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Groenland
Grønland / Kalaallit Nunaat
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Le Groenland — en danois: Grønland, «terre verte»; en groenlandais: Kalaallit Nunaat prononcé [kala-achlit nouna-at] «terre des hommes» — est une immense île de plus de deux millions de kilomètres carrés (presque quatre fois la France) située au nord-est du Canada dont elle est séparée de 26 km par le détroit de Davis. Le Groenland est entouré au nord par l’océan Arctique, à l’est par la mer du Groenland, au sud-est et au sud par l’océan Atlantique (voir la carte 1). Les plus proches pays voisins sont le Canada (au sud-est), l’Islande (à l’est) et la Norvège (au nord-est). Bien que situé géographiquement en Amérique du Nord, le Groenland fait partie de la sphère économique et juridique de l'Europe en raison de son appartenance au Danemark. Il fait partie des pays nordiques de la Scandinavie (voir la carte). |
L'île est constituée d'un fragment d’âge très ancien (époque archéenne ou précambrien vieux de 2,5 milliards d’années) de socle canadien. Le territoire du Groenland est aujourd’hui recouvert à 85 % d'une importante calotte glaciaire, appelée inlandsis, laquelle constitue la plus grande étendue de glace après celle de l'Antarctique; cette calotte atteint plus de 3000 mètres (ou trois kilomètres) de profondeur en son point extrême. Aucun habitant de l’île n’habite sur la calotte, les villes et villages du pays se trouvant tous sur les côtes rocheuses recouvertes d'une petite végétation — la toundra — qui pousse dès la fonte des neiges. Seules des expéditions scientifiques et sportives traversent parfois la calotte glaciaire. Si les émissions de gaz à effet de serre actuel ne sont pas considérablement réduites, la calotte glaciaire du Groenland pourrait fondre presque entièrement au cours des prochains siècles, ce qui entraînerait une élévation du niveau de la mer d'environ 7 m et ferait disparaître des villes côtières dans le monde entier.
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Bref, la partie habitable du Groenland — 15 % du territoire — correspond à une étroite bande côtière, le long de la côte occidentale et de la côte orientale, s’étendant sur un territoire évalué à 88 000 km², soit seulement trois fois la Belgique (30 527 km²). D'une largeur souvent réduite (entre 30 et 100 km), cette bande côtière atteint 200 km de large au sud-ouest de l'île et est accessible toute l'année à la navigation en raison de conditions climatiques plus favorables. On peut passer d’une ville à l’autre par bateau, par avion ou par hélicoptère, car il n’existe que très peu de routes reliant les villes les unes aux autres.
La capitale du Groenland, qui est située au sud-ouest, est Nuuk (en groenlandais, prononcer [nnouk]); les Danois avaient donné le nom de Godthåb (prononcer goud-tabé], signifiant «bonne espérance») à la ville. Sur un total de 58 000 personnes, environ 45 000 (env. 78 %) vivent dans les villes, dont la principale est évidemment Nuuk, avec près de 20 000 habitants, composée essentiellement de Groenlandais (80 %) et de Danois (14,5 %). Les autres villes, soit Qaqortoq (Julianehåb), Maniitsoq (Sukkertoppen), Sisimiut (Holsteinsborg), Paamiut (Frederikshåb), Aasiaat (Egedesminde), Ilulissat, Thulé (Qaanaaq / Avanersuup ) et Tasiilaq (Ammassalik) — pratiquement le seul centre de peuplement de la côte orientale avec le petit village de Ittoqqortoormiit (Scoresbysund) —, comptent au total plus de 31 000 personnes. On dénombre également un peu plus de 130 hameaux habités, stations et centres d’élevage du mouton, qui abritent le reste de la population. |
Juridiquement, le Groenland constitue présentement un territoire de la Couronne danoise (après avoir été une colonie depuis 1721) doté d’une autonomie politique depuis 1979. Cela signifie que le Groenland dispose de son propre parlement (l'Inatsisartut en groenlandais; le Lansting en danois), de son gouvernement (le Naalakkersuisut) et de sa fonction publique. En 2009, le Danemark a cédé à son ancienne colonie 32 domaines de compétences, dont ceux de la police et de la justice. La politique monétaire, la défense et la politique étrangère restent toutefois sous contrôle danois. Les parlementaires groenlandais peuvent donc adopter des lois particulières. Le chef de l’État actuel est le roi du Danemark Frédéric X.
La plupart de ses habitants du Groenland sont des Inuits, dont les ancêtres ont migré de l'Alaska à travers le nord du Canada, s'installant progressivement à travers l'île au XIIIe siècle. Aujourd'hui, la population se concentre principalement sur la côte sud-ouest, tandis que le reste de l'île est peu peuplé. Les trois quarts du Groenland sont couverts par la seule calotte glaciaire permanente en dehors de l'Antarctique. Le Groenland est donc la région la moins peuplée du monde. Environ un tiers de la population vit dans la capitale et la plus grande ville, Nuuk; la deuxième ville la plus peuplée est Sisimiut, située à 320 km au nord de Nuuk.
2.1 Les deux langues co-officielles
La grande majorité des quelque 57 000 Groenlandais — au moins 87 % — parlent l’inuktitut, une langue de la famille eskimo-aléoute. Cependant, les Groenlandais désignent leur langue par le terme kalaallisut, ce qui correspond à l'inuktitut groenlandais occidental. Ce sont donc des Inuits, ce terme signifiant «les humains» ou «les hommes» ou encore plus exactement maintenant «les gens» (singulier inuk: «personne»); en français, le mot Inuit peut se former en Inuits (pluriel) ou Inuite (féminin). Le terme d’Inuit a remplacé depuis plusieurs années le mot Esquimau (ou Eskimo), un nom d'origine amérindienne qui signifierait «mangeurs de viande crue», le nom ayant été évidemment repris ensuite par les explorateurs européens. Au Nunavut (Canada) — à leur point le plus proche, le Groenland et le Nunavut ne sont séparés que par une vingtaine de kilomètres —, inuktitut est le terme employé pour désigner la langue inuite.
Quant aux autres habitants du Groenland, ils parlent le danois (env. 5000 locuteurs), soit 8,5 %, ou l’anglais (3,5 %), deux langues germaniques. Fait à noter, les Danois représentaient en 1975 près de 20 % de la population totale du Groenland; leur nombre a considérablement baissé depuis. Dans la capitale (Nuuk), ils formaient 23,7 % de la population locale (13 500 habitants) en 1998.
L'isolement géographique de la grande île par rapport à la Métropole danoise, la scolarisation en inuktitut, la participation des Groenlandais aux affaires publiques et plusieurs autres facteurs ont fait en sorte que les habitants se considèrent comme une nation au même titre que les Danois, plutôt qu'une minorité autochtone de nationalité danoise. Ainsi, les liens avec le Danemark sont administratifs, non de nature identitaire.
Même si le groenlandais est aujourd’hui la langue officielle, des tensions importantes subsistent entre la langue maternelle groenlandaise et le danois. Les élites politiques et administratives parlent majoritairement le danois tandis qu'une majorité de la population – 70 % – ne parle que le groenlandais. Cela se traduit par la question démocratique de savoir si un pays peut être gouverné dans une langue qui n’est parlée que par une minorité.
Si la connaissance du danois est relativement répandue chez les Féroïens, c'est loin d'être le cas au Groenland, où beaucoup parlent peu ou pas du tout le danois; on estime que 15% des Groenlandais peuvent s'exprimer en danois ou en anglais. Et même pour ceux qui parlent danois, la langue n’est pas nécessairement un terrain neutre, mais plutôt la langue de la puissance coloniale, et encore aujourd’hui la langue du pouvoir.
Cela dit, il n’existe pas de chiffres officiels sur le nombre de personnes qui parlent le groenlandais et sur le danois au Groenland. Il semble difficile d’établir des critères sur la manière et la qualité avec lesquelles on parle une langue. Dans un rapport sur la langue groenlandaise (Det grønlandske sprog i dag. Rapport over det grønlandske sprog, standpunkt og anbefalinger, 2017, s. 8) préparé dans le cadre des travaux de la commission de réconciliation, il est indiqué :
I dag er forskellen på sprogevner meget stor fra generation til generation; nogle kan ikke tale dansk og har aldrig fået ordentlig undervisning i dansk, nogle har aldrig modtaget undervisning i grønlandsk, nogle har aldrig lært at skrive grønlandsk selv om de kan tale sproget, og andre kan slet ikke tale grønlandsk. Det samme gælder evnerne i det danske sprog. Man har ikke lavet en politik for at dæmme op for denne store forskel, og særligt i forhold til de manglende sproglige evner savnes planlægning, undersøgelser, analyser, handlingsmuligheder og finansiering. | Aujourd'hui, la différence entre les compétences linguistiques est très grande d'une génération à l'autre; certains ne parlent pas le danois et n'ont jamais reçu d'enseignement approprié en danois, certains n'ont jamais reçu d'enseignement en groenlandais, certains n'ont jamais appris à écrire le groenlandais même s'ils parlent la langue, et d'autres ne parlent pas du tout le groenlandais. Il en va de même pour la maîtrise de la langue danoise. Aucune politique n'a été élaborée pour endiguer cette grande différence et, notamment en ce qui concerne le manque de compétences linguistiques, il manque une planification, des études, des analyses, des possibilités d'action et des financements. |
Bref, il est difficile d'établir des chiffres précis sur la maîtrise des langues parlées et écrites au Groenland, car il faut tenir compte non seulement du danois et de l'anglais, mais aussi du groenlandais occidental (la norme) et du groenlandais oriental.
2.2 La répartition des langues inuites
La langue groenlandaise, avec ses variétés, fait partie d'un ensemble linguistique appelé «famille eskimo-aléoute», ou simplement eskaléoute. Ces langues sont parlées dans quatre pays: le Groenland (Danemark), le Canada, l'Alaska (États-Unis) et la Russie. Cette grande famille comprend deux groupes de langues: le groupe eskimo et le groupe aléoute (dont l'aléoute est la seule langue). Quant au groupe eskimo lui-même, il comporte deux sous-groupes: les langues inuites et les langues yupik. Par conséquent, le groenlandais fait partie de l'aire des langues inuites dont il constitue un continuum géographique. Au final, on obtient ainsi 14 langues pour le groupe inuit et 5 langues pour le groupe yupik. Toutes les langues inuites portent des appellations différentes, dont les principales sont l'inuktitut, l'inupiaqm, l'inuvialuktun et le kalaallisut (ou groenlandais). En fait, il y en a 14 si l'on tient compte des variantes dûment classées. Celles-ci se caractérisent, malgré des différences régionales parfois notables, par un vocabulaire et une grammaire assez similaires dans tout l'Arctique. Beaucoup d’Inuits parlent une langue seconde, généralement l’anglais, mais le danois jouit d’une situation bien établie au Groenland. |
Si la répartition des langues inuites offre une continuité géographique, cela suppose qu'à l'origine les Groenlandais ont migré du Canada vers le nord du Groenland, d'où ils ont migré tout le long de la côte occidentale jusqu'à la pointe sud et plus haut sur la côte orientale. Tous les Groenlandais sont donc issus de la même population d’origine, arrivée au Groenland à plus ou moins une même époque. D'ailleurs, des études montrent plusieurs résultats qui suggèrent cette hypothèse. Néanmoins, il existe de petites différences dans la génétique groenlandaise entre les Groenlandais du Nord, les Groenlandais de l’Ouest et les Groenlandais de l’Est. Cette différence s’accorde très bien avec la différence de langues qui caractérise également ces trois régions du Groenland. On estime aussi que les vagues migratoires se sont étalées sur quelques centaines d'années, ce qui serait suffisant pour causer des fragmentations de population, sans oublier la distribution inégale des migrants sur un immense territoire.
2.3 Les variétés linguistiques du groenlandais
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La langue groenlandaise parlée au Groenland se compose de trois grandes aires de l'inuktitut, elles-mêmes se subdivisant en plusieurs variétés dialectales locales, mais cela ne signifie pas que les locuteurs occupent tout le territoire, la calotte glaciaire au centre étant inoccupée:
Les mots Avanersuaq, Kitaa et Tunu désignent les trois anciens comtés du Groenland (supprimés en décembre 2008). Le terme groenlandais kalaallisut pourrait être traduit par «la langue du peuple» (Grønlandsk en danois), mais il sert à désigner la langue groenlandaise occidentale. |
- Le kalaallisut
En fait, le groenlandais du Groenland est localisé dans trois zones restreintes près du littoral: c'est l'inuktun (ou l'avanersuaq) au nord-est, le kalaallisut à l'ouest et le tunumiisut à l'est (voir l'illustration de gauche). C'est le kalaallisut qui constitue la norme du groenlandais. Par ailleurs, les variétés inuites parlées au Groenland correspondent à des formes un peu différentes des variétés parlées par les Inuits du Canada (Yukon, Territoires du Nord-Ouest, Nunavut) et de l’Alaska (États-Unis), bien qu'elles fassent toutes partie des langues inuites (voir la carte et la description).
