République de Croatie

Croatie

(1) Informations préliminaires


Les sites portant sur la Croatie et ressemblant
au présent site sont des plagiats de ce dernier.

Capitale: Zagreb  
Population: 4,4 millions (2011)
Langue officielle: croate
Groupe majoritaire: croate (89,6 %)
Groupes minoritaires: serbe (4,5 %), bosniaque (0,47 %), italien (0,44 %), hongrois (0,37 %), albanais (0,34 %), slovènes (0,30 %), ruthène, allemand, ukrainien, monténégrin, macédonien, polonais, roumain, russes, turc, etc.
Système politique: république parlementaire
Articles constitutionnels (langue): art. 12, 14, 15, 16, 17, 29 et 141.d de la Constitution de 2010
Lois linguistiques: Charte des droits des Serbes et des autres nationalités en république de Croatie (1991); Loi constitutionnelle sur les droits et les libertés de la personne et sur les droits des communautés ou des minorités nationales et ethniques de la république de Croatie (1991-2000); Loi sur l'emploi de la langue et de l'alphabet des minorités nationales (2000); Loi sur l'éducation dans les langues et alphabets des minorités nationales (2000); Loi sur l'autonomie locale et régionale (2001); Loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales (2002);
Lois à portée linguistique: Loi sur la procédure administrative générale (1991, abrogée); Loi sur le prénom (1992); Loi sur les sociétés commerciales (1993); Loi sur l'élection des membres des organismes représentatifs des collectivités locales et des administrations (régionales) locales (2001); Loi sur les cartes d'identité (2002); Statut de la région istrienne (2003); Loi sur la protection du consommateur (2003); Loi sur la radiotélévision croate (2003); Loi sur la procédure civile (2003); Loi sur l'enseignement supérieur et la science (2003); Loi sur la procédure pénale (2003); Loi sur l'élection des représentants au Parlement croate (2003); Ordonnance sur l'étiquetage ou le marquage général des produits alimentaires (2004); Code pénal (2004); Loi sur les tribunaux (2005); Loi sur l'éducation et l'enseignement au primaire et au secondaire (2008); Loi sur la procédure administrative générale (2009); Loi modifiant la Loi sur l'élection des membres du Parlement croate (2010).

1 Situation géographique

La république de Croatie (en croate Hrvatska) est un pays d'Europe orientale, situé dans la péninsule des Balkans. La Croatie est limitée nord par la Slovénie et la Hongrie, à l'est et au sud par la Bosnie-Herzégovine et à l'est par la Serbie.

 C'est un pays d'une superficie de 56 542 km², soit l'équivalent de la Bosnie-Herzégovine ou de la Slovaquie (Allemagne: 357 021 km²). L'ouest de la Croatie, qui constitue la province de Dalmatie, est bordé par la mer Adriatique et au sud par la république de Monténégro en Yougoslavie. La capitale est Zagreb.

Le pays est divisé administrativement en 20 régions ou joupanies (zupanija) et la capitale qui constitue à elle seule un comitat* : Bjelovarsko-Bilogorska Zupanija, Brodsko-Posavska, Zupanija, Dubrovacko-Neretvanska Zupanija, Istarska Zupanija, Karlovacka Zupanija, Koprivnicko-Krizevacka Zupanija, Krapinsko-Zagorska Zupanija, Licko-Senjska Zupanija, Medimurska Zupanija, Osjecko-Baranjska Zupanija, Pozesko-Slavonska Zupanija, Primorsko-Goranska Zupanija, Sibensko-Kninska Zupanija, Sisacko-Moslavacka Zupanija, Splitsko-Dalmatinska Zupanija, Varazdinska Zupanija, Viroviticko-Podravska Zupanija, Vukovarsko-Srijemska Zupanija, Zadarska Zupanija, Zagreb, Zagrebacka et Zupanija (voir la carte 1 détaillée).

On peut consulter aussi la carte des régions historiques : la Slavonie, la Croatie centrale, la Lika et le Gorski Kotar, l'Istrie et la Dalmatie (voir la carte 2 détaillée).

La Loi sur l'autonomie locale du 10 avril 2001 a transféré des compétences de l'État vers les collectivités territoriales et garantit leur autonomie.

Les municipalités sont responsables, outre l'enseignement primaire, de l'organisation des opérations électorales, de l'entretien de la voirie et de l'habitat, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire, de l'action sociale, de l'action culturelle, de l'aide médicale élémentaire, de la protection civile, de la protection du consommateur et de la protection de l'environnement. À l'exception des compétences des communes, les joupanies (zupanija) et les villes de plus de 30 000 habitants contrôlent les domaines suivants : l'enseignement secondaire et universitaire, la santé, le développement économique et les transports.

