Pologne(4)
La politique linguistique |
Sous le régime communiste, les autorités polonaises traitaient les minorités nationales comme un «mal nécessaire» dont on ne devait pas accorder trop d’importance. En 1945 et en 1989, il n'existait aucune politique uniforme à ce sujet et les politiques appliquées variaient selon les minorités concernées. Jusqu'à la fin des années 1940, la seule politique consistait à assimiler les groupes minoritaires. Pendant des décennies, la Pologne a refusé à ses deux principales minorités, les Ukrainiens et les Allemands, d’utiliser officiellement leur langue et de l’enseigner à leurs enfants. Au cours des 1950 et 1960, une certaine libéralisation s’ensuivit, alors que les minorités ont acquis la possibilité d’apprendre leur langue maternelle dans les écoles.
1.1 L'égalité imposée par les russophones
On sait que la Constitution communiste du 22 juillet 1952 n'est plus en vigueur aujourd’hui. On n’y trouvait à l’époque aucune disposition concernant les minorités, sauf des mesures générales portant sur les droits et devoirs fondamentaux des citoyens. Tel était le paragraphe 2 de l'article 67:
Статья 67 2) Граждане Польской Народной Республики имеют равные права независимо от пола, рождения, образования, занятия, национальности, расы, вероисповедания, а также социального происхождения и положения. |
Article 67 |
Il en est de même pour l'article 81 de la Constitution de l’époque qui stipulait ce qui suit:
Статья 81 1) Граждане Польской Народной Республики независимо от национальности, расы и вероисповедания имеют равные права во всех областях государственной, политической, экономической, социальной и культурной жизни. Нарушение этого принципа посредством любых прямых или косвенных привилегий либо ограничений в правах на основании национальности, расы или вероисповедания подлежит наказанию. 2) Распространение ненависти или пренебрежения, возбуждение розни либо унижение человека на основании различия национальности, расы или вероисповедания запрещаются. |
Article 81 1) Les citoyens de la République populaire de Pologne, quelle que soit leur nationalité, leur race ou leur religion, jouissent de droits égaux dans tous les domaines de la vie publique, politique, économique, sociale et culturelle. Toute atteinte à ce principe par l'établissement direct ou indirect de privilèges quelconques, ou par la limitation des droits en raison de la nationalité, de la race ou de la confession, est punissable par la loi. 2) Il est interdit de propager la haine ou le mépris, de semer la discorde ou d'humilier une personne sur la base de sa nationalité, de sa race ou de sa religion. |
En fait, c'était le principe de non-discrimination qu'on imposait, sauf que dans la pratique cela est non seulement insuffisant, mais peut entraîner des effets pervers.
1.1 La montée du nationalisme polonais
Ces dispositions sont reprises autrement dans la Constitution actuelle. À l’époque, ce genre de disposition n’a pas donné grand résultats, car elle cautionnait le droit des russophones à être plus égaux que les autres, y compris les Polonais. Puis, avec les années 1970, la période de libéralisation communiste a pris fin, au moment où la montée du nationalisme polonais s’est fait sentir. Les Polonais ont réagi en imposant des politiques restrictives à l’égard des minorités, surtout russophones.
À partir de 1990, des changements importants sont apparus. La protection des membres appartenant aux minorités nationales est devenue un sujet plus préoccupant. Les changements démocratiques qui ont modifié le système politique de la Pologne ont donné l’occasion aux minorités nationales de s'impliquer politiquement dans la vie publique. Les représentants des minorités ont exigé que le gouvernement polonais tienne compte de leurs aspirations à défendre leurs intérêts collectifs. Le premier gouvernement non communiste a décidé de reconnaître officiellement ces minorités.
2 Les droits fondamentaux des minorités nationales
Rappelons l’article 27 de la Constitution de la république de Pologne qui proclame le polonais comme langue officielle, mais l'énoncé qui suit précise aussitôt que ce statut ne doit pas porter atteinte aux droits des minorités nationales:
Article 27
En république de Pologne, la langue officielle est le polonais. Cette disposition ne doit pas porter atteinte aux droits des minorités nationales résultant d'accords internationaux ratifiés. |
2.1 La non-discrimination
Par ailleurs, le paragraphe 2 de l’article 233 interdit la discrimination en matière de langue:
Article 233
2) Il est inadmissible de limiter les libertés et les droits de l’homme et du citoyen uniquement en raison de sa race, de son sexe, de sa langue, de sa religion ou de son absence, de son origine sociale, de sa naissance et de sa fortune. |
De plus, l'article 11.3 du Code du travail de 1974 (modifié en 1991) interdit toute discrimination pour des motifs de langue ou de nationalité:
Kodeks pracy (1974-1991)
Artykuł 11.3 Jakakolwiek dyskryminacja w zatrudnieniu, bezpośrednia lub pośrednia, w szczególności ze względu na płeć, wiek, niepełnosprawność, rasę, religię, narodowość, przekonania polityczne, przynależność związkową, pochodzenie etniczne, wyznanie, orientację seksualną, zatrudnienie na czas określony lub nieokreślony, zatrudnienie w pełnym lub w niepełnym wymiarze czasu pracy – jest niedopuszczalna. |
Code du travail (1974-1991)
Article 11.3 Toute discrimination dans l’emploi, qu’elle soit directe ou indirecte, notamment en raison du sexe, de l’âge, d'un handicap, de la race, de la religion, de la nationalité, des convictions politiques, de l’appartenance syndicale, de l’origine ethnique, de la religion, de l’orientation sexuelle, de l’emploi à durée déterminée ou indéfinie, de l’emploi à temps plein ou à temps partiel est inacceptable. |
Cependant, pour la plupart des juristes, les implications du terme «inacceptable» ne sont pas très claires; les autorités polonaises affirment qu’une personne victime de discrimination peut demander réparation en raison de cette discrimination.