Rappelons que, notamment dans le lexique, le Groenland n’est pas uni par une langue commune, comme c'est aussi le cas pour l'inuktitut au Canada. En raison de la répartition de la population autochtone, séparée par de grandes surfaces enneigées et en l'absence de routes sécurisées, la langue groenlandaise n'a pu être unifiée. Et ce n'est qu'au XIXe siècle que les missionnaires et les fonctionnaires ont commencé à employer la langue écrite groenlandaise à partir du modèle groenlandais occidental, et ce, dans toutes les églises, les écoles et autres institutions de l'île. |
- Les variantes dialectales
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Les deux tableaux ci-contre présentent les différents termes pour les nouvelles formations à l’époque coloniale entre le groenlandais septentrional et le groenlandais méridional.
Outre les différences lexicales entre le Nord et le Sud, il existe également des différences lexicales entre le groenlandais oriental et le groenlandais occidental. |
Les trois variantes principales sont si différentes qu’il peut être difficile pour les personnes des différentes zones linguistiques de se comprendre. La différence entre le groenlandais occidental et le groenlandais oriental correspond à peu près à la différence entre le danois et le suédois, tandis que le groenlandais de Thulé (ou septentrional) est plus proche des langues parlées dans le nord-est du Canada que des deux autres principales variantes groenlandaises. Outre les trois variantes principales du Groenland, il existe un grand nombre de sous-variantes dialectales dans les différentes régions.
- Le Dialekprojektet
De nombreux signes indiquent que les variantes groenlandaises sont en train de disparaître parce que de nombreux jeunes Groenlandais adaptent leur langue à la langue standard groenlandaise occidentale. Un projet appelé "Dialektprojektet", en collaboration avec l'Université de Copenhague, est en marche pour élaborer une description linguistique des variantes groenlandaises contemporaines et traditionnelles pour créer un corpus numérisé unique de la langue parlée groenlandaise systématiquement collectée avec une étendue géographique, de sexe et d’âge que l’on ne trouve dans aucune autre collection.
L'intention du "Dialektprojektet" est de collecter des lexiques locaux qui n'ont pas encore été enregistrés et, de cette manière, on espère obtenir une image nuancée des différences lexicales entre les variantes. Outre les différences lexicales, il existe aussi des différences phonétiques entre les variantes, en particulier le groenlandais oriental qui diffère grandement du groenlandais occidental. On espère ainsi contribuer à renforcer le patrimoine culturel linguistique du Groenland.
- Une langue agglutinante
Dans tous les cas, les langues inuites correspondent à des langues dites agglutinantes, c'est-à-dire qu'elles se caractérisent par la juxtaposition après le radical d’affixes distincts pour exprimer les rapports grammaticaux pour construire le sens d'un mot ou d'une phrase. Par exemple, le «mot» pisiniarfimmukarusukkaluarpunga signifie en groenlandais de l’Ouest «je voudrais aller au magasin». Ce mot, qui peut sembler fort long pour un Occidental, se décompose avec le radical et les affixes de la manière suivante:
- («acheter»)pisi
- L'écriture groenlandaise
Ces exemples proviennent d'un site de Jean-Michel Huctin portant sur la langue groenlandaise. Les Groenlandais furent les premiers autochtones inuits à utiliser l'écriture, et ce, dès la première moitié du XVIIIe siècle. Ce sont les missionnaires luthériens qui introduisirent une écriture en utilisant l’alphabet latin. Au Canada, la langue inuktitute utilise un code écrit de type syllabique, alors que l'inunnaqtun a recours à l’alphabet latin. L’orthographe groenlandaise fut simplifiée en 1973. Voici un exemple de l'écriture groenlandaise à partir de l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme:
Immikkoortoq 2.
1. Kinal uunniit pisinnaatitaaffinnik killilersugaanngitsumillu iliorsinnaatitaaffinnik nalunaarummi maani taaneqartunik tamanik atuiumasinnaavoq, sukkulluunniit assigiinngisitsinertaqanngitsumik, s. ass. inuiannut sorlernut ataneq, ammip qalipaataa, arnaaneq/angutaaneq, oqaatsit, upperisaq, naalakkersuinikkut isuma allatulluunniit isumaqarneq, inuiaassutsikkut imaluunniit innuttaaqatigiinni qanoq atugaqartuneerneq, pigisaqassuseq, inunnguutsimit imaluunniit inuiaqatigiinni allatut inissisimaneq pissutigalugit. 2. Aammattaaq nunami imaluunniit sumiiffimmi eqqartuussisinnaanikkut pissutsit imaluunniitt naalakkersuinikkut imaluunniit nunat allamiut inuup aalajangersimasup attaveqarfigisaasa isumaat pissutiagalugit assigiinngisitsineqassanngilaq, sumiiffik naalakkersuinikkut attaveqarfeqanngikkaluarpalluunniit, allanit oqartussaaffigineqaraluarpat namminersortuunngikkaluarpalluunniit, imaluunniit imminut naalakkersorsinnaassusia arlaatigut killiliivigineqarsimagaluarpat. |
Article 2
1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. |
On remarquera qu'il faut beaucoup plus de mots en inuktitut qu'en français ou en anglais. La plupart des Groenlandais sont de religion évangélique luthérienne, à laquelle s’ajoutent les croyances traditionnelles des Inuits.
2.4 La langue anglaise
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Ceux qui utilisent l’anglais comme langue maternelle ne sont pas des Groenlandais ni des Danois, mais des Américains ou des Canadiens résidant généralement à la base militaire de Thulé, située dans le Nord-Ouest (voir la carte 1). De 1950 à 1980, la "Thule Air Base" comptait plus de 10 000 membres des services militaires américains. À partir de juillet 1965, la base de Thulé connut un ralentissement général de ses activités. L'unité de base, qui y était située, fut désactivée. En janvier 1968, la population de la base militaire n'était plus que de 3370 personnes.
Aujourd'hui, le personnel de base, composé d'Américains, de Canadiens et de Danois, est tombé à environ 2,600 personnes au maximum avec comme mission de détecter tout missile qui pourrait être lancé contre le Canada, les États-Unis et leurs alliés. Thulé, devenue en 2023 Pituffik, abrite aussi le port en eau profonde situé le plus au nord du monde. La base bénéficie d'une station de radio FM (97.1) et de plusieurs chaînes de télévision (CBS, ABC, NBC, FOX, AFN et PBS), dont une chaîne locale, AFN, qui transmet des informations sur les prévisions météorologiques. |
Avec la mondialisation croissante et l’accès à l'Internet et aux médias numériques, la langue anglaise joue un rôle de plus en plus important, tant dans la langue des jeunes que dans la société groenlandaise en général. L'anglais est ainsi devenu un facteur supplémentaire dans le difficile débat sur la politique linguistique au Groenland, car si le pays veut se développer sur le plan commercial, il doit le faire en coopération avec le Danemark et l'étranger. Il faut donc être capable de communiquer en danois et en anglais. En même temps, il est essentiel pour la culture et l’identité de la société groenlandaise que la langue groenlandaise soit utilisée et que des terminologies techniques soient développées. La question est désormais de savoir si l’anglais remplacera à plus ou moins long terme le danois au Groenland.
2.5 L'immigration au Groenland
Selon les données de Statistics Greenland, il n’y a jamais eu autant d’étrangers dans ce pays qu’aujourd’hui. La majorité des migrants sont des citoyens du Royaume du Danemark qui se déplacent du Danemark vers le Groenland ou vice versa. Le Groenland a constamment besoin de main-d'œuvre et l'émigration nette de ressortissants étrangers doit être compensée en permanence par l'immigration. Ce sont surtout les personnes originaires des Philippines et de Thaïlande qui s’installent au Groenland, mais il y a aussi des Islandais, des Norvégiens et des Suédois,
sans oublier les Américains. Voici les données suivantes:
Philippines | Thaïlande | Islande | Chine | Pologne |
486 | 249 | 128 | 80 | 80 |
En 2017, on comptait 1017 personnes de nationalité étrangère au Groenland, dont 64% dans la capitale, Nuuk. L’immigration n’apparaît pas comme un phénomène métropolitain, mais plutôt national. En 2024, le nombre des immigrants a doublé. Plus de 1800 personnes ne sont pas des citoyens du royaume danois.
Par le fait même, la ville de Nuuk a vu ces dernières années apparaître une plus grande présence de l'anglais dans les commerces, les hôtels et les entreprises. ll est fréquent de constater que des employés et des clients ne parlent ni groenlandais ni danois; ils préfèrent alors l’anglais. La présence significative d’un groupe de population asiatique laissera également son empreinte sur le système scolaire dans les années à venir, et contribuera probablement à promouvoir davantage une pédagogie orientée vers l’inclusion de davantage de langues dans l’enseignement quotidien dans les écoles.
D'après les archéologues, le Groenland a compté quatre peuples différents qui se sont installés sur ce territoire. Les prédécesseurs des Inuits furent un peuple nommé les Dorset ancien (500 avant notre ère), moyen (0-600), récent (900-1350) et tardif. Après avoir occupé la plus grande partie de l'Arctique canadien, les Dorset pénétrèrent au Groenland vers l'an 800 avant notre ère. Ils y vécurent environ 1000 ans dans de nombreuses régions de l'île, avant de disparaître vers 300 de notre ère, sans doute chassés par l'avancée des Inuits. Contrairement aux Inuits, ils n'avaient pas de traîneaux à chiens, ni de navires (kayaks), ni d'arc, ni de flèche. Puis les Dorset revinrent dans le Nord-Est vers 700 et survécurent au Groenland jusqu'aux environs de 1300.
3.1 Les Inuits
Les Inuits ont émigré avant l'an 1000 en traversant le détroit de Béring et en s'établissant en Alaska et au Canada. Parce qu'ils étaient capables de voyager sur de grandes distances (en traîneaux à chiens et avec de grands navires), ils pénétrèrent au Groenland vers l'an 1200, puis se dirigèrent vers le sud en longeant la côte occidentale de l'île. Ils chassaient le morse, le phoque, la baleine, le caribou, etc.
3.2 L'arrivée des Vikings
Les côtes méridionales furent explorées pour la première fois par des Européens en 984: Erik le Rouge, un Viking (ou Norrois) originaire d'Islande, installa des colonies vikings sur la côte est, tout le long de deux fjords, là où il était possible de pratiquer l'élevage bovin.
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Au départ, l'expédition d'Erik le Rouge aurait compté environ 600 personnes montées à bord de 25 bateaux (des «drakkars»), mais seuls 14 de ceux-ci parvinrent au Groenland, les autres ayant sombré ou fait demi-tour. D'autres Vikings vinrent de Norvège et des îles Shetland (voir la carte de gauche).
Entre 990 et 1050, les Vikings fondèrent une petite colonie sur l'extrême pointe nord de Terre-Neuve, à l'emplacement de l'actuelle Anse-aux-Meadows (proviendrait de l'Anse-aux-Méduses) non loin de Saint Anthony, qu'ils ont appelé le Vinland, ce qui signifie «pays du vin» (une région où poussaient des raisins sauvages). Malgré leurs tentatives d'établissement, les voyages des Vikings n'eurent pas de suite et ne laissèrent pas leur langue, le vieux norrois, sur les habitants de l'île. Après s'être heurtés à l'hostilité des «Skraelings» (autochtones: Inuits et/ou Béothuks, les Dorsétiens), les Vikings retournèrent au Groenland. |
- La souveraineté norvégienne
Christianisés dès le XIIe siècle, les habitants du Groenland passèrent, en même temps que l'Islande, sous la souveraineté norvégienne de 1261 à 1380. À quelque 2500 km de la Norvège, les Vikings bâtirent une cathédrale et des églises, écrivirent des textes en latin et en vieux norrois, fabriquèrent des outils en métal, élevèrent des animaux de ferme, s'habillèrent à l'européenne, firent le commerce des fourrures, etc. Près de 5000 colons vikings vécurent ainsi sur le sol groenlandais — dont 4000 à l'Établissement de l'Est et environ 1000 à l'Établissement de l'Ouest — durant 450 ans, puis disparurent, alors que les Inuits survécurent. Le dernier évêque norvégien du Groenland décéda en 1378 et le roi ne Norvège ne le fit jamais remplacer, ce qui fit péricliter la société viking.
