Конституция Польши 1952 года (version russe)
татья 67.
Pologne(2) Données historiques | |
République de Pologne |
L'originalité de la culture polonaise est liée à sa langue et à ses racines slaves. Des études linguistiques indiquent qu'il y a 5000 à 4000 ans les premières langues balto-slaves faisaient partie des langues indo-européennes orientales. Il y a plus de 3500 ans, les langues des Balto-Slaves se sont séparées en deux groupes: les langues baltes, d'une part, les langues slaves, d'autre part. Pendant les 1500 années suivantes, les langues slaves ont évolué parallèlement aux langues grecques, latines (romanes), celtiques et germaniques. L'évolution de la langue polonaise s'est produite au cours de ces 1500 années.
Les premières traces de la présence humaine, dans le bassin de la Vistule et de l'Oder, remonteraient jusqu'à 100 000 ans avant notre ère. Les chasseurs néandertaliens avaient pénétré les territoires du sud de la Pologne actuelle. Les premiers indices d'habitat sédentaire des humains en Pologne dateraient de l'époque mésolithique (8000-5500 avant notre ère). À la suite des invasions des tribus asiatiques, les habitants du territoire de la Pologne actuelle commencèrent à s'organiser en communautés plus nombreuses et à construire des fortifications défensives. À partir du VIe siècle avant notre ère, la Pologne devint à l'est le terrain des incursions des Scythes et des Sarmates, deux peuples indo-iraniens, alors qu'à l'ouest se déroulaient les invasions celtes et germaniques. Tous ces envahisseurs s'installèrent sur les territoires conquis, mais en général ils s'assimilèrent aux autochtones.
C'est à partir de la fin du IIe siècle de notre ère que l'Empire romain fut confronté à ce qu'on a appelé les «invasions barbares», ce que les Allemands aujourd'hui désignent aujourd'hui par le mot Völkerwanderung, c'est-à-dire «le déplacement des peuples». Il s'agissait de mouvements de populations de très grande ampleur et réalisés sur de longues durées. En se déplaçant vers l'ouest, ces peuples venus de l'est finirent par se heurter à la frontière romaine, militairement gardée et, poussés par d'autres peuples encore plus à l'est, ils tentèrent de la percer. Par un effet de dominos, les peuples germaniques durent fuir vers l'ouest de l'Europe. C'est ainsi que les Vandales, les Alains et les Lombards pillèrent tous les villages des peuples germaniques de sorte qu'ils laissèrent le champ libre aux Slaves.
D’après les historiens, le berceau d’origine des Slaves se trouverait sur le territoire de l'actuelle Pologne. Or, le sud de la Pologne fut plus tôt qu'ailleurs en Europe sous l’influence du royaume des Huns, dirigé par Attila (395-453). On comprend que les Slaves n'aient eu d'autre choix que de fuir les envahisseurs pour émigrer dans la région actuelle de la République tchèque et de la Slovaquie dans les années 450-550. |
En quelques siècles, les peuples slaves réussirent à s'imposer. Ils purent repousser de façon efficace les invasions des peuples asiatiques nomades et celles de la Grande-Moravie voisine. Plusieurs des tribus slaves à l’origine de la nation polonaise, dont les Polanes, les Vislanes, les Poméraniens et les Mazoviens, se seraient unies sous la gouverne d’un roi connu sous le nom de Piast. Le nom de «Pologne», en polonais "Polska", vient du nom des Polanes, littéralement «peuple de la plaine». La pratique orale de la langue polonaise s'est constituée bien avant le Xe siècle, mais le polonais évolua et se stabilisa par étapes. Cependant, la Pologne ne figure dans l’histoire de l’Europe qu’à partir du règne de Mieszko Ier (960-992).
Mieszko Ier, le premier souverain attesté dans les textes du Royaume de Pologne, est considéré comme le fondateur de la dynastie des Piast. C'est lui qui convertit les Polonais au christianisme afin de combattre les incursions germaniques. Ayant fait alliance avec le duc de Bohême, le duc Mieszko épousa en 962 une princesse tchèque de la Bohême, Dąbrówka (Dubravka). Celle-ci étant chrétienne, le prince Mieszko et la Pologne entière se convertirent au catholicisme en 966. C'était la règle du Cujus regio, ejus religion (traduction littérale: «Tel Prince, telle religion»). Cet événement allait déterminer l'adoption de l'alphabet latin dans la langue polonaise, ce qui permettait d'écrire le polonais, alors qu'il n'existait que comme langue parlée.
Mieszko hérita de ses prédécesseurs de vastes territoires unifiés qui englobaient la Grande-Pologne, la Cujavie, la Mazovie, mais conquit aussi la Silésie, la Petite-Pologne, soumit la Poméranie (voir la carte) et plaça la Pologne sous la protection du pape afin d'écarter la domination du Saint Empire romain germanique. Le christianisme apporta une force religieuse unificatrice qui permit à Mieszko d'affermir son pouvoir et de rassembler toutes les tribus polonaises sous son autorité d'une manière plus efficace. Par le fait même, la Pologne entra définitivement dans la civilisation latine romaine. |
Les premiers emprunts dans le vocabulaire remontent au début de cet État polonais. La conversion de Mieszko Ier au christianisme entraîna un grand nombre de termes religieux venus de la langue tchèque, plus précisément du bohémien, c'est-à-dire le tchèque parlé en Bohême. Il s'agit donc d'emprunts indirects, car les Bohémiens, devenus chrétiens au IXe siècle, avaient eux-mêmes emprunté ces termes du vieux slave et du latin: cerkiew («église»), Bogurodzica («mère de Dieu»), anioł («ange»), ewangelia («évangile»), apostoł («apôtre»), diabeł («diable»), poganin («païen»). D'autres mots latins sont passés à la fois par l'allemand et le tchèque avant d'arriver en polonais: biskup («évêque»), jałmużna («aumône»), mnich («moine»), msza («messe»), ofiara («offrande» ou «sacrifice»), ołtarz («autel»), opat («abbé»), pielgrzym («pèlerin»), proboszcz («pasteur»), etc.
2.1 Le rôle de l'Église catholique
C’est au cours du règne du fils de Mieszko Ie, Boleslas Ier dit «le Vaillant» (992-1025), que l’Église chrétienne s’implanta fermement en Pologne. Ce remarquable personnage fut également le vainqueur des guerres menées contre Henri II, empereur du Saint-Empire romain germanique, et agrandit considérablement le territoire polonais avec la Poméranie, la Moravie et la Silésie au sud. Il fut sacré roi par le pape en 1025 et devint ainsi le premier roi de Pologne. Il s'empara de la Lusace et de la Bohême, de la Moravie et d'une partie de la Slovaquie, et envahit l'est de la Russie (Kiev). À sa mort, la Pologne s’étendait au-delà des Carpates, de l’Oder et du Dniestr. Toutefois, la majorité de ces conquêtes furent perdues sous le règne de son fils Miesko II (1025-1034) qui reconnut la suzeraineté du Saint Empire romain germanique.
Évidemment, les premiers manuscrits, tous produits par le clergé, ne furent rédigés qu'en latin, mais à l'occasion, ils devaient contenir des noms slaves. Par conséquent, les premiers textes écrits en polonais étaient des traductions de prières et de sermons latins en langue polonaise; le but était que les fidèles puissent comprendre ces paroles ou ces textes. Ainsi, malgré l'existence d'un État polonais à partir du Xe siècle, il n'existe pas de documents rédigés entièrement en polonais avant le XIVe siècle, et ce, en raison du rôle joué jusque-là par la langue latine. De toute façon, dans l'Europe médiévale, le latin était la langue littéraire, la langue officielle, la langue diplomatique et scientifique internationale. |
Tous les documents et toutes les chroniques furent enregistrés dans cette langue. Étant encore un modèle de culture de la Rome antique, le latin était la langue des éduqués et des lettrés, tandis que les langues nationales étaient considérées comme la lingua vulgaris, celle des roturiers et des masses populaires sans instruction. Pour cette raison, dans la littérature, la vieille langue polonaise apparaît le plus souvent lors de la liste des noms et prénoms sous une forme déformée et latinisée.