2.2 La préservation des langues et des cultures minoritaires
C'est cependant l'article 35 de la Constitution polonaise, qui semble le plus important pour les minorités nationales:
Article 35
1) La république de Pologne garantit aux citoyens polonais appartenant à des minorités nationales et ethniques la liberté de conserver et de développer leur propre langue, de conserver leurs coutumes et leurs traditions, et de développer leur propre culture. |
Cette disposition constitutionnelle ne s’applique en principe ni dans le domaine de la justice ni dans celui des services gouvernementaux, puisque ceux-ci ne sont assurés en principe qu’en polonais, l’administration publique et les cours de justice étant unilingues polonaises. Cependant, certaines mesures ont été prises de façon à atténuer l'unilinguisme polonais, notamment au niveau des municipalités, des communes ou parfois des voïvodies. Rappelons que les voïvodies (''województwo'') en Pologne consistent en une unité administrative décentralisée dans laquelle on trouve à la fois l'administration de l'État et l'administration de la collectivité régionale ou territoriale avec des juridictions complémentaires. Depuis le 1er janvier 1999, la Pologne comprend 16 voïvodies (voir la carte).
2.3 Le traité germano-polonais de 1991
Le Traité de bon voisinage et de coopération amicale entre l’Allemagne et la Pologne (en polonais: Traktat o dobrym sąsiedztwie i przyjaznej współpracy; en allemand : Vertrag über gute Nachbarschaft und freundschaftliche Zusammenarbeit) a été signé entre la République fédérale d'Allemagne et la République de Pologne le 17 juin 1991. Ce traité complète le Traité sur la frontière germano-polonaise signé en 1990. Les deux pays ont notamment convenus de respecter les droits des minorités nationales vivant de chaque côté de la frontière et de favoriser les contacts culturels, en particulier chez les jeunes.
Les articles 20, 21 et 25 portent sur la langue des minorités allemande et polonaise. Le paragraphe 1 de l'article 20 présente une définition des minorités polonaise et allemande, ainsi que de leur situation dans l'État d'accueil :
Article 20 1) Les membres de la minorité allemande de la république de Pologne, c'est-à-dire les personnes de nationalité polonaise d'origine allemande ou qui adhèrent à la langue, à la culture ou à la tradition allemande, ainsi que les personnes en République fédérale d'Allemagne de nationalité allemande, d'origine polonaise qui adhèrent à la langue, à la culture ou à la tradition polonaise, ont le droit, individuellement ou conjointement avec d’autres membres de leur groupe, d’exprimer, de maintenir et de développer librement leur identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse sans aucune tentative d’assimilation contre leur gré. Ils ont droit de faire valoir pleinement, efficacement et sans aucune discrimination, leurs droits et libertés en toute égalité devant la loi. |
Le paragraphe 2 de cet article 20 déclare que les Parties contractantes exercent les droits et obligations du statut international des minorités, conformément aux normes internationales,
y compris la Charte de Paris du 21 novembre 1990.
Le paragraphe 3 énumère les droits particuliers qui sont notamment à la disposition des membres d'une minorité (droit à l'emploi de la langue maternelle, à la pratique de la religion, à la création d'institutions religieuses, culturelles ou éducatives, ainsi que le droit d'avoir des contacts avec des étrangers relevant de la minorité, le droit d'employer leurs noms et prénoms dans leur langue maternelle, bien que, à cette époque, la Pologne n'acceptait pas encore l'usage officiel des noms allemands dans «les territoires habités traditionnellement par la minorité allemande».
Article 20
3) Les Parties contractantes déclarent que les membres mentionnés au paragraphe 1 ont le droit, en particulier, individuellement ou conjointement avec d'autres membres de leur groupe :
- de créer et de maintenir des organisations ou des associations dans leur pays et de participer à des organisations internationales non gouvernementales; |
Le paragraphe 4 de l'article 20 précise que l'appartenance aux groupes concernés est une question de choix individuel de la personne et qu'aucune conséquence défavorable ne peut en résulter.
2.4 Les autres traités internationaux
Depuis la chute du communisme, le gouvernement polonais a signé plusieurs traités internationaux en plus du traité signé en 1991 entre la république de Pologne et l’Allemagne. Des accords concernant d’autres minorités nationales ont aussi été conclus avec l'Ukraine (13 octobre 1990), la Lituanie (13 janvier 1992 et 26 avril 1994), la Biélorussie (10 octobre 1991 et 23 juin 1992) et la Russie (22 mai 1992). Ces traités garantissent aux membres appartenant à des minorités nationales les droits suivants:
- le droit à égalité et à la non-discrimination;
- le droit de revendiquer toute mesure prévue dans les lois du pays afin de faire appliquer leurs prérogatives;
- le droit d'apprendre et de recevoir leur instruction dans sa langue maternelle, et de l'employer dans vie privée et publique;
- le droit de faire orthographier son nom selon les normes de sa langue maternelle;
- le droit de professer et de pratiquer sa religion, y compris le droit à la pratique religieuse dans sa langue maternelle;
- le droit de fonder et de maintenir ses propres associations minoritaires;
- le droit d’entretenir et de maintenir des contacts avec les citoyens des autres pays parlant la même langue.
On peut également se réjouir du fait que la Constitution de 1997 contienne une disposition en vertu de laquelle tous les traités internationaux ratifiés sont directement applicables en droit interne. Il reste à statuer que ces traités internationaux dans le domaine des droits de l'homme ou des droits linguistiques ont priorité sur le droit interne en cas de contradiction entre les deux.
Le 10 octobre 1994, la Pologne a signé le Protocole à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, le 1er février 1995, la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l’Europe. Cette dernière a été ratifiée le 20 décembre 2000 et elle entrait en vigueur le 1er avril 2001. En outre, la Pologne devait signer et ratifier la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Il est possible toutefois que des difficultés administratives et financières aient pour effet d’empêcher la Pologne de respecter certains engagements découlant de ces instruments internationaux. Néanmoins, on peut croire que la ratification de ces instruments est non seulement réalisable, mais certainement utile, et que des efforts particuliers devraient être faits pour surmonter les obstacles rencontrés.