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À partir du XVe siècle, les colonies vikings eurent à faire face à un certain refroidissement climatique du Groenland, qui dura jusqu'au XIXe siècle (de 1650 jusqu’à 1850). Si les conditions climatiques étaient tolérables pour les Inuits qui chassaient le phoque, elles devenaient très défavorables pour les Vikings qui dépendaient de la culture du foin (l'été). En réalité, les Vikings auraient pu survivre s'ils avaient su s'adapter, mais ils n'eurent probablement pas les moyens culturels qu'il fallait pour modifier leur mode de vie, ce qui leur aurait permis de survivre à l'instar des Inuits. Les Vikings avaient détruit les forêts pour augmenter le pacage, faire du bois de chauffage ou du bois de construction; les bovins avaient piétiné les pousses et fait disparaître toute végétation naturelle, facilitant ainsi l'érosion à grande échelle et rendant quasi impossible la culture du foin. |
Fait surprenant, les Vikings n'ont jamais songé à exploiter les richesses naturelles de la mer, alors que les Norvégiens étaient au même moment de formidables pêcheurs. Mais les Vikings sont demeurés une société extrêmement conservatrice dans laquelle toute innovation était perçue comme menaçante pour le pouvoir, le prestige et les intérêts étroits des chefs locaux. Ajoutons aussi que les contacts avec les Inuits devinrent de plus en plus hostiles, les relations avec la Norvège de plus en plus sporadiques, sans compter la Peste noire de 1349-1350, qui avait fait disparaître la moitié de la colonie.
- La disparition des Vikings
On pense que les derniers Vikings du Groenland périrent de froid et de famine, entourés d'abondantes ressources alimentaires (poissons, phoques, baleines, caribous, etc.) non utilisées. Au final, il n'est pas impossible que les derniers habitants des colonies nordiques du Groenland, affaiblis et démunis, aient été exterminés par les Inuits. D'ailleurs, la légende orale inuite rapporte que les Inuits du Groenland auraient chassé les Vikings (Norrois).
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Au cours des siècles durant lesquels Inuits et Vikings se partagèrent le Groenland, les relations entre les deux peuples ne furent pas très cordiales, du moins si l'on se fie aux annales vikings qui n'en font référence que deux ou trois fois brièvement, et de façon peu flatteuse. Il ne dut y avoir que peu de relations commerciales entre Inuits et Vikings, sauf peut-être pour l'ivoire de morse que les Inuits chassaient avec succès et que les Scandinaves recherchaient. Tributaires des préceptes de l'Église, les Vikings ne devaient ressentir que du mépris pour ces «païens», comme d'ailleurs chez la plupart des Européens du Moyen Âge. Mais les archéologues n'ont jamais trouvé dans les colonies vikings du Groenland de trace de massacre ou de destruction de fermes ou d'occupation de terres par les Inuits. On peut être surpris aujourd'hui de constater que les Vikings n'aient jamais rien appris des techniques de chasse et de pêche des Inuits. On sait que les explorateurs et autres colons européens qui ont survécu dans l'Arctique furent ceux qui adoptèrent les coutumes des Inuits. En somme, les Norvégiens du Groenland ont préféré mourir plutôt que de vivre comme des Inuits! |
Lorsque les explorateurs anglais Martin Forbisher (1535-1594) et John Davis (1550-1605) accostèrent au Groenland en 1587, ils ne rencontrèrent que des Inuits et ils furent fort très impressionnés par leurs techniques et leurs outils. Depuis cette époque, de nombreux scientifiques et archéologues n'ont cessé de chercher des réponses au sujet de l'effondrement viking.
3.3 La souveraineté danoise
Le commencement de l'autorité danoise moderne au Groenland date d'une mission à Godthåb (l'actuelle capitale de Nuuk) en 1721, menée par un missionnaire norvégien, Hans Egede (1686-1758). Celui-ci fonda la première mission morave, une Église liée au luthéranisme de la Saxe (Allemagne). Egede ne trouva évidemment aucun survivant dans les anciennes colonies vikings. En revanche, il trouva des Inuits dont il étudia la langue et dont il traduisit des textes chrétiens. Après la fondation de cette première ville groenlandaise, qui allait devenir plus tard la capitale du territoire, il commença la colonisation danoise du Groenland, ainsi que sa conversion au christianisme.
En 1789, la population du Groenland était estimée à quelque 10 000 habitants. À la suite des épidémies de variole apportées par les Européens, la population chuta à 7000 ou 6000 personnes. Les Danois entreprirent alors d'explorer la côte occidentale et de coloniser le Groenland. La souveraineté danoise sur l'île, reconnue dès la fin du XVIIe siècle par les Provinces-Unies et la Russie, fut confirmée par la paix de Kiel en 1814. Au XIXe siècle, le Groenland fut exploré et cartographié par de nombreux explorateurs et navigateurs, dont Robert E. Peary, un Américain qui mena plusieurs expéditions, de 1892 à 1909, sur la côte nord-ouest. |
- Un territoire danois
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Au XIXe siècle, le missionnaire protestant (les Frères moraves) et linguiste germano-danois Herrnhut Samuel Kleinschmidt entreprit de développer une véritable orthographe et une grammaire groenlandaise. Lui-même était né et avait grandi au Groenland et parlait donc cette langue. Sa grammaire fut publiée en 1851: "Une grammaire de la langue groenlandaise, y compris une inclusion partielle des dialectes du Labrador". C'est sur la base de son travail approfondi avec la langue que l'orthographe groenlandaise moderne allait ensuite être élaborée (1973), basée sur le modèle principal du groenlandais occidental. Il a également écrit plusieurs manuels scientifiques ainsi que des livres de lecture et a aussi été actif dans le domaine de la météorologie et de la cartographie.
L'un des éléments essentiels du luthéranisme réside dans le fait que les individus puissent lire la parole de Dieu au moyen des Saintes Écritures dans leur langue. Par conséquent, les Groenlandais eurent besoin d’une langue écrite pour pouvoir lire les Saintes Écritures en groenlandais. Les Groenlandais ont donc acquis une langue écrite au cours du XIXe siècle, en partie grâce à Samuel Kleinschmidt et à d'habiles catéchistes groenlandais. Mais, en 1740, Poul Egede, le fils du missionnaire Hans Egede, avait déjà publié le premier dictionnaire groenlandais. |
En 1905, une loi scolaire danoise fut promulguée pour que la formation des enseignants soit assurée aux jeunes Groenlandais; ceux-ci étaient en général envoyés au Danemark pour parfaire leur formation. Cependant, sur l'île même, l'enseignement n'était offert principalement qu'en groenlandais, y compris aux Danois, peu nombreux à cette époque. En 1910, Knud Rasmussen fonda Thulé et explora le nord du Groenland (1910-1924). De 1930 à 1931, des expéditions britanniques, américaines et allemandes effectuèrent des observations météorologiques au nord du cercle arctique. Par la suite, les Français Paul-Émile Victor (1948-1951) et Jean Malaurie (2022-2024) menèrent de nombreuses études scientifiques et surtout ethnologiques. En mai 1921, le Danemark décréta que toute l'île était désormais un territoire danois, ce qui créa un contentieux avec la Norvège à propos des droits de chasse et de pêche. Le différend fut porté devant la Cour internationale de justice de La Haye, qui confirma en 1933 les droits du Danemark sur le Groenland. En 1928, la langue danoise a été présentée comme une discipline scolaire au Groenland.
- Les bases militaires américaines
En 1941, durant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis obtinrent du Danemark, alors occupé par les Allemands, l'autorisation d'implanter des bases aériennes militaires au Groenland (Thulé et Angmagssalik). Cet accord fut modifié en 1951 (transformation de Thulé en base pour bombardiers stratégiques nucléaires) et la coopération entre les deux États renforcée dans le cadre de l'OTAN. Un accord de défense du Groenland fut conclu entre le Danemark et les États-Unis le 27 avril 1951. Il impliquait que les États-Unis, sous les auspices de l'OTAN, devaient, d'une part, aider le Danemark à défendre le Groenland, d'autre part, que les États-Unis avaient le droit en libre accès dans tout le Groenland.
Cependant, la pression sur la danification fut plus forte après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les réformes scolaires renforcèrent l'enseignement du danois qui devint un objectif politique, car cette langue était considérée comme importante dans le cadre de la modernisation de la société et de l'affiliation du Groenland au Danemark et à l'Europe. En même temps, une nouvelle loi scolaire de 1950 créait deux types de classes: un système donné en groenlandais et un autre en danois. Ce système devait perdurer jusqu'en 1994, date à laquelle allaient être créés des systèmes intégrés.
3.4 L’autonomie politique
En vertu de la nouvelle Constitution de mai 1953, le Groenland, alors une colonie danoise depuis 1721, devint une «province» danoise représentée au Parlement du Danemark. Commença alors une période de «danification des Inuits» groenlandais. Étant donné qu'il y avait un manque d'enseignants groenlandais qualifiés et de manuels scolaires en langue groenlandaise, il était nécessaire de pouvoir comprendre le danois pour poursuivre ses études. Avec une nouvelle loi scolaire en 1967, une option a été introduite pour reporter l'enseignement du groenlandais jusqu'à la troisième année scolaire, afin de donner aux élèves de meilleures possibilités d'apprendre le danois. À cette époque, on envoyait certains enfants dans les écoles du Danemark. Beaucoup affirment aujourd’hui qu’ils ont été envoyés de force et sont amers du fait qu’ils ont été habitués à «penser en danois». L'ascension sociale des autochtones ne pouvait se faire qu'en danois. Cela a permis alors au Groenland de devenir officiellement «la région la plus au nord du Danemark», aux Inuits de se faire appeler les «Danois du Nord» et de «recevoir la même éducation civique que tous les autres Danois».
En 1972, les Groenlandais se prononcèrent contre l'entrée dans la Communauté européenne (aujourd'hui l'Union européenne), mais furent contraints de se rallier au vote favorable des Danois. Ce résultat renforça le ressentiment d'une partie des Groenlandais à l'égard du Danemark. En 1977, un parti nationaliste, le Siumut, se constitua et milita en faveur de la souveraineté.
- Une communauté particulière
L'autonomie interne fut finalement acquise en janvier 1979. Le Groenland est alors devenu une «communauté particulière» au sein du royaume du Danemark. Le vote positif au référendum fut suivi par l'élection d'un Parlement où le Parti Siumut se trouva majoritaire. Au référendum de février 1982, les Groenlandais votèrent à une courte majorité en faveur du retrait de la Communauté européenne (Union européenne), qui devint effectif en 1985. Ce retrait se voulait une volonté de protéger le territoire de pêche des Groenlandais face à la concurrence des gros bateaux européens venant pêcher dans les eaux du pays. Depuis 1977, une Conférence circumpolaire inuite (ICC), une organisation politique et culturelle regroupant les Inuits de Sibérie, d'Alaska, du Canada et du Groenland, permet une plus grande collaboration entre ces peuples de l'Arctique.
Au point de vue linguistique, l'une des premières mesures adoptées par le Groenland avec la reconnaissance de l'autonomie fut la promulgation d'une nouvelle loi scolaire, dans laquelle il fut stipulé que la langue d'enseignement devait être le groenlandais. De plus, le contenu des matières scolaires devait être plus adapté aux besoins de la société groenlandaise. En 1981, l'Assemblée législative adoptait un nouveau décret sur la formation des enseignants, selon lequel la formation était désormais assurée à llinniarfissuaq, l«,université du Groenland. Il était précisé que cette formation devait durer quatre années, dont une année de pratique dans une école du Groenland. C'est à partir de 1979 que l'idéologie de la groenlandisation a commencé et s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui.
De plus, en vertu de l'article 182 (Journal officiel n° C-325 du 24 décembre 2002) du Traité instituant la Communauté européenne, le Groenland est reconnu comme l'un des Pays et territoires d'outre-mer (PTOM) de l'Union européenne:
QUATRIÈME PARTIE L'ASSOCIATION DES PAYS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER Article 182
Les États membres conviennent d'associer à la Communauté les pays et territoires non européens entretenant avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni des relations particulières. Ces pays et territoires, ci-après dénommés "pays et territoires", sont énumérés à la liste qui fait l'objet de l'annexe II du présent traité. Le but de l'association est la promotion du développement économique et social des pays et territoires, et l'établissement de relations économiques étroites entre eux et la Communauté dans son ensemble. Conformément aux principes énoncés dans le préambule du présent traité, l'association doit en premier lieu permettre de favoriser les intérêts des habitants de ces pays et territoires et leur prospérité, de manière à les conduire au développement économique, social et culturel qu'ils attendent. |
Les PTOM sont disséminés de l’Arctique à l’Antarctique, de l’Atlantique au Pacifique, tout en incluant les Caraïbes et l’océan Indien. Voici liste des PTOM (Annexe II du Traité instituant la Communauté européenne) auxquels s'appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité:
le Groenland, la Nouvelle-Calédonie et ses dépendances, la Polynésie française, les Terres australes et antarctiques françaises, les îles Wallis-et-Futuna, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Aruba, les Antilles néerlandaises (Bonaire, Curaçao, Saba, Sint Eustatius, Sint Maarten), Anguilla, les îles Caïmans, les îles Malouines, la Géorgie-du-Sud et les îles Sandwich-du-Sud, Montserrat, Pitcairn, Sainte-Hélène et ses dépendances, le Territoire britannique de l'Antarctique, le Territoire britannique de l'océan Indien, les îles Turks-et-Caicos, les îles Vierges britanniques et les Bermudes.
