières à l'Aragon et en ce qui a trait aux
variétés linguistiques, dont on veillera à la conservation et dont on
favorisera l'étude.
31) L'artisanat.
32) Les musées, les archives et les
bibliothèques, les conservatoires de musique et de danse et les centres
dramatiques et les beaux arts d'intérêt pour la de la Communauté autonome
qui ne sont pas sous la responsabilité de l'État.
33) Le patrimoine culturel,
historique, artistique, monumental, archéologique, architectonique et
scientifique d'intérêt pour la Communauté autonome.
|
Le statut d'autonomie accordé à l'Aragon en 1982 ne contenait aucune référence ni
à l'aragonais ni au catalan, ni même au castillan. L'article 7 se limitait à
prévoir des mesures de protection pour les diverses «partiocularités linguistiques»
(''modalidades lingüísticas'') de
la région, une notion relativement vague en français, mais qui pourrait
correspondre à celle de «variétés linguistiques» ou encore mieux à
«spécificités linguistiques».
Cette même notion est
d'ailleurs présente dans l'article 3 de la Constitution espagnole : «La
richesse des diverses modalités linguistiques de l'Espagne est un patrimoine
culturel qui doit être l'objet d'une protection et d'un respect particuliers.»
Dans l'intention du législateur, ces «modalités linguistiques» ou
«spécificités linguistiques» sont associées aux éléments du patrimoine
culturel et historique de l'Aragon. Rappelons que la culture constitue l'un des
domaines relevant de la juridiction du gouvernement autonome, qui était, en ce
sens, tenu de veiller à la conservation et à l'étude des manifestations
spécifiques de l'Aragon et de ses «spécificités linguistiques».
Malheureusement, ces mesures n'auraient pas été respectées par le
gouvernement autonome, du moins jusqu'à la seconde moitié des années
1980.
4.3 Le Statut d'autonomie de 2007: le
presque statu quo
En 2007, l'Aragon bénéficiait d'un nouveau Statut
d'autonomie par la
Loi organique
5/2007 du 20 avril sur la réforme du Statut d'autonomie de l'Aragon.
L'article 7 du nouveau statut prévoit encore la reconnaissance des langues et des
particularités distinctives de l'Aragon:
Artículo 7
Lenguas y modalidades lingüísticas propias
1. Las lenguas y modalidades lingüísticas
propias de Aragón constituyen una de las
manifestaciones más destacadas del patrimonio
histórico y cultural aragonés y un valor social de
respeto, convivencia y entendimiento.
2. Una Ley de las Cortes de Aragón
establecerá las zonas de uso predominante de las
lenguas y modalidades propias de Aragón, regulará el
régimen jurídico, los derechos de utilización de los
hablantes de esos territorios, promoverá la
protección, recuperación, enseñanza, promoción y
difusión del patrimonio lingüístico de Aragón, y
favorecerá, en las zonas de utilización predominante,
el uso de las lenguas propias en las relaciones de
los ciudadanos con las Administraciones públicas
aragonesas.
3. Nadie podrá ser discriminado por razón de
la lengua. |
Article 7
Langues et
particularités linguistiques distinctives
1) Les langues et les
particularités linguistiques distinctives d'Aragon constituent l'une des manifestations les
plus importantes du patrimoine historique et
culturel aragonais et une valeur sociale de respect,
de compréhension et de coexistence.
2) Une loi des Cortes d'Aragon déterminera
les zones d'utilisation prédominante des langues et des
particularités
distinctives de l'Aragon, réglementera le système
juridique et les droits d'utilisation des locuteurs
de ces territoires, favorisera la protection, le
rétablissement, l'enseignement, la promotion et la
diffusion du patrimoine linguistique de l'Aragon, et
favorisera, dans les zones d'usage prédominant,
l'emploi des langues distinctives dans les
communications entre les citoyens et l'administration publique aragonaise.
3) Nul ne peut être discriminé pour un
motif de langue. |
Juridiquement parlant, aucune langue n'acquiert un statut
quelconque, pas même le castillan, mais
le texte suppose qu'une loi pourrait
reconnaître aussi l'aragonais et le catalan, voire le castillan aragonais.
Il est probable que les partis politiques présents aux Cortes d'Aragon n'ont pu
s'entendre sur les langues à reconnaître au moment de l'adoption du nouveau Statut
d'autonomie. Nous savons que les partis de gauche tels l'UI (Izquierda Unida
: Gauche unie), le PSOE (Partido
Socialista Obrero Español : Parti socialiste ouvrier
espagnol) et le CHA (Chunta
Aragonesista : Union aragonaise), se montrent généralement favorables
à la protection des langues minoritaires. Toutefois, les partis de droite y sont
normalement farouchement opposés: le PP (Partido Popular : Parti populaire)
et le PAR (Partido
Aragonés : Parti aragonais). Les partis politiques ont préféré miser
sur une éventuelle loi qui permettrait de le faire ou non, selon les partis au
pouvoir à ce moment-là.
4.3 La Loi 3/1999 du 10 mars: des langues
minoritaires
En 1999, la
Loi 3 du 10
mars sur le patrimoine culturel aragonais énonçait que l'aragonais et le catalan
étaient les «langues minoritaires d'Aragon», dans le cadre duquel sont comprises les
diverses spécificités linguistiques qui constituent une richesse culturelle propre et
doivent être particulièrement protégés par l'Administration:
Article 4
Langues minoritaires
L'aragonais et le catalan,
langues minoritaires d'Aragon, dans le cadre duquel sont comprises les
diverses spécificités linguistiques, constituent une richesse culturelle propre et
doivent être particulièrement protégés par l'Administration.
|
L'article 6 prévoit un «devoir de préservation» de
ces langues:
Article 6
Devoir de préservation
1) Toutes les personnes ont le devoir de préserver le patrimoine culturel
aragonais, en l'utilisant rationnellement et en adoptant des mesures
préventives, de défense et de restauration nécessaires pour garantir
son usage par les générations futures.
2) Dans tous les cas, les personnes qui ont connaissance d'une situation de
danger ou de destruction, consommée ou imminente, ou de la
détérioration d'un bien du patrimoine culturel aragonais devront, dans
les plus brefs délais possibles, les porter à la connaissance de la Mairie
correspondante, du Département responsable du patrimoine culturel ou des
forces et des corps de sécurité, lesquels vérifieront l'objet de la
dénonciation et agiront conformément au droit. L'Administration de la
Communauté autonome portera à la connaissance du requérant les actions
entreprises.
3) Les associations culturelles aragonaises enregistrées légalement
pourront collaborer avec l'Administration dans les tâches indiquées aux points précédents.
|
Le paragraphe 2 de cet article 6 énonce également que,
dans tous les cas, les personnes qui auraient connaissance d'une situation
mettant en danger de détruire ou de détériorer un bien du patrimoine culturel aragonais,
ce qui inclut les langues minoritaires, devront, dans
les plus brefs délais possibles, avertir les autorités compétentes (la mairie
correspondante, les services responsables du patrimoine culturel, les forces
sécurité). Celles-ci devront alors vérifier l'objet de la
dénonciation et agiront conformément au droit. S'il apparaît
relativement aisé d'intervenir lorsqu'un individu détruit, par exemple,
un artefact patrimonial dans un musée, on voit mal comment il est
possible d'évaluer un dommage similaire lorsqu'il s'agit d'une langue,
que ce soit l'aragonais ou le catalan.
Le seconde disposition finale de la
Loi sur le patrimoine
culturel prévoit la nécessité d'adopter une éventuelle loi sur les langues qui
déclarerait co-officiels l'aragonais et le catalan, notamment en
matière d'enseignement:
DISPOSITIONS FINALES
Seconde
Langues d'Aragon
Une loi sur les langues
d'Aragon fournira le cadre juridique spécifique pour réglementer la
co-officialité de l'aragonais et du catalan, langues minoritaires
d'Aragon, ainsi que l'efficacité des droits de leurs communautés
linguistiques respectives, tant en ce qui concerne l'enseignement et la
langue propre, que la normalisation complète de l'usage de ces deux
langues dans leurs territoires respectifs.
|
Effectivement un
Avant-projet de
Loi sur les langues d'Aragon a été déposé en 2001, mais il n'a
jamais été adopté par les Cortes
d'Aragon.