La Loi sur les minorités nationales et ethniques et sur la langue régionale été adoptée le 6 janvier 2005 par le Sejm (Parlement) et signée par le président le 24 janvier 2005. La loi précise qu’il s’agit d’un groupe d'une origine distincte de la polonaise, résidant traditionnellement sur le territoire de l'État polonais et constituant numériquement une minorité par rapport au reste des citoyens; un tel groupe est caractérisé par le fait qu’il désire soutenir sa culture, ses traditions, sa langue, sa «conscience nationale» (article 2).
3.1 Les minorités reconnues
Ce même article 2 (paragraphe 2) reconnaît comme minorités nationales les neuf groupes suivants: les Biélorusses, les Tchèques, les Lituaniens, les Allemands, les Arméniens, les Russes, les Slovaques, les Ukrainiens et les Juifs. Quant au paragraphe 3, il reconnaît comme des minorités ethniques les communautés suivantes: les Caraïtes, les Lemks, les Roms et les Tatars.
La loi précise aussi l’affiliation à une minorité est une affaire de libre choix individuel (article 4); elle assure à tous les citoyens appartenant à des minorités l’égalité devant la loi ainsi que le droit de choisir librement d'être considéré ou non comme faisant partie d'une minorité nationale, aucun inconvénient ne résultant de l'exercice de ce droit.
Conformément à l’article 5 de la loi, il est interdit de prendre des moyens ayant pour but de forcer l'assimilation des membres appartenant aux minorités, si ces moyens sont utilisés contre leur volonté. L'article 6 interdit non seulement de pratiquer toute forme de discrimination à l'égard d'une minorité, mais oblige les pouvoirs publics à soutenir l'égalité pleine et réelle dans les domaines de vie économique, sociale, politique entre les membres appartenant à une minorité, de protéger les personnes qui font l'objet de discrimination, d'hostilité ou de violence parce qu'elles font partie des minorités, et de consolider le dialogue interculturel.
3.2 Le chapitre II
Plusieurs dispositions du chapitre II (art. 7-16) sont prévues en ce qui concerne les droits linguistiques. Conformément à l’article 8 de la Loi sur les minorités nationales et ethniques et sur la langue régionale, les membres des minorités ont le droit d'utiliser librement leur langue dans la vie privée et publique, d'employer et d'échanger des informations dans leur langue, de désigner dans leur langue toute information à caractère privé, et de recevoir des directives dans leur langue.
L'article 9 introduit la notion de «langue auxiliaire» (ou complémentaire). Cette langue, dite auxiliaire, peut être employée seulement dans les communes ou municipalités dans lesquelles le nombre des habitants de la communauté appartenant à la minorité est supérieur à 20 % du nombre total des habitants de la commune, ces habitants devant être inscrits au Registre officiel de la population. Selon l'article 11, dans une commune ou une municipalité inscrite au Registre officiel, les employés de l'administration communale, des unités subalternes des communes ainsi que des institutions financières peuvent être requises de connaître en plus la langue auxiliaire obligatoire dans les limites de cette municipalité.
En vertu de l'article 12, les noms traditionnels complémentaires dans la langue des minorités peuvent être utilisés à côté des noms officiels de localité et des noms de rues établis en polonais d'après des règles distinctes.
3.3 Le chapitre III
Les dispositions du chapitre III du projet de loi portent sur l'éducation et la culture. Les articles 17 et 18 garantissent aux citoyens d’une minorité le droit d’apprendre et de recevoir leur instruction dans leur langue au sein des établissements d’enseignement publics (prévu selon le principe du volontariat), et introduisent des sujets d'histoire et de géographie propres aux minorités de Pologne. L'article 17 assure le soutien des ressources financières de l’État pour des actions dans le domaine de la culture, dont la préservation et le développement d'une identité minoritaire, l'organisation de festivals, compétitions, publications et activités artistiques, bibliothèques, etc. L'article 18 précise qu’il est du devoir des autorités de procurer des organismes de radiotélévision assurant la promotion et la reconnaissance des langues des minorités de Pologne.
3.4 La langue cachoube
Le chapitre IV est consacré exclusivement à la langue régionale cachoube (art. 19 et 20). Les organismes des pouvoirs publics sont dans l'obligation de prendre les moyens appropriés pour soutenir les activités destinées à la conservation et au développement de la langue cachoube.
3.5 Les organismes minoritaires
Le chapitre VI porte sur les organismes relatifs aux minorités nationales et ethniques (art. 21-33). Le ministre responsable des Affaires religieuses et des minorités nationales est tenu de favoriser la réalisation des droits et des besoins des minorités au moyen d'activités destinées à soutenir les minorités et introduire des programmes concernant la conservation et le développement de l'identité de la culture et de la langue des minorités, avec l'assurance d'une pleine intégration sociale; il doit aussi coopérer avec les organismes appropriés dans le domaine visant à contrecarrer la violation des droits des minorités, de diffuser les connaissances sur la question des minorités ainsi que leur culture, et d'implanter des recherches sur la situation des minorités, notamment dans le domaine de la discrimination (art. 21).
En vertu de l'article 22, les voïvodies doivent coordonner sur leur territoire les activités des organismes administratifs du gouvernement, afin de veiller aux tâches soutenant la minorité; intervenir en faveur du respect des droits de la minorité et prendre des dispositions contre le viol de ces droits et contre la discrimination à l'encontre des membres appartenant à la minorité; intervenir en faveur des solutions aux problèmes de la minorité; et prendre en considération les opérations en faveur du respect de la langue des personnes employant la langue concernée.