Les historiens ont collecté plus de 400 noms locaux en polonais, c'est-à-dire des noms de provinces, de villes, de villages, de noms personnels désignant des chevaliers, des artisans, des invités ou parfois des paysans. Le nom de la Pologne est également mentionné comme Poloniorum regio («pays des Polonais») ainsi que la phrase "Mesco dux Poloniae baptisatur" («Le duc polonais Mieszco a été baptisé»), qui enregistrait le baptême de Mieszko Ier en 966.
Au cours des trois siècles suivants, la Pologne fut confrontée à la fois à des difficultés intérieures et extérieures (invasions étrangères). Sous Boleslas II le Hardi (1058-1079), la Pologne retrouva sa puissance passée en affirmant son indépendance, mais, ayant fait assassiner l’archevêque de Cracovie qui avait pris la tête d’une révolte, Boleslas II dut s’exiler en raison d’un interdit papal. Après des années de chaos, Boleslas III (1102-1138) rétablit l’ordre et reconquit la Poméranie, vainquit les armées de Prusse et défendit la Silésie contre Henri V, Saint-Empire romain germanique. À sa mort, la Pologne fut divisée entre ses quatre fils, et le royaume se fragmenta en plusieurs duchés indépendants en conflit les uns contre les autres.
2.2 Les envahisseurs
En 1240 et 1241, les Mongols envahirent la Pologne, qu’ils dévastèrent. Entre-temps, les possessions baltes voisines appartenant aux Prussiens furent conquises par les chevaliers teutoniques, tandis que des colons allemands, encouragés par les princes polonais, commencèrent à s’installer dans le pays. Au cours de cette période de colonisation, de nombreux juifs, fuyant les persécutions dont ils faisaient l’objet en Europe occidentale, trouvèrent refuge sur le territoire polonais. En 1285, lors de la convention de Łęczyca (ville du centre de la Pologne), il fut décidé d'employer la langue polonaise à côté du latin dans les écoles des cathédrales et des monastères. C'est ainsi que de nombreuses phrases rédigées en polonais purent être conservées dans des annales judiciaires manuscrites enregistrant le contenu des procès, des témoignages et des archives judiciaires.
En 1320, Ladislas Ier fut couronné roi de Pologne. De 1305 à 1333, il infligea de sévères défaites aux chevaliers teutoniques et le royaume put être réunifié. Au cours du règne de son fils Casimir III, dit Casimir le Grand (1333-1370), la puissance et la prospérité de la Pologne s’accrurent considérablement. Casimir le Grand, l’un des rois les plus éclairés de l’histoire polonaise, fut également le dernier roi de la dynastie des Piast. Il fut à l’origine d’importantes réformes administratives, judiciaires et législatives, fonda l’université Jagellon en 1364, accrut l’aide aux juifs réfugiés d’Europe occidentale et conquit au sud-est la Galicie orientale, appelée la Ruthénie rouge (aujourd'hui en Ukraine). En annexant la Ruthénie rouge, Casimir III s'est trouvé avec une population majoritairement ukrainienne, plus précisément ruthène. Pour la première fois de son histoire, la Pologne avait la responsabilité de territoires non polonais. La superficie totale de ce territoire était d'environ 91 000 km², et la majeure partie de la population parlait le ruthène ou l'ukrainien. |
La Pologne procéda alors à une politique d’acculturation des peuples ukrainiens. La noblesse locale, appelée la szlachta, se polonisa graduellement et se convertit au catholicisme romain.
2.3 La seconde dynastie des rois polonais
La seconde dynastie des rois polonais, les Jagellon, fut fondée par Jagellon Ier, grand-duc de Lituanie. En 1386, il épousa Hedwige, reine de Pologne; il accéda ainsi au trône de Pologne sous le nom de Ladislas II Jagellon (1386-1434). Converti au catholicisme, il christianisa les Lituaniens qui allaient comme les Polonais, adopter l'alphabet latin. Une monarchie constitutionnelle s'installa au cours de la période qui s'étendit de 1370 à 1493. Le polonais devint une langue d'élégance et de civilité en Europe centrale orientale, la Pologne acquérant un rôle civilisateur entre la mer Baltique et la mer Noire, le polonais étant utilisé comme langue de la diplomatie. À la fin du XVe siècle, les parlements nationaux et régionaux devinrent des catalyseurs de la vie sociale et culturelle en Pologne, un rôle d'ailleurs joué dans le reste de l'Europe par les cours royales. Un premier texte de loi fut imprimé à Cracovie en 1488; il comprenait une garantie royale contre les perquisitions et les saisies. Environ 15 000 mots polonais différents furent utilisés dans les textes médiévaux conservés.
En 1410, à Grunwald-Tannenberg, Ladislas II Jagellon remporta à la tête des armées polonaise et lituanienne une victoire décisive sur les chevaliers teutoniques, ce qui fit de la Pologne l'une des nations les plus puissantes d’Europe. Par la suite, jusqu’en 1569, les deux États (Pologne et Lituanie) seront le plus souvent dirigés par le même monarque. Sous le règne des Jagellon, la Pologne atteignit le sommet de sa puissance, de sa prospérité et de son rayonnement culturel. En 1466, la paix de Toruń, qui mettait un terme au conflit, assura à la couronne polonaise la possession de la Prusse occidentale, de la Poméranie ainsi que d’autres territoires voisins. Les derniers Jagellon, en particulier Sigismond Ier (1506-1548), accumulèrent d'autres victoires militaires et diplomatiques, malgré quelques échecs. Toute cette période fut un âge d'or pour la langue polonaise.
La colonisation germanique eut lieu au Moyen Âge, entre le XIIIe et le XVe siècle. Il faut se rappeler que les chevaliers teutoniques vivaient dans des villes comme Toruń, Gdańsk et Malbork. Beaucoup de mots liés aux aménagements urbains, aux travaux de construction ou aux métiers sont des germanismes: burmistrz («bourgmestre»), gmina («commune»), ratusz («mairie»), kuchnia («cuisine»), wanna («baignoire»), zegar («horloge»), bednarz («tonnelier»), blacha («tôle»), browar («brasserie»), kilof («pioche»), kuśnierz («rbalètre»), murarz («maçon»), szyba («verre»), żołnierz («soldat»), rachować («compter»), rachunek («facture»), fartuch («tablier»), etc.
2.4 L'Union de Lublin (1569)
En 1569 eut lieu l'Union de Lublin ─ traité signé à Lublin en Pologne ─ qui unissait le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie en un seul État. C'est alors que tous les anciens territoires de la Galicie-Volhynie (aujourd'hui en Ukraine) devinrent polonais, ce qui créa à l'époque le plus grand État d'Europe.