Un total de 80 groupes sociaux et de
citoyens particuliers ont présenté 3144 mémoires relativement à ce projet de loi
linguistique. Ensuite, le gouvernement a rédigé son projet de loi couvrant 41
articles et rendant co-officiels le castillan, l'aragonais et le catalan. Le projet
de loi est conçu pour les 206 communes aragonaises dans
lesquelles prédominent l'aragonais et le catalan, mais la loi serait en
application pour tout le territoire de la Communauté autonome. Selon les annexes au
texte de loi, la langue aragonaise ou ses variétés locales seraient d'usage commun
dans 137 municipalités, alors que le catalan le serait dans 32 localités de la province de Huesca,
24 dans la province de Teruel et 5 dans la province de Saragosse.
Par la suite, tout le processus s'est arrêté, car les
partis politiques n'ont pu s'entendre sur le projet de loi. L'Aragon fut
alors le théâtre d'une véritable «guerre linguistique».
4.4 La Loi sur les langues de 2009:
des langues indigènes et historiques

Marcelino Iglesias
(photo: PSOE Extremadura) |
Cette loi adoptée dans la controverse est
officiellement appelée la
loi 10/2009 du 22 décembre sur
l'usage, la protection et la promotion des langues d'Aragon. Elle réglemente l'emploi de
l'aragonais et du catalan en tant que langues distinctives ou particulières («langues propres») de l'Aragon.
La loi a été approuvée au Parlement (Cortes) avec le soutien des partis politiques
de gauche, le PSOE (Partido
Socialista Obrero Español : Parti socialiste ouvrier
espagnol) et le CHA (Chunta
Aragonesista : Union aragonaise). Mais elle a été combattue par les
partis de droite: le PP (Partido Popular : Parti populaire), le PAR (Partido
Aragonés : Parti aragonais) et même par le parti d'extrême-gauche, l'UI (Izquierda Unida : Gauche
unie) pour d'autres raisons. Les partis de droite sont généralement opposés à
toute reconnaissance du catalan
dans la partie orientale de l'Aragon («la Frange d'Aragon»), tandis
que l'UI va jusqu'à préconiser la co-officialité du castillan, de l'aragonais et
du catalan en Aragon. Autrement dit, pour le PP et le PAR, la loi va trop loin;
pour l'UI, elle n'est pas pas assez ambitieuse. La loi 10/2009 a été adoptée
alors que Marcelino Iglesias Ricou, membre du Parti socialiste ouvrier
espagnol, le PSOE, était le président de l'Aragón (du 2 août 1999 au 14 juillet
2011). |
Dans la
loi 10/2009, le statut de l'aragonais et du catalan est ambigu,
car à l'article 2 seul le castillan est officiel. Mais l'aragonais et le
catalan sont des langues indigènes et historiques de la Communauté
autonome d'Aragon:
Article 2
Les langues distinctives
de l'Aragon
1) Le castillan est la langue officielle en Aragon.
Tous les Aragonais ont le devoir de le connaître et le
droit de l'utiliser.
2) L'aragonais et le catalan sont des
langues indigènes et historiques de notre Communauté
autonome.
3) À ce titre, ces langues
bénéficient d'une protection;
leur enseignement est garanti et favorisé, ainsi que le droit des
locuteurs à les utiliser dans les domaines
d'utilisation historique prédominante, en particulier en ce qui
concerne l'administration publique.
4) La procédure pour déclarer les municipalités
qui constituent des zones d'utilisation historique
prédominante des langues est déterminé à l'article 9 de
la présente loi, selon des critères sociolinguistiques
et historiques.
|
La grande différence par rapport aux autres lois en
ce qui a trait au statut des langues, c'est que, en tant que «langues
indigènes et historiques», ces deux langues, l'aragonais et le catalan, bénéficient d'une protection;
leur enseignement est garanti et favorisé, ainsi que le droit des
locuteurs à les utiliser dans les domaines
d'utilisation historique prédominante, en particulier en ce qui
concerne l'administration publique. Compte tenu de ces
mesures, on dirait dans un autre pays que ces langues ont acquis le
statut de «langues officielles» localisées, c'est-à-dire limitées à des
zones précises. Mais, en Aragon, on n'ose pas aller jusque là, sauf la
Gauche unie.
4.5
L'avant-projet de Loi sur les langues d'Aragon
de 2012
À la suite
des
élections aragonaises de 2011, le Parti populaire (PP) et
le Parti aragonais (PAR), deux partis de droite,
ont pris le pouvoir en Aragon. Comme ces deux partis se sont opposés
à l'adoption de la Loi sur les langues de 2009, la candidate à la présidence du gouvernement de l'Aragon,
Mme Luisa Fernanda Rudi, a exprimé lors de son son discours d'investiture,
le 27 juin 2011, la position de son parti concernant la loi sur les
langues. Elle a annoncé que son gouvernement allait abroger
la
loi 10/2009
et proposer un nouveau projet de loi qui, dans le même temps, protégerait l'usage des
langues particulières d'Aragon et annulerait les aspects de la loi actuelle
imposant la normalisation du catalan et de l'aragonais.
Voici à ce sujet les propos de Mme Luisa Fernanda Rudi:
No puedo finalizar este apartado sin dejar constancia aquí de que
mi Gobierno remitirá a estas Cortes un proyecto de ley de reforma de
la actual ley de lenguas, una reforma que al mismo tiempo que
proteja y desarrolle el uso de las modalidades lingüísticas propias,
derogue aquellos aspectos de la actual que imponen la denominada
normalización del catalán y del aragonés.» [Aplausos.] |
Je ne saurais terminer ce discours sans signaler ici que
mon gouvernement va soumettre à cette assemblée des
Cortes un projet de loi réformant l'actuelle loi sur les
langues, une réforme qui en même temps protégera et
étendra l'usage des particularités linguistiques
distinctives et abrogera les aspects de la loi actuelle
imposant la normalisation du catalan et de l'aragonais.
[Applaudissements.] |
Le gouvernement veut promouvoir plus «en douce»
l'aragonais et bannir toute référence au catalan au profit des
«langues et des particularités linguistiques distinctives d'Aragon» ("lenguas y modalidades lingüísticas propias
de Aragón). En même temps, il désire remettre ces deux langues à
leur place, l'espace informel.
Ainsi, à l'article 2 de l'Avant-projet de loi sur l'usage, la protection et la promotion des
langues et des variétés linguistiques d'Aragon (2012), on peut
lire le statut des langues d'Aragon:
Artículo 2
Las lenguas y modalidades lingüísticas propias
de Aragón
1) El castellano es la lengua oficial y utilizada en Aragón.
Todos los aragoneses tienen el deber de conocerla y el
derecho a usarla.
2) Además del castellano, Aragón tiene como propias,
originales e históricas las lenguas aragonesas con sus
modalidades lingüísticas de uso predominante en las áreas
septentrional y oriental de la Comunidad Autónoma.
3) En calidad de tales, gozarán de protección; se promoverá
su enseñanza y recuperación, y se reconoce el derecho de los
hablantes a su uso en las zonas de utilización histórica
predominante de las con las administraciones públicas.
|
Article 2
Les langues et les
particularités linguistiques distinctives d'Aragon
1) Le castillan est la langue officielle utilisée
en Aragon. Tous les Aragonais ont le devoir de le connaître
et le
droit de l'utiliser.
2) En plus du castillan, l'Aragon
possède comme distinctives, originales et
historiques les langues aragonaises avec leurs particularités
linguistiques d'usage prédominant dans les zones
septentrionales et orientales de la Communauté autonome.
