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Venezuela
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La politique indigéniste et la politique linguistique |
Rappelons que les autochtones, généralement appelés «indigènes» ("indígenas"), ne constituent qu'une faible portion de la population du Venezuela et qu'ils ne dépassent pas les 320 000 locuteurs (mais atteindrait peut-être 50 000, selon des statistiques non gouvernementales). Ces populations sont concentrées dans les régions frontalières du nord-ouest, du nord-est et du sud du pays: provinces de Delta Amacuro, Monagas, Sucre, Anzoategui, Bolivar, Amazonas, Apure et Zulia. De plus, un rapport de l'ONU (1996) pour l'élimination de la discrimination raciale révélait que les indigènes du Venezuela ont toujours jusqu'à récemment fait l'objet de pratiques discriminatoires en raison de leur condition raciale et qu'ils ont toujours été des parias dans la société vénézuélienne. La plupart des spécialistes sur la question parlent d'ailleurs de «génocide ethnoculturel».
Le Ministère public du Venezuela reconnaissait en 1990 que «jusqu'à présent, il n'a pas existé dans le pays une politique indigéniste effective». Même dans les cas où le gouvernement est intervenu activement dans quelques dossiers concernant le droit des autochtones, il ne semble pas avoir obtenu les résultats escomptés, en raison de l'ampleur et de la complexité des problèmes graves que présentaient les différentes ethnies. Ces problèmes, constatés par divers procureurs du Ministère public mandatés à cet effet, auraient exigé pour les résoudre une plus grande participation des organismes de l'État. Comme il n'existait pratiquement aucune politique officielle indigéniste dans le pays, aucune solution n'a été trouvée. Pire, les fonctionnaires de l'État ont constamment violé les droits individuels des indigènes parce qu'ils ignorent même jusqu'à l'existence de ces droits. Cela se traduit par des violations des droits de l'homme telles que des arrestations arbitraires, des intimidations, des mauvais traitements ou des violations encore plus graves comme des exécutions sommaires.
Si ce n'était du courant mondial qui favorisait les mouvements d'émancipation des autochtones, leur poids politique serait à peu près nul au Venezuela. Mais nouvelle démocratie oblige... l'État vénézuélien a refait ses devoirs. Sur le plan juridique, le changement est majeur. Les droits des peuples autochtones sont maintenant reconnus dans un véritable arsenal d'instruments juridiques.
1.1 La reconnaissance constitutionnelle
La politique indigéniste a joué un rôle fondamental dans le processus révolutionnaire guidé par Hugo Chavez au Venezuela. Dans le préambule de la Constitution de 1999, les «aborigènes» ("aborígenes ") furent placés au premier paragraphe, puis aussi bien reconnus dans le présent, en inscrivant le Venezuela comme une société «pluriculturelle et multiethnique» ("sociedad multiétnica y pluricultural"), que dans l'Histoire, en qualifiant leur geste d’héroïque et de sacrificielle :
PREÁMBULO (1999)
El pueblo de Venezuela, en ejercicio de sus poderes
creadores e invocando la protección de Dios, el ejemplo histórico de
nuestro Libertador Simón Bolívar y el heroísmo y sacrificio de
nuestros antepasados aborígenes y de los precursores y forjadores de
una patria libre y soberana; |
PRÉAMBULE (1999) Le
peuple du Venezuela, dans l'exercice de ses pouvoirs créateurs et en
invoquant la protection de Dieu, l'exemple historique de notre
Libérateur Simon Bolivar, ainsi que l'héroïsme et le sacrifice de
nos ancêtres aborigènes et de leurs précurseurs et fondateurs d'une
nation libre et souveraine; |
De plus, la Constitution de 1999 contient un chapitre (art. 119-126) sur les droits des indigènes. L'article 119
oblige l'État à reconnaître l'existence des peuples et des communautés indigènes, leur organisation sociale, politique et économique, leurs cultures, leurs us et coutumes, leurs langues et leurs religions, ainsi que leur habitat et leurs droits d’origine sur les terres ancestrales qu'ils occupent traditionnellement et qui sont nécessaires au développement et au maintien de leur mode de vie. L’article 125 garantit la représentation politique indigène dans les organismes délibérants, tant à l’Assemblée nationale que dans les institutions fédérales, régionales et locales ayant des populations indigènes. D'après la Septième disposition transitoire de la Constitution, les représentants indigènes devraient être au nombre de trois à l'Assemblée nationale, ce qui correspondrait à chacune des trois grandes régions du pays où les indigènes sont présents: l’Orient, le Sud et l’Occident. Il doit s'ajouter aussi un représentant indigène dans les conseils législatifs des neufs États (Zulia, Mérida, Trujillo, Apure, Monagas, Anzoátegui, Sucre, Delta et Amazonas) à population indigène ainsi qu’un représentant dans les conseils municipaux de ces États. Tous sont en position de rédiger des lois et de promouvoir des politiques publiques en faveur des autochtones.1.2 Les mesures législatives
L'année 2001 vit le pays prendre un tournant majeur en matière des droits des peuples autochtones. Après des décennies d'indifférence, le Venezuela adopta successivement la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues (18 juin 2001), qui ne fut jamais appliquée, la Loi approuvant la Convention no 169 relative aux peuples indigènes et tribaux (2000) et, le 17 octobre 2001, la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux de l'OIT, la convention de l'Organisation international du travail. En 2005, ce fut l'adoption de la Loi organique sur les peuples et les communautés indigènes. Ces lois ont été suivis de deux décrets importants: Décret présidentiel no 1.795 du 27 mai 2002 ordonnant l'obligation d'employer les langues indigènes et le Décret présidentiel no 1.795 du 27 mai 2002 instituant le Conseil national de l'éducation, de la culture et des langues indigènes. En 2008, le président Hugo Chavez a fait adopter une loi très ambitieuse sur l'usage des langues indigènes: la Ley de Idiomas Indígenas ("Loi sur les langues indigènes").
C'est une loi détaillée comptant 44 articles et destinée à réglementer, à promouvoir et à renforcer l'emploi, la revitalisation, la préservation, la protection et le développement des langues indigènes, sur la base du droit d'origine des peuples indigènes et de l'usage de leurs langues comme moyen de communication et d'expression culturelle. La Loi sur les langues indigènes reconnaît les langues autochtones comme langues officielles avec l'espagnol (appelé castillan). Dans les écoles des communautés indigènes, les cours doivent dorénavant être dispensés dans les langues indigènes. Dans les villes où réside une population autochtone, il doit y avoir au moins un enseignant chargé de donner, soit les cours en langue indigène soit l’éducation interculturelle bilingue. C'est l'une des lois les plus ambitieuses de tout le continent sud-américain. Outre les lois moins récentes comme la Loi organique sur l'éducation (9 juillet 1980), le Règlement général sur la Loi organique en éducation (1999), la Loi sur la protection et la défense du patrimoine culturel (3 septembre 1993), mentionnons les documents suivants: la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues (18 juin 2001), la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux de l'OIT (octobre 2001), la Loi organique sur les peuples et les communautés indigènes (2005), la Loi organique sur l'identification (2006) et surtout la Loi sur les langues indigènes (2008).
Le président
Chavez a aussi créé le "Ministerio del Poder Popular para los Pueblos Indígenas", le ministère du Pouvoir populaire pour les peuples indigènes (auparavant le ministère de l'Éducation, de la Culture et des Sports), avec à sa tête une autochtone yekuana de l’Amazonie. Chavez a créé ensuite le ministère du Pouvoir populaire pour l'enseignement supérieur (auparavant le ministère de l'Enseignement supérieur): le Ministerio del Poder Popular para la Educación Universitaria (el Ministerio de Educación Superior). Il apparaît clair que l'ex-président Hugo Chavez était en quête de reconnaissance de la part de la population indigène, bien que les appuis en terme de voix électorales allaient demeurer faibles, puisque les indigènes ne représentent que 2,3 % de la population vénézuélienne. Avec Hugo Chavez, les populations indigènes, les illettrés, les sans-voix et les sans-abri ont eu l’impression d’exister au sein de la société vénézuélienne.1.3 La Convention relative aux peuples indigènes et tribaux
Le gouvernement du Venezuela a signé la Convention relative aux peuples indigènes (Convenio sobre pueblos indígenas y tribales) de l’Organisation internationale du travail (OIT); le Parlement l’a ratifiée le 17 octobre 2001 et avait auparavant adopté la Loi approuvant la Convention no 169 relative aux peuples indigènes et tribaux (2000). La Convention revêt une grande importante, puisqu'elle implique 14 États d'Amérique latine: outre le Venezuela, il s'agit de la Bolivie, de l'Argentine, de la Colombie, du Costa Rica, de l’Équateur, du Guatemala, du Honduras, du Mexique, du Paraguay et du Pérou.