Le traité du 1er juillet 1569 scella l'union du royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie, qui formèrent la «République des deux nations» sous un roi commun élu par les États des deux pays. Cette union allait durer jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, alors que les trois puissances voisines ─ la Russie, la Prusse et l'Autriche ─ se partageront cet ensemble politique. Tous les territoires de l'actuelle Ukraine, dont Kiev, se trouvèrent sous tutelle polonaise, lituanienne ou ottomane. C'est à cette époque que les imprimeurs de Cracovie établirent, sur la base de l'alphabet latin, les normes de l'orthographe polonaise, lesquelles à quelques exceptions près, demeurent en vigueur encore aujourd'hui. En même temps, la Pologne pratiqua une politique de polonisation des populations ruthène et lituanienne. À partir de 1654, la Pologne, toujours sous le régime de la République des deux nations, entra en guerre contre la Russie à propos des territoires situés aujourd'hui en Biélorussie et en Ukraine; elle ne réussit pas à soumettre les Cosaques zaporogues alliés de la Russie. C'est alors que commença une longue guerre russo-polonaise qui n'allait prendre fin qu'avec le traité d'Androussovo de 1667. L'Ukraine occidentale (à l'ouest du Dniepr) fut pro-polonaise, mais l'Ukraine orientale se prononça ouvertement pour son rattachement à la Russie. |
2.5 Le nationalisme polonais
Certains spécialistes attribuent la première grammaire polonaise, écrite en latin et parue en 1568, à Piotr Statorius-Stojenski, un Polonais d'origine française et élève du réformateur Jean Calvin. Mais c'est vers 1440, un siècle plus tôt, que l'on date la plus ancienne grammaire polonaise, en latin elle aussi, écrite par Jakub Parkoszowic. À partir de 1507, les lois adoptées par le Sejm, la Chambre basse de la Diète de Pologne, furent publiées en latin à la fin de chaque session sous le titre de Konstytucje «Constitutions»); le latin employé par le Sejm fut remplacé par le polonais en 1545.
La Renaissance vit l'émergence du nationalisme linguistique polonais. Jusqu'alors, la plupart des Polonais portaient des noms russes du calendrier orthodoxe (Stepan, Iwan, Grigorij, Jakov, Matvej, etc.). À la fin du XVIe siècle, commença une polonisation intense des prénoms étrangers qui finirent par disparaître. Paradoxalement, le vocabulaire s'enrichit de nombreux emprunts à des langues comme l'italien, le français et le tchèque. Beaucoup de Polonais de l'époque développèrent l'habitude (appelée makaronizm) d'insérer tant à l'oral qu'à l'écrit des expressions et des tournures d'origine étrangère, principalement latine. À cette époque, le latin était très populaire en Pologne. Beaucoup de mots furent empruntés directement au latin au moyen de la Bible: szkoła («école»), atrament (< encaustum : «encre»), data («datte»), rejestr («registre»), statut («statut»), balsam («baume»), cedr («cèdre»), mirra («myrrhe»), manna («manne»), palma («palme»), korona («couronne»), kryształ («cristal»), etc. D'autres sont apparus par le biais de l'enseignement : akt («acte»), aktor («acteur»), dokument («document»), edukacja («éducation»), elekcja («élection»), fortuna («fortune»), kolumna («colonne»), korupcja («corruption»), reformować («réforme»), rektor («resteur»), religia («religion»), traktat («traité»), etc.
Des imprimeries furent ouvertes à Cracovie et également dans certaines régions de province. L'orthographe polonaise fut normalisée principalement par des imprimeurs qui contribuèrent au développement de la langue polonaise en encourageant la publication de livres et de dictionnaires dans cette langue. Un ouvrage de grammaire polonaise pour les étrangers fut imprimé en 1568 par Piotr Stratotius-Stojenski. Au cours des 100 premières années de l'imprimerie polonaise, quelque trois millions et demi de livres avaient été imprimés. En 1550, les imprimeurs de Cracovie avaient atteint le plus haut niveau européen dans l'imprimerie.
La langue polonaise emprunta de nombreux mots italiens au moment de la Renaissance. De plus en plus de Polonais étudièrent dans les universités italiennes, tandis que plusieurs villes polonaises furent habitées par des sculpteurs et des architectes italiens. Les emprunts à l'italien, des italianismes (italianizmy), concernent principalement la vie de cour, la cuisine, le jardinage, les costumes, les militaires, les banques ou les beaux-arts: bank («banque»), bankiet («banquet»), bomba («bombe»), fontanna («fontaine»), fraszka («épigramme»), gracja («grâce»), impreza («fête»), kalafior («chou-fleur»), karczoch («artichaut»), kredyt («crédit»), pałac («palais»), sałata («laitue»), szpada («épée»), szparag («asperge»), szpinak («épinard»), tort («tarte»). D'autres termes sont apparus plus tard: akwarela («aquarelle»), aria («air»), baryton («baryton»), belweder («belvédère»), cytadela («citadelle»), estrada («estrade»), pastele («pastel»), porcelana («porcelaine»), serenada («sérénade»), tenor (ténor»).
Avec la mort de Sigismond II Auguste en 1572, le dernier des Jagellon, un nouveau régime s'installa: le roi de Pologne devait être élu par la Diète. Celle-ci finit par imposer des restrictions au pouvoir monarchique. Puis le pays s'engagea dans des luttes pour le contrôle de la mer Baltique et le trône de Suède. Les guerres désastreuses contre la Suède, la Russie, les Cosaques d’Ukraine, le Brandebourg et les Ottomans aboutirent à la perte de territoires importants et à la ruine d’une grande partie de la Pologne. En 1655, la Suède vainquit la Pologne lors de la première guerre du Nord (1655-1660). Ces nouvelles guerres ravagèrent le pays et aboutirent à la perte de nombreux territoires : le duché de Prusse (1657), la Livonie intérieure cédée à la Suède (traité d’Oliva, 1660) et l'Ukraine orientale abandonnée à la Russie lors du traité d’Androussovo de 1667 (en polonais: Rozejm w Andruszowie).
Androussovo est un village situé près de Smolensk en Russie. La Pologne acceptait de céder les voïvodies de Smolensk et de Czernihów, et reconnaissait le contrôle de la Russie sur l'«Ukraine de la rive gauche». L'ouest de l'Ukraine, c'est-à-dire l'«Ukraine de la rive droite», et la Biélorussie revenaient à la Pologne, mais celle-ci sortait ruinée de cette crise. |
3.1 La popularité de la langue polonaise
En 1683, les armées polonaises et allemandes placées sous l’autorité de Jean III Sobieski défirent les Ottomans aux portes de Vienne, mettant ainsi un terme à une sérieuse menace contre la chrétienté en Europe centrale, mais cette victoire ne suffit pas à enrayer le déclin de la Pologne. La corruption politique étendue qui régnait dans la noblesse polonaise accéléra le glissement vers le déclin national.
En 1696, le polonais devint une langue officielle avec le lituanien dans le grand-duché de Lituanie, puis il s'imposa dans la vie sociale, culturelle et politique de la Lituanie. Dans les provinces du royaume de Pologne, le latin continua d'être la langue officielle à l'écrit jusqu'à la fin de l'époque saxonne (1763). Néanmoins, le polonais resta la langue véhiculaire des familles nobles allemandes de la Livonie polonaise, lesquelles apprirent rapidement le polonais. En 1772, la Pologne atteignit sa plus grande superficie de l'histoire, incluant la Lituanie, une partie de la Biélorussie, de la Russie et de l'Ukraine (voir la carte). Du milieu du XVIe siècle jusqu'au début du XVIIIe siècle, le polonais demeura une langue de la cour en Russie (avec le russe et le français) et, de cette façon, un certain nombre de mots d'origine européenne occidentale, précédemment acquis par la langue polonaise, ainsi que des mots d'origine polonaise, pénétrèrent dans la langue russe. À la fin du XVIIe siècle, le polonais était également populaire et à la mode parmi les classes supérieures de Moscou; sa connaissance était un signe d'éducation et de culture, mais il en était ainsi du français. La littérature polonaise était extrêmement populaire à cette époque, tant dans sa graphie originale latine que dans sa transcription en cyrillique et ses traductions en russe. La langue polonaise a apporté un grand nombre de mots à des langues comme le russe, l'ukrainien, le biélorusse, le lituanien, le tchèque, le roumain et même le yiddish et l'hébreu. |
En russe, les polonismes avaient commencé à pénétrer en grande quantité à partir des XVIe et XVIIe siècles, principalement à travers la langue écrite russe occidentale et les dialectes ukrainiens et biélorusses. Voici quelques exemples de polonismes lexicaux en russe (avec l'alphabet latin) : bydlo (<bydło: «bétail»), dozvolit' (<dopuszczać: «autoriser»), zabiyaka (<zabójca klyanchit' (< błagać,: «mendier»), poyedinok (< pojedynek: «duel»), ponchik (< pączek: «beignet»), poruchik (< porucznik: «lieutenant»), etc. De plus, un nombre important de polonismes furent formés à partir de racines étrangères qui sont venues au polonais par d'autres langues, principalement le latin et l'allemand : butylka («bouteille»), gonor («ambition»), kukhnya («cuisine»), muzyka («musique»), mushtrovat' («percer»), pantsir' («coquille»), potrafit' («e livrer»), pochta («courrier»), privatnyy («privé»), pudra («poudre»). Ainsi, grâce à la langue polonaise, de nombreux internationalismes d'origine gréco-latine sont entrés dans la langue russe. Par la suite, cette popularité du polonais s'atténua avec le déclin politique de la Pologne.