3) À ce titre, elles
bénéficient d'une protection ; elle sont favorisées dans
leur enseignement et leur rétablissement, et le droit des
locuteurs à son usage dans les zones d'utilisation
historique prédominante avec l'administration
publique est reconnu.
|
Une première constatation s'impose: l'absence
d'allusion au catalan d'Aragon. Seconde
constatation: les langues aragonaises (au pluriel) sont des
langues distinctives ("propias"), originales ("originales ") et
historiques ("históricas ") avec leurs particularités
linguistiques d'usage prédominant dans les zones
septentrionale et orientale de la Communauté autonome. Non
seulement il ne s'agit pas là d'une réelle avancée pour l'aragonais,
mais c'est un net recul pour le catalan d'Aragon.
Selon le projet de loi, le
chapitre I reconnaît la pluralité linguistique de l'Aragon et
garantit aux Aragonais l'usage des langues et des particularités
linguistiques distinctives comme un patrimoine historique et
culturel qui doit être préservé. Le chapitre II prévoit
les zones d'utilisation des langues et des particularités linguistiques distinctives
ainsi que la déclaration émanant du gouvernement d'Aragon. Pour sa
part, le chapitre III traite de l'Académie aragonaise
de la langue comme
institution responsable de l'élaboration et de la fixation des
règles relatives à l'utilisation des langues et des particularités
linguistiques distinctives. Le chapitre IV concerne spécifiquement la caractérisation des langues
et des particularités linguistiques distinctives comme partie du patrimoine culturel
aragonais et prévoit diverses mesures pour leur préservation,
leur protection et leur promotion. L'enseignement des langues et des
particularités linguistiques
distinctives est
régie par le chapitre V du projet de loi, ainsi que d'autres aspects reliés à
la politique éducative en matière de langue. Le chapitre VI
contient différentes règles concernant l'usage des langues et des
particularités linguistiques distinctives d'Aragon dans les communications
entre l'administration et les citoyens, avec une référence
particulière aux publications officielles, à la toponymie et à
l'anthroponymie.
Le projet de
loi a soulevé l'indignation du PSOE (Partido
Socialista Obrero Español : Parti
socialiste ouvrier espagnol) et du CHA (Chunta
Aragonesista : Union aragonaise), qui avaient fait adopter la
loi no 10/2009 sur les langues,
mais aussi celle des locuteurs du catalan qui refusent ce «retour au
franquisme» ("volver al franquismo").
Les associations catalanes d'Aragon ont
évidemment réagi contre la présentation de ce projet sur les
langues; ils exigent de légiférer pour protéger les droits
linguistiques des locuteurs de l'aragonais et du catalan, deux
langues considérées comme
vulnérables en Aragon. Même le Conseil scolaire
d'Aragon (Consejo Escolar de Aragón), représentant toute la
communauté scolaire,
s'est opposé à son adoption.
Quant à l'UI (Izquierda Unida : Gauche
unie), parti favorable à la reconnaissances officielle du castillan, de
l'aragonais et du catalan, il parle de «muerte del aragonés» ("mort de
l'aragonais") et d'anticatalanismo ("anticatalanisme"). C'est
pourquoi l'UI a
présenté son propre projet de loi sur
la défense, la promotion et l'enseignement des langues d'Aragon et
sur l'engagement que les trois langues co-officielles en Aragon
puissent être utilisées dans l'administration publique. Dans le
projet de loi élaboré par l'UI (Izquierda Unida
: la Gauche unie), on peut lire à l'article 2 ce statut de co-officialité
des langues en Aragon:
Artículo 2
Oficialidad de las lenguas que se hablan en Aragón
1) El castellano es la lengua oficial en la Comunidad Autónoma de
Aragón.
2) El aragonés y el catalán son las lenguas propias, originales e
históricas, que gozan de la condición de lenguas cooficiales en la
Comunidad Autónoma de Aragón conforme a lo establecido en el
artículo 6 de esta Ley.
3) En calidad de tales, los poderes públicos aragoneses
garantizarán el uso normal y oficial, sobre todo en relación con las
Administraciones Públicas, su enseñanza y el derecho de los
hablantes a su uso, especialmente en los respectivos territorios en
los que son predominantes.
4) Las modalidades o variantes locales del aragonés y del catalán
serán objeto de especial respeto y protección, pudiendo los
municipios en los que se hable declarar su término municipal como
zona de
|
Article 2
Officialité des langues parlées en
Aragon
1) Le
castillan est la langue officielle de la Communauté autonome d'Aragon.
2) L'aragonais et du catalan sont les
langues distinctives, originales et historiques, qui ont le statut de langues
co-officielles en Aragon, conformément à l'article 6 de la présente
loi.
3) À ce titre, les
pouvoirs publics
aragonais doivent garantir l'usage normal et officiel, en particulier en ce
qui concerne les relations avec l'administration publique, l'enseignement et le
droit des locuteurs
de les utiliser, en particulier dans les territoires où ils sont
majoritaires.
4) Les
particularités ou les variantes
locales de l'aragonais et du catalan doivent faire l'objet d'un respect et
d'une
protection particulière, en autorisant les municipalités dans lesquelles
elles sont parlées à déclarer leur territoire comme zone d'utilisation prédominante de la langue
ou de la particularité vernaculaire. |
Évidemment, ce statut de co-officialité
des langues paraît beaucoup plus avantageux que tous les autres
projets de loi et même de la
loi no 10/2009 sur les langues.
Étant donné que le consensus est impossible entre les
parlementaires et les partis politiques, là aussi, le processus
s'est enlisé et le déblocage se fait attendre. Évidemment, les
défenseurs de la langue catalan en Aragon sont en furie. Quant
au projet de loi de la Gauche unie, il n'a aucune chance d'être
adopté.
5 La
politique linguistique
La dénomination officielle pour désigner le gouvernement autonome est
Gobierno
de Aragón (en
français: gouvernement d'Aragon), ce qui équivaudrait à un «Exécutif
gouvernemental». Selon les disposition
s du Statut
d'autonomie de 1982 (chapitre I du Titre II), le gouvernement composé du
président ("Presidente"), d'un vice-président ("Vicepresidente") et de
«conseillers» ("Consejeros») équivalant à la fonction de «ministres». Le
président est élu par le parlement d'Aragon ("Cortes
de Aragón"), mais nommé par le roi d'Espagne.
À l'instar des autres Communautés autonomes, l'Aragon
utilise les termes Departemento et consejero
/ consejera (fr. «conseiller
/ conseillère») qui servent à désigner les ministères et les ministres
du gouvernement d'Aragon. On peut, en français, employer l'expression
«ministre-conseiller» (ou «ministre-conseillère»), voire simplement «ministre»,
pour rendre compte adéquatement du terme conselleiro /
conselleira ; le terme français «conseiller»
correspond mal à la fonction dévolue aux consejeros /
consejeras en Espagne, car ces postes n'ont rien à
voir avec une «personne qui donne des conseils» —
conseiller juridique, conseiller d'orientation, etc. —
ou qui fait partie, par exemple, d'un conseil municipal. De plus, le mot
vicepresident (fr. «vice-président») sert
d'équivalent à «premier ministre». En Espagne, les
termes ministerio (fr. «ministère») et ministro / ministra (fr.
«ministre») désignent les ministères et les ministres du
gouvernement central, et non ceux des Communautés autonomes; le premier
ministre du gouvernement espagnol est désigné par l'expression Primer
ministro (fr. «premier ministre»).
La politique linguistique de l'Aragon ne se compare pas du
tout à celle de la Catalogne (catalan), du Pays basque (basque), de la Galice
(galicien), du Pays valencien (catalan) ou des îles Baléares (catalan). Dans ces
cinq communautés autonomes, les mesures de protection à l'égard de la langue
nationale minoritaire sont très élevées. En Aragon, la situation est très
différente, car les partis politiques n'ont jamais réussi à s'entendre à ce
sujet. Avant l'adoption de la Loi sur les langues ou plus précisément la
Loi 10/2009 du 22 décembre sur l'usage, la
protection et la promotion des langues distinctives d'Aragon, la
politique linguistique se résumait à un argumentaire strictement identitaire,
sans réelle mesure de protection. La seule langue officielle est le castillan,
celle qui est obligatoire par défaut, selon la Constitution espagnole de 1978.