La Convention reconnaît aux peuples indigènes le droit de jouir pleinement des libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination (art. 3). Les dispositions de cette convention doivent être appliquées sans discrimination aux femmes et aux hommes de ces peuples. Les gouvernements des États signataires doivent mettre en place des moyens par lesquels les peuples autochtones pourront, à égalité avec le reste de citoyens de leur pays, participer librement et à tous les niveaux à la prise de décisions dans les institutions électives et les organismes administratifs et autres qui sont responsables des politiques et des programmes qui les concernent (art. 6). L’article 7 reconnaît aux populations concernées le droit de contrôler leur développement économique, social et culturel propre. Les États doivent aussi tenir compte des coutumes et du droit coutumier de ces populations (art. 8). L’article 20 de la Convention oblige les gouvernements à «prendre des mesures spéciales pour assurer aux travailleurs appartenant à ces peuples une protection efficace en ce qui concerne le recrutement et les conditions d'emploi». Les gouvernements doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter toute discrimination entre les travailleurs appartenant aux peuples intéressés.
La partie VI de la Convention est consacrée à l’éducation, donc indirectement à la langue. L’article 26 est très clair sur la possibilité des autochtones d’acquérir leur instruction à tous les niveaux:
Article 26 Des mesures doivent être prises pour assurer aux membres des peuples intéressés la possibilité d'acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d'égalité avec le reste de la communauté nationale. |
Le paragraphe 3 de l’article 27 reconnaît «le droit de ces peuples de créer leurs propres institutions et moyens d'éducation» et que des ressources appropriées leur soient fournies à cette fin. C’est l’article 28 qui semble le plus important en cette matière:
Article 27 1) Lorsque cela est réalisable, un enseignement doit être donné aux enfants des peuples intéressés pour leur apprendre à lire et à écrire dans leur propre langue indigène ou dans la langue qui est le plus communément utilisée par le groupe auquel ils appartiennent. Lorsque cela n'est pas réalisable, les autorités compétentes doivent entreprendre des consultations avec ces peuples en vue de l'adoption de mesures permettant d'atteindre cet objectif. 2) Des mesures adéquates doivent être prises pour assurer que ces peuples aient la possibilité d'atteindre la maîtrise de la langue nationale ou de l'une des langues officielles du pays. 3) Des dispositions doivent être prises pour sauvegarder les langues indigènes des peuples intéressés et en promouvoir le développement et la pratique. |
Les États appuieront l'élaboration de programmes scolaires correspondant à la réalité des peuples autochtones et mobiliseront les ressources techniques et financières nécessaires à leur bonne application. Quant à l’article 31, il précise que «mesures de caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale, et particulièrement dans ceux qui sont le plus directement en contact avec les peuples intéressés, afin d'éliminer les préjugés qu'ils pourraient nourrir à l'égard de ces peuples». Dans ces perspectives, il est précisé que «des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d'histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés».
Comme il se doit, les États signataires de la Convention reconnaîtront et établiront des mécanismes pour assurer l'exercice de tous les droits des peuples autochtones, en particulier en ce qui concerne l'éducation, la langue et la culture.
Le Venezuela est une fédération de 23 États. Non seulement l'État fédéral a prévu des dispositions concernant les autochtones, mais également certains États fédérés comptant un nombre significatif d'indigènes.
2.1 La Constitution fédérale
Lors de l'élaboration de la Constitution de décembre 1999, plus de 400 délégués indigènes représentant 28 groupes ethniques différents ont été consultés et trois représentants ont fait partie de l'Assemblée constituante. L'article 9 reconnaît aux langues indigènes, à côté de l'espagnol (castillan), le statut de langues officielles partout au pays:
Article 9 La langue officielle est le castillan. Les langues indigènes sont aussi d'usage officiel pour les peuples indigènes et elles doivent être respectées dans tout le territoire de la République, pour constituer le patrimoine culturel de la nation et de l'humanité. |
Cependant, cette égalité juridique ne peut se transposer facilement dans la vie quotidienne, comme pour l'espagnol. N'oublions pas que 92 % des Vénézuéliens parlent l'espagnol, contre 1,5 % pour les langues amérindiennes. Ce n'est pas l'égalité juridique qui peut réduire une si grande inégalité numérique ni effacer deux siècles de répression et de déni de toutes sortes.
L'article 81 est plus ou moins sans intérêt pour les autochtones. Il porte sur les personnes souffrant d'incapacités; l'État leur reconnaît certains droits: «Il est reconnu aux personnes sourdes ou muettes le droit d'exprimer et de communiquer au moyen de la langue des signes.»
Article 81 Toute personne ayant un handicap ou des besoins particuliers est habilitée à exercer de façon complète et autonome de ses capacités et son intégration familiale et communautaire. Avec la participation solidaire des familles et de la société, l'État doit assurer le respect de la dignité humaine, l'égalité des chances et des conditions de travail satisfaisantes, et promouvoir l'instruction, la formation et l'accès à l'emploi adapté à l'état de handicapé, conformément à la loi. Il est reconnu que les personnes sourdes le droit de s'exprimer et de communiquer par la langue des signes vénézuéliens. |
L'article 101 est de la même eau au sujet des moyens de communication télévisuels: «Les moyens télévisuels doivent incorporer des sous-titres et la traduction dans la langue des signes pour les personnes ayant des problèmes auditifs.»
Cela étant dit, l'article 119 de la Constitution parce qu'il énonce les grands principes concernant les droits des autochtones:
Article 119 LL'État reconnaît l'existence des peuples et des communautés indigènes, leur organisation sociale, politique et économique, leurs cultures, leurs us et coutumes, leurs langues et leurs religions, ainsi que leur habitat et leurs droits d’origine sur les terres ancestrales qu'ils occupent traditionnellement et qui sont nécessaires au développement et au maintien de leur mode de vie. Il appartient à l'Exécutif national, avec la participation des peuples indigènes, de délimiter et de garantir le droit à la propriété collective de leurs terres, lesquelles sont inaliénables, imprescriptibles, insaisissables et non transférables, conformément aux dispositions de la présente Constitution et de la loi. |
Il incombe à l'Exécutif national, avec la participation des peuples indigènes, de délimiter et de garantir le droit à la propriété collective de leurs terres, lesquelles seront inaliénables et non transférables. L'article 121 de la Constitution précise certaines modalités:
Article 121 Les peuples indigènes ont le droit de maintenir et de développer leur identité ethnique et culturelle, leur vision du monde, leurs valeurs, leur spiritualité, leurs lieux sacrés et lieux de culte. L'État favorisera la valorisation et la diffusion des manifestations culturelles des peuples indigènes, lesquels ont droit à une éducation propre et à un régime éducatif à caractère interculturel et bilingue, en tenant compte à leurs particularités socioculturelles, leurs valeurs et leurs traditions. |
En ce qui a trait aux dispositions à caractère non linguistique, mentionnons que la Constitution accorde aux peuples indigènes le droit à l'accès à la santé (art. 122), le droit de maintenir et de promouvoir leurs pratiques économiques particulières et leurs activités productives traditionnelles (art. 123), le droit à des services de formation professionnelle (art. 123) et à la législation du travail (art. 123), de même qu'à la propriété intellectuelle de leurs connaissances et de leurs technologies (art. 124), à la participation politique (art. 125). À ce sujet, l'État garantit une représentation indigène à l'Assemblée nationale et dans les organismes fédéraux et locaux. Il y est prévu que trois députés autochtones doivent être élus à l’Assemblée nationale pour les régions sud, est et ouest. En outre, dans chaque municipalité autochtone, il y a des conseillers municipaux autochtones, et dans chaque province où vivent des communautés autochtones, il y a des «législateurs» indigène. Enfin, l'article 126 énonce que les peuples indigènes «font partie de la nation, de l'État et du peuple vénézuélien» et qu'ils ont le devoir de sauvegarder l'intégrité et la souveraineté nationale.