3.2 Le dépeçage du pays
En 1764, les troupes russes entrèrent en Pologne et imposèrent le couronnement de Stanislas II Auguste (1764-1795), connu aussi sous le nom de Stanislas Auguste Poniatowski, un favori de l'impératrice de Russie, Catherine II. L’expansionnisme russe provoqua une profonde inquiétude au sein des puissances européennes. Les Ottomans déclarèrent alors la guerre à la Russie. La Prusse et l’Autriche, effrayées par la perspective d’un conflit général en Europe et désireuses de s’emparer d’une partie du territoire polonais, proposèrent au gouvernement russe un «plan de partage» de la Pologne, c'est-à-dire son dépeçage à trois. Au cours du premier partage, en 1772, les trois puissances s'approprièrent environ un tiers de son territoire. En 1793, le deuxième partage — auquel seules la Prusse et la Russie participèrent — réduisit encore le territoire polonais.
Mais le troisième partage, celui de 1795, mit fin à l'existence de l'État polonais, c'est-à-dire la République des Deux-Nations, laquelle disparut de la carte de l'Europe, entièrement annexée par la Russie au nord et à l'est, par la Prusse au nord-ouest et par l'Autriche au sud-ouest (voir la carte ci-contre). Par voie de conséquence, l’affaiblissement de la Pologne, marquée par d’incessantes querelles internes et une monarchie de plus en plus fragilisée, eut pour effet de détériorer la situation des Juifs dans ce pays. |
Si les premiers emprunts au français datent du XVIe siècle (ex.: parlamant («parlement»), paszport («passeport»), perfumy («parfum»), prezent («présent» ou «cadeau»), prezydent («président»), c'est au XVIIe et au XVIIIe siècle que les gallicismes (en polonais: galicizmy) furent les plus nombreux. À cette époque, il n'était pas approprié que les aristocrates ne connaissent pas la langue française. Les gallicismes concernent principalement la vie de cour, la tenue vestimentaire et la vie militaire: gorset («corset»), maruder («maraudeur»), peruka («peruque»), reduta («redoute»), etc. Certains emprunts français datent aussi de l'époque napoléonienne, lorsque les Polonais furent des partisans enthousiastes de Napoléon. Les exemples incluent des mots tels que ekran (< «écran»), abażur (< «abat-jour»), rekin (< «requin»), meble (< «meuble»), bagaż (< «bagage»), walizka (< «valise»), fotel (< «fauteuil»), plaża (< «plage"»), koszmar (< «cauchemar»), huragan (< «ouragan»), kiosk (< «kiosque»), majonez (< «mayonnaise»), medal (< «médaille»), szampan (< «champagne»), taras (< «terrasse»). Certains noms de lieux ont également été adaptés du français, comme l'arrondissement de Varsovie Żoliborz (< «joli bord» : belle rivière), ainsi que la ville de Żyrardów (< du nom Girard, avec le suffixe polonais -ow en référence au fondateur de la ville). Si la connaissance du français fut jadis un véritable «titre de noblesse» au sein des classes dirigeantes, il n'en demeure pas moins que, dans les faits, elle fut beaucoup moins répandue que celle du russe ou de l’allemand, qui furent à certaines époques, des langues officielles imposées par les envahisseurs et enseignées dans les différentes parties de la Pologne.
Parce qu'il avait promis de faire renaître la Pologne, Napoléon Ier obtint une aide substantielle des Polonais; des milliers d’entre eux s’engagèrent à ses côtés. En 1807, aux termes du traité de Tilsit, il créa le grand-duché de Varsovie, qui fut constitué par les territoires acquis par la Prusse en 1793 et 1795. Deux ans plus tard, Napoléon força l’Autriche à céder la Galicie de l’Ouest au grand-duché de Varsovie. Mis à part l’octroi d’une constitution libérale au nouvel État, Napoléon ne fit à peu près plus rien pour les Polonais, qui soutinrent pourtant avec enthousiasme la campagne de Russie en 1812.
Le premier dictionnaire complet du polonais fut publié en six volumes entre 1807 et 1814 par Samuel Bogumil Linde (1771-1847), un lexicographe qui travaillait à la bibliothèque Zaluski, la première bibliothèque publique d'Europe. À ce moment-là, la langue polonaise était aussi développée que la langue allemande et plus avancée que le russe; c'était l'une des principales langues européennes possédant une riche littérature et un vocabulaire des arts et des sciences. Le caractère du dictionnaire de Linde se voulut historique et non normatif. Il comprenait quelque 60 000 entrées.
4.1 Les suites du Congrès de Vienne de 1815
En 1815, le congrès de Vienne, qui établit l’accord de paix général de l’Europe après la chute de Napoléon, créa le royaume de Pologne (appelé aussi «Pologne du Congrès»), qui fut constitué des trois quarts environ du territoire de l’ex-grand-duché de Varsovie et dont le roi était l’empereur de Russie. Le congrès constitua également la ville de Cracovie en une minuscule république indépendante et répartit le reste du territoire polonais entre la Russie, l’Autriche et la Prusse. La carte de gauche illustre ce qu'est devenue la Pologne après le Congrès de Vienne de 1815: un très petit territoire par rapport à celui de 1772. La Pologne était alors une entité politique autonome, mais sous tutelle russe; le tsar de Russie avait aussi le titre de «roi de Pologne», mais la Pologne fut néanmoins dotée d'une grande autonomie, avec une armée et un parlement (la Diète).
Cependant, les nationalistes polonais lancèrent un mouvement indépendantiste, alors qu'éclatait une insurrection armée, le 29 novembre 1830. Les Polonais expulsèrent les autorités impériales russes et, en janvier 1831, proclamèrent leur indépendance. Lors de la guerre qui s’ensuivit, les Polonais gardèrent les Russes à distance pendant plusieurs mois, mais ne purent empêcher les Russes de remporter une victoire importante à Ostrolenka (en Mazovie) en mai 1831; ils prirent Varsovie en septembre. Dès lors, il fallut distinguer une Pologne russe, une Pologne prussienne et une Pologne autrichienne. |
4.2 La russification de la Pologne
À la suite de la rébellion polonaise, la Constitution, la Diète et l’armée locale furent supprimées par la Russie, de même que les libertés civiles. Des mesures sévères furent prises pour russifier les institutions publiques et l’administration, tandis que le pays se trouvait dépouillé de ses trésors littéraires et artistiques. D’autres insurrections nationalistes eurent lieu en Pologne en 1846, en 1848, en 1861 et surtout en 1863, mais elles demeurèrent sans lendemain. Par la suite, voulant intensifier leur programme de russification, les autorités russes introduisirent le russe à l’école, restreignirent l’usage du polonais et réussirent à influencer les activités de l’Église catholique. Culturellement, politiquement et économiquement, les territoires polonais occupés par les Russes devinrent de «simples provinces» de l’Empire russe, et perdirent toute leur ancienne autonomie.