Toutefois, l'adoption de la
Loi 10/2009 du 22 décembre sur l'usage, la
protection et la promotion des langues distinctives d'Aragon est
venue changer la donne. La loi 10/2009 a été adoptée dans la controverse — le Parti populaire, le Parti aragonais et la
Gauche unie ayant voté contre —, alors que Marcelino Iglesias Ricou, du Parti
socialiste ouvrier espagnol (PSOE), était le président de l'Aragón (du 2 août
1999 au 14 juillet 2011). Cette loi de 2009 reconnaît la réalité trilingue de
l'Aragon avec l'aragonais et le catalan comme langues particulières distinctives
(en espagnol: "lenguas propias"). L'Aragon a toujours privilégié l'expression
"modalidades lingüísticas propias", c'est-à-dire en français
«particularités linguistiques distinctives». Cette fois-là, la loi a
donné des droits aux langues aragonaise et catalane, notamment dans les domaines
de l'administration, de la justice, de l'éducation, des médias, etc. De plus,
c'est là la grande nouveauté: la loi prévoit quatre zones linguistiques:
1. Une zone d'utilisation historique
prédominante de l'aragonais, à côté du castillan, dans la partie nord de la
Communauté autonome.
2. Une zone d'utilisation historique prédominante du catalan, à côté du
castillan, dans la partie est de la Communauté autonome.
3. Une zone mixte d'usage historique des deux langues d'Aragon, à côté du
castillan, dans la partie nord-est de la Communauté autonome.
4. Une zone d'utilisation exclusive du castillan avec des variétés et des
particularités.
La loi accorde des droits aux citoyens vivant dans les
zones qui sont désignées bilingues afin de recevoir un enseignement et de
s'adresser à l'administration dans n'importe laquelle langue distinctive de la
zone reconnue. Toutefois, cette loi ne reconnaît pas le statut officiel de
l'aragonais ni du catalan dans la Communauté autonome, car seul le castillan
conserve ce statut juridique. Cependant, si la loi ne reconnait pas formellement
(de jure) l'aragonais ni le catalan comme des langues co-officielles à
côté du castillan, elles le sont dans les faits (de facto). Par voie de
conséquence, les autres lois adoptées après 2009 peuvent contenir des
dispositions concernant l'emploi des langues et particularités distinctives.
Cependant, il est possible que la loi 10/2009 soit abrogée
par la coalition au pouvoir, le Parti populaire et le Parti aragonais, du moins
d'après la disposition dérogatoire insérée dans l'Avant-projet de loi sur l'usage, la protection et la promotion des
langues et des variétés linguistiques d'Aragon. Ce projet de loi constituait une promesse électorale des deux partis
formant le nouveau gouvernement aragonais: le PP et le PAR. Ce faisant, le gouvernement veut
consolider le statut du castillan, sans lui opposer de concurrence
linguistique. Il veut seulement promouvoir symboliquement l'aragonais et bannir
toute référence au catalan au profit des «langues et des
particularités linguistiques distinctives d'Aragon». Bref, il s'agirait là d'un
net recul pour la protection et la promotion des langues particulières de
l'Aragon.
5.1 Les langues de la législation
Aux Cortes d'Aragon (Parlement de Saragosse), les parlementaires ne s'exprimaient
traditionnellement
qu'en castillan. Les lois n'étaient adoptées et promulguées dans cette seule langue.
Nul n'était autorisé à utiliser oralement une autre langue que le castillan.
Toutefois, la loi 10/2009 est venue changer cette pratique. L'article 29 de la
Loi 10/2009 du 22 décembre sur l'usage, la
protection et la promotion des langues distinctives d'Aragon ne
précise pas les langues qu'il est possible d'utiliser lors des débats
parlementaires, préférant s'en remettre à une réglementation à venir:
Article 29
Les Cortes d'Aragon
1) La
réglementation sur l'usage des langues distinctives
d'Aragon dans les activités internes et externes des
Cortes d'Aragon sera établie par règlement.
2) Quiconque
peut s'adresser par écrit aux Cortes d'Aragon dans
l'une ou l'autre des langues distinctives d'Aragon.
Les Cortes d'Aragon doivent s'adresser au requérant
dans la langue employée par celui-ci et en
castillan.
|
L'article 28 énonce simplement que les citoyens ont le droit de
s'adresser dans leur langue auprès des autorités administratives, ce qui devrait
inclure le Parlement, mais il s'agit des citoyens, non des parlementaires
eux-mêmes.
5.2 La justice
Depuis toujours, une procédure dans une cour de justice d'Aragon se déroulait en
castillan. Seules certaines personnes qui ne
connaissaient pas la langue officielle avaient en principe le droit de s'exprimer dans
une autre langue et de recourir aux soins d'un interprète. Cependant, tous les
Aragonais connaissent le castillan, que leur langue maternelle soit le catalan
ou l'aragonais. Néanmoins, l'article 30 de la
Loi sur les langues de 2009
autorise l'emploi des langues distinctives d'Aragon et le droit de recevoir une
réponse dans ces langues.
Article 30
La justice d'Aragon
1) La justice d'Aragon, dans l'exercice de sa
juridiction, doit assurer la protection des droits
linguistiques reconnus par la présente loi et le
respect de ses dispositions par les autorités
publiques.
2) Tout citoyen peut s'adresser par écrit à la justice
d'Aragon dans l'une ou l'autre des langues
distinctives d'Aragon et il lui sera répondu dans
cette langue et en castillan.
3) La justice d'Aragon peut publier des
rapports écrits et des documents dans les langues
distinctives d'Aragon, aussi bien qu'en castillan.
|
De là à obtenir des procès en aragonais ou en catalan, il y a
encore beaucoup de travail à faire de la part des autorités aragonaises.
De plus, il est autorisé par le
Code du droit foral d'Aragon (2011) d'utiliser les langues
minoritaires dans les régimes matrimoniaux devant notaire (art. 196),
les accords de succession (art. 382) et les testaments (art. 412) :
Article 196
Langue des régimes
Les régimes matrimoniaux peuvent être rédigées dans
l'une ou l'autre des langues ou particularités linguistiques d'Aragon que
les contractants choisissent. Si le notaire autorisé ne
connait pas la langue ou la variété choisie,
les régimes sont conclus en présence et avec
l'intervention d'un interprète, pas nécessairement
officiel, mais désigné par les contractants et accepté par le
notaire, qui doit signer le document.
Article 382
Langue des accords de succession
Les accords de succession peuvent être
rédigés dans l'une ou l'autre des langues ou variétés linguistiques d'Aragon que
les contractants choisissent. Si le notaire autorisé ne
connait pas la langue ou la variété choisie,
le contrat est conclu en présence et avec
l'intervention d'un interprète, pas nécessairement
officiel, mais désigné par les contractants et accepté par le
notaire, qui doit signer le document.
Article 412
Langue des testaments
1) Les testaments notariés peuvent être
rédigés dans l'une ou l'autre des langues ou variétés linguistiques d'Aragon que
les testateurs choisissent. Si
le notaire autorisé ou, le cas
échéant, les témoins ou d'autres personnes impliquées
dans le testament ne connaissent pas la la
langue ou la variété linguistique choisie, celui-ci doit
être décerné en
présence et avec l'intervention d'un interprète, pas
nécessairement officiel, désigné par les testateurs et
accepté par le notaire qui doit signer le
document.
2) De même, les testaments fermés et
holographes peuvent être rédigés dans l'une ou l'autre
des langues ou variétés linguistiques d'Aragon.
|
5.3 Les services gouvernementaux
Étant donné que le castillan est la langue officielle,
l'Administration publique n'utilisait jusqu'à récemment que cette langue avec les citoyens. C'est le
cas de façon absolue avec les fonctionnaires de l'État espagnol, tant à l'oral
qu'à l'écrit. Cependant, les communications orales au sein de l'administration
autonome peuvent se faire en aragonais ou en catalan, mais sur une base
strictement locale. Il en est ainsi des administrations municipales, surtout
dans la Franja Oriental (Frange orientale) et
certaines municipalités aragonophones. Quoi qu'il en soit,
les communications écrites ont toujours été exclusivement en castillan. De plus, il n'a
jamais été obligatoire de connaître le catalan ou l'aragonais de la part des employés
de la fonction publique aragonaise. Autrement dit, la connaissance d'une autre langue que
le castillan n'a jamais constitué un critère d'embauche.