2
.2 Les dispositions constitutionnelles des États fédérésLes États fédérés du Venezuela qui ont élaboré une ou plusieurs dispositions d'ordre linguistique destinées aux autochtones sont les suivants: l'État de Zulia (2003), l'État d'Anzoátegui (2002), l'État de Bolivar (2001), l'État d'Apure (2002), l'État de Sucre (2002) et l'État de Monagas (2002). Seuls les États de Zulia, d'Anzoátegui (2002) et de Bolivar reconnaissent le statut de langues co-officielles aux langues autochtones.
- L'État de Zulia
L'article 9 de la Constitution de l'État de Zulia reconnaît le castillan et les langues indigènes comme officielles dans leurs communautés respectives:
Constitución del Estado Zulia (2003) Artículo 9. |
Constitution de l'État de Zulia (2003) Article 9 |
- L'État de Bolivar
L'article 9 de la Constitution de l'État de Bolivar accorde le statut de langues officielles au castillan et aux langues indigènes sur tout le territoire de l'État:
Constitución del Estado Bolívar (2001)
Artículo 9º
Disposiciones Transitorias
Sexta: De conformidad con lo dispuesto en el Artículo 71, de la presente Constitución, ésta será traducida a los diferentes idiomas de los pueblos indígenas que habitan el territorio del Estado Bolívar. |
Constitution de l'État de Bolivar (2001)
Article 9
Article 71 Dispositions transitoires
Sixième disposition: Conformément aux dispositions de l'article 71 de la présente Constitution, celle-ci sera traduite dans les différentes langues des peuples indigènes habitant le territoire de l'État de Bolivar. |
L'État de Bolivar s'engage aussi à publier dans les différentes langues indigènes la Constitution de l'État.
- L'État d'Anzoátegui
Les articles 8 et 87 de la Constitution de l'État d'Anzoátegui reconnaissent le caractère officiel du castillan et des langues indigènes, notamment le karina et le cumanagoto (une langue pratiquement éteinte):
Constitución del Estado Anzoátegui (2002)
Artículo 8. Disposiciones Transitorias
Cuarta. |
Constitution de l'État d'Anzoátegui (2002) Article 8 Dispositions transitoires Quatrième
disposition |
- L'État de Sucre
L'article 20 de la Constitution de l'État de Sucre ne reconnaît pas l'usage officiel des langues indigènes, mais uniquement le droit aux autochtones de les utiliser, comme tous les autres us et coutumes:
Constitución del Estado Sucre (2002)
Artículo
20. |
Constitution de l'État de Sucre (2002)
Article 20 |
- L'État de Monagas
La Constitution de l'État de Monagas, dans son article 53, contient une disposition similaire, soit celle de reconnaître l'existence et le droit des peuples indigènes à utiliser leurs langues, leurs us et coutumes, etc.:
Constitución del Estado Monagas (2002)
Artículo
53°. |
Constitution de l'État de Monagas (2002)
Article 53 |
- L'État d'Apure
L'article 41 de la Constitution de cet État ne mentionne même pas que les peuples indigènes ont le droit d'utiliser leur langue maternelle. Tout au plus il est possible d'interpréter que les langues ancestrales font partie du «patrimoine culturel»:
Constitución del Estado Apure (2002)
Artículo 41º |
Constitution de l'État d'Apure (2002) Article 41
|
Mentionnons aussi que l'État d'Apure ne semble pas autoriser l'emploi des langues indigènes dans les établissements d'enseignement:
Ley orgánica de educación Artículo 61 |
Loi organique sur l'éducation
Article 61 |
Il n'en demeure pas moins que, si l'on cumule les dispositions des constitutions fédérale et celle des États, les autochtones du Venezuela bénéficient, du moins juridiquement, d'une protection sans précédent dans l'histoire du pays.
La législation fédérale portant sur les droits des indigènes au point de vue administratif est importante au Venezuela. Ainsi, l'article 94 de la Loi organique sur les peuples et communautés indigènes (2005) reconnaît les «langues indigènes comme langues officielles» :
Article 94 Les langues indigènes comme langues officielles Les langues indigènes sont d'usage officiel pour les peuples indigènes et constituent le patrimoine culturel immatériel de la nation et de l'humanité, conformément à la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela et de la présente loi. |
Mais l'article 4 de la Loi sur les langues indigènes (2008) énumère un grand nombre de langues indigènes, soit 37, comme langues officielles à côté du castillan, sans nier les droits et garanties des autres peuples indigènes non identifiés dans la loi :
Article 4 Langues officielles Les langues officielles de la République bolivarienne du Venezuela sont le castillan et les langues des peuples indigènes suivantes: le kapon (akawayo), l'amorua, l'añu, l'arawak (lokono), l'ayaman, le baniva (baniwa), le baré (bare), le bari, le chaima, le kube, le kumanagoto, l'e'ñepa, le jodi (jodü), le jivi (jiwi), le japreria, le kari'ña, le kurripako, le kuiva, le mako, le makushi, le ñengatú (jeral), le pemon (kamarakoto, arekuna, taurepan), le chase (piapoko), le puinave, le pumé, le saliva, le sanem, le sapé, le timote, l'uruak (arutani), le wotjüja (piaroa), le mopuoy (mapoyo), le warekena, le warao, le wayuu, le yanomami, le yavarana (yawarana), le ye'kuanas (dhe'kuana) et le yukpa. La déclaration des peuples indigènes énumérés ici est établie afin de se concentrer sur l'identité et l'autodésignation et n'implique pas la négation des droits et des garanties des autres peuples indigènes non identifiés dans la présente loi. |
Il faut comprendre que ces langues ne sont pas officielles au même titre que l'espagnol (castillan). Si l'espagnol est officiel sur tout le territoire vénézuélien, les langues indigènes ne sont officielles que dans les municipalités ou villages où ils résident. Néanmoins, dans les localités où vivent les indigènes, l'espagnol et la langue amérindienne sont à égalité de statut, ce qui peut être différent en ce qui a trait à l'égalité de traitement.
3.1 Les certificats de naissance
La Loi organique sur l'identification (2006) impose aux fonctionnaires d'émettre les certificats de naissance et les cartes d'identité à la fois en castillan et dans la langue du peuple concerné, et ce, en respectant les noms et prénoms particuliers de la langue indigène:
Article 14 Respect des langues et des vêtements indigènes Le certificat de naissance et la carte d'identité doivent être émis dans la langue castillane et dans la langue du peuple ou de la communauté à laquelle il convient, ainsi que tout autre document d'identification de personnes appartenant aux peuples et communautés indigènes, en respectant les noms et prénoms particuliers de leurs langues. De plus, il est interdit de les photographier avec des vêtements différents de ceux correspondant à leurs us et coutumes, et leurs traditions. |
La procédure est régie selon les principes de gratuité, de
transparence, d'équité, de célérité, de responsabilité sociale, de
non-discrimination et d'efficacité. L'article 6 de la
Loi sur les langues indigènes accorde
le droit aux peuples et communautés indigènes de développer toutes leurs
activités et leurs initiatives dans leur langue maternelle, afin d'augmenter
leur espace et leura sphère d'emploi au-delà de toute limite spatiale, sociale
ou politique:
Article 6 Droits et obligations des peuples et communautés indigènes Les peuples et les communautés indigènes ont les droits et obligations suivantes :
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3.2 Les services publics
L'article 38 de la Loi sur les langues indigènes oblige les services gouvernementaux à offrir des services aux peuples et communautés indigènes dans leur langue maternelle:
Article
38 Services aux indigènes dans leur langue maternelle Les États et les municipalités ayant des populations indigènes, en collaboration avec l'Institut national des langues indigènes, doit mettre en place les mécanismes nécessaires, y compris la dotation d'espaces et la désignation d'un personnel qualifié, de sorte que leurs agences répondent aux demandes ou aux questions sont soulevées par les peuples et communautés indigènes, et ce, dans leur langue maternelle. |
Il en est ainsi dans le système de santé et le système judiciaire:
Article 42 Emploi des langues indigènes dans le système national de santé et le système judiciaire Dans le système national de santé, le système judiciaire et les autorités compétentes, il doit être désigné, en collaboration avec l'Institut national des langues indigènes, des interprètes et des traducteurs nécessaires destinés aux populations et communautés indigènes pour fournir des services exclusifs; ces traducteurs doivent être pourvus de moyens et de ressources appropriées afin de s'acquitter efficacement de leur fonctions. |
3.3 La traduction
De plus, l'article 8 de la Convention interaméricaine des droits de l'Homme ("Convención Interamericana de Derechos Humanos"), signée et ratifiée par le Venezuela le 23 juin 1977, accorde le droit aux indigènes d'être assistés gratuitement d'un traducteur ou d'un interprète s'ils ne comprennent pas ou ne parlent pas la langue employée à l'audience ou au tribunal:
Article 8 Garanties judiciaires
1) Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue avec les garanties voulues, dans un délai raisonnable, par
un juge ou un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi
antérieurement par la loi, qui décidera du bien-fondé de toute
accusation dirigée contre elle en matière pénale, ou déterminera ses
droits et obligations en matière civile ainsi que dans les domaines
du travail, de la fiscalité, ou dans tout autre domaine.