L'article 23 prévoit la création de commissions communales afin d'exprimer des avis sur les questions relatives à la réalisation des droits et besoins des minorités, évaluer les modalités de ces droits et formuler des propositions dans les possibilités des mesures concernant les droits et besoins des minorités. Ces commissions donnent leur avis sur des projets de loi concernant les questions juridiques relatives aux minorités, sur les niveaux et les bases des moyens appropriés dans le budget du gouvernement concernant le soutien des activités destinées à la protection, la conservation et le développement de l'identité d'une minorité culturelle ainsi que la conservation et le développement de la langue régionale. Presque toutes les minorités doivent être représentées: biélorusse, tchèque, lituanienne, allemande, arménienne, russe, slovaque, ukrainienne, juive, caraïte, lèmke (ruthène), rom et tatare.
4 Les accommodements en matière de législation
Les minorités nationales ont beaucoup de difficultés à obtenir des sièges au Parlement, et ce, malgré le traitement préférentiel prévu par la Loi électorale du Sejm du 28 mai 1993 et de la Loi sur le Code électoral de 2011. En vertu de la législation, les candidats des minorités nationales ne sont pas tenus de dépasser un certain seuil (fondé par le nombre de voix exprimées à l’échelle nationale) s'appliquant aux autres candidats. À l'heure actuelle, seule la minorité allemande a obtenu des sièges en raison de sa forte concentration géographique dans une seule région.
4.1 Les candidatures minoritaires
Les membres des minorités nationales présentent depuis 1991 leurs candidats aux élections législatives polonaises. Les minorités nationales reconnues ne sont pas tenues de franchir le seuil électoral de 5%, comme le sont les partis politiques traditionnels en Pologne. En 1991, le «Bloc électoral des minorités» fut fondé par des Ukrainiens, des Lituaniens, des Slovaques et des Tchèques, mais la minorité allemande n'a pas rejoint ce bloc, puisqu'elle a proposé ses candidats sur des listes séparées. La commission électorale de la minorité allemande a alors connu un grand succès en introduisant cinq députés et un sénateur au Parlement. Le succès électoral de la minorité allemande fut possible grâce à la forte mobilisation de la minorité dans la région d'Opole. Cependant, le soutien à la minorité allemande diminua d'une élection à l'autre, de sorte qu'aux élections de 2007 (c'est-à-dire lors des sixième, septième, huitième et neuvième mandats du Sejm), un seul représentant de la minorité réussit à être député.
En 2019, la minorité allemande avait un député dans le district d'Opole et il n'y a pas de sénateur. Les représentants de la minorité allemande au Parlement polonais sont ses porte-parole, soucieux de la protection de ses droits et réagissant à tout signal indiquant que les droits des minorités peuvent être violés. Par conséquent, la représentation de la minorité allemande au Sejm (et au Sénat) ne constitue pas une grande force politique avec un seul député. Cependant, c'est une voix forte pour la communauté des minorités nationales et ethniques, car le député de la minorité allemande demeure le seul représentant des minorités nationales et ethniques, ce qui signifie que la présence de ce député revêt une importance stratégique. C’est au député de la minorité allemande que les représentants des autres minorités nationales et ethniques demandent de l’aide. Les questions suivantes apparaissent prioritaires: le souci de préserver l'avantage de la région et l'identité et la culture des germanophones en Opole-Silésie, garantir des mécanismes juridiques et financiers pour la culture de ce patrimoine, améliorer la qualité de l'enseignement de l'allemand dans les écoles polonaises, y compris l'allemand en tant que langue d'une minorité nationale; soutenir et développer des mécanismes de soutien à l'éducation bilingue.
4.2 La représentation municipale
Si la Loi sur les minorités nationales et ethniques et sur la langue régionale vise aussi à assurer à chaque minorité nationale une meilleure représentation au Parlement, cet objectif n'est pas véritablement atteint avec un seul député. Pour le moment, la plupart des minorités nationales sont représentées dans les conseils municipaux, très peu dans l'administration des «voïvodies» où les Allemands et les Lituaniens ont notamment demandé d’y être représentés.
5 L'interprétariat en matière de justice
La Loi sur les minorités nationales et ethniques et sur la langue régionale ne contient aucune disposition sur cette question. Tous les lois en vigueur en Pologne peuvent se résumer à l'article 5 de la Loi sur le système des tribunaux ordinaires (2001), qui énonce que «la langue officielle devant les tribunaux est le polonais», sans préjudice des justiciables qui ne maîtrisent pas la langue polonaise et qui ont droit de recourir à un interprète:
Article 5
Langue officielle devant les tribunaux; usage d'un interprète |
En effet, le Code de procédure civile (1964), le Code de procédure pénale (1997) reprend les mêmes mesures sur cette question. Les articles suivants du Code de procédure pénale prévoient l'aide d'un interprète pour toute personne qui ne parle pas le polonais:
Article 204
Traducteur 1) Un interprète doit être convoqué chaque fois qu'il est nécessaire d'interroger:
2) Un interprète est également convoqué chaque fois que cela est nécessaire, pour traduire en polonais un document rédigé dans une langue étrangère ou vice versa, ou de familiariser l'accusé avec le contenu des preuves recueillies. Article 407 Traduction de discours
L'accusé qui ne maîtrise pas la langue polonaise doit au moins se faire traduire des arguments par des résumés avant d'être autorisé à présenter sa plaidoirie. |
Autrement dit, le juge n'est pas tenu de connaître la langue des justiciables, et la cour ne tient pas compte s'il s'agit d'un membre d'une minorité nationale ou d'un ressortissant étranger. Cela signifie que les membres des minorités nationales sont traités comme des étrangers dans leur propre pays. Il faut admettre qu'en reconnaissant neuf minorités il devient difficile de demander aux juges d'être polyglottes.