Toutefois, cette situation est en train de changer depuis
l'adoption de la
Loi no 10/2009 du 22
décembre sur l'utilisation, la protection et la promotion des
langues distinctives d'Aragon. En effet, l'article 27 de la loi
énonce que «tous les citoyens ont le droit de s'exprimer
oralement et par écrit en castillan et/ou dans les
langues et les particularités linguistiques
distinctives de l'Aragon, dans leurs zones respectives d'usage
prédominante». Toute administration sous la juridiction de la Communauté
autonome doit assurer l'exercice de ce droit. L'administration publique doit
mettre à la disposition de la
population des formulaires et des textes
administratifs d'usage fréquent dans les langues
distinctives d'Aragon ou dans des versions
bilingues.
Article 27
Relations entre les
citoyens avec l'administration publique
1) Tous les citoyens ont le droit de s'exprimer
oralement et par écrit en castillan et/ou dans les
langues et particularités linguistiques distinctives de l'Aragon, dans
leurs zones respectives d'utilisation prédominante, en
conformité avec les dispositions de la présente loi.
2) Dans toute procédure administrative
traitée par l'administration de la Communauté
autonome et par l'administration locale, ainsi que
par les agences et les organismes qui en dépendent,
dans les zones d'utilisation
historique prédominante, l'exercice du droit
prévu au paragraphe précédent
doit être assuré, conformément aux
dispositions de la présente loi et de ses règlements
d'application.
3) Dans les cas prévus au paragraphe
précédent, les personnes intéressées peuvent
s'adresser dans une langue distinctive auprès des
organismes de l'administration aragonaise. Les
organismes compétents pour traiter la procédure
doivent procéder à la traduction en langue
castillane par le moyen des organismes officiels de
traduction, et en informer le requérant. En outre,
les communications qui doivent être effectuées
auprès des requérants doivent se dérouler en
castillan et dans la langue qui leur est
particulière.
4) Les autorités publiques mentionnées
ci-dessus doivent procurer les moyens nécessaires pour
faciliter les communications orales des citoyens dans leur
langue distinctive dans les zones respectives d'utilisation
historique prédominante.
5) Aux fins énoncées
dans les paragraphes précédents, l'administration
publique doit mettre à la disposition de la
population des formulaires et des textes
administratifs d'usage fréquent dans les langues
distinctives d'Aragon ou dans des versions
bilingues. |
L'article 28 de la
loi no 10/2009
précise que les documents écrits provenant des organismes
institutionnels de la Communauté autonome peuvent être publiés dans les
langues distinctives au moyen d'une édition séparée :
Article 28
Publications
officielles
1) Les dispositions, résolutions et accords
provenant des organismes institutionnels de la
Communauté autonome peuvent être publiés dans
les langues distinctives au moyen d'une
édition séparée dans le Bulletin officiel
d'Aragon, lorsque cela est décidé par
l'organisme responsable de ces dispositions ou ces
accords. Dans tous les cas, les dispositions,
résolutions et accords publiés dans les langues
distinctives d'Aragon peuvent également être publié
en castillan.
2) Les dispositions élaborées dans la
présente loi doivent être publiés dans les langues
distinctives d'Aragon, une fois établie la norme
linguistique correspondante.
|
Compte tenu des zones d'utilisation historique prédominante,
l'article 31 de la
loi no 10/2009
énonce que «les débats sur les organismes des institutions locales peuvent être
faites dans la langue distinctive concernée, sans préjudice de l'usage de la
langue castillane»:
Article 31
Les institutions locales
1) Dans les zones
d'utilisation historique prédominante pour les langues
distinctives, les débats sur les organismes des
institutions locales peuvent être faites dans la
langue distinctive concernée, sans préjudice de
l'usage de la langue castillane.
2) Les actes, accords et autres documents
officiels, y compris les sociétés locales comprises
dans les zones visées au paragraphe précédent,
doivent être rédigés
en castillan et dans la langue distinctive
concernée.
|
En vertu de l'article 33 de la
loi no 10/2009,
la toponymie doit n'avoir qu'une seule dénomination, donc dans une seule
langue:
Article 33
La toponymie
1) Dans les zones d'utilisation historique
prédominante des langues distinctives, la dénomination
officielle des toponymes doit être unique, celle
traditionnellement utilisée dans le territoire, sous
réserve des dispositions prévues par la législation
aragonaise de l'administration locale, tant en ce
qui concerne les municipalités que les comarques.
2) Il revient au
département du Gouvernement d'Aragon compétent en
matière de politique linguistique d'entendre le
Conseil supérieur des langues d'Aragon et l'autorité
linguistique concernée de fixer les toponymes de
la Communauté autonome, ainsi que les noms officiels
des territoires, des agglomérations de population et
des routes interurbaines.
3) Les rues des villes doivent disposer d'une
dénomination unique, dont la dénomination revient aux
municipalités.
|
On peut comprendre qu'une dénomination puisse être
uniquement en castillan, en aragonais ou en catalan. Dans la
Loi 7/1999 du 9 avril sur l'administration locale d'Aragon,
l'article 23 précise bien que le dénomination des municipalités doit être en
castillan ou dans la langue traditionnelle de leur toponymie:
Article 23
Dénomination
La dénomination des municipalités doit être en castillan ou dans la langue
traditionnelle de leur toponymie. Cependant, dans les zones du territoire
aragonais où l'usage d'une autre langue ou d'une
particularité
linguistique est généralisé,
le gouvernement d'Aragon peut aussi autoriser, sur demande préalablement
fondée, l'usage simultané de la dénomination dans cette langue. |
La loi parle aussi d'usage simultané
(en castillan:
utilización conjunta),
ce qui signifie une inscription bilingue. L'article 67 du
Décret 346/2002 du 19 novembre du gouvernement d'Aragon approuvant le
Règlement sur le territoire et la population des organismes locaux
d'Aragon reprend en des termes similaires la même disposition:
Article 67
Dénomination des municipalités
1) Toutes les
municipalités ont leur propre dénomination à caractère
officiel.
2) La dénomination des municipalités
doit être en castillan ou dans la
langue traditionnelle de sa toponymie. Cependant, dans les zones du
territoire aragonais où l'usage d'une autre langue ou d'une particularité linguistique est généralisé,
le gouvernement d'Aragon peut aussi autoriser, l'usage simultané de la
dénomination dans les deux langues, sur demande préalable de la Mairie et
selon les dispositions prévues à l'article suivant.
|
Cet «article suivant» correspond à l'article 68 qui décrit la procédure prévue pour modifier une
dénomination toponymique. Il faut au préalable un vote des deux tiers de la part
d'un conseil municipal pour modifier le nom d'une commune, d'un village ou d'une
municipalité. La résolution du conseil municipal doit être acheminée au
département de la Présidence et des Relations
institutionnelles (''Departamento de Presidencia y
Relaciones Institucionales'').
Par la suite, si la résolution est acceptée, elle sera
publiée par décret du gouvernement d'Aragon dans le Bulletin officiel
d'Aragon (''Boletín Oficial de Aragón'')
et inscrite au
Registre des organismes locaux (''Registro de Entidades
locales'').
Signalons aussi la
Loi
10/2002 du 3 mai portant création de la comarque de Banjo-Aragon. La septième disposition additionnelle prévoit que le
conseil municipal de Ribagorza (localité située au nord-ouest de l'Aragon) doit promouvoir et soutenir, dans le cadre de ses
compétences, l'usage des langues distinctives, pourvu qu'il en soit sollicité par les
mairies respectives des territoires concernés:
DISPOSITIONS ADDITIONNELLES
Septième disposition
Usage des langues
distinctives
Compte tenu du caractère plurilingue de la comarque de la Ribagorza, le
Conseil municipal doit promouvoir et soutenir, dans le cadre de ses compétences,
l'usage des langues distinctives, pourvu qu'il en soit ainsi sollicité par les
mairies respectives des territoires concernés.
|
L'article 47 de la
Loi sur les voies de circulation d'Aragon (1998)
traite de la signalisation routière: la signalisation d'information
doit être bilingue, en tenant compte des langues et des particularités
linguistiques d'Aragon comme des parties intégrantes de son patrimoine culturel
et historique.