Quant aux Polonais de la Pologne prussienne, ils furent soumis à une politique de germanisation, qui ne fut cependant pas aussi sévère que la politique de russification. Pour ce qui est des Polonais de la Pologne autrichienne, ils furent traités plus libéralement et conservèrent leurs propres dirigeants et leurs activités politiques. C'est à cette époque que la langue polonaise connut une période de résistance contre l'allemand et surtout contre le russe. L'influence de la langue russe dans divers domaines de la vie polonaise eut lieu à plusieurs niveaux. Ce processus fut le résultat d'actions historiques impliquant la Pologne et la Russie, ainsi que des contacts internationaux au cours des siècles. Selon le type de liens entre la Pologne et la Russie à un moment donné, certaines catégories de vocabulaire furent empruntées. Pendant le règne de la dynastie des Jagellon en Pologne, les contacts avec le peuple russe se sont développés. Les emprunts russes de cette période concernaient un vocabulaire sans sources militaires, car dans la plupart des cas il s'agissait de mots issus de la langue ukrainienne. Le vocabulaire militaire a été principalement emprunté aux langues d'autres puissances de cette période, par exemple le hongrois, l'allemand et le turc.
En dépit de la germanisation et de la russification dont les Polonais firent l'objet, non seulement le pays survécut, mais il est même devenu un pilier de la société polonaise et l'un des outils les plus puissants de la lutte des Polonais contre les envahisseurs. Malgré les interdictions d'utiliser le polonais dans les écoles et les bureaux des partitions russe et prussienne, c'est à cette période que les tentatives de protection de la langue polonaise furent les plus nombreuses. Il y a eu alors un progrès significatif dans la normalisation de la grammaire. L'enracinement de la tendance positiviste dans la littérature et l'idée de renforcer la polonaise par l'éducation ont également renforcé la position de la langue polonaise dans la société.
Par ailleurs, l’antisémitisme se renforça encore à la fin du XIXe siècle et, pendant la Première Guerre mondiale, les Juifs furent régulièrement soupçonnés de collaborer avec l’ennemi et de réaliser des profits indus sur le marché noir.
Lors de la Première Guerre mondiale, les Polonais enrôlés dans les forces armées de la Russie tsariste durent combattre les Polonais enrôlés dans les armées des puissances centrales. Après la chute de l’Empire russe en mars 1917, le gouvernement provisoire russe reconnut le droit des Polonais à l’autodétermination. Un gouvernement provisoire polonais fut alors formé à Paris. En septembre 1917, les Allemands, qui contrôlaient alors complètement le pays, créèrent un Conseil de régence comme autorité gouvernementale suprême d’un prétendu «royaume de Pologne». Avec la défaite des puissances centrales à l’automne de 1918, les Polonais retrouvèrent rapidement leur État. En novembre, la Pologne fut proclamée république indépendante, et Józef Pilsudski en devint le chef d’État à titre provisoire.
La Pologne avait toujours été une nation multiethnique, notamment avec des minorités juives, lituaniennes, biélorusses et ukrainiennes importantes. Le recensement de 1918 révéla que les minorités représentaient 30,8% de la population du pays. Cette situation allait être modifiée après la victoire polonaise dans la guerre russo-polonaise de 1920 en raison des gains territoriaux réalisés par la Pologne.
5.1 Le traité de Versailles de 1919
Le traité de Versailles de juin 1919 accorda à la Pologne une bande de territoire étroite (le «couloir de Dantzig», aujourd'hui Gdańsk), qui s’étendait le long de la Vistule jusqu’à la Baltique, ainsi qu’une grande partie de la Posnanie et de la Prusse occidentale.
Après une guerre contre la Russie soviétique en 1920, la Pologne récupéra ses territoires historiques de Biélorussie et d’Ukraine. Les Polonais acquirent également plusieurs territoires de la Haute-Silésie en 1921 et en 1922 (voir la carte de 1925). Mais la Pologne élabora une politique étrangère axée principalement par la crainte que lui inspiraient l’Allemagne et l’Union soviétique. Le rétablissement de l'indépendance et la réintroduction de la langue polonaise à l'université et dans l'administration entraînèrent non seulement la renaissance, mais aussi le début de la langue polonaise moderne.
À la fin de la Première Guerre mondiale, la Pologne recouvra son indépendance et adopta un traité de protection à l'égard des minorités nationales, traité également applicable aux Juifs. Rassurés, ces derniers se rallièrent à l’État polonais et créèrent leurs propres partis politiques et leurs institutions. La Constitution de 1921 leur reconnut la liberté de culte et leur offrit un espace pour s’épanouir culturellement. De fait, l'article 110 reconnaissait aux citoyens polonais appartenant à des minorités nationales, religieuses ou linguistiques le même droit de créer, de superviser et de gérer des établissements caritatifs, religieux et sociaux, des écoles et autres établissements d'enseignement qui s'y trouvaient, d'y utiliser leur langue et d'exercer librement leur religion. |
Voici les deux articles de la Constitution de 1921 dont la portée est d'ordre linguistique:
Konstytucja poloneza z 1921 r Artykuł 109 Każdy obywatel ma prawo zachowania swej narodowości i pielęgnowania swojej mowy i właściwości narodowych. Obywatele polscy, należący do mniejszości narodowościowych, wyznaniowych lub językowych, mają równe z innymi obywatelami prawo zakładania, nadzoru i zawiadywania swoim własnym kosztem zakładów dobroczynnych, religijnych i społecznych, szkół i innych zakładów wychowawczych, oraz używania w nich swobodnie swej mowy i wykonywania przepisów swej religii. |
Constitution polonaise de 1921 Article 109 Tout citoyen a le droit de préserver sa nationalité et d'employer sa langue maternelle et ses caractéristiques nationales. Des lois étatiques distinctes doivent garantir aux minorités de l’État polonais le développement complet et libre de leurs caractéristiques nationales avec l’aide des syndicats autonomes des minorités dotés d'une organisation de droit public dans les limites des unions d'autonomie générale. L’État aura le droit de contrôler et de compléter leurs ressources financières par rapport à leurs activités en cas de besoin. Article 110 Les citoyens polonais appartenant à des minorités nationales, religieuses ou linguistiques ont le même que les autres droits de créer, de superviser et de gérer leurs propres établissements caritatifs, religieux et sociaux, leurs écoles et d'autres établissements d’enseignement, et d’employer librement leur langue et d’exercer librement leur religion. |
En 1932, La Pologne conclut avec l’Union soviétique un pacte de non-agression. En 1934, un accord similaire, prévu pour une durée de dix ans, fut signé avec l’Allemagne. Ces deux derniers traités garantirent les frontières de la Pologne. En politique intérieure, l'adoption d'une constitution permanente (en mars 1921) révéla que la Pologne était incapable de protéger les droits économiques et politiques des Juifs, des Ukrainiens, des Biélorusses, des Allemands et des autres minorités linguistiques, ce qui provoqua des agitations et des conflits constants. En 1924, le gouvernement polonais concéda quelques droits pour répondre aux exigences de certaines de ces minorités.
À partir du milieu des années 1930, la Pologne s'est mise à pratiquer une politique de polonisation ouvertement antisémite et à imposer la «pacification» des villages ukrainiens. Le gouvernement polonais encouragea un grand nombre de colons polonais dans le Sud-Est, en Volhynie ukrainienne et ruthène. Selon les sources ukrainiennes, moins de 100 000 Polonais se seraient installés en Galice et en Volhynie; plus de 300 000 selon les sources ukrainiennes. Bien que la majorité de la population locale ait été ukrainienne et ruthène, tous les postes officiels furent attribués à des Polonais. Ceux-ci supprimèrent aussi le système d'éducation ukrainien, ce qui réduisit le nombre d'écoles de langue ukrainienne de 440 à seulement huit. Dans les écoles secondaires de la Volhynie, seulement 344 Ukrainiens furent inscrits en 1938, contre 2599 Polonais. Effectivement, les Ukrainiens, notamment les Ruthènes, furent ouvertement victimes de discrimination par le système d'éducation polonais, et ce, d'autant plus qu'un certain nombre de bibliothèques furent incendiées, terrorisant la population locale sous l’œil bienveillant des autorités polonaises. Selon le recensement de 1931, la population comptait 68,9% de Polonais, 13,9% d'Ukrainiens, 8,6% de Juifs, 3,1% de Biélorusses, 2,3% d'Allemands et 2,8% d'autres minorités tels que les Lituaniens, les Tchèques et les Arméniens.