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L'article 41 de la Loi sur les langues indigènes prévoit également l'emploi des langues indigènes et le recours à des traducteurs pour la procédure électorale:
Article
41 Emploi des langues indigènes dans la procédure électorale Lors des élections, l'organisme directeur en matière électorale doit s'assurer que toutes les informations concernant les élections et diffusées par quelque moyen que ce soit aux peuples et communautés indigènes soient traduites à l'oral et à l'écrit dans les langues indigènes concernées; à cet effet devront être coordonnées avec l'Institut national des langues indigènes la traduction de cette information et la désignation des interprètes nécessaires pour se conformer aux dispositions du présent article. |
L'article 95 de la Loi organique sur les peuples et communautés indigènes résume bien le champ d'application des langues indigènes dans le domaine administratif : la traduction des principaux textes législatifs et autres documents officiels concernant les peuples indigènes, la présence d'interprètes bilingues dans la procédure judiciaire, l'emploi des langues indigènes dans les actes publics et officiels des États ayant une population indigène, l'emploi et l'enregistrement de la toponymie en usage par les peuples et communautés indigène, l'emploi des langues indigènes dans les procédures d'information et de consultation ainsi que dans les services système national de santé.
Article 95 Champ d'application des langues indigènes L'État doit garantir l'emploi des langues indigènes dans les domaines suivants:
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L'article 114 de la Loi organique sur les peuples et communautés indigènes énonce les limites de ces droits dans le domaine de la santé publique:
Article 114 Les langues indigènes en matière de soins de santé Les services du régime national de santé destinés aux peuples et communautés indigènes doivent intégrer les langues indigènes à ce système, en désignant le personnel approprié et les interprètes nécessaires pour les soins des indigènes et pour faciliter la communication avec les individus, les familles, les peuples et les communautés indigènes. |
Il est clair que la façon d'accorder ces droits est en relation avec la présence d'interprètes auprès des indigènes, car il demeure difficile de demander au personnel médical de connaître une grand nombre de langues amérindiennes. Il en est ainsi pour la plupart des services de l'État ou des États fédérés concernés.
Forcément, il faut fonctionner avec la présence d'interprètes dans les tribunaux (art. 137 de la même loi):
Article 137 Les droits devant les tribunaux ordinaires 1) Les peuples et communautés indigènes, et tout individu indigène qui est partie à une procédure judiciaire sont en droit de connaître son contenu, ses effets et ses ressources, et de disposer d'une défense professionnelle appropriée, tout en utilisant leur propre langue dans le respect de leur culture durant toutes les étapes de la procédure. 2) L'État doit établir des mécanismes pour surmonter les difficultés inhérentes aux différences culturelles et linguistiques afin d'aider les indigènes à comprendre entièrement la procédure. |
D'ailleurs, l'article 137 de la Loi organique sur les peuples et communautés indigènes rend systématique ce «droit à l'interprétariat» plus qu'au «droit à la langue». Du moins, le droit n'implique pas celui d'être copris dans sa langue sans interprète:
Article 139 Le droit à un interprète officiel L'État garantit aux indigènes l'usage de leur langue maternelle dans toute la procédure administrative ou judiciaire. La désignation d'un interprète est obligatoire à des fins de témoignages, de déclarations ou de tout autre acte de procédure. Les actes qui ont été effectués sans la présence d'un interprète seront nuls. |
La
Constitution de la République bolivarienne du
Venezuela de 1999 consacre un chapitre entier sur les
droits des peuples autochtones (articles 119 à 126) en
harmonie avec les grands traités internationaux sur les
droits des peuples autochtones. Il contient également
huit articles qui traitent de questions d'intérêt pour
ces peuples. La Constitution met l'accent sur
les droits sociaux des peuples autochtones: le droit à
l'éducation interculturelle bilingue, la santé, la
médecine traditionnelle, de ses pratiques économiques
traditionnelles, pour participer à l'économie nationale
en tant que travailleurs, la formation professionnelle,
de participer à des programmes de formation et de
services ont assistance technique et financière pour
renforcer leurs activités économiques et la
participation politique des populations autochtones à
l'Assemblée nationale et les organes délibérants des
institutions fédérales et locales ayant des populations
autochtones.
L'article 121 de la
Constitution stipule expressément que «les peuples
indigènes ont le droit de maintenir et de développer leur
identité ethnique et culturelle, leur vision du monde, leurs
valeurs, leur spiritualité, leurs lieux sacrés et lieux de culte».
De plus: «L'État
doit favoriser la
valorisation et la diffusion des manifestations culturelles des peuples
indigènes, lesquels ont droit à une éducation propre et à un régime
éducatif à caractère interculturel et bilingue, en tenant compte de
leurs particularités socioculturelles, leurs valeurs et leurs
traditions.»
4.1 Les mesures législatives
Bien avant la nouvelle Constitution de 1999, la Loi organique sur l'éducation du 9 juillet 1980 laissait entrevoir quelques vagues et timides mesures sur les peuples autochtones. Ce sont les articles 51 et 53:
Article 51
1) L'État doit prêter une attention particulière aux indigènes et préserver les valeurs autochtones socioculturelles de ces communautés, afin de les associer à la vie nationale, ainsi que les habiliter à l'accomplissement de leurs obligations et au bénéfice de leurs droits de citoyens sans discrimination aucune. 2) À cet effet, des services pédagogiques correspondants sont créés.3) De façon égale, des programmes destinés à la réalisation de ces objectifs doivent être conçus et réalisés. Article 53 Le ministère de l'Éducation doit établir les régimes d'administration en éducation applicables en milieu rural, spécialement dans les régions frontalières et dans les zones indigènes. |
Par ailleurs, le Règlement général portant sur la Loi organique sur l'éducation de 1980 ne faisait pas de distinction entre les indigènes et les non-indigènes. Par exemple, l'article 22 précisait que les disciplines suivantes étaient obligatoires dans tout programme d'études: le castillan et la littérature, la géographie et l'histoire du Venezuela, la géographie générale, l'histoire universelle, les mathématiques, l'éducation familiale, l'éducation esthétique, l'éducation au travail, l'éducation à la santé, l'éducation physique, les sciences de la nature, la biologie, la physique, la chimie et l'anglais. Quelques lignes précisaient cependant que le ministère de l'Éducation devait faire «des adaptations pertinentes» («adaptaciones pertinentes») dans les programmes d'études pour le milieu rural, les régions frontalières et les zones indigènes:
El Ministerio de Educación, de conformidad con lo dispuesto en el numeral 2 del artículo 8º de este Reglamento, hará las adaptaciones pertinentes de los programas de estudio, para el medio rural, regiones fronterizas y zonas indígenas. | Le ministère de l'Éducation, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 8 de ce règlement, fera les adaptations pertinentes dans les programmes d'études pour le milieu rural, les régions frontalières et les zones indigènes. |
L'article 13 du Règlement de 1980 ne faisait qu'une allusion sans grande conséquence du développement de l'enfant au point de vue cognitif, socio-affectif, psychomoteur, langagier et physique:
Article 13 Le programme de niveau préscolaire doit être structuré en tenant compte de l'intérêt de l'enfant et de son environnement dans les domaines suivants de son développement évolutif: cognitif, socio-affectif, psychomoteur, langagier et physique. |
En conformité avec les droits des peuples indigènes, tels que consacrés dans la Constitution en fonction du contexte multiethnique et multiculturel du Venezuela, des mesures ont été prises pour instituer le Conseil national de l'éducation, de la culture et des langues indigènes dans le décret présidentiel no 1.796 du 27 mai 2002, en tant qu'organisme consultatif destiné à assurer la participation des peuples indigènes dans la conception, la planification et l'exécution des politiques pédagogiques, linguistiques et culturelles. L'article 1er du décret présidentiel no 1.795 du 27 mai 2002 a imposé l'usage obligatoire des langues indigènes dans toutes les écoles publiques et privées situées dans des habitats indigènes, y compris les zones urbaines habitées par des populations indigènes, et ce, à tous les niveaux du système d'éducation national:
Article 1er Il est obligatoire d'employer les langues indigènes, tant dans leur forme orale qu'écrite, dans les établissements d'enseignement privés et publics situés dans des habitats indigènes, ainsi que dans d'autres zones rurales et urbaines habitées par des populations indigènes à tous les niveaux du système d'éducation national. Il est convenu que la langue ou les langues indigènes correspondent au peuple indigène qui habite dans le secteur. |
4.2 L'éducation interculturelle bilingue
En 2001, le texte de loi le plus important demeure sans contredit la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues. Il s'agissait en réalité d'un avant-projet de loi, de grande envergure, comptant 53 articles. Malheureusement, la loi n'a jamais été adoptée, mais les dispositions prévues laissaient présager les mesures qui allaient venir plus tard et qui correspondent au principes de l'éducation interculturelle bilingue («educación intercultural bilingüe»), tels que consacrés à l'article 4 du projet de loi. Cette éducation interculturelle bilingue doit être est exercée par des professionnels indigènes dûment accrédités, c'est-à-dire des personnes parlant une langue autochtone et connaissant l'histoire et la culture des populations concernées (art. 8). Le projet de loi prévoyait des dispositions particulières pour les communautés qui auraient perdu partiellement l'usage de leur langue ou pour celles qui sont menacées de la perdre, ce qui est le cas pour un grand nombre de communautés. En fait, l'article 22 de la loi mentionnait les «niches linguistiques« («nichos linguisticos»); il s'agit de petits centres destinés à rendre à certaines communautés l'usage de leur langue plus ou moins perdue:
Article 22 1)
Dans les communautés qui ont perdu partiellement leur langue et leur
culture ou qui sont menacés de les perdre, il sera prévu des niches
linguistiques afin de restituer l'usage quotidien de leur langue et la
pratique de leur culture propre. |
Le chapitre VI (art. 32 à 37) de la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues était intitulé «Del uso de los idiomas indigenas» («De l'usage des langues indigènes»). L'article 32 proclamait le caractère officiel des langues indigènes qui devaient bénéficier ainsi d'un statut reconnu:
Article 32 La langue de chacun des peuples indigènes aura un caractère officiel dans son habitat respectif et sera d'usage obligatoire. |
Pour cette raison, l'État se devait de favoriser et de promouvoir l'usage officiel et le développement des langues indigènes comme moyens de communication, de connaissance, d'instruction et de création sociale et culturelle (art. 33). De telles dispositions à l'endroit des autochtones demeuraient alors inédites en Amérique latine.
Puis ce fut l'adoption en 2005 de la Loi organique sur les peuples et communautés indigènes et en 2008 de la Loi sur les langues indigènes. L'article 76 de la Loi organique sur les peuples et communautés indigènes réactive la notion d'éducation interculturelle bilingue:
Article 76
Le régime de l'éducation interculturelle bilingue |
L'article 77 de la Loi organique sur les peuples et communautés indigènes précise quelles sont les obligations de l'État dans ce domaine. À des fins de mise en œuvre du régime d'éducation interculturelle bilingue chez les peuples et communautés indigènes, les organismes compétents de l'État, avec la participation des peuples et communautés indigènes, doivent développer notamment :
1. les plans et programmes pédagogiques pour chaque peuple ou communauté indigène sur la base de leurs particularités socioculturelles, leurs valeurs et leurs traditions; 2. l'uniformité grammaticale de l'écriture de la langue de chaque peuple indigène; 3. la revitalisation systématique des langues indigènes que l'on croyait disparue ou en danger d'extinction au moyen de niches linguistiques ou d'autres mécanismes appropriés; 4. la formation complète des enseignants indigènes spécialisés en éducation interculturelle bilingue; 5. l'adaptation du calendrier scolaire en fonction du rythme de la vie et de la période de chaque peuple ou communauté indigène, sans préjudice du respect des programmes respectifs; 6. l'adéquation de l'infrastructure des établissements d'enseignement aux conditions écologiques, aux besoins pédagogiques et aux modèles architecturaux des peuples et communautés indigènes. |
L'article 31 de la Loi sur les langues indigènes impose l'enseignement obligatoire des langues indigènes dans tous les établissements d'enseignement publics et privés situés dans des habitats indigènes:
Article
31 Instruction obligatoire dans les langues indigènes L'enseignement dans les langues indigènes, oralement et par écrit, est obligatoire dans tous les établissements d'enseignement publics et privés, situés dans des habitats indigènes. Dans les zones rurales et urbaines habitées par des peuples indigènes, l'instruction particulière et le système d'éducation sont garantis en vertu du principe du multiculturalisme. Il appartient à l'organisme directeur pour la politique éducative, en collaboration avec d'autres organismes responsables des langues indigènes, d'assurer le respect de la présente disposition. |
L'article 35 de cette loi prévoit des mesures nécessaires à l'enseignement des langues indigènes, notamment la formation des enseignants indigènes et non indigènes, l'élaboration et l'approbation d'alphabets, de grammaires, de techniques d'enseignement et d'échanges pédagogiques, ainsi que la publication de documents pédagogiques et didactiques:
Article 35 Ressources pédagogiques nécessaires à l'enseignement L'État, au moyen des autorités et des organismes compétents, avec la participation des peuples et communautés indigènes, doivent prévoir des mécanismes appropriés pour l'enseignement des langues indigènes. Il s'agit notamment de la formation des enseignants indigènes et non indigènes, de l'élaboration et de l'approbation d'alphabets, de grammaires, de techniques d'enseignement et d'échanges pédagogiques, de publication de documents pédagogiques et didactiques interculturels et de l'élaboration de tout matériel nécessaire pour l'enseignement. |
L'article 37 de la Loi sur les langues indigènes reprend la notion de «niches linguistiques» pour les communautés qui ont perdu ou sont menacées de perdre leur langue maternelle :
Article
37 Niches linguistiques Il appartient à l'Institut national des langues indigènes, en collaboration avec les autorités et organismes compétents en matière d'éducation, de culture et de peuples indigènes, d'implanter, de développer et de renforcer les niches linguistiques dans les communautés qui ont perdu ou sont menacées de perdre leur langue maternelle. Le fonctionnement des niches linguistiques doit être élaboré avec la participation décisionnelle des membres des peuples et des communautés indigènes, en favorisant la participation active des indigènes aînés. |
En principe, l'éducation interculturelle bilingue destinée aux indigènes commence entièrement dans la langue indigène, pour des raisons d'ordre identitaire, culturel, psycho-social et pédagogique. Puis l'apprentissage du castillan début à partir de la seconde année de l'instruction primaire, pour se poursuivre durant tout le primaire, mais de manière équilibrée avec la langue d’origine, sans entraîner de subordination pour celle-ci. C'est exactement la description qu'en faisait l'article 21 de la Loi sur l’éducation des peuples indigènes et sur l’usage de leurs langues:
Article 21
1) La méthode d'enseignement
et d'apprentissage débutera avec l'emploi de la langue d’origine pour
des raisons d'ordre identitaire, culturel, psychosocial et pédagogique.
|
4.3 L'application des mesures en éducation
Le régime d'éducation interculturelle bilingue au Venezuela a été mis en œuvre dans quelque 140 communautés réparties dans neuf peuples indigènes, sélectionnés à partir de critères préliminaires, dans la première année de l'enseignement de base pour les Jiwi, les Karina, le Pemon, les Pumé, les Wayuu, les Warao, les Yanomami, les Yekuana et les Yukpa. Cet enseignement a été introduit progressivement chez les indigènes du rio Negro (les États d'Amazonas, d'Apure, d'Anzoátegui, de Sucre et de Zulia). Les programmes ont été mis en place pour la première année, la 2e et la 3e année, puis les programmes se sont étendus à la 4e année, la 5e année et la 6e année. Lors de la troisième étape, les programmes ont été appliqués pour les années scolaires de la 7e à la 9e. En 2004, le projet d'éducation interculturelle bilingue avait touché un total de dix peuples indigènes, qui représentent des inscriptions pour 22 478 enfants d'âge préscolaire et 110 273 enfants du primaire. L'enseignement secondaire et professionnel avait rejoint 4605 élèves, pour un effectif scolarisé estimé à 117 284 élèves, avec quelque 5479 enseignants répartis dans 1138 écoles situées dans les zones indigènes.