Depuis l'accession à l'autonomie en janvier 1979, soit vingt ans avant la création du Nunavut au Canada, le pouvoir exécutif au Groenland est exercé par un groupe de sept membres, le Landsstyre, dirigé par le premier ministre. Le pouvoir législatif est détenu par un parlement composé de 21 membres, le Landsting, élu pour quatre ans. Rappelons que les Groenlandais élisent deux représentants au Parlement danois. Le Parlement groenlandais ou Landsting peut légiférer dans presque tous les domaines, sauf pour ce qui est des affaires étrangères, du sous-sol groenlandais, de la police et de la justice, ainsi que des Forces armées du Groenland sises à Grønnedal. Le représentant suprême des pouvoirs publics danois au Groenland est le commissaire du royaume (le rigsombudsmanden).
Au cours des années 1980, des tentatives ont été faites pour créer une orthographe pour le groenlandais oriental, mais elles n'ont pas abouti. Finalement, le Secrétariat des langues (Sprogsekretariatet – Oqaasileriffik) a cessé d'autoriser les autorités à imprimer des manuels en groenlandais oriental. En même temps, le Groenland s’est doté de sa propre université, de son propre drapeau et d’un certain nombre d’autres institutions, ce qui témoigne d’une stratégie délibérée de construction de la nation. Et en 1985, le Groenland s’est retiré de la Communauté européenne.
- Le Groenland aux Groenlandais
En 2002, la réforme de «la Bonne École» était étroitement liée à une volonté de décolonisation de l'école primaire en mettant l'accent sur une école plus groenlandaise, tandis que de nombreux professeurs danois quittaient le Groenland. Cependant, il est rapidement apparu que la groenlandisation de l’école primaire n’allait pas sans coût. Bien que les autorités locales aient réussi à créer une école primaire avec des enseignants parlant principalement le groenlandais, les compétences en danois peu impressionnantes de nombreux élèves causèrent des problèmes ailleurs dans le système d'éducation.
Au secondaire, comme c'est encore le cas aujourd'hui, les professeurs danois ne parlaient généralement pas le groenlandais. Les écoles secondaires de Sisimiut, d'Aasiaat, de Qaqortoq et de Nuuk enseignaient en danois à des élèves groenlandais qui avaient beaucoup de difficulté à assimiler des concepts dans une langue qu'ils ne possédaient que fort peu.
Il existe au Groenland un mouvement indépendantiste, le Nammineq, qui souhaite que l'île se détache définitivement du Danemark et réclame le «Groenland aux Groenlandais». En général, la perspective d'une séparation du Groenland ne fait guère frémir la classe politique danoise, bien qu'elle entraînerait une réduction de 98 % du territoire national. Dans les rues de Copenhague, le sujet ne soulève pas davantage les passions. Le Groenland est considéré comme «exotique» et n'a pas de liens réels avec le Danemark. Mais, pour les États-Unis, le Groenland présente un intérêt géostratégique important, notamment pour soutenir le programme antimissile.
Le 21 juin 2009, le Groenland obtenait un nouveau régime d'autonomie plus élargie par la Loi sur l'autonomie du Groenland, qui a rendu encore plus effective la groenlandisation. Depuis lors, le Groenland gère de nouveaux champs de juridiction comme ses propres ressources minérales, la justice, la police et l’administration pénitentiaire. Le Groenland a maintenant un droit de regard sur les questions de politique étrangère et de défense, notamment sur la base américaine de Thulé. Mais l'aspect le plus important de ce nouveau statut concerne le droit accordé aux Groenlandais de disposer de leurs propres ressources naturelles (pétrole, gaz, or, diamant, uranium, zinc, plomb). Ces ressources suscitent d'autant plus les convoitises que le réchauffement climatique pourrait en faciliter la prospection et l'exploitation.
Le nouveau statut d’autonomie renforcée reconnaît au peuple groenlandais un droit à l’autodétermination, conformément au droit international, et constitue un pas vers l'indépendance. L'article 20 de la loi sur l'autonomie confère au groenlandais le statut d'unique langue officielle du Groenland. On peut s'attendre à ce que la langue groenlandaise acquière plus de prestige, parce que, du moins formellement, elle est devenue la seule langue officielle du territoire, du moins juridiquement. D'ailleurs, le 24 septembre 2009, le Parlement groenlandais adoptait la Loi du Parlement groenlandais sur la politique linguistique qui renforçait la groenlandisation du territoire.
Cependant, le Groenland continue de recevoir de l'aide financière de la part du Danemark, en retour d'une partie des profits liés à l'exploitation des ressources naturelles. Le Groenland reçoit également un appui financier des États-Unis et de l'Union européenne. En un sens, il n'est donc pas arrivé à sa pleine autonomie, mais tous les Groenlandais espèrent un jour que leur pays devienne complètement indépendant.
En raison de la Constitution et du cadre actuel de la Loi sur l’autonomie, le Groenland ne peut pas assumer les domaines de responsabilité suivants :
- la Constitution de l’État,
- la citoyenneté,
- La Cour suprême,
- la politique étrangère,
- la politique de sécurité et de défense,
- la monnaie (la couronne danoise: DKK) et la politique monétaire.
L’État danois verse une subvention annuelle au gouvernement du Groenland, dans le cadre d’un accord qui est inscrit dans la Loi sur l’autonomie. Il s’agit de ce que l’on appelle la «subvention globale». En 2023, cette subvention globale s’élevait à 4,1 milliards de DKK (ou 550 000 € ou 575 000 $US). Il peut paraître difficile de devenir indépendant, alors que plus de 50 % de l’économie du Groenland est constituée de subventions qui viennent de l’extérieur, telle la «subvention globale».
- La question de l'indépendance
L'indépendance politique ne semble pas pour le moment être la priorité du gouvernement en place, car d'importants problèmes sociaux doivent être résolus : mentionnons le problème des enfants maltraités, la violence conjugale, les longues listes d'attente dans les hôpitaux, l'éducation qui bat de l'aile, ainsi que l'écart croissant entre les riches et les pauvres. Sans ingénieurs et sans moyens logistiques, le Groenland devra faire appel à l’étranger pour exploiter son pétrole, son gaz et ses minerais, d'où l'importance de l'éducation. C'est pourquoi le Groenland a encore beaucoup de difficultés à «couper le cordon» avec le Danemark qui lui fournit jusqu’à 3 milliards de couronnes d’aides par an et subventionne l’importation de tous ses biens de consommation.
Néanmoins, une majorité des Danois serait prête à accorder l’indépendance aux Groenlandais s’ils la demandaient. Il est vrai que, en plus de ses réserves énergétiques, le Groenland présente de grands intérêts pour les étrangers. Situé entre les États-Unis et l’Europe, le Groenland abrite déjà une partie du bouclier antimissile du Pentagone. En outre, le réchauffement climatique pourrait éventuellement ouvrir la voie maritime du Nord-Ouest aux Russes et aux Chinois. Si le Groenland devenait un État indépendant, le Danemark perdrait 98 % de son territoire. Dès lors, il ne faudrait pas que le Groenland tombe sous la dépendance des États-Unis, sinon le pays changerait une subordination politique pour une autre. On dirait que les espoirs d’émancipation et d’indépendance des Groenlandais reposent uniquement sur ce qu’on pourrait découvrir dans les fonds marins de leur environnement proche. On comprend pourquoi les Groenlandais restent très partagés sur la question, bien que tous semblent prêts à conserver la monnaie et la monarchie danoise. Le statu quo se perpétue, faute d'alternative plus favorable.
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La base militaire de Thulé a changé de nom en avril 2023 en devenant la «base spatiale de Pituffik» ("Pituffik Space Base"), afin de mieux refléter le nom groenlandais local et sa nouvelle vocation spatiale. Chose certaine, à long terme, l'anglais remplacerait le danois comme langue co-officielle, surtout si le Groenland devenait indépendant du Danemark. |
- Les prétentions américaines sur le Groenland
Le 22 décembre 2024, le président élu des États-Unis, Donald Trump, écrivait sur son réseau Truth Social :
For purposes of National Security and Freedom throughout the World, the United States od America feels that the ownership and control of Greenland is an absolute necessity. |
Pour des raisons de sécurité nationale et de liberté dans le monde, les États-Unis d’Amérique estiment que la propriété et le contrôle du Groenland sont une nécessité absolue. |
Lors de son premier mandat, en 2019, il avait déjà exprimé son intérêt pour cette région nordique. Les récentes déclarations du président américain sur l’annexion ou l’achat du Groenland s’inscrivent dans une longue tradition d’intérêts pour ce territoire danois. Les États-Unis ont jusqu’à présent bénéficié de l’atout stratégique militaire du Groenland sans avoir besoin de le posséder.
De fait, l'accord conclu en 1951 confirmait la souveraineté du Danemark sur l'île tout en donnant aux États-Unis tout ce qu'ils voulaient. Autrement dit, même si le Groenland parvenait à se débarrasser du Danemark, il ne pourrait pas se débarrasser des États-Unis. Après avoir pris le contrôle de l'île pendant la Seconde Guerre mondiale, les Américains ne l'ont jamais vraiment quittée et la considèrent comme vitale pour leur sécurité. Il ne serait donc pas particulièrement avantageux pour les États-Unis de prendre le contrôle du Groenland, étant donné qu'ils l'exercent déjà avec leurs bases militaires et leurs troupes.
Néanmoins, en février 2025, un représentant républicain a déposé un projet de loi autorisant Donald Trump à «acheter ou acquérir d’une autre manière le Groenland» et renommer l’île en "Red, White, and Blueland", le pays rouge-blanc-bleu. Un autre projet de loi distinct, appelé "Make Greenland Great Again Act", est soutenu par une douzaine de législateurs républicains et autorise de la même manière le président à entamer des négociations avec le Danemark. Ces projets de loi ne précisent pas de structure de paiement ni ne discute de la question de savoir si la force militaire serait envisagée. Bien sûr, les responsables danois et groenlandais ont réagi négativement, affirmant que le Groenland n'était pas à vendre et que son intégrité territoriale devait être préservée. Malgré l’intérêt répété du président américain, les autorités danoises ont affirmé que les États-Unis ne prendraient jamais le contrôle du Groenland.
Il est plus probable que l’exploitation des ressources du sous-sol groenlandais puisse se faire sans annexion: il suffit pour les Américains d’affirmer que l’essentiel des futures concessions minières sur le territoire du Groenland devrait être réservé aux États-Unis. Les prétentions américaines visent également à contrecarrer la suprématie étrangère sur le marché des terres rares et à éviter que le Groenland ne tombe dans la zone de contrôle russe ou chinoise. De toute façon, les forces armées danoises ne sont ni équipées ni entraînées pour résister à une invasion américaine.
En effet, le Groenland est à la fois courtisé et entouré par les grandes puissances : la Chine, qui veut prendre pied dans l'Arctique, tente depuis près d'une décennie d'y pénétrer par des investissements, tandis que les États-Unis s'activent avec des projets d'aide et l'ouverture d'un nouveau consulat à Nuuk. Dans les coulisses se trouve la Russie, qui s’arme actuellement dans la région arctique. Avec une population de 56 000 habitants située très au nord sur une zone difficile d'accès de plus de deux millions de km², le Groenland est un pays incroyablement coûteux à entretenir. Dans ces conditions, on peut se demander ce qu'il adviendrait si le Groenland se débarrassait complètement du Danemark et s'il était mieux en tant que nation indépendante.
Le monde actuel est dirigé par des dirigeants et des régimes à la fois conflictuels et très directs dans leur désir de domination. Le Groenland paraît une proie facile. Beaucoup de Groenlandais s'inquiètent de savoir s'ils devront choisir d'être américains ou non. Pour les Groenlandais, l'annexion aux États-Unis serait-elle la moins pire des solutions contre la Chine et la Russie? En fin de compte, ce sont les plus forts qui décident! Quoi qu'il en soit, l'intérêt des États-Unis pour le Groenland est un signal très clair à la fois à la Chine, à la Russie et au Danemark que cette île fait partie d'une zone stratégique américaine exclusive. Un avertissement aux prétendants! C'est pourquoi certains dirigeants groenlandais soutiennent qu'il leur faudrait entamer le processus prévu par la loi danoise pour devenir indépendants et négocier directement avec les États-Unis pour obtenir un soutien militaire et financier américain. De son côté, le Parti populaire danois croit qu'il est naïf de vouloir quitter le royaume du Danemark parce que les États-Unis «avaleront le Groenland d'une seule bouchée» après l'indépendance et ne remplaceront pas la subvention danoise. Le 25 janvier 2025, un sondage réalisé par le quotidien groenlandais Sermitsiaq révélait que 85 % des Groenlandais s’opposaient à une annexion aux États-Unis contre 6 % qui le souhaitait; 9 % n'avaient aucune opinion. Chose certaine, le président américain a fait connaître le Groenland dans le monde entier.