5.2 L'agression germano-russe
À la fin des années 1930, le triomphe du national-socialisme en Allemagne et la politique expansionniste d’Adolf Hitler représentèrent un grave danger pour la sécurité de la Pologne. Après les accords de Munich et l’effondrement de la Tchécoslovaquie qui leur a fait suite en mars 1939, la Pologne, qui s’est vu accorder quelque 1000 km² du territoire tchèque à Munich, devint la nouvelle cible principale de la diplomatie allemande. Les Allemands exigèrent que la Pologne consente à leur céder Dantzig (Gdansk en polonais) et qu’elle leur accorde des droits importants sur le fameux «couloir» vers la mer Baltique. Après le refus des Polonais, les Anglais et les Français assurèrent la Pologne de leur appui en cas d’agression allemande. Le 28 avril, Hitler dénonça le traité germano-polonais de non-agression. Le 1er septembre 1939, l’Allemagne attaquait la Pologne après avoir signé un pacte avec l’Union soviétique, la Seconde Guerre mondiale venait de commencer. L’armée polonaise ne reçut aucune aide réelle des Occidentaux. Le 17 septembre suivant, les troupes soviétiques envahirent l’est de la Pologne, et les deux envahisseurs, allemand et russe, se partagèrent le territoire polonais du nord au sud (voir la carte ci-contre). Des représailles considérables furent exercées contre les Polonais dans la zone d’occupation allemande, alors que dans la zone d’occupation soviétique des milliers de Polonais furent déportés en Sibérie. Le territoire occupé par les Soviétiques fut incorporé, à la suite d’un référendum truqué, à la République soviétique d’Ukraine. L’Union soviétique y mena une politique de russification, assortie d’une violente répression (déportations, emprisonnements, exécutions). En 1940, les services de sécurité soviétiques assassinèrent des milliers d’officiers polonais faits prisonniers. En 1941, les forces armées allemandes envahirent tous les territoires polonais occupés par les Soviétiques. |
5.3 La politique d'extermination nazie
Pendant leur occupation du pays, les Allemands pratiquèrent une politique d’extermination systématique contre les Polonais, en particulier des Juifs, dont la plupart périrent à Auschwitz (Oswiecim), à Treblinka, à Majdanek, à Sobibór et dans d’autres camps de concentration disséminés à travers tout le pays. Le nombre et la concentration des Juifs en Pologne furent parmi les raisons pour lesquelles ce pays fut choisi par l'Allemagne nazie pour y pratiquer la «solution finale». Il faut préciser que la présence des marchands juifs en Pologne a commencé dès le IXe siècle, bien que les flux migratoires soient devenus importants à partir du XIIIe siècle, à l'époque où de nombreux royaumes d’Europe occidentale avaient décidé de décimer leurs propres communautés juives, comme en France, en Espagne ou en Angleterre. Or, la Pologne, qui pratiquait une politique de tolérance religieuse, apparaissait comme un véritable havre de paix pour ces réfugiés.
Avant la politique de liquidation des nazis, les Juifs devaient représenter 18% de la population. Il y avait là un bassin suffisamment important de population pour encourager le Troisième Reich à liquider les Juifs. La carte ci-contre illustre les principales minorités linguistiques de la Pologne de 1937. À ce moment-là, les frontières polonaises comprenaient à l'est une partie de la Lituanie, de la Biélorussie et de l'Ukraine; à l'ouest, l'Oder était en Allemagne, alors qu'aujourd'hui le fleuve est en Pologne. On constate que les locuteurs du polonais étaient concentrés dans tout l'Ouest, alors que les importantes minorités lituaniennes, biélorusses et ukrainiennes l'étaient dans l'Est.
En septembre 1939, l'Allemagne nazie envahit la Pologne. Lorsque les troupes allemandes entrèrent, les nationalistes ukrainiens les accueillirent comme des libérateurs. Or, au lieu d'accorder l’indépendance aux Ukrainiens, les nazis élaborèrent rapidement une politique d’élimination radicale des communistes. Dès l’arrivée des Allemands, la population ukrainienne entreprit de se venger des persécutions polonaises en massacrant près de 24 000 Juifs. Puis l'armée soviétique finit par libérer la Pologne des Allemands. En 1939, la Pologne comptait 35,1 millions d’habitants, mais à la fin de la guerre il ne restait plus que 19,1 millions de citoyens polonais. Le pays accusait donc un déficit de 16 millions de personnes, dont six millions avaient été tués. Les minorités composant la population de la Pologne furent touchées de façon importante, notamment les Juifs où 90% de la population fut exterminée. |
Lors de la conférence de Potsdam, qui se tint en août 1945 après la reddition allemande, les Alliés placèrent sous administration polonaise la Basse-Silésie, la Haute-Silésie, la Poméranie, la Mazurie, la ville de Dantzig et des parties du Brandebourg allemand, en attendant les conclusions d’un traité de paix définitif. La frontière orientale de la Pologne fut fixée par le traité conclu entre les gouvernements polonais et soviétique le 16 août 1945 (voir la carte ci-contre, en vert).
La frontière soviéto-polonaise fut rétablie plus à l’est que la frontière d’avant-guerre, soit 225 km vers l'est (voir la carte ci-contre), la Pologne ayant dû céder ses régions agricoles orientales au profit de l'Union soviétique, ce qui correspond aujourd'hui à la Lituanie (Vilnius), une partie de la Biélorussie (Minsk) et de l’Ukraine (Lviv). Bref, la Pologne perdait des territoires à l'est au bénéfice de l'Union soviétique, mais en gagnait à l'ouest aux dépens de l'Allemagne. De fait, la Pologne obtenait des territoires allemands plus industrialisés, dont un long littéral sur la mer Baltique; la ville de Dantzig devint définitivement Gdansk. La Pologne s'aligna rapidement dans le camp soviétique. La carte ci-contre illustre la répartition du territoire polonais en 1772 (la plus grande extension), en 1925 (extension moyenne) et en 1945 (la plus petite extension). Après 1945, la Pologne est devenue ethniquement homogène à 97%; bien que la doctrine officielle du Parti communiste ait été celle de «l’internationalisme socialiste», dans les faits, il s'agissait de la promotion d’une société uniforme avec de fortes tendances d’assimilation de quelques rares minorités ou immigrants. |
Après la guerre, le poids des socialistes et des communistes au sein du gouvernement polonais s’accrut de façon continue. Lors des élections législatives de 1947, la coalition des deux principaux partis emporta plus de 85 % des voix. À partir de septembre 1948, le Parti ouvrier polonais exclut des milliers de prétendus «communistes nationalistes». En décembre, les socialistes et les communistes fusionnèrent pour former le Parti ouvrier unifié (POUP) dominé par les communistes staliniens. À la conférence de Yalta en février 1945, Staline présenta l'occupation soviétique de la Pologne comme un fait accompli, entérinant la formation d’un gouvernement prosoviétique et ignorant totalement le gouvernement polonais en exil à Londres. |
6.1 La période stalinienne
Joseph Staline mit en place dès la fin de la guerre une politique de déportation des populations : entre 1945 et 1956, quelque 800 000 Polonais furent «rapatriés», dont 560 000 de Galicie, tandis qu’environ 600 000 Ukrainiens de l’autre côté de la frontière furent déportés vers l’Ukraine (la plupart vers la Galicie) ou dispersés au cours de l'«Opération Vistule» ("Akcja Wisła" en polonais ) dans les territoires que la Pologne a récupérés sur l’Allemagne.