Pour l'année scolaire 2002, le ministère de l'Éducation, de la Culture et des Sports révélaient que 155 984 indigènes étaient scolarisés et que 45,6 % fréquentaient le primaire, contre 3,9 % pour le secondaire et seulement 0,5 % pour l'université.
Niveaux de scolarité atteints par la population indigène (2002)
Niveau en éducation | Nombre d'individus | Pourcentage |
Aucun niveau particulier | 68 072 | 43,6 % |
Préscolaire | 8 109 | 5,2 % |
Primaire | 71 258 | 45,6 % |
Éducation spéciale | 143 | 0,09 % |
Secondaire | 6 097 | 3,9 % |
Technique moyen | 1 066 | 0,6 % |
Technique supérieur | 313 | 0,2 % |
Universitaire | 906 | 0,5 % |
Troisième cycle | 20 | 0,01 % |
Total |
155 984 |
100 % |
Les données présentées au tableau précédent démontrent que le groupe d'âge le plus important est celui qui fréquent l'école primaire. Plus le niveau augmente, moins il y a d'individus qui fréquentent un établissement d'enseignement. Bien que les données présentées semblent incohérences par comparaison avec d'autres données, elles révèlent que l'instruction destinée aux indigènes est quasiment limitée au primaire. La fréquentation à l'université apparaît comme tout à fait exceptionnelle. La catégorie «Aucun niveau particulier» indique que 43,5 % des enfants ne fréquenteraient pas d'école.
Malgré les efforts entrepris par le gouvernement, l'éducation interculturelle bilingue ne s'est pas révélé jusqu'à présent la panacée escomptée. En effet, plusieurs obstacles se sont présentés. Il faut mentionner d'abord la faible préparation des enseignants, dont beaucoup ne connaissent pas la langue indigène ni les réalités culturelles de la communauté concernée. En raison de la pénurie d'enseignants indigènes, la plupart des enseignants ne parlent que l'espagnol, et il n'existe que fort peu de véritable contrôle pédagogique. Une seconde difficulté concerne les documents pédagogiques peu disponibles pour les enseignants et les élèves, que ce soit les manuels, les livres bilingues ou en langue indigène, les cahiers d'exercice, les ouvrages de référence, les informations didactiques pour l'éducation interculturelle bilingue, etc. Par ailleurs, le gouvernement n'a accordé jusqu'ici que peu de soutien, direct et indirect, aux communautés indigènes sélectionnées dans les projets d'implantation. Les «niches linguistiques» si prisées par le gouvernement pour revitaliser les langues en danger d'extinction auprès des adultes n'ont à peu près jamais été évaluées, ni soutenues. Soulignons aussi qu'il y a eu de nombreuses tentatives visant à aider les indigènes à élaborer des systèmes d'écriture adaptés à leur langue, mais il a fallu dans un grand nombre de cas s'en tenir à des enseignements limités à l'oral. Lorsque l'alphabétisation avec des stratégies adaptées à la culture indigène a été rendue possible, des programmes d'enseignement ont été inclus dans le système d'éducation.
Enfin, en dépit des nombreux travaux préparés par
les intellectuels indigènes, que ce soit les recherches et les
matériaux indigènes concernant les coutumes, les traditions,
l'histoire, la mythologie, les croyances religieuses et la musique,
les enseignants œuvrant en éducation
interculturelle bilingue n'y accordent, au mieux, qu'une attention
limitée, au pire, qu'une indifférence.
À quelques exceptions près, les efforts ont donné
néanmoins des résultats positifs: les écoles Madre
Mazzarello de Puerto Ayacucho, les écoles Yanomami dans le Haut-Orénoque, Ocamo, Mavaca, Platanal, Mavaquita, Shapono
Itinerante, Monseñor Jáuregui dans l'île de Raton, etc.
Bref, c'est l'État d'Amazonas qui demeure un exemple significatif
dans la mise en œuvre de l'éducation interculturelle bilingue au
Venezuela, mais certains succès ont aussi été signalés dans l'État
de Bolivar et l'État de Zulia.
4.4 L'enseignement supérieur
L'éducation universitaire destinée aux indigènes est une innovation au Venezuela. Bien que la Constitution accorde des droits aux indigènes à tous les niveaux du système d'éducation, il peut y avoir loin de la coupe aux lèvres, car la situation semble préoccupante. En effet, une proportion infime (0,5 %) des indigènes ont accès réellement à l'université. En réalité, l'enseignement supérieur n'est guère adapté aux us et coutumes des indigènes. L'absence d'adéquation sociale et culturelle de l'enseignement supérieur en rapport avec les peuples indigènes reflète les carences plus répandues dans le système d'éducation vénézuélien. Il en résulte un choc des cultures avec comme conséquence des résultats scolaires décevants, un grand nombre de décrocheurs, la séparation systématique des diplômés de leur communauté respective ainsi que leur non-retour dans cette même communauté. Or, la pertinence socioculturelle et l'accès à l'enseignement supérieur sont des aspects inséparables.
Le développement de l'enseignement supérieur indigène devrait subir une transformation radicale, ce qui amènerait les professeurs à repenser leurs pratiques pour rendre effectif le développement durable des populations indigènes. Il existe depuis 2010 l'Universidad Indígena de Venezuela, une université publique destinée aux indigènes et basée à Tauca dans l'État de Bolivar; il existe des campus dans l'État d'Amazonas. Il s'agit d'un établissement d'enseignement créé par la Causa Amerindia Kiwxi, dont l'objectif est de fournir des moyens pour le développement de l'éducation interculturelle bilingue. L'étudiant apprend à maîtriser le bilinguisme langue maternelle/castillan comme instrument essentiel des relations interculturelles et apprend à communiquer couramment en castillan et à maîtriser la lecture et l'écriture dans sa langue. En 2010, quelque 810 étudiants y étaient inscrits. Actuellement, on y compte sept disciplines de formation: droits des peuples indigènes, histoire, écologie indigène, ethnologie indigène, langues, art indigène, démonstration des zones de production durable.
4.5 Les résultats de l'éducation bolivarienne
Le problème, comme toujours, est de vérifier si les lois sont appliquées. Dans le cas du Venezuela, on peut penser que les probabilités pour que la législation soit appliquée dans son intégralité sont minces. Comme la politique linguistique ne constitue qu'un aspect de la politique globale à l'égard des indigènes et qu'elle couvre un vaste champ d'opération, elle ne peut que nécessiter du temps dans son application.
Ce ne sont pas les discours du président Chavez, émaillant ses discours de sempiternelles références à Simon Bolivar, à Che Guevara ou à Jean-Jacques Rousseau, qui amélioreront la situation des indigènes. Présentement, dans de nombreuses salles de classe, on enseigne à la fois le castillan et les langues indigènes. Mais les langues en présence ne sont guère de force égale. Les expériences d'éducation bilingues ont commencé en 1979 avec neuf ethnies: les Jiwi, les Kariña, les Pemón, les Pumé, les Warao, les Wayúu, les Yanomami, les Yekuana et les Yukpa; par la suite, on a incorporé les Piaroa et les Arawak. Étant donné que les langues indigènes ne font pas le poids devant le rouleau compresseur de l'espagnol, les résultats sont médiocres. L'État encourage et protège en principe les langues des communautés autochtones, mais il ne les place jamais sur le même pied que l’espagnol. Même si les instruments juridiques dont s’est doté le Venezuela sont très impressionnants, il n’en demeure pas moins que la plus grande partie de cette politique reste à se concrétiser, et les embûches sont encore bien réels. Dès que les langues indigènes et l'espagnol entrent en contact, la culture indigène s'affaiblit et a tendance à disparaître.
Le plus grave problème provient du fait que le système actuel ne répond pas aux besoins des autochtones, parce que ce sont des programmes nationaux qui n’intègrent aucun élément de la culture indigène. Les enseignants sont régis par des programmes urbains et traditionnels élaborés à Caracas, loin des populations indigènes qui vivent dans l'arrière-pays. Dans toutes les écoles, toute spécificité ou toute référence à la réalité indigène reste encore totalement absente. Les enseignants n'ont jamais été formés pour apprendre aux enfants comment préserver leur culture et leur langue, mais pour apprendre une autre langue et adopter une autre culture. La fameuse éducation «interculturelle» n'a jamais existé, car elle est à sens unique: elle n'a jamais impliqué des échanges réciproques entre les indigènes et les Mestizos. L'interculturalité n'est obligatoire que pour les indigènes. Pendant que les autochtones sont tenus de recevoir une éducation bilingue et de développer des habiletés de bilinguisme, les Mestizos s’en tiennent à la seule langue espagnole et, lorsqu'ils apprennent un autre langue, c'est l'anglais.