Le Statut d’autonomie (Hjemmestyrelov), ou loi n° 577 du 29 novembre 1978, accordé par le Danemark a servi de Constitution aux Groenlandais jusqu'en 2009. L’article 9 stipulait ce qui suit à propos des «langues officielles»:
Artikel 9
Det grønlandske sprog er hovedsproget. Der skal undervises grundigt i det danske sprog. Begge sprog kan anvendes i offentlige forhold. |
Article 9 [abrogé] 1) Le groenlandais est la langue principale. Le danois devra être enseigné correctement. Section 2 Les deux langues peuvent être utilisées à des fins officielles. |
Toutefois, la politique linguistique du Groenland a radicalement changé depuis 1978. Si, jusqu’à la fin des années 1970, la priorité était donnée au danois, son enseignement est ensuite passé au second plan, du fait du nouvel essor de la langue groenlandaise.
Puis la loi n° 577 de 1978 a été abrogée par l'article 23 de la loi danoise n° 473 du 12 juin 2009 (Loi sur l'autonomie du Groenland) :
Lov om Grønlands Selvstyre Nr. 473, 12. juni 2009 Kapitel 9 Artikel 22 Loven træder i kraft den 21. juni 2009. 1) Lov nr. 577 af 29. november 1978 om Grønlands hjemmestyre ophæves, jf. dog stk. 2 |
Loi sur l'autonomie du Groenland de 2009 Loi n° 473 du 12 juin 2009 Chapitre 9 Entrée en vigueur et dispositions transitoires Article 22 La loi entre en vigueur le 21 juin 2009. Article 23 1) La loi n° 577 du 29 novembre 1978 sur le Gouvernement autonome du Groenland sera abrogée, sous réserve du paragraphe 2. 2) L’article 8 de la loi sur le Gouvernement autonome du Groenland restera en vigueur jusqu’à ce que les autorités autonomes du Groenland prennent en charge le secteur des ressources minérales. 3) Les autorités autonomes du Groenland continueront d’exercer les pouvoirs législatif et exécutif dans les domaines de compétence pris en charge en vertu de l’article 4 de la loi sur le Gouvernement autonome du Groenland. 4) Les autorités autonomes du Groenland exerceront les pouvoirs législatif et exécutif dans les domaines de compétence pris en charge en vertu de l’article 5 de la loi sur le Gouvernement autonome du Groenland. |
4.1 La langue officielle
L'article 20 de la Loi sur l'autonomie du Groenland de 2009 rend le groenlandais l'unique langue officielle:
Kapitel 7 Sprog Artikel 20 Det grønlandske sprog er det officielle sprog i Grønland. |
Chapitre 7 Langue Article 20 Le groenlandais est la langue officielle du Groenland. |
Avec l'adoption de la Loi sur l'autonomie du Groenland de 2009, la langue groenlandaise (grønlandske en danois ou kalaallisut en groenlandais) est devenue la langue du pouvoir politique, et la première langue du pays, même si elle partageait son statut officiel avec le danois. En effet, ce statut d'une unique langue officielle demeure symbolique, car le danois continue d'être employé dans l'administration, ainsi que dans l'enseignement supérieur, sans oublier auprès des populations habitant les plus grandes villes, qui l'utilisent comme langue seconde.
- La langue danoise
D'ailleurs, la Commission mixte dano-groenlandaise sur l'autonomie avait examiné la question de la langue et de son usage, et avait soutenu qu'il était nécessaire pour les citoyens de pouvoir utiliser le danois partout dans le Royaume pour les démarches officielles. La commission avait aussi envisagé la possibilité de transférer la responsabilité de cette question aux autorités groenlandaises, car il n’y avait pas d’objection constitutionnelle à ce que la question de l’usage du danois soit dévolue aux autorités autonomes. La Commission a aussi constaté que la législation groenlandaise en vigueur concernant l’administration publique prévoyait que le groenlandais et le danois pouvaient tous les deux être utilisés dans les affaires publiques, que la Convention nordique relative aux langues permettait aux ressortissants nordiques d’utiliser leur propre langue dans un autre pays nordique et que cette disposition s’appliquait également à la langue groenlandaise et au territoire du Groenland, et que d’autres lois, par exemple celles concernant l’enseignement primaire et secondaire et d’autres portant sur l’éducation et sur la formation professionnelle, prévoyaient que l’instruction était dispensée à la fois en groenlandais et en danois. Compte tenu de ces considérations, la Commission a estimé que la Loi sur l'autonomie pouvait contenir une disposition (art. 20) stipulant que le groenlandais soit la langue officielle du Groenland.
Par ailleurs, le Parlement groenlandais (Landsting) a adopté, le 24 septembre 2009, une loi linguistique controversée: la Loi du Parlement groenlandais sur la politique linguistique (2010) dont l'entrée en vigueur était prévue pour le 1er juillet 2010. L'article 3.1 proclame que le groenlandais est la langue officielle du Groenland:
Article 3
1) Le groenlandais est la langue officielle du Groenland et est utilisé à des fins officielles. 2) Le groenlandais possède trois dialectes principaux. Ce sont les dialectes parlés à Avanersuaq, Tunu et Kitaa. 3) Le danois peut être utilisé à des fins officielles. 4) L'anglais et d'autres langues peuvent être utilisés dans la mesure où c'est nécessaire. |
Mais le paragraphe 3 déclare que le danois peut être utilisé à des fins officielles, alors que le paragraphe 4 énonce que l'anglais et d'autres langues peuvent être utilisés dans la mesure où c'est nécessaire.
Il existe deux politiques linguistiques appliquées au Groenland, «pays constitutif du Danemark». L'une provient des Groenlandais eux-mêmes et vise à groenlandiser le territoire qui fait encore partie du Royaume du Danemark. L'autre est appliquée depuis longtemps et sert à assurer le maintien de la langue danoise. Au final, c'est une politique de bilinguisme qui prévaut par défaut. Toutefois, seule la politique de groenlandisation découle d'un texte de loi: la Loi sur la politique linguistique de 2010.
- Le Parlement groenlandais
L'Inatsisartut (Landsting en danois) est le
Parlement monocaméral du Groenland, pays constitutif du Royaume de Danemark. Il
comprend 31 sièges renouvelés tous les quatre ans. Le Nalunaarutit.gl est
la collection électronique de lois et d'annonces du gouvernement autonome du
Groenland. L'ensemble des lois contient la législation, ses compilations, les
règlements administratifs et les règles internationales applicables au Groenland
et pour le Groenland.
- Le gouvernement groenlandais
Quant au Naalakkersuisut, c'est le gouvernement du Groenland dont le siège est situé à Nuuk dans le complexe abritant le Nuuk Center. Les membres du gouvernement sont nommés par le premier ministre du Groenland, mais sont formellement approuvés par les 31 membres de l'Inatsisartut. Cela signifie que les membres du Naalakkersuisut ne doivent pas être des élus. Quiconque possède la citoyenneté danoise, a atteint l'âge exigé pour être élu au Parlement danois et réside au Groenland depuis six mois au moins depuis la date de l'élection, a le droit de vote et le droit d'être élu au Parlement groenlandais.
- Les lois danoises
Il existe aussi un certain nombre de lois danoises qui sont applicables au Groenland; ce sont celles concernant la juridiction du Danemark sur le Groenland. Le Groenland compte deux parlementaires à la législature de Copenhague; il est donc fortement surreprésenté par rapport à sa taille (58 000 de population); il dispose de sa propre commission parlementaire permanente, dont il est également bien placé en termes de composition. Le tout fait que la position adoptée par les membres du Parlement groenlandais a un poids décisif pour la législation groenlandaise, décidée par le Folketing.
5.1 La législation
Dans les faits, le groenlandais et le danois sont les langues co-officielles de la législation, la première de jure, l'autre de facto. Il suffit de lire le Règlement intérieur de l'Inatsisartut (2022) aux articles 54 et 55:
Article 53
Article 54 |
Tous les débats parlementaires se déroulent généralement en groenlandais avec interprétation simultanée en danois, mais les lois sont rédigées et promulguées dans les deux langues (groenlandais et danois). Conformément au Règlement intérieur du Parlement du 24 novembre 2022, tous les documents doivent être mis à la disposition du public dans les deux langues. En mai 2023, une députée groenlandaise (Mme Aki-Matilda Hoegh-Dam) a employé sa langue maternelle lors d'un débat au Parlement danois, provoquant une controverse et mettant en évidence les relations tendues entre le Danemark et le Groenland, car la députée avait refusé de traduire ses propos.
L'article 9 de la Loi sur l’Inatsisartut et le Naalakkersuisut (2023) reprend les mêmes dispositions:
Article 9 Les assemblées de Inatsisartut sont publiques. Toutefois, l’Inatsisartut peut décider de traiter des cas individuels à huis clos. La question de savoir si un motif justifie la clôture de l'assemblée doit être entendue à huis clos, si cela est décidé par l’Inatsisartut ou par le président. 9.2. Les discussions à l'Inatsisartut se déroulent en groenlandais. Les membres de l’Inatsisartut et du Naalakkersuisut qui ne parlent pas le groenlandais peuvent s'exprimer en danois avec interprétation en groenlandais, et il doit être possible de poursuivre les discussions en danois. |
Par conséquent, le groenlandais est plus officiel que le danois, mais même les membres du gouvernement ont le droit de s'exprimer en danois au Conseil des ministres.
4.2 Les tribunaux
Le système judiciaire du Groenland diffère sensiblement du système judiciaire de la plupart des pays occidentaux. Il se compose de quatre tribunaux de district, de la Cour du Groenland et de la Haute Cour du Groenland. La plupart des procès sont traités en première instance par les tribunaux de district. Mais les juges des tribunaux de district ne sont pas juristes ni des avocats, mais des juges non professionnels dotés d'une formation spéciale et d'une connaissance approfondie de la société groenlandaise. La Cour du Groenland traite les affaires juridiques complexes en première instance et se charge de la supervision et de la formation des juges de district. Les juges de la Cour du Groenland et de la Haute Cour du Groenland sont des juristes et des avocats nommés par le Danemark.
Le Groenland ne dispose pas d’un système pénal comme celui des pays occidentaux. Le juge dans une cause pénale détient un large éventail de mesures de droit pénal sans cadre de sanction. Les établissements pour condamnés sont ouverts et les détenus doivent, dans la mesure du possible, travailler en dehors de l’établissement. Le système judiciaire est bilingue dans la mesure où le groenlandais et le danois sont parlés et écrits.
Le Décret-loi sur l'administration de la justice au Groenland (2023) énonce que les langues judiciaires sont le groenlandais et le danois, mais le jugement doit être rédigé ou traduit dans une langue comprise par le défendeur:
Article 95 Les langues judiciaires sont le groenlandais et le danois. Si tous les membres du tribunal et les parties au procès ne comprennent pas la langue employée, un interprète doit traduire. 95.2. Les articles 49 à 51 concernant à la disqualification s’appliquent également aux
interprètes. Article 478 Article 539 539.3. L’avis d’appel ou une copie de celui-ci doit être rédigé dans une langue comprise par le défendeur. |
En réalité, les procès se déroulent normalement en groenlandais, sauf pour un ressortissant danois. Toutes les pièces justificatives peuvent être écrites en groenlandais ou en danois. Comme aux îles Féroé (aussi un territoire du Danemark), les cours d’appel et la Cour suprême du Danemark ne sont accessibles qu’en danois. Rappelons que la Cour suprême du Danemark demeure la plus haute autorité judiciaire du Groenland, même après le transfert de l’administration de la justice aux autorités autonomes.
4.3 L'administration publique
En 1990, à la suite du transfert au gouvernement autonome groenlandais du droit de négocier les conventions collectives auparavant réservé au Det Offentlige Aftalenaevn, l'organisme commun au Danemark et au Groenland, le Parlement groenlandais a adopté la loi, n° 5, du 14 mai 1990, qui, pour l'accès à la fonction publique, supprime l'ancien «critère du lieu de naissance». Dans l'ancienne loi (n° 168 du 27 mai 1964), les droits et avantages particuliers accordés aux fonctionnaires d'origine non groenlandaise (danoise) employés dans l'administration publique constituaient un moyen discriminatoire de sélection du personnel. Aujourd'hui, seul le mérite sert de critère, en même temps que la connaissance du groenlandais.
En vertu de la Loi sur l'autonomie du Groenland (2009), les autorités autonomes du Groenland peuvent prendre en charge tous les domaines de responsabilité qui n'ont pas déjà été assumés par le gouvernement local, à l'exception des suivants : la Constitution, les affaires étrangères, la politique de défense et de sécurité, la Cour suprême, la nationalité, les taux de changement et la politique monétaire.