La Loi sur les minorités nationales et ethniques, et sur la langue régionale précise les conditions dans lesquelles les minorités ont le droit d'obtenir des services dans leur langue. Tout le chapitre II est consacré à l'emploi de la langue des minorités. L'article 7 permet aux membres des minorités d'orthographier leurs nom et prénom selon les règles de leur langue:
Article 7 1. Les membres appartenant à la minorité ont le droit d'utiliser et d'orthographier leurs prénoms et noms en conformité avec les bases de l'orthographe de la langue minoritaire, en particulier à leur enregistrement dans les actes de l'état civil et les documents d'identité. 2. Les noms et prénoms des membres appartenant à une minorité rédigés dans un autre alphabet doivent être transcrits en alphabet latin. |
Il faut bien comprendre que, comme le polonais, seul l'alphabet latin est autorisé, ce qui exclut les alphabets cyrillique, arménien, grec, etc.
6.1 La langue minoritaire dans les organismes municipaux
L'article 8 de la Loi sur les minorités nationales et ethniques, et sur la langue régionale est très important, car il accorde le droit aux membres des minorités d'utiliser librement leur langue dans la vie privée et publique, d'employer et d'échanger des informations dans leur langue, de désigner dans leur langue toute information à caractère privé et de recevoir des directives dans leur langue:
Article 8 Les membres des minorités ont le droit en particulier :
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6.2 L'emploi des «langues auxiliaires»
Ce droit «d'utiliser librement leur langue dans la vie privée et publique» ne permet pas aux minorités de s'adresser à l'État dans leur langue, mais uniquement devant les organismes municipaux ou communaux. En ce cas, la langue minoritaire a le statut de «langue auxiliaire» ou complémentaire :
Article 9 1. Devant les organismes municipaux, à côté de la langue officielle, la langue de la minorité peut être employée comme langue auxiliaire. |
Cependant, pour obtenir des services dans leur langue, les membres des minorités doivent constituer au moins 20 % de la population des habitants d'une commune. Dès lors, la langue dite «auxiliaire» est admise comme moyen de communication auprès des organismes municipaux et les membres des minorités ont le droit d'utiliser leur langue sous sa forme écrite ou orale et d'obtenir des réponses, sur proposition distincte, également dans leur langue sous sa forme écrite ou orale.
Conformément à l'article 11 de la Loi sur les minorités nationales et ethniques, et sur la langue régionale, dans les communes où la langue auxiliaire est autorisée, les employés peuvent être requis de connaître ladite langue rendue obligatoire; la connaissance de la langue auxiliaire est confirmée par l'obtention d'un diplôme, d'une attestation ou d'un certificat:
Article 11
1) Dans la commune inscrite au Registre officiel, les fonctionnaires employés dans l'administration communale, dans les unités subalternes des communes ainsi que dans les institutions financières peuvent être requis de connaître en plus la langue auxiliaire obligatoire dans les limites de cette municipalité. Les principes pour demander cette connaissance supplémentaire et son niveau sont réglementés par un décret sur la rémunération des employés dans les collectivités locales. 2) La connaissance de la langue auxiliaire est confirmée par l'obtention d'un diplôme, d'une attestation ou d'un certificat. 3) Le ministre responsable des Affaires religieuses et des minorités nationales et ethniques, de concert avec le ministre responsable de l'Éducation détermine, selon les disponibilités, la liste des diplômes, attestations et certificats relatifs à la langue dont au paragraphe 2 toutes les langues minoritaires sont prise en considération. |
6.3 Le bilinguisme dans la toponymie locale
Dans ces conditions, la toponymie locale peut être bilingue, ce qui inclut le polonais et la langue auxiliaire. Toutefois, en raison de la décentralisation de l'administration polonaise, il appartient à chaque commune, municipalité ou voïvodie de définir sa propre politique en la matière (art. 12):
Article 12
7) Le nom supplémentaire du lieu ou de l'objet topographique dans la langue minoritaire peut être désigné sur proposition du conseil communal, si:
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Toutes ces dispositions s'appliquent à la minorité de langue cachoube, dont le statut est celui de «langue régionale»; c'est l'objet de tout le chapitre IV de la Loi sur les minorités nationales et ethniques, et sur la langue régionale, notamment l'article 19 :
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Rappelons que le cachoube (en cachoube: Kaszëbi; en polonais: Kaszubi) est une langue du groupe slave de l'Ouest. Cette langue est parlée par quelque 60 000 locuteurs dans le nord de la Pologne dans une partie de la voïvodie de Poméranie à l’ouest de l’agglomération de Gdańsk.
Il ne faudrait pas croire que les membres des minorités vivent dans un environnement bilingue grâce à l'affichage public, et ce, dans toutes les agglomérations où ils résident. Dans les faits, il ne s'agit que des panneaux bilingues dans les entrées des villages où les membres de certaines minorités sont concentrés: le nom des villages peut alors avoir des appellations bilingues: polonais-allemand, polonais-lituanien, polonais-biélorusse, polonais-cachoube, polonais-ukrainien, etc.
Pour le reste, c'est le polonais qui apparaît massivement, hormis le fait que les raisons sociales des entreprises étrangères peuvent être en anglais, en français ou en allemand, voire en russe (avec l'alphabet latin). |
Selon l'article 70 de la Constitution, l'enseignement public est gratuit et obligatoire jusqu’à 18 ans, mais cet article ne comporte pas de disposition linguistique. Par contre, l'article 35 autorise L'enseignement dans les langues des minorités nationales (ukrainiennes, allemandes, biélorusses, slovaque, etc.), tant au primaire qu’au secondaire:
Article 35
1) La république de Pologne garantit aux citoyens polonais appartenant à des minorités nationales et ethniques la liberté de conserver et de développer leur propre langue, de conserver leurs coutumes et leurs traditions, et de développer leur propre culture. |
7.1 Le droit à la langue
Par ailleurs, l'article 17de la Loi sur les minorités nationales et ethniques, et sur la langue régionale prévoit des dispositions en matière scolaire:
Article 17 La réalisation du droit des membres appartenant à une minorité de recevoir leur instruction dans leur langue ou dans la langue minoritaire, ainsi que le droit de recevoir l'instruction de l'histoire et de la culture des minorités se fait sur la base et selon les modalités prévues dans la loi du 7 septembre 1991 septembre relatif au système éducatif. |
En vertu de l’article 70 (paragr. 3) de la Constitution, les parents ont la liberté de choisir pour leurs enfants des établissements scolaires autres que ceux qui sont publics.