En 1949, le maréchal soviétique Konstantine Rokossovsky fut nommé à la tête des forces armées polonaises. Dès lors, les dirigeants communistes prosoviétiques tentèrent de fixer à la Pologne des objectifs industriels et économiques conformes au système économique et social de l’Union soviétique. Les autorités soviétiques déclenchèrent un conflit important entre l'Église catholique lorsqu'elles confisquèrent de nombreuses propriétés de l’Église et ordonnèrent la fermeture des établissements scolaires confessionnelle. Dans les années cinquante, le gouvernement s’arrogea même le droit de superviser la nomination des prêtres, qui durent tous lui prêter serment de fidélité. Le cardinal Stefán Wyszynski, archevêque de Varsovie et de Gniezno, s’opposa à cette mesure, ce qui lui vaudra d'être suspendu de ses fonctions et incarcéré en 1953. |
En 1952, la Pologne adopta une constitution calquée sur celle de l’Union soviétique tout en reconnaissant explicitement certains droits à la propriété privée. De 1952 à 1988, le nom officiel de la Pologne devint la «République populaire de Pologne», période durant laquelle le pays fut gouverné par un régime se réclamant du marxisme-léninisme dominé par le Parti ouvrier unifié polonais. La Constitution de l'époque ne mentionnait aucune disposition linguistique, comme on peut le constater à l'article 67:
Конституция Польши 1952 года (version russe) татья 67. 1) Польская Народная Республика, упрочивая и умножая завоевания трудового народа, укрепляет и расширяет права и свободы граждан. |
Constitution polonaise de 1952 (traduction) Article 67 |
Dans l'idéologie communiste de l'époque, le fait de proclamer l'égalité de tous les citoyens constituait une mesure de protection pour tous les russophones de tous les pays du Bloc de l'Est. Dans cette perspective, aucun État ne pouvait subordonner le russe à une langue nationale. Évidemment, au cours de cette période dite stalinienne, la langue polonaise fut grandement marquée par le russe.
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Le néologisme nowomowa (pour «nov-langue» ou «nouvelle langue») fit son apparition pour désigner les nombreux emprunts au russe et, de façon générale, la langue de bois des représentants du Parti communiste. Cette influence du russe entraîna un courant littéraire éphémère en Pologne, mais qui tenta de s'imposer et qu'on a appelé le «réalisme socialiste». C'est à cette époque que le vouvoiement à la russe (wy), alors prôné par la nomenklatura soviétique, remplaça progressivement la formule de politesse à la troisième personne (pan «Monsieur» pani et «Madame» en usage en polonais. |
6.2 Les tentatives de réformes
Après la mort de Staline en 1953, des artistes, des intellectuels, des étudiants et des ouvriers polonais élevèrent la voix pour exiger des réformes gouvernementales et une plus grande liberté du pays par rapport à l’Union soviétique. De hauts responsables staliniens furent démis de leurs fonctions et le cardinal Wyszynski fut libéré. Au printemps 1968, le mécontentement populaire se manifesta encore en Pologne, notamment dans les universités du pays. Les étudiants réclamaient des réformes libérales semblables à celles consenties par les autorités tchécoslovaques. Pour étouffer la contestation, le gouvernement polonais lança une campagne antisémite. Des centaines de juifs et de réformateurs furent démis de leurs fonctions au sein du gouvernement, du parti, de l’université et des journaux; un grand nombre d’entre eux quitta le pays pour l’Ouest ou pour Israël. Le 20 août, la Pologne prit part à l’invasion de la Tchécoslovaquie menée par les forces du Pacte de Varsovie (sous la direction des Soviétiques) en fournissant un contingent estimé à 45 000 hommes.
Au début des années 1970, de graves problèmes économiques incitèrent le gouvernement à modifier sa politique étrangère, notamment à l'égard de la prospère République fédérale d’Allemagne (RFA). Finalement, la RFA accepta formellement la perte des 100 000 km² récupérés par la Pologne sur le territoire allemand à la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’établissement de la «ligne Oder-Neisse» comme frontière occidentale de la Pologne; la frontière entre l'Allemagne et la Pologne mesure 472 kilomètres, en suivant pour l'essentiel le cours de l'Oder et de son affluent la Neisse. Pour sa part, la RFA reçut l’assurance que les résidents polonais qui réclamaient la nationalité allemande (estimés à plusieurs dizaines de milliers) obtiendraient l’autorisation d’émigrer. Les deux parties complétèrent leur normalisation par la ratification d’un traité en mai 1972.
6.3 Le syndicat Solidarité
À la fin des années 1970, la crise économique prit des dimensions considérables. Les ouvriers polonais, surtout ceux des ports baltes tels Gdansk, Gdynia et Szczecin, organisèrent des manifestations qui tournèrent à l’émeute, à l’incendie et au pillage. L’état d’urgence fut déclaré et la répression s’abattit en provoquant la mort de nombreuses personnes. Mais les visites faites par les présidents américains Richard Nixon en 1972, Gerald Ford en 1975, puis Jimmy Carter en 1977, symbolisèrent ouvertement l’amélioration des relations avec l’Occident. Au cours de cette période, la Pologne commença le rapatriement de quelque 125 000 personnes d’origine allemande vers la République fédérale d'Allemagne. |
Toutefois, le niveau de vie des Polonais se détériora et, à l'été de 1980, des centaines de milliers d’ouvriers réagirent à une sévère hausse des prix alimentaires en se mettant en grève. En août, le pays fut paralysé: pendant trois semaines les ouvriers de Gdansk et d’autres ports de la Baltique menèrent des grèves d’occupation dans les chantiers navals; ils présentèrent leurs exigences politiques.
Les autorités communistes durent faire des concessions sans précédent aux ouvriers. Il s’agissait, entre autres, du droit de grève, de l’augmentation des salaires, de la libération de prisonniers politiques et de la suppression de la censure. La reconnaissance du droit de constituer des syndicats indépendants conduisit à la mise sur pied de la Fédération Solidarité ("Solidarność" en polonais) à la mi-septembre (10 millions de membres). Toute la société polonaise se retrouva dans ce mouvement pacifiste dirigé par un leader charismatique Lech Walesa. Malgré le dernier sursaut violent du régime, notamment le coup de force du général Wojciech Jaruzelski, la société polonaise ne se soumit guère. En 1983, la loi martiale fut levée, mais les autorités polonaises continuèrent d'exercer une grande partie des pouvoirs d’exception. Le gouvernement Jaruzelski relâcha progressivement la pression et tenta d’introduire des réformes économiques. Celles-ci ne parvinrent pas à emporter un soutien populaire suffisant, et ne furent jamais menées à terme.
6.4 La fin de l'Union soviétique
La Pologne sortit de l’impasse politique et économique grâce à la nomination de Mikhaïl Gorbatchev à la tête de l’Union soviétique en 1985 et à la libéralisation de la politique soviétique qui en résulta. Des libertés politiques et civiques furent concédées, puis Solidarité redevint légal. Lors des élections législatives de 1989, Solidarité emporta 90 % des sièges du Sénat ainsi que 160 des 161 des sièges qu’on lui a permis de briguer à la Diète. En août, Tadeusz Mazowiecki, un proche collaborateur de Wałesa, forma un gouvernement de coalition dans lequel les communistes eurent en charge les ministères de la Défense et de l’Intérieur. Mazowiecki, premier premier ministre polonais non communiste en plus de 40 ans, démantela le système communiste et renforça la transition démocratique.