- Privilégier le groenlandais
Selon l'article 1 du Décret-loi du gouvernement du Groenland sur la Loi du Landsting concernant le traitement des affaires dans l’administration publique (2011), le gouvernement du Groenland peut prévoir des règlements selon lesquels la loi s'appliquera en tout ou en partie à des sociétés, des institutions déterminées, etc., qui ne peuvent être classées comme administration publique. Or, toute autorité administrative doit, dans la mesure nécessaire, fournir des conseils et une assistance aux personnes qui s'informent sur des questions relevant du domaine de compétence d'une autorité. L'article 7a énonce qu'une personne peut signifier qu’elle souhaite recevoir le service en groenlandais ou en danois et ce genre de demande est contraignant pour l’autorité:
Article 7a
Une personne peut signifier lors d'une communication qu’elle souhaite recevoir le service en groenlandais ou en danois. Une telle demande est contraignante pour l’autorité. |
L'ancienne Loi sur l'administration publique (1998) employait plus ou moins la même formulation:
Artikel 7
(a) Enhver, der er part i en bestemt sag, kan erklære, at de ønsker at blive forkyndt på Kalaallisut eller dansk. En sådan erklæring er bindende for den pågældende myndighed. |
Article 7
a) Quiconque est partie à une question particulière peut déclarer qu'il veut recevoir un service en kalaallisut [groenlandais] ou en danois. Cette déclaration engage l'autorité concernée. |
Dans la toponymie et les adresses routières, le Décret exécutif sur les noms de rues, de lieux et de chemins, d'adresses et les noms résidentiels complémentaires (2021) oblige que chaque nom de rue doive recevoir un nom d'adresse municipale comportant jusqu'à 20 caractères. L'article 3.3 indique que ces noms doivent employer l'orthographe officielle groenlandaise ainsi que l'alphabet groenlandais:
Article 3
Noms des routes 3.3. Les noms de routes et les noms d’adresses routières sont fixés conformément à l’orthographe officielle groenlandaise. Les noms de routes et les noms d'adresses routières dans le nord, l'est et le sud du Groenland peuvent présenter des différences d'orthographe en raison de variations dans les dialectes. Les caractères qui peuvent être inclus dans les noms de routes et les noms d'adresses routières sont les lettres majuscules et minuscules de l'alphabet groenlandais (a-å), les chiffres 0 à 9, les espaces, les tirets, les points et les apostrophes. Les noms de personnes et de lieux danois et étrangers peuvent être employés dans les noms de rues sans être reconnus dans l'orthographe groenlandaise, par exemple les noms de villes jumelles. |
La loi veut ainsi favoriser les toponymes groenlandais plutôt qu'en danois ou en anglais.
- La place du danois
S'il est exact que la langue officielle du Groenland est le groenlandais, dans la pratique le danois fait également partie de la société groenlandaise, y compris dans l'administration publique. C'est le résultat du développement historique et du rôle du Danemark en tant qu'ancienne puissance coloniale. Dans le cadre de la modernisation du Groenland après la Seconde Guerre mondiale, l'accent portait sur le fait que les enfants groenlandais devaient apprendre le danois pour pouvoir accéder à l'éducation. La langue danoise est devenue la langue de prestige et ceux qui parlaient danois avaient de bien meilleures chances d'obtenir des postes puissants et influents après l'obtention de leur diplôme.
Seules les autorités danoises utilisent la seconde langue officielle, le danois. Il en est de même pour les soins de santé qui sont le plus souvent offerts en danois en raison de la formation des médecins d’origine danoise. Il existe un Conseil de la langue groenlandaise qui a pour objectifs de rassembler et de favoriser l'information sur langue groenlandaise et l'usage de cette langue, de participer au Conseil nordique et d'œuvrer à des travaux sur le groenlandais, de rester à jour au sujet de l'évolution de la langue parlée et de se consacrer à des recherches portant sur le groenlandais comme langue seconde.
Toutefois, dans le cadre de l'introduction de l'autonomie locale en 1979, la langue groenlandaise est de nouveau devenue un marqueur identitaire important par rapport au fait d'être groenlandais. Néanmoins, dans de nombreux services de l'administration publique, le traitement des dossiers s'effectue aujourd'hui dans la langue minoritaire danoise, ce qui place la majorité de la population parlant le groenlandais dans une situation difficile, où elle risque de ne pas comprendre pleinement ce qui est signifié oralement ou par écrit, malgré le fait que, selon la Loi sur l'autonomie du Groenland de 2009, le groenlandais est la langue officielle du Groenland. Cela signifie que le débat linguistique au Groenland est très sensible.
4.4 Les entreprises privées
La législation groenlandaise vise aussi les entreprises privées. En vertu de l'article 4 de la Loi groenlandaise sur la politique linguistique (2010), les organismes publics et les entreprises privées, comptant au moins dix employés, doivent élaborer une politique linguistique:
Article 4
1) Les entreprises privées comptant au moins dix employés, ainsi que les autorités et organismes publics doivent élaborer une politique linguistique. 2) La politique linguistique peut contenir:
3) Il incombe à l'employeur de procéder à une entrevue individuelle et personnelle auprès des employés au sujet de leurs besoins en formation linguistique et en introduction à la culture, l'histoire et la société du Groenland. |
Cet aspect de la loi groenlandaise est inspiré de la Charte de la langue française du Québec. L'article 5 de la Loi groenlandaise sur la politique linguistique énonce que les Groenlandais ont le droit d'acquérir le groenlandais et le danois dont la portée est internationale à l'oral et à l'écrit, de sorte qu'ils puissent participer à la vie communautaire et employer et utiliser leur langue maternelle:
Article 5
1) Les individus ayant leur résidence permanente au Groenland ont le droit d'acquérir le groenlandais et le danois dont la portée est internationale à l'oral et à l'écrit, de sorte qu'ils puissent participer à la vie communautaire et employer et utiliser leur langue maternelle. 2) Le gouvernement groenlandais peut, après consultation avec les organismes sociaux et d'autres parties concernées, fixer les règles de mise en œuvre du paragraphe 1 de la loi, y compris la formation, l'éducation et la liberté de leur participation. |
Ainsi, l'article 6 de la loi groenlandaise oblige les entreprises privées, les autorités et les institutions publiques de transmettre un exemplaire de leur politique linguistique et de leurs documents de mise en œuvre de cette politique. L'article 7 prévoit que, en cas de violation de la loi, une amende peut être imposée. L'article 8 prévoit aussi que des plaintes peuvent être déposées auprès de l'organisme de réglementation. Il faudra sans doute attendre un règlement pour connaître le montant des amandes.
- La commercialisation et l'étiquetage
Le Décret exécutif sur l'étiquetage des aliments (2020) concerne les entreprises dont les produits alimentaires doivent être étiquetés en anglais, en groenlandais et en danois:
Article 11
L'étiquetage selon le présent décret doit être :
11.2. L'étiquetage conformément aux chapitres IV à IX doit également être :
11.3. La vente de produits alimentaires étiquetés en anglais est conditionnée par la mise à disposition dans les locaux commerciaux d'un guide de conversation préparé par l'entreprise. La liste doit indiquer clairement les noms en anglais, en groenlandais et en danois des principaux ingrédients qui apparaissent dans les listes d’ingrédients des types d’aliments vendus. Les ingrédients allergènes, cf. l'art. 23, paragraphe 2, doivent toujours apparaître sur la liste et être particulièrement mis en évidence. 11.4. Les listes des guides de conversation visées au paragraphe 3 doivent être préalablement approuvées par l'autorité de contrôle. Pour l'approbation, en plus de la liste des phrases, des informations doivent être soumises sur les aliments avec un étiquetage en anglais qui seront vendus, ainsi que la documentation des listes d'ingrédients en anglais de ces aliments. 11.5. Avant que l'approbation ne soit donnée, le Conseil de la langue groenlandaise doit avoir la possibilité de commenter l'exactitude des termes groenlandais utilisés dans le guide de conversation. |
Selon l'article 23 de cette loi, quiconque demande des informations verbales sur les ingrédients d'un produit alimentaire doit recevoir les indications «dans une langue qu'il comprend».
Il en est ainsi dans la Loi sur la commercialisation et l’étiquetage (2025) à l'article 7.2:
Article 7 Orientations Lors de la soumission d'une offre, lors de la conclusion d'un contrat ou en fonction des circonstances au moment de la livraison, des indications appropriées doivent être fournies en fonction de la nature du bien ou du service, lorsque cela est important pour l'évaluation de la nature ou des propriétés du bien ou du service, y compris notamment son utilité, sa durabilité, sa dangerosité et sa facilité d'entretien. 7.2. Les informations doivent être fournies dans une langue comprise par la personne à laquelle elles sont destinées. |
L'article 8 de la Loi sur la commercialisation et l’étiquetage impose, dans la mesure du possible, l'usage du groenlandais dans la publicité écrite, la signalisation et le marketing, mais ce dernier peut être libellé en une autre langue:
Article 8 Emploi de la langue La publicité écrite, la signalisation et le marketing dans les espaces publics doivent, dans la mesure du possible, être rédigés en groenlandais. Le marketing peut être libellé dans une autre langue. |
La loi fait exception pour le marketing parce que la commercialisation est moins visible que la publicité et la signalisation.
De plus, l'article 13.4 de la même loi oblige tout commerçant à fournir à la demande du consommateur une garantie écrite en groenlandais, en danois ou en anglais, mais le consommateur choisit dans laquelle des trois langues il souhaite que la garantie lui soit fournie:
Article 13 Garantie Une déclaration de garantie ou autre ne peut être utilisée que si la déclaration confère au destinataire une meilleure position juridique que celle dont il bénéficie en vertu de la loi. 13.4. Le commerçant doit, à la demande du consommateur, fournir la garantie par écrit. Les garanties écrites peuvent être rédigées en groenlandais, en danois ou en anglais. Le consommateur choisit dans laquelle des trois langues il souhaite que la garantie soit fournie. |
Si l'étiquetage, les modes d'emploi et la signalisation sont souvent bilingues, la publicité commerciale écrite se fait le plus souvent en groenlandais. Cependant, la plupart des raisons sociales sont en danois. Pour ce qui est de l’affichage gouvernemental, il est normalement bilingue, même pour ce qui est de celui des autorités danoises. Les inscriptions officielles sont bilingues (groenlandais-danois), mais les toponymes apparaissent seulement en groenlandais.
Évidemment, l’armée américaine n’utilise que l’anglais dans ses bases militaires de Pituffik (Pituffik Space Base). Les commerces privés affichent généralement soit en groenlandais soit en danois et en groenlandais; par contre, les commerces spécialisés affichent à la fois en danois et en anglais, ou uniquement en anglais. Quant à la signalisation routière, le système international des symboles permet d'éviter les problèmes de préséance linguistique, sinon c'est l'unilinguisme groenlandais. Conformément à son statut de territoire rattaché au Danemark, le Groenland essaie de s'adapter à sa situation et l'affichage reflète assez bien cet état de fait.
- Le cinéma
Le cinéma fait partie des domaines touchés par la législation groenlandaise. La Loi sur l'industrie cinématographique (2024) n'impose pas l'usage de la langue groenlandaise dans les films, mais favorise le recours à des producteurs groenlandais:
Article 3
On entend par film groenlandais un film dont le réalisateur est un ou plusieurs Groenlandais et qui est essentiellement enregistré en langue groenlandaise ou qui contient un effort artistique ou technique particulier, lequel contribue à la promotion de l'art cinématographique et de la culture cinématographique au Groenland, cf. toutefois l'article 4, paragraphe 2. 3.2. Un film étranger désigne un film qui n’est pas un film groenlandais.
3.4. Le gouvernement du Groenland peut accorder des exemptions à l’obligation de résidence visée au paragraphe 3, lorsque des circonstances très particulières le justifient, notamment la résidence hors du Groenland en raison de circonstances scolaires, d'arrangements de soins auxquels les autorités groenlandaises ont participé ou de circonstances familiales particulières par rapport à la proximité de la personne avec l'exigence du paragraphe 3. |
L'article 5 prévoit que l'Institut cinématographique du Groenland (Grønlands Filminstitut ) doit promouvoir la réalisation cinématographique, la culture cinématographique, la culture biographique et la culture des festivals de cinéma au Groenland; il doit aussi exercer la fonction de Commission cinématographique nationale (national filmkommission) qui doit faire connaître et promouvoir les films groenlandais et étrangers au Groenland. De plus, l'Institut cinématographique du Groenland a la responsabilité de fournir un soutien financier à l'écriture de scénarios, à la promotion, à la projection et à la distribution de films groenlandais.