Article 70 3) Les parents ont la liberté de choisir pour leurs enfants des établissements scolaires autres que publics. Les citoyens et les institutions ont le droit de créer des établissements d'enseignement primaire, secondaire et supérieur ainsi que des établissements d'éducation. Les modalités de l'établissement et du fonctionnement des écoles autres que publiques et de la participation des pouvoirs publics à leur financement ainsi que les principes de surveillance pédagogique des écoles et des établissements d'éducation sont définis par la loi. |
Quant à la Loi sur le système d'éducation (2016), elle reconnaît que l'examen de fin d'études couvre certaines matières obligatoires, dont la langue d'une minorité nationale:
Article 44zzd
1) L'examen du baccalauréat doit se dérouler dans des matières obligatoires et des matières supplémentaires, et comprend une partie orale et une partie écrite. 2) L'examen de fin d'études couvre les matières obligatoires suivantes:
9) Si un diplômé a choisi la même langue étrangère moderne ou la même langue d'une minorité nationale comme matière supplémentaire lors de l'examen du baccalauréat pour la partie écrite qu'il a réussi comme matière obligatoire, il ne sera reconnu dans cette langue que dans la partie écrite, sous réserve des paragraphes 3 et 4 de l'article 44zze.
10) Si un diplômé a choisi le polonais comme matière supplémentaire lors de l'examen du baccalauréat, il ne doit réussir cette matière que par écrit. |
Le système d'éducation polonais garantit en principe le droit d’apprendre une langue minoritaire et veille à instaurer des conditions propices à cet apprentissage, ainsi qu’à l’organisation de cours dans les langues minoritaires. Les élèves appartenant à une minorité nationale ont la possibilité la possibilité de préserver leur identité nationale, ethnique, linguistique et religieuse et, plus spécialement, le droit d’apprendre leur langue, leur histoire et leur culture. L’enseignement d’une langue minoritaire ou l’instruction dans cette langue peut être assuré à tous les niveaux: maternelle, école primaire, collège et école secondaire.
7.2 Un droit limité
Les citoyens et les institutions ont le droit de fonder des établissements d'enseignement primaire, secondaire et supérieur ainsi que de toute autre institution scolaire. La plupart des écoles offrant des cours dans une langue minoritaire ou un enseignement dans une langue minoritaire sont des établissements publics gérés par une collectivité locale. Dans les faits, l’enseignement destiné aux minorités n’est possible que dans un nombre limité d’écoles qui peuvent offrir ce choix. Présentement, seuls les représentants de la minorité juive ont fondé des établissements d’enseignement privés dénommés «Lauder-Morasha» et créés grâce à un don de la fondation Roland S. Lauder.
En Pologne, il n’y a pas d’écoles réservées aux minorités nationales, mais des «écoles polonaises» dans lesquelles on distingue quatre catégories d’enseignement minoritaire.
(1) Les écoles dont la langue d’instruction est une langue minoritaire dans le cas des cours de langue, de littérature et d’histoire, le tout sur la base du volontariat et d’heures supplémentaires par rapport aux cours normaux en polonais.
(2) Les écoles bilingues (en polonais et en une autre langue, pour des heures équivalentes), qui correspondent généralement aux écoles maternelles.
(3) Les conseils scolaires peuvent autoriser des écoles à offrir «une instruction complémentaire dans la langue d’une minorité» à des élèves regroupés dans des classes prévues à cet effet.
(4) Enfin, dans certaines villes, les autorités locales organisent des «groupes interscolaires» dans lesquels on regroupe des élèves provenant de différentes écoles en vue de leur offrir des cours dans leur langue maternelle.
Pour créer une «classe de langue» (minoritaire), il suffit, du moins en principe, de réunir sept élèves de l’enseignement primaire ou quinze élèves de l’enseignement secondaire. Dès lors, l’enseignement d’une langue minoritaire est autorisé dans les conditions suivantes :
(1) si cette langue est déjà celle dans laquelle l’enseignement est dispensé au sein de l’établissement concerné;
(2) si l’établissement concerné dispense un enseignement parfaitement bilingue accordant un statut strictement égal au polonais et à langue minoritaire;
(3) si la langue minoritaire est enseignée comme matière facultative;
(4) si la langue minoritaire est enseignée dans une structure commune à plusieurs établissements scolaires (afin de réunir un nombre suffisant d’élèves).
Le problème soulevé dans les classes minoritaires en Pologne provient de deux facteurs: d’une part, il est possible de recevoir un tel enseignement uniquement sur une base facultative (volontariat), d’autre part, seulement si le nombre des élèves est suffisant. Les Canadiens, notamment ceux de langue française, connaissent bien ce genre de disposition avec la clause du «là où le nombre le justifie» de leur Constitution: c’est une disposition qui, au lieu de servir à accorder des droits, permet aussi de ne pas en accorder en toute légalité sous le prétexte que «le nombre ne le justifie pas». Et c’est là que réside le véritable problème en Pologne quand on sait que l’une des principales minorités, les Ukrainiens, est dispersée dans l’ensemble du pays, ce qui engendre par le fait même une faible population scolaire un peu partout. La plupart des écoles offrant des cours de langue minoritaire ou un enseignement dans une telle langue sont des établissements publics gérés par une collectivité locale. Présentement, seuls les représentants de la minorité juive ont créé des établissements d’enseignement privés, dénommés «Lauder-Morasha» et créés grâce à un don de la fondation Roland S. Lauder.