En éducation, la moitié seulement des enseignants est d’origine indigène, et les manuels adaptés en langue indigène font cruellement défaut. Il existerait quelques rares manuels dans une trentaine de langues, mais seulement cinq langues sont utilisées dans les écoles: le wayúu, le pemón, le pumé, le yekuana et le warao. Tous les autres enfants ne disposent que de manuels rédigés en espagnol. Il n'existe pas de manuels bilingues, encore moins de programmes d'études interculturels bilingues. Le régime interculturel n'a pas été implanté comme il devait l'être et comme le prévoyait la Constitution. Bref, le diagnostic est sombre. Il semblerait que les seuls établissements d'enseignement qui fonctionnent à peu près selon les dispositions constitutionnelles prévues sont ceux que dirigent les missions catholiques salésiennes dans le Haut-Orinoco (dans le Delta Amacuro: partie extrême-nord de la côte est). Autrement dit, le Venezuela n'a pas les moyens d'appliquer sa politique à l'égard des indigènes.
Les statistiques gouvernementales sont par ailleurs accablantes. Selon les chiffres de l'année 2000, quelque 43,5 % des autochtones de plus de 10 ans ne fréquentent pas d'école et sont analphabètes. L'analphabétisme touche 107 406 indigènes sur un total de 532 783, ce qui correspond à 20 % de l'ensemble. Or, la moyenne nationale est de 4 %. Les indigènes sont donc cinq fois plus analphabètes que les Mestizos. Quelque 45,7 % des enfants de plus de cinq ans ont déclaré avoir suivi au moins un an d'école primaire et 40 % n'ont pas atteint le niveau d'instruction attendu. Il est aussi établi que 80 % des enfants de plus de cinq ans parlent leur langue. Dans ce pourcentage, 75 % sont bilingues et 24,1 % parleraient seulement leur langue ancestrale. Enfin, 19,9 % des plus de cinq ans parlent seulement l'espagnol. Il faudrait certainement redoubler d'efforts pour renforcer le régime d'enseignement interculturel bilingue, de telle sorte qu'il desserve l'ensemble de la population indigène, dont 40 % reste illettrée, et pour empêcher la destruction de ce patrimoine culturel.
En ce qui a trait à l'éducation, la santé et les communications, un rapport de l'ONU, rapporté par Edith Mabel Cuñarro et Luz María Martínez de Correa (voir la bibliographie) signale que 65,16 % des communautés indigènes ne possèdent pas d'école, 86,8 % ne comptent pas de dispensaire ou de soins de santé, 95,8 % n'ont pas de radio; finalement, 63,8 % des communautés ne disposent d'aucun de ces trois services de base.
La législation vénézuélienne est claire en ce qui concerne les droits des indigènes à recevoir des informations dans leurs langues d'origine. Il s'agit surtout des médias électroniques destinés aux indigènes. L'article 44 de la Loi sur les langues indigènes oblige les médias communautaires indigènes à employer une langue autochtone:
Article 44
Emploi des langues indigènes dans les médias |
Quant à l'article 96 de la Loi organique sur les peuples et communautés indigènes, il oblige l'État à prendre des mesures efficaces pour promouvoir la transmission et la publication dans les langues indigènes, par les différents médias dans les régions ayant une présence indigène:
Article 96
Les médias indigènes |
5.1 Les médias électroniques
La législation concerne avant tout les médias électroniques,
notamment la «radio communautaire». Il existe au
Venezuela un réseau communautaire indigène appelé RENAVIVE: Red Nacional de
Voceros Comunitarios Indígenas de Venezuela, sous la responsabilité de la
Radio nationale du Venezuela :
Radio Nacional de Venezuela (RNV). La Radio nationale dispose d'un «canal
indigène»: le Canal Indígena de Radio Nacional de Venezuela, lequel est
installé dans les diverses régions sous la juridiction du ministère du
Pouvoir Populaire pour les peuples autochtones ("Ministerio del Poder
Popular para los Pueblos Indígenas"), afin de renforcer le droit de
participation, d'information et de communication des peuples indigènes,
ainsi que pour assurer la souveraineté de l'État par l'émission
d'informations officielles dans tout le pays.
Le "Red Nacional de Voceros Comunitarios Indígenas" vise à consolider la
présence des médias audiovisuels dans les zones à haute indice de population
indigène, lesquelles en raison de leurs conditions géographiques et de la
distance avec les centres d'activité économique, n'ont jamais bénéficié
jusqu'à présent d'agents des médias. La "Radio Nacional de Venezuela
Indígena" a commencé ses opérations avec des radios locales transmettant des
émissions dans les communautés indigènes des États de Zulia, d'Apure, de
Bolivar et d'Amazonas, à l'intention des ethnies karina,
pumé, wayuu,
arahuaco, yekuana, yanomami, etc. Les radios
communautaires desservent en général entre 200 et 1000 auditeurs.
Ce type de média est directement géré par des organismes de la société civile à but non lucratif, avec une forte empreinte de la participation communautaire dans la programmation et la gestion des stations. Au Venezuela, selon l'Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (Asociación Mundial de Radiodifusores Comunitarios), la radio communautaire peut porter différents noms : Radio Comunitaria, Radio Rural, Radio Cooperativa, Radio Participativa, Radio Libre, Radio Alternativa, Radio Populares, Radio Educativa, etc. Les stations de radio sont situés autant dans les zones rurales isolées que dans le cœur des grandes villes, par exemple, la Radio Alternativa de Caracas (RAC).
La programmation de chaque station doit respecter des normes précises édictées dans le Règlement de la radiodiffusion et de la télédiffusion de service public communautaire, à but non lucratif (2002):
Article 26 Programmation 2. Assurer la transmission de programmes à contenu éducatif, culturel et informatif, qui profitent au développement communautaire et aident à résoudre les problèmes de la communauté. 3. Assurer la transmission des messages du service public, qui contribuent à la solution des problèmes de la communauté. 4. Disposer des espaces disponibles pour assurer la participation directe des membres de la communauté, afin de garantir le droit des citoyens à la communication libre et plurielle. 5. Assurer le respect des valeurs éthiques de la famille et de la société vénézuélienne, et prévenir la discrimination fondée sur des motifs liés aux convictions politiques, à l'âge, à la race, au sexe, aux croyances, au statut social ou à toute autre situation. 6. S'abstenir absolument de transmettre des messages partisans ou prosélytistes de toute nature. |
Contrairement à une station de radio ordinaire, la radio communautaire a une portée de diffusion et une puissance de signal très limitées, généralement de 800 watts. Certaines stations fonctionnent temporairement dans des centres communautaires et des centres de santé, qui ont été correctement équipés, mais d'autres bénéficient de bâtiments permanents. La plupart des stations comptent non seulement d'antennes de radio, mais aussi d'un récepteur satellite, d'équipements de diffusion professionnelle, d'une console audio, de lecteurs CD/DVD, du matériel informatique nécessaire pour la production de contenus culturels, de nouvelles et de musique. Toutes les stations diffusent à la fois en espagnol et dans une ou plusieurs langues indigènes.