4.5 Le Conseil de la langue groenlandaise
À l'exemple du Danemark avec son Conseil de la langue danoise, le gouvernement groenlandais s'est doté d'un organisme linguistique: l'Oqaasiliortut, c'est-à-dire le Conseil de la langue groenlandaise (en danois: Sprognævnet). La Loi sur le Conseil de la langue groenlandaise (2017) définit ainsi l'organisme linguistique:
Article 1er 1.2. Le Conseil de la langue groenlandaise est une unité relevant de l'autonomie gouvernementale. La compétence du Conseil de la langue ne peut être transférée, en tout ou en partie, à des tiers. |
Selon l'art. 2 de la loi, le Conseil de la langue groenlandaise détient les responsabilités suivantes:
Article 2
Le Conseil de la langue groenlandaise détient les responsabilités suivantes :
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Le Conseil de la langue groenlandaise doit veiller aux règles d'orthographe, de ponctuation et d'abréviation du groenlandais:
Article 3 L'orthographe officielle du Groenland fait référence aux règles d'orthographe, de ponctuation, de fixation et d'emploi correct des abréviations pour la langue groenlandaise écrite. Article 5 5.2. L'orthographe officielle groenlandaise doit également être respectée par les entreprises, institutions, etc., qui ne peuvent être classées comme administration publique, si les dépenses de leurs activités sont principalement couvertes par le gouvernement autonome du Groenland ou une municipalité, ou dans la mesure où ils ont, de par la loi ou en vertu de la loi, le pouvoir de prendre des décisions au nom du gouvernement autonome ou d'une municipalité. |
Il faut noter que l'orthographe officielle groenlandaise doit être respectée par les entreprises, les institutions, etc., qui ne font pas partie de l'administration publique. Cet organisme linguistique joue un rôle essentiel pour le maintien et la survie de la langue groenlandaise pour les Groenlandais.
4.4 Le système d'éducation
Le système d'éducation groenlandais est calqué sur le système danois. L'école publique du Groenland est, comme au Danemark, sous la juridiction des municipalités: ce sont donc des «écoles municipales»; comme au Danemark, l'école publique porte le nom de Folkeskolen (litt.: «école du peuple»), mais l'éducation au Groenland est entièrement contrôlée par le ministère groenlandais de l'Éducation qui offre un enseignement primaire, un enseignement secondaire, un enseignement professionnel et un certain nombre de programmes d’enseignement supérieur.
- L'enseignement de la maternelle
Pour les élèves qui n’ont ni le groenlandais ni le danois comme langue maternelle, l’enseignement dans la langue maternelle peut être organisé afin d’assurer le développement linguistique général de chaque élève. Lors de l’admission d'un enfant à l’école primaire, le directeur de l’école décide, après évaluation des besoins et des préalables linguistiques de l’élève, en concertation avec celui-ci et ses parents, s’il y a lieu de lui proposer un enseignement dans sa langue maternelle. On espère ainsi à ce que cet enseignement puisse contribuer à l’acquisition de compétences linguistiques de base, lesquelles serviront comme point de départ pour le développement ultérieur des connaissances et des compétences dans la langue maternelle et dans le groenlandais. Lire à ce sujet les articles 16 et 17 du Décret exécutif sur l'éducation complémentaire, l'éducation spécialement organisée en groenlandais et en danois et l'éducation en langue maternelle (1999):
Article 16
Pour les élèves dont la langue maternelle n'est ni le groenlandais ni le danois, un enseignement dans la langue maternelle peut être organisé. L’objectif de l’enseignement de la langue maternelle est d’assurer le développement linguistique général de chaque élève. L'enseignement doit contribuer à l'acquisition par l'élève de compétences linguistiques de base et d'une conscience linguistique, comme point de départ pour le développement ultérieur des connaissances et des compétences tant dans la langue maternelle qu'en groenlandais et dans d'autres langues. |
Cet enseignement est donné en dehors des heures normales de classe à des enfants dont la langue maternelle n'est pas le groenlandais.
- L'enseignement primaire
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La scolarité obligatoire est de dix ans au Groenland; les écoles primaires sont gratuites pour tous les enfants. La grande majorité des écoles primaires du Groenland sont des écoles «municipales». Il existe cependant une école privée indépendante gérée par les parents à Nuuk. L’école primaire est divisée en trois étapes :
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Selon le Décret exécutif sur l'éducation complémentaire, l'éducation spécialement organisée en groenlandais et en danois et l'éducation en langue maternelle (1999), le groenlandais sert de langue d'enseignement:
Article 6
Un enseignement spécialement conçu en groenlandais est proposé aux élèves de la 1re à la 11e année qui n’ont pas le groenlandais comme langue maternelle et qui ne maîtrisent pas cette langue à un point tel qu’ils peuvent participer à un enseignement régulier en groenlandais sans soutien particulier. L'objectif de l'enseignement spécialement conçu en groenlandais est de permettre à l'élève d'acquérir des compétences de compréhension et d'usage du groenlandais parlé et écrit afin qu'il puisse participer à l'enseignement général de la langue groenlandaise et à d'autres activités scolaires. L'enseignement est donné à l'intérieur ou à l'extérieur des heures normales d'enseignement de l'élève selon les besoins de ce dernier. 9.2. L'enseignement peut être donné sous forme de cours individuels, de cours collectifs, de cours fractionnés en lien avec les cours réguliers de groenlandais de la classe, de soutien en classe ou d'enseignement dans le cadre d'un atelier linguistique. 9.3. Les élèves qui, lors de leur admission à l'école, n'ont aucune connaissance préalable du groenlandais peuvent recevoir leur enseignement dans une ou plusieurs matières dans des classes spéciales. 9.4. Outre l'enseignement spécialement organisé du groenlandais, l'enseignement dans des classes spéciales peut également inclure l'enseignement des matières suivantes : le danois, l'arithmétique-mathématiques et physique-chimie et éventuellement aussi l'enseignement des matières suivantes : l'histoire, la géographie et la biologie. 9.5. L’enseignement de la langue groenlandaise est inclus dans la mesure du possible dans tous les enseignements des classes spéciales. 9.6. L’enseignement dans les classes spéciales peut être organisé comme un enseignement non disciplinaire. 9.7. Une évaluation des compétences individuelles de l'élève en groenlandais doit être effectuée de manière continue afin que l'élève participe de plus en plus à l'enseignement dans sa classe. |
Le même décret exécutif énonce qu'un enseignement en danois est prévu pour les élèves dont le danois est la langue maternelle, y compris aux élèves qui maîtrisent à la fois le groenlandais et le danois à un niveau de langue maternelle:
Article 11 Un enseignement danois spécialement conçu est proposé aux élèves de la 1re à la 9e année dont le danois est la langue maternelle, y compris aux élèves qui maîtrisent à la fois le groenlandais et le danois à un niveau de langue maternelle. L'objectif de l'enseignement spécialement conçu en danois est d'assurer le développement linguistique général de l'élève. L'enseignement doit contribuer à l'acquisition par l'élève de compétences linguistiques de base et d'une conscience linguistique comme point de départ pour le développement ultérieur des connaissances et des compétences en danois et en groenlandais ainsi que dans d'autres langues. La portée de l'enseignement du danois spécialement conçu est déterminée en fonction des besoins individuels de chaque élève. L'enseignement est donné à l'intérieur ou à l'extérieur des heures normales d'enseignement de l'étudiant selon les besoins de ce dernier. 14.2. L'enseignement peut être donné sous forme de cours collectifs, de cours fractionnés ou de cours à deux enseignants en lien avec les cours réguliers de danois de la classe. Article 15 Lors de l'admission d'un élève à l'école, le directeur de l'école, après avoir évalué les besoins et les capacités linguistiques de l'élève en consultation avec celui-ci et ses parents, décide s'il doit être orienté vers des cours de danois spécialement conçus. |
Cela signifie qu'il existe au Groenland deux systèmes d'éducation basés sur la langue, l'un en groenlandais, l'autre en danois. Quoi qu'il en soit, l'autre langue est obligatoirement enseignée comme langue seconde.
Cependant, la Loi sur l'enseignement primaire de 2021 est plus explicite. L'article 9 désigne le groenlandais et le danois comme les langues d'enseignement, et y ajoute l'anglais, ainsi l'apprentissage d'une troisième langue étrangère:
Article 9
Langue d'enseignement Les langues d’enseignement sont le groenlandais et le danois. 9.2. Dans le cadre de l’apprentissage des langues des élèves, l’anglais peut également être la langue d’enseignement. Article 10 Contenu et organisation de l'enseignement L'enseignement comprend un enseignement disciplinaire et un enseignement non disciplinaire à tous les niveaux, cf. sections 11 à 13 dans les domaines disciplinaires:
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De plus, la Loi sur l'enseignement primaire de 2021 prévoit trois étapes, dont celle des débutants (les plus jeunes: de la 1re à la 3e année) avec le groenlandais et le danois:
Article 11
Enseignement pour les débutants L'étape pour les débutants est organisée comme une continuité de l'espace préscolaire. 11.2. Pour les débutants, l’enseignement comprend les domaines suivants :
11.3. Le domaine d'études de la langue comprend également des activités créatives de développement du langage avec d'autres langues. Le domaine de la langue peut également inclure d’autres langues. |
L'enseignement du groenlandais ou du danois, langues secondes, est donné dès la première année du primaire.
Le niveau intermédiaire ajoute l'anglais et d'autres langues possibles (de la 4e à la 7e année):
Article 12
Enseignement au niveau intermédiaire Au niveau intermédiaire, l’enseignement comprend les domaines suivants :
12.2. Le domaine d’études des langues peut également inclure d’autres langues. 12.3. Les élèves du secondaire doivent être guidés dans leurs choix d’éducation et de carrière. |
Dans l'enseignement de niveau supérieur (de la 8e à la 10e année), on propose une troisième langue étrangère en option:
Article 13
Enseignement au niveau supérieur Au niveau supérieur, l’enseignement comprend les domaines suivants :
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Les langues étrangères en option se réduisent normalement à l'anglais, le français et l'allemand.
Le Groenland est un immense territoire et il peut exister une très longue distance entre les villes et les villages. Il y a des cas où les familles vivent si loin de l’école la plus proche qu'elles choisissent plutôt d’embaucher une personne qui peut s’occuper de l’éducation de leurs enfants à la maison. Même si l’enseignement a lieu à domicile, il doit tout de même être approuvé par le conseil municipal, qui garde également un œil sur l’enseignement à domicile en permanence.
Dans de nombreuses petites localités et plusieurs villages, les écoles primaires n'offrent un enseignement que jusqu'à la 7e année. Les enfants doivent donc se rendre dans des villes plus grandes pour terminer leur scolarité. Les enfants qui doivent quitter leur famille pour terminer leur scolarité ailleurs sont hébergés dans un dortoir appartenant à l’école qu’ils fréquenteront. Au dortoir des élèves, des adultes responsables s'occupent des enfants pendant qu'ils y vivent. L'hébergement dans les résidences pour les jeunes, entièrement équipées, est gratuit.
- L'enseignement secondaire et professionnel
Après l'école primaire, les jeunes groenlandais peuvent choisir de poursuivre leurs études secondaires, soit dans un "gymnasium" (un type d'école nordique similaire au lycée comme au Danemark), soit dans un enseignement professionnel. De nombreux choisissent de quitter le Groenland pour le Danemark afin de poursuivre leurs études, soit après l'école primaire, soit après le gymnasium. Durant leur séjour au Danemark, les étudiants doivent avoir une «famille de contact» qui peut soutenir le jeune de la même manière que le ferait sa propre famille. Cette famille contact s'engage à participer à la première journée d'école, aux réunions de parents, à être une famille d'accueil pendant les vacances et les maladies, etc.
Au Groenland, quatre villes disposent d'écoles secondaires et la plupart des formations professionnelles sont proposées dans dix grandes écoles professionnelles. Les formations professionnelles alternent entre cours théoriques et formation pratique en apprentissage. Fait significatif: les étudiants groenlandais commencent le gymnasium à 20 ans en moyenne, tandis que l’âge moyen des étudiants commençant un enseignement professionnel est de 26 ans.
La Loi sur l'enseignement secondaire supérieur (2011) énonce que les langues d’enseignement sont le groenlandais et le danois, voire l'anglais ou d'autres langues :
Article 31 Langue d'enseignement et principes linguistiques pédagogiques Les langues d’enseignement sont le groenlandais et le danois. L'anglais ou d'autres langues peuvent également être inclus comme langue d'enseignement. 31.2. Une terminologie grammaticale commune doit être employée dans l’enseignement. Article 32 L'enseignement dans toutes les matières, à l'exception du groenlandais comme langue maternelle au niveau A, doit être basé sur une pédagogie de la langue seconde qui renforce le développement linguistique des élèves et l'acquisition de la matière. |
L'article 5 du Décret exécutif du gouvernement sur les objectifs de niveau, de discipline et d'apprentissage pour les matières et domaines d'études de l'école primaire (2023) porte sur la finalité professionnelle donnée en groenlandais:
Objectifs de la discipline et objectifs d'apprentissage en groenlandais Article 5 Finalité professionnelle L'objectif de l'enseignement est que les élèves acquièrent des compétences leur permettant de comprendre le groenlandais parlé et écrit avec assurance et de manière nuancée, et de s'exprimer clairement et de manière variée dans cette langue, tant à l'oral qu'à l'écrit. L’enseignement doit assurer que les élèves acquièrent une base linguistique et conceptuelle solide comme base pour leurs autres apprentissages académiques et généraux. 5.2. L’enseignement doit contribuer à renforcer l’identité personnelle et l’estime de soi des élèves. Il doit favoriser le désir et la capacité des élèves à expérimenter, à évaluer, à réfléchir et à prendre position, ainsi qu'à exprimer des sentiments, des expériences, des connaissances et des attitudes. |
L'article décrit la finalité professionnelle offerte en danois:
Objectifs pédagogiques et objectifs d'apprentissage en danois Article 9 Finalité professionnelle L’objectif de l’enseignement est que les élèves acquièrent des compétences leur permettant de comprendre et d’employer le danois parlé et écrit dans des contextes pertinents à l’intérieur et à l’extérieur de l’école. 9.2. L’enseignement doit renforcer le désir des élèves d’acquérir des connaissances et des informations, et de promouvoir leur désir de s’exprimer sur leurs propres expériences, connaissances et opinions.