7.3 Les écoles minoritaires
Néanmoins, voilà plusieurs années que des milliers d’enfants ukrainiens et allemands reçoivent leur instruction dans leur langue maternelle; depuis 1996, des classes en lituanien et en biélorusse ont été ouvertes dans certaines écoles (une douzaine). La communauté tsigane/rom connaît des problèmes particuliers en raison de sa pauvreté économique rendue aggravée par l’ignorance de la langue polonaise et l’analphabétisme élevé des parents: des programmes sont en cours avec des classes expérimentales dans le but de hausser la fréquentation scolaire, notamment au primaire.
Les minorités nationales de Pologne gèrent plusieurs établissements scolaires où sont ces langues sont enseignées : les Allemands bénéficient de 170 écoles; les Ukrainiens, de 70; les Lituaniens, de deux (mais le lituanien est enseigné dans plus de 20 écoles); le biélorusse est enseigné comme deuxième langue dans une cinquantaine d'écoles primaires, sans compter deux écoles biélorusses. Toutes catégories d’écoles confondues, plus de 500 établissements d’enseignement offrent un enseignement dans une langue minoritaire.
Les données suivantes indiquent la répartition géographique (par voïvodie) et le nombre d’établissements scolaires assurant des classes ou un enseignement dans la langue de chaque minorité, ainsi que le nombre total des élèves les fréquentant :
- Minorité allemande : voïvodies d’Opole, de Silésie et de Cujavie-Poméranie (345 établissements regroupant 31 365 élèves);
- Minorité biélorusse : voïvodie de Podlasie (40 établissements regroupant 3763 élèves);
- Minorité cachoube : voïvodies de Poméranie et de Cujavie-Pomeranie (44 établissements regroupant 2761 élèves),
- Minorité ukrainienne : voïvodies de Basse-Silésie, de Lubusz, de Petite-Pologne, des Basses-Carpates, de Podlasie, de Poméranie, de Varmie-Mazurie et de Poméranie occidentale (136 établissements regroupant 2689 élèves);
- Minorité lituanienne : voïvodie de Podlasie (23 établissements regroupant 809 élèves);
- Minorité slovaque : voïvodie de Petite-Pologne (15 établissements regroupant 311 élèves);
- Minorité lemke (ruthène) : voïvodies de Basse-Silésie, de Petite-Pologne et des Basses-Carpates (15 établissements regroupant 313 élèves):
- Minorité juive : Wrocław, Varsovie (deux établissements regroupant 44 élèves).
La plupart des élèves d'origine tsigane/rom fréquentent des écoles publiques dans le cadre d'un système intégré mêlant jeunes Tsiganes et jeunes Polonais. Voici la liste des langues minoritaires pour l'année scolaire 2000/2001:
MINORITÉ | Biélorusse | Cachoube | Lituanien | Allemand | Slovaque | Ukrainien | Lemk | TOTAL |
Écoles primaires avec langue minoritaire comme langue d'enseignement | ||||||||
Écoles primaires bilingues | 0 | 0 | 2 | 2 | 1 | 0 | 0 | 5 |
Écoles primaires avec cours supplémentaires en langue minoritaire | 27 | 33 | 6 | 261 | 8 | 69 | 9 | 413 |
Écoles post-primaires avec langue minoritaire comme langue d'enseignement | ||||||||
Écoles bilingues | 0 | 0 | 2 | 1 | 0 | 0 | 0 | 3 |
Écoles avec cours supplémentaires en langue maternelle | 10 | 5 | 0 | 51 | 3 | 27 | 5 | 101 |
Écoles secondaires avec une langue minoritaire comme langue d'enseignement | ||||||||
Écoles secondaires bilingues | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 |
Écoles professionnelles avec une langue minoritaire comme langue d'enseignement | ||||||||
Écoles professionnelles bilingues | 0 | 1 | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 2 |
Groupes inter-scolaires | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 1 | 0 | 1 |
TOTAL | 37 | 39 | 8 | 316 | 3 | 98 | 14 | 526 |
Il semble que le nombre d’enfants et d’adolescents issus des minorités allemande et ukrainienne, qui apprennent leur langue maternelle, ait considérablement augmenté ces dernières années, et qu’il serait resté stable pour les Biélorusses, les Lituaniens et les Slovaques. Les enfants tsiganes semblent particulièrement défavorisés, car la plupart ne terminent même pas leur scolarité primaire. Contrairement aux autres minorités, les Tsiganes n’attacheraient pas un intérêt capital à ce que leurs enfants reçoivent leur instruction dans leur langue maternelle. De plus, il est très difficile pour l’État de faire appliquer la scolarité obligatoire pour cette minorité.
Dans toutes les écoles où l’on enseigne dans une langue minoritaire, l’enseignement du polonais demeure obligatoire comme langue seconde, alors que tout enseignement d’une langue seconde est facultatif pour les élèves polonais qui désirent apprendre l’anglais, l’allemand, le français, etc. De plus, il est possible de créer des classes dont la langue des cours est l’anglais, le français ou l’allemand plutôt qu’une langue des minorités nationales.
7.4 Les subventions
Terminons en ajoutant que la plupart des établissements d’enseignement où l’on offre une instruction dans une langue minoritaire reçoivent de nombreuses subventions et qu’une très forte proportion d’élèves fréquentant ces écoles sont admis dans des établissements d’enseignement supérieurs (en polonais). Les manuels de classe destinés aux élèves issus des groupes minoritaires sont achetés par le ministère de l'Éducation et distribués gratuitement à toutes les écoles concernées. Des rapports gouvernementaux font toutefois état d’une pénurie de manuels appropriés et d’enseignants qualifiés, surtout pour l’importante minorité allemande.