Article 47
Signalisation d'orientation et d'information
Dans tous les cas, tout en respectant la réglementation de base
internationale et nationale, la signalisation d'information doit
être bilingue, en tenant compte des langues et des
particularités
linguistiques d'Aragon comme des parties intégrantes de son
patrimoine culturel et historique. |
Dans le
Décret 206/03 du 22 juillet du gouvernement d'Aragon approuvant le Règlement
général de la loi 8/98 du 17 décembre sur les voies de circulation d'Aragon
(2003), l'article 108 reprend les mêmes dispositons à cet égard:
Article 108
Signalisation bilingue
1) Dans tous les cas, tout en respectant la réglementation
de base internationale et nationale, la signalisation
d'information doit être bilingue, en tenant compte des langues
et des particularités linguistiques d'Aragon comme des parties
intégrantes de son patrimoine culturel et historique.
2) Les conditions et les critères pour la mise en place
d'une signalisation bilingue doivent être établis par le
gouvernement d'Aragon, sur proposition conjointe des
départements de la Présidence et des Relations
institutionnelles, des Travaux publics, de l'Urbanisme et des
Transports, et de la Culture et du Tourisme. |
On aurait pu, bien sûr, préciser de quelles langues il s'agit, mais
le législateur a préféré ne pas aller plus loin. On suppose qu'il s'agit de
l'aragonais dans le Nord et du catalan dans l'Est (la Frange orientale).
Dans un autre domaine, celui de la protection des consommateurs,
l'article 24 de la
Loi sur les consommateurs et les usagers d'Aragon (2006) impose
l'usage du castillan pour toute information sur les produits de consommation,
mais en autorisant aussi la possibilité d'employer aussi
les langues et les particularités linguistiques distinctives en Aragon:
Article 24
Principe général
3) Toutes les informations
juridiquement exigibles doivent contenir du moins en castillan
et, sans préjudice pour le gouvernement d'Aragon d'adopter des
mesures appropriées pour protéger et promouvoir l'emploi des
langues et des particularités linguistiques distinctives en
Aragon en relation au droit à l'information reconnu au
consommateur dans la présente loi.
Article 39
Particularités
concernant l'information
En plus de se
conformer aux exigences d'information énoncées dans la présente
loi, le fournisseur de services de la société d'information qui
effectue des activités d'embauche électronique est tenu
d'informer le consommateur de manière claire, compréhensible,
sans ambiguïté et, avant d'entamer le processus de recrutement
sur les cas qu'exige la loi régissant la société d'information
et tenu, dans tous les cas, de ce qui suit:
a) De
respecter les différentes procédures à suivre pour conclure
le contrat.
d) De respecter la ou les langues dans lesquelles le contrat
peut être signé.
|
En outre, l'article 6 de la
Loi no 16 du 24 mars sur la publicité institutionnelle (2003)
autorise l'usage des langues et des particularités linguistiques d'Aragon:
Article 6
Langues de rédaction
Pour l'usage du castillan ou de certaines des
particularités linguistiques aragonaises, la publicité institutionnelle réglementée
dans la présente loi doit être adaptée aux dispositions dans la réglementation
en vigueur. |
Cependant, il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
L'aragonais et le catalan ne sont pas encore des langues à égalité avec le
castillan dans l'espace public. Ainsi, tout l'affichage public est en castillan, que ce soit les
enseignes gouvernementales ou commerciales, mais certains toponymes, de façon
bien exceptionnelle, peuvent être rédigés en catalan, voire en aragonais. De
façon générale, tous les panneaux routiers et la signalisation n'apparaissent
qu'en castillan. Il est extrêmement rare qu'un commerçant utilise une affiche
rédigée dans une autre langue que le castillan. En réalité, les seuls cas où la
publicité est utilisée en une autre langue que le castillan demeure les
campagnes en faveur de l'aragonais ou du catalan, ou encore lors de certaines
fêtes
patronales. En somme, l'usage des langues minoritaire reste facultatif et épisodique. Même dans les régions où l'on parle l'aragonais ou le catalan,
il est probable que le gouvernement autonome ainsi que les entreprises et les
commerçants craignent la réaction hostile des castillanophones devant toute
utilisation trop visible d'une autre langue.
5.3 L'éducation
Tous les établissements d'enseignement d'Aragon dispensent leurs
cours en castillan, de la maternelle jusqu'à l'université. En principe, il
n'existe pas d'écoles dispensant exclusivement un enseignement en catalan ou en
aragonais. Jusque dans les années 1980, ces langues n'ont jamais été enseignées
dans les écoles en Aragon. Elles ont toujours été interdites, car seul le
castillan était autorisé en tant que seule langue officielle. Les diverses
dispositions juridiques (le décret 1.433/75 du 30 mai, le décret 2.929/75 du 31
octobre et l'art. 3 de la
Constitution espagnole, etc.) n'ont jamais été appliquées en Aragon. Ce sont
des associations culturelles, principalement la Fabla Aragonesa, qui ont
tenté de développer l'enseignement de l'aragonais, à titre privé. Ainsi, dans
les années 1970, différents ateliers et stages ont eu lieu Saragosse, notamment
par le moyen de la radio, surtout dans la province de Huesta. Avec des
ressources très limitées et des difficultés de toutes sortes, les résultats
demeurèrent faibles pour la décennie 1970-1980: pas plus de 2000 personnes
eurent accès à la connaissance formelle de l'aragonais ou ont accédé à sa
connaissance. La présence de l'aragonais dans l'enseignement demeura
strictement anecdotique durant les décennies suivantes. De nombreuses mairies du Haut-Aragon ont signé des manifestes
pour la défense
de l'aragonais et son introduction dans les écoles, mais cet enseignement ne
s'est jamais concrétisé. Il a bien existé quelques rares projets pilotes depuis
1997, mais les piètres conditions dans lesquelles fut dispensé cet enseignement
ne laissaient rien présager de positif.
Il en fut de même pour le catalan jusque dans les années
1980. Lors de l'année scolaire 1983-1984, le gouvernement autonome d'Aragon
a signé plusieurs accords et conventions sur l'enseignement du catalan. En
vertu de ces ententes, les écoles qui le désiraient avaient l'autorisation
d'offrir des cours de catalan aux enfants dont les parent en ont fait la
demande par écrit. On estime qu'en 1990 quelque 90 % des enfants catalanophones avaient accès à ces
cours dans la Franja Oriental de Aragón. Il s'agit bien de «cours de
catalan», en tant que langue étrangère, destinés aux élèves du primaire en
raison de deux à trois heures par semaine; c'est seulement une ou deux heures au
secondaire. Dans ces conditions, le castillan demeure la langue d'enseignement.
Quoi qu'il en soit, à peine 10 % à 20 % des enseignants posséderaient la
maîtrise du catalan. Comme il n'y a guère de réglementation statutaire, le choix
de la langue peut dépendre de la bonne volonté du professeur.
En 1999, avec l'adoption de la
Loi no 10/2009 du 22
décembre sur l'utilisation, la protection et la promotion des
langues distinctives d'Aragon, l'enseignement de l'aragonais et
du catalan fut autorisé... sur une base volontaire (par. 1):
Article 22
L'enseignement des
langues distinctives
1) Le droit à
l'enseignement dans les langues et les particularités
linguistiques d'Aragon est garanti dans les zones
d'utilisation historique prédominante, mais l'apprentissage
doit être volontaire. Le gouvernement d'Aragon, au moyen
du département chargé de l'Éducation, doit assurer ce
droit grâce à une offre suffisante dans les
établissements d'enseignement.
2) Ce droit précédent est également garanti dans
les zones de transition et d'accueil, et dans les
localités où il y a des établissements d'enseignement de
référence pour les élèves des municipalités situées dans
les zones d'utilisation historique prédominante dans les
langues distinctives.