Les stations destinées aux indigènes constituent des exemptions à la Loi sur la responsabilité sociale à la radio, à la télévision et dans les médias électroniques (art. 4), qui impose l'emploi de l'espagnol (castillan), sauf «dans le cas des informations diffusées par les services de radio et de télévision ciblant spécifiquement les peuples et communautés indigènes, ainsi que l'emploi officiel des langues indigènes»:
Article 4 2. Dans le cas des œuvres musicales. 3. Dans le cas des termes d'usage universel, qui ne supportent pas, entre autres, la traduction technique, scientifique et artistique. 4. Dans le cas des mentions de marques commerciales. 5. Pour tout autre cas autorisé par la Commission nationale des télécommunications, en conformité avec la loi. Dans le cas des informations diffusées par les services de radio et de télévision ciblant spécifiquement les peuples et communautés indigènes, ainsi que l'emploi officiel des langues indigènes. |
5.2 La presse écrite
La presse écrite indigène est fort limitée. Quand elle existe, elle est généralement rédigée en espagnol. Il existe cependant un journal indigène: Wayuunaiki. C'est un périodique mensuel bilingue, de format tabloïd, de 16 ou 20 pages, écrit en partie en wayuu, une langue parlée par quelque 170 000 locuteurs au Venezuela. Interculturalité oblige, le journal contient des articles en wayuu et en espagnol, qui portent sur les actualités indigènes. Plusieurs des articles sont des traductions de l'espagnol. Le journal atteint presque toutes les municipalités indigènes de des États de Zulia, d'Amazonas et de Bolivar. |
La Loi sur les langues indigènes de 2008 créait 'Institut national des langues indigènes ("Instituto Nacional de Idiomas Indígenas"). Selon l'article 10 de la loi, cet organisme national doit mettre en œuvre des politiques et des activités visant à la protection, la défense, la promotion, la préservation, le développement, l'étude, la recherche et la diffusion des langues indigènes et doit aussi en assurer l'emploi approprié. En vertu de l'article 12 de cette loi, l'Institut national des langues indigènes a les responsabilités suivantes:
1. respecter et veiller à l'application de la Loi sur les langues indigènes; 2. conseiller les autorités sur la conception et la planification des politiques linguistiques en éducation; 3. Conseiller les organismes des
pouvoirs publics nationaux, provinciaux (les États fédérés) ou municipaux en ce qui
concerne l'emploi, la connaissance, la défense, la préservation
et la promotion des langues et des cultures des peuples
indigènes; 11. promouvoir l'emploi des langues indigènes dans les manifestations publiques, nationales et internationales, en particulier dans les États et les municipalités indigènes; 12. promouvoir les mécanismes de communication
avec les organismes internationaux, les consulats, les
ambassades, les organisations indigènes internationales, en
matière de droits linguistiques pour les peuples indigènes; 14. veiller à l'utilisation de la toponymie des
peuples et communautés indigènes dans la cartographie et les
documents officiels, ces activités devant s'effectuer en
collaboration avec l'Institut géographique Simon Bolivar du
Venezuela; 16. avaliser conjointement avec les autorités
compétentes en matière d'éducation les textes scolaires et
littéraires, les documents pédagogiques audiovisuels ou les
publications de toute nature rédigés dans les langues indigènes; 18. promouvoir l'étude et la recherche sur l'histoire et la réalité actuelle des langues indigènes du Venezuela; 19. Organiser la coordination avec les conseils communautaires indigènes et les organisations indigènes en matière linguistique; 20. Établir des stratégies pour l'interaction et la coopération avec d'autres entités et organismes dans le domaine des langues indigènes; 21. édicter ses propres règles d'organisation et de fonctionnement. |
Il s'agit d'un programme extrêmement ambitieux qui couvre toutes les sphères d'activités des peuples indigènes. La loi énonce également que le Conseil des langues indigènes ("Consejo de Idiomas Indígenas") est l'organisme consultatif des politiques, programmes, projets et activités destinés aux peuples et aux communautés indigènes. Bien que, selon les estimations, la population autochtone ne compte qu'un million d'individus, sur un total de 27 millions de Vénézuéliens, les coutumes indigènes sont maintenant considérés comme une valeur importante de la nation vénézuélienne.
La situation linguistique du Venezuela n’est pas radicalement différente des autres pays de l’Amérique du Sud. Les communautés autochtones sont généralement concentrées dans les zones rurales éloignées des grands centres et disposent de services réduits par apport au reste de la population. En ce qui a trait à la politique linguistique, rares sont les États qui se préoccupent adéquatement de leurs populations autochtones, autrement que par des textes juridiques symboliques, visant davantage à calmer l’opinion publique internationale que de favoriser les citoyens les plus pauvres de leur pays.
Le cas du Venezuela est particulier dans la mesure où l'État vient de se doter d'instruments juridiques très élaborés pour assurer le respect des droits des communautés autochtones. Contrairement à la plupart des autres pays latino-américains, les textes juridiques vénézuéliens se contentent pas d'énumérer de grands principes sur la reconnaissance des populations autochtones. Les modalités sont connues et leurs applications, réalisables avec des moyens financiers beaucoup plus considérables que ceux dont l'État a disposé jusqu'à présent.
Quant à la politique linguistique elle-même, elle n'est pas limitée à la fameuse éducation bilingue, car elle englobe des services relevant de l'Administration, de la santé, de la justice, de la culture, etc. En ce sens, elle s'oriente vers une politique globale. Il reste encore à intégrer l'éducation interculturelle qui, pour le moment, reste encore un idéal à atteindre. En réalité, le Venezuela vit une période de transition. Les instruments juridiques dont sont dotées les populations autochtones n'ont certainement pas atteint leurs objectifs en si peu de temps. Ainsi, la Loi organique sur les peuples et communautés indigènes (2005) et la Loi sur les langues indigènes (2008) sont relativement récentes à ce point qu'elles n'ont pu être appliquées intégralement. On pourrait tout de même accorder une «chance au coureur», car le travail à accomplir est gigantesque, mais la situation actuelle est le fruit de deux siècles de «colonialisme de l'intérieur».
En 2005, le Comité sur l'élimination de la discrimination raciale des Nations unies (CERD) a publié un rapport sur le Venezuela. Le comité a conclu que les dispositions contenues dans la Constitution de 1999 constituaient un pas en avant reconnaissant le caractère multiethnique et multiculturel de la société vénézuélienne. Par ailleurs, le CERD a noté avec satisfaction la création d'institutions spécialisées pour protéger les autochtones, notamment en matière d'éducation, de justice et de services administratifs. Par ailleurs, le CERD a salué la Loi sur la responsabilité sociale à la radio, à la télévision et dans les médias électroniques du fait qu'elle inclut la promotion de la tolérance entre les peuples comme un de ses objectifs. Évidemment, le Comité de l'ONU a noté certains problèmes qui doivent être corrigés par le gouvernement vénézuélien, de sorte que des mesures efficaces fassent cesser toute violence pouvant affecter les populations autochtones.
À la lumière de la législation vénézuélienne, on peut dire que l'État fédéral commence à se soucier sérieusement de ses «indigènes», même s'ils ne comptent que pour 2 % de la population du pays. Le Venezuela dispose de tous les instruments juridiques pour devenir un modèle du genre sur ce continent. Il lui reste à avoir les moyens de sa politique. Toutefois, l'État vénézuélien ne va pas jusqu'à prétendre que les droits des indigènes sont sans limite, car il convient de ne pas mettre en danger l’intégrité territoriale et la souveraineté que le peuple vénézuélien, en tant qu’unité supérieure et intégratrice des indigènes, possède sur la totalité du territoire national. L'État entend conserver un contrôle non seulement sur l'intégrité territoriale, mais aussi sur les ressources naturelles qui lui sont octroyées par la Constitution. En fait, le «bon indigène» demeure celui qui est satisfait de sa parcelle de terre, qui a le droit de promouvoir sa culture et sa langue, mais qui reconnaît en même temps la primauté de l'État sur ses droits individuels. La reconnaissance des droits égaux pour tous est une chose, mais son transfert dans la réalité en est une autre. La révolution bolivarienne nous montre que l'État peut subordonner les intérêts des minorités indigènes à ses propres objectifs d'intégration sociale, ce qui comprend les indigènes.
La politique indigéniste et la politique linguistique est due en partie aux idéaux de l'ex-président Hugo Chavez. Pour les uns, Hugo Chávez était un fou («el Loco»), tandis que pour les autres il demeurait le leader (el «Comandante»). De leur côté, les médias l'accusaient d'être «populiste» parce qu'il recourait souvent à ce qu'il appelait lui-même la «démocratie participative». C'est un style de direction qui plaisait au petit peuple, longtemps mis à l'écart par les pouvoirs précédents, mais qui continue aujourd’hui de vivre dans un pays où l’écart entre les riches et les pauvres est colossal, et où la classe moyenne s’est réduite comme une peau de chagrin et où la criminalité bat les pires records. Malgré des revenus pétroliers de 50 milliards de dollars annuels, le Venezuela compte une population parmi les plus pauvres de l'Amérique latine. En effet, le pays se classe au 72e rang dans l'indice de développement humain, suivi de près par le Pérou. La pauvreté touche 74 % de la population vénézuélienne, dont la moitié de celle-ci est aux prises avec une pauvreté extrême, notamment les populations autochtones. Manifestement, la «révolution bolivarienne» n'a pas encore donné tous ses fruits. Maintenant que le «Comandante» est mort, le régime va se chercher un certain temps.
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04 janv. 2024
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