L'organisation territoriale de la Croatie comprend deux niveaux: les collectivités régionales (21 zupanija) et les collectivités territoriales ou municipalités (423 communes et 123 villes). La capitale, Zagreb, constitue à elle seule une zupanija. Les communes, au nombre de 423, comprennent généralement plusieurs localités habitées, dont le nombre sur l'ensemble du territoire croate s'élève à quelque 6700; les communes comptent au maximum 30 000 habitants. Le statut de ville est attribué aux chefs-lieux des zupanije, aux agglomérations de plus de 10 000 habitants et, à titre exceptionnel, aux villes qui peuvent y prétendre pour des raisons historiques, économiques, urbanistiques, etc.
De statut comparable, les communes et les villes sont des municipalités. Quant à la zupanija, elle est caractérisée par un territoire qui se veut le reflet d'une unité géographique, historique, économique, défini dans l'intention de favoriser le développement coordonné de la région dans son ensemble.

2 Données démolinguistiques

D'après le recensement de 1991, la population de la Croatie s'élevait à 4,7 millions d’habitants. En 1993, elle était estimée à 4,6 millions d’habitants; en raison de l'exode massif des Serbes de la Krajina en 1995, la population a sans doute encore baissé depuis. Les Croates représentent le groupe majoritaire avec 78 % de la population.

2.1 La Croatie yougoslave

Avant la proclamation de l’indépendance (1991) de l’ex-Yougoslavie, la Croatie avait fait partie au cours de l'histoire de différents États sur le territoire desquels des groupes de population se sont déplacés. C'est pourquoi le territoire de la Croatie est aujourd'hui habité par des membres d'autres nations avec lesquelles la Croatie, ou certaines de ses régions, ont coexisté dans le même État. C’est alors que des minorités serbe, italienne, hongroise, tchèque, slovaque, allemande et autrichienne, ukrainienne et ruthène vivent sur le territoire de la république de Croatie en tant que minorités nationales. Selon le recensement de 1991, les «nationaux» de la république de Croatie se sont déclarés membres de 23 nationalités différentes, mais la plupart d'entre elles n'ont pas le statut de «minorité nationale».

Selon le recensement officiel de 1991, le gouvernement de la Croatie établissait les membres des minorités nationales comme suit:

Minorité

Nombre      (%)

Langue maternelle

Nombre

Serbes
Hongrois
Italiens
Tchèques
Slovaques
Ruthènes
Allemands
Ukrainiens

581 663
22 355
21 303
13 086
 5 606
 3 253
 2 635
 2 495

12,3 %
0,48 %
0,45 %
0,28 %
0,12 %
0,07 %
0,06 %
0,05 %

serbe
hongrois
italien
tchèque
slovaque
ruthène
allemand
ukrainien

207 300
 19 684
 26 580
 10 378
    5 265
    2 845
- - -
    1 430

2.2 La Croatie indépendante

Au recensement de 2001, la population se répartissait de la façon suivante:

Minorité

Nombre      (%)

Langue maternelle

Croates
Serbes
Bosniaques
Italiens
Hongrois
Albanais
Slovènes
Autres

3 977 171
   201 631
    20 755
   19 635
    15 595
    15 082
    13 137
   174 454

89,6 %
4,5 %
0,47 %
0,44 %
0,37 %
0,34 %
0,30 %
3,93 %

croate
serbe
bosniaque
italien
hongrois
albanais
slovène
----

D’après ce second tableau illustrant une situation dix ans plus tard, ce sont les Serbes (ou Srbi) qui constituent la minorité la plus importante, car ils forment 4,5 % de la population, contre 12,3 % dix ans plus tôt: quelque 380 000 Serbes ont quitté la Croatie, soit près des deux tiers.

- Les minorités nationales

La grande majorité des Serbes vivent dans les enclaves de la Slavonie orientale (à la frontière avec la Serbie) et de la Slavonie occidentale, notamment dans la région d'Okucani. Auparavant très présents dans la Krajina (Croatie occidentale et centrale), les Serbes ont dû fuir de force cette région qui s’est ensuite peuplée de Croates venus de Bosnie. La communauté serbe reste néanmoins importante dans les zupanije (régions) de Vukovar-Srijem (15,4 %), Sisak-Moslavina (11,7 %), Lika-Senj (11,5 %), Karlovac (11,0 %), Sibenik-Knin (9,1 %) et Osijek-Baranya (8,7 %). Par ailleurs, les Serbes constituent 2,4 % de la population de Zagreb (capitale) et 32,9 % des 32 000 habitants de la ville de Vukovar.

Les autres minorités nationales présentes en Croatie sont les Bosniaques ou Bošnjaci en croate(0,47 %), les Italiens ou Talijani (0,44%), les Hongrois ou Mađari (0,37 %), les Albanais ou Albanci (0,34 %) et les Slovènes ou Slovenija (0,30 %). Cependant, il s’agit là de la liste des minorité officiellement reconnues. Les autres minorités réunies (3,8 %) regroupent différentes petites nationalités telles que les Ruthènes, les Allemands et les Autrichiens, les Ukrainiens, les Monténégrins, les Macédoniens, les Polonais, les Roumains, les Russes, les Turcs, etc.