3) Sans préjudice des
dispositions des paragraphes précédents, le gouvernement
d'Aragon doit prendre des mesures pour assurer sur
l'ensemble du territoire de la Communauté autonome
l'enseignement de l'histoire et de la culture dont les
langues qui sont l'expression des langues distinctives
d'Aragon.
|
L'Aragon est une communauté autonome située en Espagne
où le castillan est partout la langue officielle. L'enseignement d'une
autre langue ne peut être imposé aux castillanophones; ceux-ci ne sont
pas tenus d'apprendre l'aragonais ou le catalan. Le Tribunal
constitutionnel a déjà imposé des limites à ce sujet pour la Catalogne:
nul ne peut être tenu de parler la langue catalane à l’école ou dans les
administrations locales.
L'article 23 de la
loi 10/2009
inscrit l'enseignement des langues distinctives d'Aragon, l'aragonais et
le catalan, dans les programmes d'études pour les écoles situés dans les
zones d'utilisation historique prédominante des langues distinctives:
Article 23
Usage du programme d'études
1) Dans les zones
d'utilisation historique prédominante des langues
distinctives, il est garanti que leur enseignement,
ainsi que le castillan, soit dispensé à tous les niveaux
et à toutes les étapes en tant que matière intégrante du
programme d'études. Le contenu de la matière dans les
langues distinctives doit tenir compte des
particularités et des variétés locales.
2) Le gouvernement d'Aragon doit promouvoir
l'édition du matériel pédagogique pour l'utiliser dans
les matières concernant les langues distinctives dans
les établissements d'enseignement d'Aragon.
|
Puis des départements des Langues d'Aragon furent
introduits dans les écoles secondaires par le
Décret
140/2000 du 11 juillet du gouvernement d'Aragon créant les
départements didactiques d'économie, de formation et
d'orientation du travail et des langues d'Aragon dans les
établissements d'enseignement secondaire de la communauté
autonome d'Aragon:
Article 4
Départements des Langues d'Aragon
Les départements des Langues d'Aragon seront créés dans les
établissements d'enseignement secondaire dans lesquels sont dispensées les
langues catalane et/ou
aragonaise.
|
Les objectifs généraux de l'enseignement primaire sont précisés à
l'article 8 de l'Ordonnance
du 6 mai du département de l'Éducation, de la Culture et du Sport
approuvant le programme d'études de l'enseignement primaire pour la
Communauté autonome d'Aragon (2005):
Article 8
Objectifs généraux de l'enseignement primaire
Afin de développer les capacités prévues dans l'enseignement
primaire, les élèves doivent atteindre tout au long de l'étape les objectifs
suivants:
f) Comprendre et produire des messages oraux et écrits en castillan
et, le cas échéant, dans les langues distinctives de la Communauté autonome
d'Aragon, en tenant compte des différents buts et des contextes de communication,
ainsi qu'en acquérant des habitudes de lecture.
g) Comprendre et produire des messages oraux et écrits, simples et
en contexte, dans une ou deux langues étrangères.
h) Communiquer par des moyens
d'expression verbale, corporelle, visuelle, plastique,
musical et mathématique, en développant un raisonnement logique,
formel et précis, ainsi que la sensibilité esthétique,
la créativité et la capacité d'apprécier les œuvres et les
manifestations artistiques.
|
Comme on le constate, l'enseignement des
«langues distinctives d'Aragon peut être dispensé (cf. «le cas
échéant»), car ce n'est pas obligatoire. La même
ordonnance du
6 mai 2005
précise à l'article 22 que les établissements qui dispensent
un enseignement en relation avec les langues distinctives de la
Communauté autonome d'Aragon, l'aragonais et le catalan, doivent
élaborer des projets linguistiques qui facilitent l'apprentissage fonctionnel de
ces langues:
Article 22
Enseignement
en relation avec les langues distinctives
Les établissements qui dispensent un enseignement en relation avec
les langues distinctives de la
Communauté autonome d'Aragon, l'aragonais et le catalan, doivent
élaborer des projets linguistiques qui facilitent l'apprentissage fonctionnel de
ces langues, conformément aux directives du
département de l'Éducation, de la
Culture et du Sport. |
L'ordonnance
du
6 mai 2005
impose la même procédure pour l'enseignement des langues
étrangères:
Article
23
Enseignement bilingue des langues étrangères
Afin de dispenser un enseignement bilingue
dans une langue étrangère, les établissements agréés par le
département de l'Éducation, de la Culture et
des Sports doivent inclure dans leur projet de programme les
éléments de
planification linguistique permettant de développer l'apprentissage fonctionnel
de cette langue. |
La loi permet donc l'enseignement des
langues «distinctives», mais qu'en est-il à ce sujet,
puisque ce n'est pas obligatoire? En général, cet
enseignement facultatif est dispensé du mois de janvier
au mois de juin pour une période totale de soixante
heures. Les localités où des cours en aragonais sont
dispensés sont les suivantes: Aínsa, Almudévar, Albalate
de Cinca, Albalatillo, Alcolea de Cinca, Alcubierre,
Angüés, Ansó, Ayerbe, Barbastro, Belver de Cinca,
Benasque, Bielsa, Biescas, Binéfar, Boltaña,
Castillazuelo, Estadilla, Fañanás, Graus, Fonz, Grañén,
Huesca, Jaca, Monzón, Plan, Robres, Sabiñánigo, Santa
Lecina, Siétamo, Sariñena, Tardienta, Tierrantona et
Torla.
En ce qui a trait au catalan dans la
Frange orientale, le plus grand nombre des municipalités
où les cours sont dispensés dans cette langue est situé
dans la province de Huesca: Albelda, Alcampell, Algayón,
Altorricón, Arén Noguera, Baldellou, Benabarre,
Camporrells, Castillonroy, Fraga, Le Melusa, Litera ,
Miralsot, Montanuy, Montañana Bridge, Sopeira, Tamarite
Litera, Hopper, Torrente de Cinca, Vencillón et Zaidín.
Pour résumer, on peut affirmer que
l'enseignement de l'aragonais et du catalan constituent
en Aragon une «matière optionnelle» hors programme, qui
est généralement dispensée uniquement dans les centres
urbains, surtout pour l'aragonais. Si des cours dans les
«langues
distinctives» sont effectivement dispensés dans de
nombreuses localités, ils sont souvent fragmentaires: ce
peut être seulement une classe. Il n'y a rien de
systématique et tout se déroule sur la base du
volontariat. Il y a aussi un manque important de
personnel enseignant qualifié. Cependant, les
cours de catalan dans la Frange orientale connaissent
plus de succès depuis 2010, à la suite d'accords
intervenus entre l'Aragon et la Catalogne, garantissant
l'enseignement du catalan en Aragon, du primaire à
l'université (toujours sur une base volontaire).
5.4 Les médias
Tous les médias utilisent le castillan comme langue de
communication, que ce soit à l'oral ou à l'écrit. La plupart des journaux et
magazines proviennent de Saragosse, parfois des provinces de Huesca et de Teruel, mais aucun
ne paraît ni en catalan ni en aragonais. Il existe quelques revues culturelles à
caractère très local publiées en catalan ou en aragonais. Il est possible
d'acheter des journaux «étrangers», soit en Catalogne soit en France.
En ce qui concerne les médias électroniques, à part les stations
radiophoniques locales (en catalan), aucun n'émet en d'autres langues que le
castillan. Même la Corporation aragonaise de radio et de télévision (Corporación
Aragonesa de Radio y Televisión) créée en 1987 par le gouvernement autonome
ne prévoit d'émissions ni en aragonais ni en catalan. Il existe des émissions
radiophoniques sur Radio-Huesca d'une durée de trente minutes par semaine.