En 1990, Solidarité se scinda en deux groupes, l’un soutenant Walesa, l’autre ,Mazowiecki. Lors de l’élection présidentielle de novembre 1995, Lech Walesa, qui s’était discrédité auprès des Polonais à cause de ses échecs personnels et de ses erreurs politiques, fut battu par Aleksander Kwasniewski, un ancien communiste et dirigeant fondateur de Solidarité. Kwasniewski s’engagea à poursuivre le processus de réforme économique et à faire en sorte que la Pologne devienne membre à part entière de l’Union européenne et de l’OTAN.
7.1 L'adhésion à l'Union européenne
En 1997, une commission parlementaire extraordinaire, dominée par d’anciens communistes, acheva la rédaction d’une nouvelle constitution qui fut approuvée par quelque 52 % de la population votante. L'article 27 proclamait qu'en république de Pologne la langue officielle est le polonais. La Pologne fit partie de la première vague d’élargissement de l’OTAN, à laquelle elle fut admise en mars 1999. La Pologne adhéra à l'Union européenne en 1999, bien que les secteurs les plus importants de l'État demeuraient encore aux mains des dignitaires de l'ancien régime communiste. Il n'y a jamais eu de programme d'épuration en profondeur de la fonction publique, mais les Polonais croyaient que l'adhésion à l'Union européenne allait mettre fin à la corruption en raison des pressions de Bruxelles.
Au cours des années 1990, l'ouverture de la Pologne sur le monde et l'adhésion à l'Union européenne en 2004 ouvrirent la langue polonaise à de nouvelles influences linguistiques et à l'augmentation des langues étrangères, principalement des langues occidentales, notamment l'anglais. Le processus de mondialisation et d'intensification des flux d'informations grâce aux connexions Internet et à d'autres inventions technologiques a également abouti à l'internationalisation de la langue polonaise, qui reposait principalement sur des emprunts à la langue anglaise, la langue véhiculaire du monde moderne. Dans ces conditions, la Pologne a adopté la Loi sur la langue polonaise en 1999, mais plusieurs fois modifiées depuis. Avec l'adhésion à l'Union européenne, la Pologne a aussi adopté la Loi sur les minorités nationales et ethniques et sur la langue régionale (2005).
En février 2022, l’invasion russe de l’Ukraine
a permis à la Pologne, plus réputée pour ses tensions avec l’Union européenne
(dont elle est membre) sur des questions d’État de droit, de se refaire une
réputation. Elle est devenue un pilier majeur de l’OTAN
et un des alliés les plus fidèles de l’Ukraine.
7.2 La déslavisation et la langue polonaise
En même temps, ce processus s'est accompagné de deux développements opposés. D'une part, il y a eu une «déslavisation» progressive, c'est-à-dire la disparition de mots typiquement slaves, déjà observée dans d'autres langues slaves, comme le tchèque ou le russe; d'autre part, le phénomène de la prise de conscience nationale s'approfondit, principalement dans la prise de conscience des différences culturelles et linguistiques et dans les tentatives de protection des langues polonaises et régionales existant en Pologne, comme le silésien et le cachoube.
La deuxième tendance mentionnée précédemment est la diffusion de la langue polonaise. Avec la chute du communisme, c'est-à-dire la censure des médias et le développement des médias de masse sur la Vistule, le polonais dans toutes ses versions plus ou moins normalisées a atteint différentes parties du pays. Cette situation a contribué à une augmentation de la diversité stylistique de la langue polonaise et à un fort développement des langues spécialisées. Par le fait même, il y a eu aussi une forte vulgarisation de la langue et le déplacement progressif de la langue littéraire par la langue de la culture populaire.
7.3 L'influence de l'anglais
La mondialisation culturelle anglo-saxonne a gagné aussi la Pologne. Les raisons sociales avec des appellations anglaises sont aujourd'hui très fréquentes en Pologne: Hertz, Canon, Amazon, Lenovo, Walmart, Kmart, Castrol, Goodyear, Samsonite, Colgate, etc. Peu à peu, la langue anglaise a fini par occuper la première place et est devenue la source principale d’emprunts linguistiques dans le polonais contemporain. Voici quelques-uns de ces emprunts sont récents : barman (< barman), bekon (< bacon), biznes (< business), biznesmen (< businessman), budżet (< budget), dżem (< jam), dżez (< jazz), dżinsy (< jeans), facebook (< Facebook), film (< film), folklor (< folklore), grejpfrut (< grapefruit), igloo (< igloo), internet (< internet), keczup (< ketchup), klikać (< to click), koktajl (< cocktail), komputer (< computer), lider (< leader), post (< post), rekord (< record), rewolwer (< revolver), stop (< stop), supermarket (< supermarket), tenis (< tennis), tunel (< tunnel), weekend (< weekend).
Selon les résultats d’une étude de l’ISP (Instytut Spraw Publicznych ou Institut des affaires publiques), de 2003, 67 % des Polonais déclaraient connaître des langues étrangères dont la répartition est la suivante: 43 % pour le russe, 35 % pour l’anglais, 29 % pour l’allemand, 6 % pour le français, 3 % pour italien et 2 % pour l’espagnol. La connaissance du russe, qui constitue un héritage du passé, diminue considérablement dans les jeunes générations. Par conséquent, c'est l’anglais, dont la connaissance augmente très vite, qui est généralement la langue la plus apprise par les jeunes Polonais et Polonaises. Cette situation ne se modifiera pas à moyen terme.
7.4 Le français
Néanmoins, la Pologne fait partie de la Francophonie depuis 1997 à titre d'«observateur». La Pologne a toujours conservé des liens particuliers avec le français; la France demeure aujourd'hui un important investisseur en Pologne. On ne compte plus en effet les enseignes françaises qui décorent les façades de Varsovie: Carrefour, Leclerc, BNP Paribas, Crédit agricole, L'Occitane en Provence, Leroy Merlin, etc.
Au cours de son histoire, la Pologne a traversé des phases de puissance et de déclin, allant même jusqu'à disparaître en tant qu'État pendant plus d'un siècle. Au cours du Moyen Âge, le latin servit de langue véhiculaire et fut employé par les serviteurs de la Couronne, l'Administration et l'Église catholique. Contrairement à d’autres pays voisins, l'alphabet latin, plutôt que l’alphabet cyrillique, fut adopté pour écrire le polonais. Afin de pouvoir transcrire les sons complexes de la langue polonaise, certains groupes de consonnes et de signes diacritiques (points, accents, etc.) furent ajoutés à certaines lettres. Au cours de son histoire, la langue polonaise a subi de multiples influences linguistiques, et ce, depuis le tout début, mais dans ses phases de domination elle a aussi donné ses mots à d'autres langues. C'est ainsi que le polonais a donné 62 mots au français (cravache, magnat, mazurka, métalangage, meringue, polonais, etc.): ceux-ci sont dus à quelque 400 000 ouvriers polonais qui sont venus en France pour y travailler dans le premier quart du XXe siècle.
À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, le pays a subi des transformations profondes dans ses frontières, ses structures, sa population et son économie. La Pologne est devenue une république démocratique en 1989. Ce fut le premier pays du bloc de l'Est à se doter d'un gouvernement libéral, après quarante-deux années de régime communiste. Après s'être fait envahir par des mots russes, la Pologne a réussi à s'en détacher, mais pour accueillir massivement la terminologie anglo-saxonne. Depuis plus une trentaine d’années, la mondialisation a transformé les relations entre les pays et a affecté tous les aspects de la vie en société. Comme ailleurs, le néolibéralisme a imposé la domination des grandes entreprises et le retrait de l’État, car la mondialisation est aussi synonyme de l’hégémonie américaine et de sa culture. Toutefois, la réduction des spécificités culturelles et linguistiques peut avoir pour effet de provoquer en réaction un mouvement de défense face à l'impérialisme économique et culturel. C'est ce qui explique en partie l'adoption de la Loi sur la langue polonaise en 1999.
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