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Quant à l'article 13, il porte sur l'enseignement donné en anglais:
Objectifs de la matière et objectifs d'apprentissage en anglais Article 13 Finalité professionnelle L’objectif de l’enseignement est que les élèves acquièrent des compétences leur permettant de comprendre et d’employer l’anglais parlé et écrit dans des situations pertinentes. L'enseignement doit également contribuer à créer une base pour les autres apprentissages scolaires et généraux des élèves, 13.2. Cet enseignement doit développer la conscience des élèves de leurs possibilités d'acquisition du langage à partir de leurs propres expériences et favoriser leur désir de s'exprimer dans des contextes pertinents, |
Après avoir terminé l'école primaire, environ la moitié des jeunes fréquente une «école complémentaire» au Groenland ou au Danemark durant une année. Seul un élève sur sept accède directement au deuxième cycle du secondaire. À l’heure actuelle, seulement 40 % de la population reçoit une éducation au-delà de l’école primaire, et le taux d’abandon dans l’enseignement secondaire supérieur est d’environ 50 %. On connaît les principales raisons de ce faible taux de fréquentation, dont les énormes distances géographiques et les problèmes de la langue.
L’un des problèmes relève des exigences linguistiques qui sont généralement une condition préalable essentielle à la mobilité sociale. Si un jeune Groenlandais souhaite poursuivre ses études après l'école primaire, il lui faudra un certain niveau de connaissances en danois, car la route vers le gymnasium (lycée) et l'enseignement supérieur au Groenland et au Danemark (où l'éducation est gratuite pour les Groenlandais) est pavée d'exigences pour la maîtrise de plus que le groenlandais, soit le danois et l'anglais.
- L'intégration linguistique
En vertu des nouvelles législations, l'intégration linguistique dans les écoles primaires et secondaires du premier cycle est devenue obligatoire pour tous les élèves. L'objectif est de placer les élèves de langue groenlandaise et ceux de langue danoise dans les mêmes classes, alors que, auparavant, ils étaient répartis dans des classes séparées en fonction de leur langue maternelle. En même temps, le gouvernement garantit au danophones de pouvoir apprendre le groenlandais. Le gouvernement groenlandais désire ainsi donner la même formation linguistique, culturelle et sociale à tous les élèves, tant ceux d'origine groenlandaise que danoise. Une étude, qui a été réalisée cours d'une période d'essai de trois ans, est arrivée à la conclusion que cette politique avait obtenu des résultats positifs. C'est cette politique de bilinguisme qui est en vigueur depuis 1994.
L'article 5 du Décret-loi sur l'enseignement primaire et secondaire (2023) stipule bien que, lors de la formation des classes, il convient de s'efforcer d'obtenir une répartition proportionnellement égale des élèves dont le groenlandais est la langue maternelle et des élèves dont le groenlandais n'est pas la langue maternelle:
Article 5 Les élèves sont organisés à chaque niveau en classes séparées ou non par des niveaux séparés et sont enseignés dans des cours séparés par matières et interdisciplinaires en groupes alternés composés d'élèves d'une ou plusieurs classes du niveau concerné en fonction des besoins individuels de l'élève et intérêts en relation avec les objectifs d’apprentissage, cf. l'art. 14, paragraphe 2, l'art. 18 et l'art. 19. L'organisation ne doit pas être basée sur des niveaux. 5.2. Les élèves pourront être organisés en classes et en équipes selon les niveaux lorsque la répartition par âge des élèves le justifie. L’organisation ne doit pas être basée sur des niveaux. |
Une centaine d'établissements scolaires ont été créés; on y enseigne le groenlandais et le danois. Normalement, le groenlandais est enseigné de la maternelle à la fin du secondaire, mais le danois est obligatoire dès le premier cycle du primaire comme langue seconde. Comme au Danemark avec le danois, le système scolaire prévoit des cours de Groenlandais 1 et des cours de Groenlandais 2. Des examens linguistiques autorisent les élèves à passer d'un niveau à l'autre. Selon l'évaluation des enseignants à l'égard de leurs élèves, un troisième niveau de cours a été ajouté: le Groenlandais 3. Tous les groenlandophones apprennent le danois et l'anglais à l'école; ils parlent couramment trois langues, le danois étant mieux maîtrisé que l'anglais. Dans tous les établissements d'enseignement, il est exigé après l'école primaire de réussir des examens en danois et en anglais, en plus du groenlandais.
- L'enseignement supérieur
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L'Université du Groenland, appelée Ilisimatusarfik, est située dans la capitale Nuuk. Elle propose onze programmes de licence et trois programmes de maîtrise. Des formations supérieures de cycle court sont également proposées dans certaines écoles professionnelles. |
La plupart des cours sont offerts en danois, mais quelques-uns sont en groenlandais tandis que les cours donnés par des conférenciers d’échange sont généralement en anglais.
L’université compte en général entre 225 et 300 étudiants, composés principalement de Groenlandais. Comme le Groenland propose peu d'enseignement supérieur, environ 30 % des étudiants étudient à l'étranger, la majorité au Danemark. L'enseignement est gratuit et les étudiants reçoivent une bourse mensuelle. Des études ont montré que parmi les enfants et les jeunes Groenlandais, il existe une tendance à préférer l’anglais au danois. Parmi les étudiants à Ilisimatusarfik, l'Université du Groenland, la tendance est de plus en plus à choisir comme première langue seconde l'anglais au lieu du danois. Une chose est sûre : la langue anglaise jouera un rôle beaucoup plus important à tous les niveaux que ce que a eu lieu jusqu’à présent.
Les Groenlandais qui poursuivent des études supérieures peuvent aller à l'université au Danemark, avec les mêmes droits que tout autre citoyen danois. Là aussi, l'anglais est très important. On compte plus de 30 universités au Danemark, mais plus de 200 établissements offrant des cours au baccalauréat et à la maîtrise. Étant donné que les programmes universitaires sont entièrement offerts en anglais, nombreux sont les étudiants internationaux qui se rendent au Danemark afin d'y effectuer leurs études supérieures ou une formation professionnelle. Le passage du tout anglais dans les universités danoises bénéficie généralement d’un grand soutien de la part du gouvernement et d'une partie de la population, la plupart s’accordant sur la nécessité d’investir davantage dans l’anglais afin que les universités soient en mesure d’attirer les meilleurs chercheurs et étudiants étrangers.
Le Groenland est aux prises avec un débat de société portant sur les langues que devraient parler la plupart des Groenlandais. Il ne suffirait pas de savoir uniquement le groenlandais et le danois. La question est de savoir s'il faut dorénavant introduire l'anglais dans l'enseignement supérieur.
4.5 Les médias groenlandais
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Les Groenlandais disposent d’une gamme complète de médias en leur langue: quotidiens, périodiques, stations de radio et télévision.
Il existe deux journaux bilingues imprimés à Nuuk: le bi-hebdomadaire Atuagdliutit/Grønlandsposten fondé en 1861 avec 6500 exemplaires et le Sermitsiaq fondé en 1975 et publié le vendredi, avec également 6500 exemplaires. La plupart des articles sont des traductions de l’une ou l’autre langue, afin d’être compris par tous les habitants du Groenland, tant les Danois que les autochtones. Quant au Greenland Monitor, c'est la seule source en anglais d’informations sur la politique et les affaires groenlandaises. |
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Radio-Groenland (ou Kalaallit Nunaata Radioa) est une institution publique administrée par le gouvernement groenlandais et diffuse dans les deux langues officielles. KNR-TV diffuse partout au Groenland des émissions à la radio et à la télévision; pour la radio, on compte 2500 heures d’informations en groenlandais, 900 heures en danois, et 2200 heures de musique. À la télé, la plus grande partie des émissions de la grille de KNR-TV est couverte par des programmes en provenance du Danemark. Ajoutons aussi que la base militaire américaine — la Thule Air Base FM Radio — diffuse quotidiennement des émissions en langue anglaise, lesquelles sont captées pratiquement dans tout le pays. |
La Loi sur la radio et la télévision (2014) définit la mission de la KNR, dont celle de contribuer à la préservation et au développement de la langue groenlandaise par une politique linguistique active:
Article 20 La KNR [Kalaallit Nunaata Radioa] a pour objectif d'assurer, par le biais de la télévision et de la radio, une large gamme de programmes et de services à l'ensemble de la population groenlandaise, notamment des reportages d'actualité, des informations, de l'éducation, de l'art et du divertissement (obligations de service public). La KNR peut également utiliser l'Internet et d’autres plateformes électroniques dans son offre de programmes et de services. 20.8. La KNR s'efforcera, grâce à l'usage des nouvelles technologies, de renforcer l'accès à l'offre de programmes pour les personnes handicapées, notamment en s'efforçant de garantir que la couverture des événements de grand intérêt social soit sous-titrée ou interprétée dans la langue des signes dans la mesure du possible. 20.9. La KNR doit veiller à ce que, dans son offre de programmes, la plus grande attention possible soit accordée aux minorités de la population dont la langue maternelle n’est pas le groenlandais. Article 24 25.2. La production propre désigne les émissions de radio et de télévision éditées que la KNR a produites elle-même, ainsi que les émissions éditées que la KNR, en tant que producteur principal, a produites en coproduction avec des producteurs externes. |
La KNR, tout en étant la société de la radiotélévision publique nationale du Groenland et appartenant à l'État groenlandais, fonctionne en partenariat avec la Danmarks Radio (DR), la société de radiotélévision danoise, et est membre associé de l'Union européenne de radiotélévision (UER) et de Nordvision.
Le groenlandais demeure la langue usuelle des habitants du Groenland parce que les autochtones y sont très majoritaires et qu’ils tiennent à leur langue ancestrale. Le danois reste une langue seconde pour tous, sauf pour les ressortissants danois et les militaires américains résidant à la base de Thulé pour lesquels l'anglais est la langue maternelle. C’est pourquoi la politique linguistique du Groenland en est une de bilinguisme groenlando-danois, la première l'étant de jure, la seconde de facto.
Cependant, les autochtones groenlandais vivent dans un état de diglossie, car les deux langues co-officielles (de jure et de facto) en présence paraissent dans une situation inégalitaire, l'une étant réservée aux rôles mineurs (conversations informelles, premières années d'enseignement, etc.), l'autre aux fonctions jugées plus importantes (éducation supérieure, travail bien rémunéré, contacts avec l'extérieur, etc.). Il est évident que chez les Groenlandais, c'est le danois, voire également l’anglais, qui sert de langue essentielle pour «réussir dans la vie». De là vient le rôle de principales langues d'usage dévolues au danois et à l’anglais.
Il n’en demeure pas moins que le Groenland constitue le seul État au monde, avec maintenant le Nunavut du Canada, à être contrôlé par des autochtones et dont la langue jouit du statut officiel... ou co-officiel. Certains regrettent que cet État ne soit pas politiquement pleinement souverain, mais la plupart des autochtones estiment que ce n’est pas nécessairement encore le temps, surtout depuis la menace américaine de s'approprier le Groenland en janvier 2025. De toute façon, la Loi sur l'autonomie du Groenland de 2009 prévoit à l'article 21 les modalités d'accession du Groenland à l’indépendance.
Le Groenland dépend financièrement du Danemark, mais s’il pouvait obtenir une somme équivalente ou supérieure en donnant aux États-Unis l’accès au passage arctique, pourquoi n’accepterait-il pas de se vendre après avoir déclaré son indépendance? Si le Groenland voulait s’affirmer dans ses valeurs et sa culture distinctes, il ne ferait qu'échanger son ancien colonisateur pour un nouveau beaucoup plus coriace. Mais les Groenlandais ne veulent pas l'indépendance à n'importe quel prix! S'il était relativement pas trop difficile de s'affranchir du danois, il n'en serait pas ainsi avec l'anglais dont le rouleau compresseur est plus menaçant. Beaucoup de Groenlandais s'inquiètent avec raison de savoir s'ils devront choisir d'être américains ou non.
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