Pourtant, la
Loi no 10/2009 du 22
décembre sur l'utilisation, la protection et la promotion des
langues distinctives d'Aragon impose à l'administration publique
de prendre des mesures appropriées pour promouvoir
l'émission dans les radios et télévisions publiques, de
façon régulière, de programmes dans les langues
distinctives d'Aragon:
Article 35
Les médias
Tout en respectant les principes d'indépendance et
d'autonomie des médias, l'administration publique
doit prendre des mesures appropriées pour atteindre
les objectifs suivants:
a)
Promouvoir l'émission dans les radios et
télévisions publiques, de façon régulière, des
programmes dans les langues distinctives
d'Aragon.
b) Favoriser la production et la diffusion
d'œuvres audio et audiovisuelles dans les
langues distinctives.
c) Favoriser la publication, de façon régulière,
d'articles de presse dans les langues
distinctives.
d)
Augmenter les
mesures existantes d'assistance financière aux
productions audiovisuelles dans les langues
distinctives.
e) Soutenir la
formation de journalistes et d'autres types de
personnel pour les médias qui utilisent les
langues distinctives.
f) Veiller à ce que les intérêts des locuteurs
des langues distinctives soient représentés ou
pris en considération dans l'élaboration des
structures qui peuvent être créées, conformément
à la loi, afin d'assurer la liberté et le
pluralisme des médias.
|
Il n'y a bien là rien d'exceptionnel,
sinon le recours à de simples vœux
pieux.
6
Les organismes culturels et linguistiques
Après la longue décadence dont a souffert la langue
aragonaise tout au long des siècles, les années 1970 ont permis la mise
en lace d'un processus récupération et
de normalisation destiné à sortir l'aragonais du modèle folklorique dans lequel
il était enlisé. Dès le début, le Conseil de la langue aragonaise (''Consello d'a Fabla Aragonesa'') a permis de
mettre en oeuvre
une vision globale de l'aragonais, de renforcer son étude scientifique, de
favoriser le respect des diverses variétés dialectales tout en adoptant un
«aragonais commun» ("aragonés común") et de
promouvoir de nombreuses activités de diffusion et de sensibilisation.
C'est au cours de cette période que sont apparues de nombreuses associations culturelles
telles que la Ligue des langues aragonaises (''Ligallo de Fablans de l'Aragonés''),
l'Association culturelle Nogara (''Asoziazión Cultural Nogará''), le Réseau des
études aragonaises (''Rolde de
Estudios Aragoneses''), le Groupe d'études de la langue cheso (''Grupo d'Estudios de la Fabla Chesa''),
l'Association des joueurs de cornemuse d'Aragon (''Asociación
de Gaiteros de Aragón''), etc. C'est grâce à
ces associations si, au cours des 25 dernières années, plus de 5000 personnes
ont pu suivre des cours d'aragonais et qu'ont pu être publiés de nombreux livres
(plus de 200 titres).
Il existe également de nombreux groupes et associations consacrés à la
défense du catalan en Aragon.
Il existe aussi des
organismes linguistiques officiels créés par le
gouvernement de l'Aragon.
- Le
Conseil supérieur des langues d'Aragon
(Consejo Superior de las Lenguas
de Aragón):
En vertu
du
Décret 88 du
5 avril du gouvernement d'Aragon adoptant les règles d'organisation
interne et le fonctionnement du Conseil supérieur des langues
d'Aragon, le Conseil supérieur des langues d'Aragon est un organisme
corporatif consultatif rattaché à l'instance chargée de la politique
linguistique; il dispose d'une autonomie organique et fonctionnelle
pour assurer son objectivité et son indépendance. Parmi les
fonctions importantes du Conseil, il faut mentionner
celle d'adopter des mesures appropriées pour assurer
la protection du patrimoine linguistique aragonais
et l'emploi des langues et des particularités
linguistiques distinctives d'Aragon; apporter aussi
des propositions à l'administration publique
aragonaises sur les mesures de promotion et de
garantie dans l'usage, l'enseignement et la
connaissance des langues et des particularités
linguistiques distinctives d'Aragon.
- L'Académie de la langue
aragonaise (Academia de la Lengua Aragonesa):
D'après
l'article 15 de la
loi 10/2009,
cette académie a pour objectifs d'établir les normes
relatives à l'utilisation correcte de la langue
aragonaise en Aragon et de conseiller les autorités publiques et les
institutions sur les questions relatives à
l'utilisation correcte de la langue aragonaise
ainsi que sa promotion sociale.
- L'Académie aragonaise du catalan (Academia Aragonesa del Catalán):
Selon le même
article 15 de la
loi 10/2009,
cette académie a pour objectifs d'établir les normes
relatives à l'utilisation correcte du catalan en
Aragon et de conseiller les autorités publiques et les
institutions sur les questions relatives à
l'utilisation correcte de la langue catalane
ainsi que sa promotion sociale.
7 La législation
linguistique
La législation actuellement en vigueur dans la Communauté autonome d'Aragon est
limitée par les contraintes constitutionnelles de 1978 et de 1982. C'est que le
Statut d'autonomie de 1982 ne prévoit pas de langue officielle en Aragon, ce qui
signifie qu'en vertu de la Constitution espagnole seul le castillan bénéficie de
ce statut. Pour l'instant, le point de départ de la législation linguistique
demeure donc l'article 7 du Statut d'autonomie, qui fait allusion de façon très
vague à la question linguistique en indiquant que «les diverses variétés
linguistiques jouiront de protection». En espagnol, le Parlement aragonais est
appelé Las Cortes de Aragón.

À l'heure où la plupart des États d'Europe ont adopté la
Charte européenne des langues régionales et minoritaires, il paraît
plutôt insolite que des citoyens espagnols s'opposent encore à sauvegarder
des langues minoritaires sur leur territoire. Le discours des
opposants fait penser à celui des Américains devant l'espagnol: ils
craignent, eux aussi, de voir apparaître le spectre de la tour de Babel.
Beaucoup de Français s'opposent également à la promotion des langues
régionales parce qu'ils redoutent la balkanisation de leur pays.
Or, le modèle hongrois, pour ne prendre qu'un seul
exemple, montre bien que la sauvegarde de 13 langues minoritaires
n'entraînent pas nécessairement le babélisme linguistique tant appréhendé.
La protection juridique ne peut protéger les trop petites minorités
dispersées géographiquement. La loi ne peut pas non plus empêcher
l’assimilation des petites minorités dont les membres abandonnent
volontairement leur langue. Si la loi ne peut faire supprimer tous les
inconvénients liés à la condition minoritaire, elle peut en revanche
permettre à certaines minorités bien organisées de garantir leur survie et
le respect des individus appartenant à ces minorités.
Si la
Loi no 10/2009 du 22
décembre sur l'utilisation, la protection et la promotion des
langues distinctives d'Aragon
constituait une avancée certaine, l'Avant-projet de loi sur l'usage, la protection et la promotion des
langues et des variétés linguistiques d'Aragon de 2012 constitue
un net recul. En ce sens, l'Aragon a encore beaucoup de chemin à
parcourir, car la situation actuelle paraît anachronique. Il n'est pas
normal que, dans un pays démocratique comme l'Espagne, des membres des
minorités nationales aient à subir des traitements différents selon qu'ils
habitent l'Aragon, la Catalogne ou le Pays basque. Espérons que le calme
reviendra en Aragon et que les Cortès pourront adopter des mesures législatives
plus généreuses à l'égard de leurs minorités. Quand on compare la situation
juridique de l'Aragon avec celle de la Catalogne, du Pays basque ou des
Baléares, il y a de quoi rester songeur, et ce, d'autant plus que ce
sont des Aragonais qui sont contre leur propre langue, l'aragonais,
voire le catalan d'Aragon. De
plus, les partis politiques ne s'entendent pas entre eux sur le statut
des langues de leur territoire, ce qui, d'une part, favorise le
marchandage et le chantage, d'autre part, une politique linguistique
ambivalente toujours soumise aux aléas du parti politique au pouvoir. Ce
ne sont pas les intérêts des citoyens qui comptent, mais ceux des
politiciens de l'âge des dinosaures, figés dans leurs préjugés et leur
rigidité. Dans ces circonstances, les Aragonais doivent s'habituer à
vivre des hauts et des bas avec la langue aragonaise ou avec la langue
catalane, car rien ne semble être acquis de façon définitive dans cette
communauté autonome.
L'Espagne

Europe