Les universités polonaises forment des enseignants dans les langues minoritaires, mais le corps enseignant dispose d’autres possibilités de formation. La publication et l’impression des manuels scolaires ainsi que l’élaboration des programmes scolaires des classes et des écoles minoritaires sont intégralement financées par l’État. Le ministère de l’Éducation nationale et des Sports achète les manuels requis et les distribue gratuitement aux étudiants ou élèves concernés. La formation complémentaire des enseignants de langues minoritaires relève des structures mises sur pied au sein de chacune des voïvodies, les conseillers pédagogiques exerçant souvent leurs fonctions sur la base d’accords passés avec les collectivités locales.
Bien que les journaux soient massivement en langue polonaise, on a constaté ces dernières années une augmentation importante du nombre de publications et de journaux produits par différentes minorités; la plupart sont généralement financés par des fonds publics. De fait, le ministre de la Culture et du Patrimoine a officiellement proclamé le droit pour chaque minorité nationale de publier son propre magazine en polonais ou dans sa langue, la totalité ou la quasi-totalité des coûts étant défrayés par l’État.
8.1 La presse écrite
Les Allemands (Schlesisches Wochenblatt, Masurische Storchenpost et Hoffnung), les Ukrainiens (Nad Buhom je Narwoju et Nasze Sowo), les Lemks ou Ruthènes (Zahroda), les Biélorusses (Czanopis et Niwa), les Lituaniens (Auszra), les Tatars (Rocznik Tatar ó W Polskich), etc., ont leurs propres journaux. Toutes les minorités du pays disposent de leurs journaux dans leur langue respective. Le nombre des périodiques subventionnés par l'État s'établit comme suit selon les langues: allemand (9), biélorusse (6), ukrainien (6), cachoube (5), lemk ou ruthène (4), lituanien (2), tsigane (2), yiddish (2), slovaque (1) et tchèque (1).
8.2 Les médias électroniques
La Loi sur la radiodiffusion (1992) a élargi l'accès des groupes minoritaires à la radio publique, tout en affirmant que les besoins des minorités nationales et des groupes ethniques doivent être pris en compte (article 21, paragraphe 8a):
Article 21
1a) Pour les tâches de radio et de télévision publiques résultant de la mise en œuvre de la mission visée au paragraphe 1, en particulier:
Article 30 |
La plupart des minorités nationales ont accès à des organismes publics en matière de radiodiffusion. Dans les régions où résident plusieurs minorités, certaines stations publiques de radio diffusent des émissions dans les langues minoritaires, mais la plupart des minorités disposent de stations locales émettant notamment en allemand, en ukrainien et en biélorusse. Les émissions radiophoniques destinées aux minorités nationales et ethniques sont diffusées généralement dans leur langue maternelle, mais beaucoup d'émissions sont offertes en polonais tout en étant destinées aux différentes minorités nationales :
Stations régionales | Nombre d'heures par année | Langue diffusée |
Radio Koszalin S.A. | 47 h | cachoube et ukrainien |
Radio Wrocław S.A. | 10 h | polonais |
Radio Rzeszów S.A. | 39 h | polonais et ukrainien |
Radio Białystok S.A. | 346,5 h | ukrainien, biélorusse, lituanien et grec |
Radio Katowice S.A. | 47,5 h | allemand |
Radio Szczecin S.A. | 30 h | polonais |
Radio Opole S.A. | 138,5 h | allemand |
Radio Olsztyn S.A. | 198 h | allemand et ukrainien |
Radio Kraków S.A. | 52 h | polonais |
Des émissions spéciales de la télévision en polonais sont consacrées aux problèmes des minorités nationales. C’est le cas notamment d’une émission de quarante minutes produite à Białystok et intitulée À notre propos, qui est consacrée aux principaux problèmes et événements intéressant les minorités de Podlasie. Elle est découpée en plusieurs parties consacrées respectivement aux minorités biélorusse (15 minutes), ukrainienne (10 minutes), lituanienne (15 minutes toutes les deux semaines) et russe, tsigane et tatare (7,5 minutes tous les mois). La même station diffuse également un programme intitulé Voisins, coproduit par TV Grodno et TV Białystok, décrivant les difficultés actuelles de la Biélorussie et de la minorité biélorusse vivant en Pologne.
La république de Pologne pratique maintenant une politique linguistique élaborée qu’on ne pourrait pas vraiment qualifier de «globale» dans la mesure où elle exclut les tribunaux et les services aux citoyens par l'État central. Selon les observateurs du Conseil de l’Europe, le gouvernement polonais aurait, dans l'ensemble, une attitude constructive envers les minorités nationales et ferait de réels efforts pour résoudre leurs problèmes. L'adoption de la Loi sur les minorités nationales et ethniques et sur la langue régionale (2005) est manifestement un grand pas en avant. Le gouvernement polonais a mis à la disposition des minorités un «protecteur du citoyen» destiné à recevoir les plaintes. De plus, les minorités nationales de Pologne bénéficient de trois organismes qui s'occupent de leurs problèmes: il s’agit du Bureau des minorités nationales, qui relève du ministère de la Culture et des arts, de l'Office des immigrés et des réfugiés, qui relève du ministère de l'Intérieur, et la Commission parlementaire pour les minorités ethniques et nationales, qui a élaboré le projet de loi sur les minorités nationales et ethniques.
En raison de la décentralisation de l'administration, il appartient à chaque région ou voïvodie, à chaque commune ou municipalité de définir sa propre politique en la matière. Il serait donc souhaitable qu'un organisme indépendant coordonne les politiques en vigueur dans les différentes régions et veille au respect des grands principes directeurs. Au moins, la politique linguistique de la Pologne a dépassé l’approche sectorielle — des classes qui remplacent des cours de langue seconde — et en est arrivée à des pratiques plus globales laissées à l'initiative des communes et des voïvodies. Non seulement l’État polonais ne réprime plus ses minorités, mais il semble évoluer vers un libéralisme prometteur. On ne peut pas en dire autant de beaucoup de pays! Toutefois, on pourrait s'attendre à ce que les tribunaux locaux puissent tenir des procès dans certaines langues minoritaires, surtout les neuf minorités reconnues.
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