Bref, les minorités nationales de Croatie ont représentées surtout par des langues slaves (serbe, tchèque, slovaque, ruthène et ukrainien), puis par des langues romanes (italien), des langues germaniques (allemand) et des langues ouraliennes (hongrois).

- Les italophones

Les Italophones sont concentrés principalement dans les joupanies de l’Istrie et de Primorsko-Goranska. En Istrie où l'italien est co-officiel avec le croate, les joupanies bilingues sont les suivantes:

Buje-Buie, Buzet, Labin, Novigrad-Cittanova, Pazin, Poreč-Parenzo, Pula-Pola, Rovinj-Rovigno, Umag-Umago i Vodnjan-Dignano, Bale-Valle, Barban, Brtonigla-Verteneglio, Cerovlje, Fažana-Fasana, Funtana-Fontane, Gračišće, Grožnjan-Grisignana, Karojba, Kanfanar, Kaštelir-Labinci et Castelliere-S. Domenica, Kršan,  Lanišće, Ližnjan-Lisignano, Lupoglav,  Marčana, Medulin, Motovun-Montona, Oprtalj-Portole, Pićan, Raša, Sveta Nedjelja, Sveti Lovreč, Sveti Petar u Šumi, Svetvinčenat, Tar Vabriga-Torre Abrega, Tinjan, Višnjan-Visignano, Vižinada-Visinada, Vrsar-Orsera  et Žminj. 

On estime qu'environ 35 000 italophones vivent en Croatie: selon les données officielles du recensement de 2001, ils étaient 20 521 à déclarer l'italien comme langue maternelle et 19 636 à se déclarer d'ethnie italienne. Les Croates accordent à une cinquantaine de collectivités locales des droits linguistique en italien. Selon le recensement de 2001, les municipalités de la Croatie ayant le plus haut pourcentage d'habitants de langue italienne étaient toutes en Istrie : Grisignana/Grožnjan (66,1 % d'italophones), Verteneglio/Brtonigla (41,2 %), Buie/Buje (39,6 %), Portole/Oprtalj (32,1 %), Valle d'Istria/Bale (22,5 %), Umago/Umag (20,7 %) et Dignano/Vodnjan (20,0 %). La ville de Grisignana/ Grožnjan) est la seule ville avec une majorité absolue d'italophones croates: plus des 2/3 des citoyens parlent encore l'italien et dans le recensement de 2001, plus de 53% se sont déclarés de langue maternelle italienne ("Italiano di madrelingua italiana"). Dans la région de Primorsko-Goranska, il y aurait au total quelque 3540 (1,16%) italophones dans les villes de Buje, de Pula, de Rovinj, de Rijeka et de Pakrac; la ville de Rijeka abrite à elle seule quelque 2300 italophones, bien que la communauté italienne locale compte environ 6000 membres. Sur la côte dalmate, il ne resterait que 500 italophones, principalement à Zara (en croate: Zadar) et Spalato (en croate: Split). Dans ce groupe ethnique dit «italien», les italophones comprennent à la fois ceux qui parlent le vénitien ou vénétophones (au nord-ouest de l'Istrie et de la Dalmatie) ainsi que ceux qui parlent l'istrioto (istriote ou istrien) sur côte sud-ouest de l'Istrie.

- Les Tchèques, Slovaques, Hongrois, etc.

Les Tchèques habitent essentiellement les villes de Daruvar, Grubisno Polje, Zagreb, Pakrac, Bjelovar, Kutina, Rijeka, etc. Les Slovaques résident dans les villes de d’Ilok, Nasice, Osijek et Zagreb. La plupart des Hongrois vivent dans les villes de Beli Manastir, Osijek, Vukovar, Vinkovci, Zagreb, Bjelovar, Daruvar, Rijeka, Pula, Dakovo et Fente. Les Ruthènes résident dans les municipalités de Vukovar, Vinkovci, Zagreb et Slavonski Brod (34), tandis que les Ukrainiens habitent Vukovar, Slavonski Brod, Novska, Zagreb et Vinkovci.

Pour leur part, les Serbes sont concentrés à Zagreb, Knin, Osijek, Vukovar, Karlovac, Rijeka, Sisak, Benkovac, Petrinja, Beli Manastir, Glina, Pakrac, Vrginmost, Daruvar, Vojnic, Vrbovsko et Lipik. Quant aux Allemands, ils se retrouvent principalement à Beli Manastir, Zagreb, Osijek, Vukovar, Slavonski Brod, Rijeka et Pakrac, tandis que les quelques Autrichiens habitent Zagreb et Rijeka. Précisons que les Slovènes, qui sont 13 000, sont répartis à Rijeka, Zagreb, Fente, Pula, Cakovec, Opatija et Buje. La plupart des autres minorités (Albanais, Tsiganes, Monténégrins et Macédoniens) habitent Zagreb, Fente, Osijek, Rijeka, Pula et Slavonski Brod.

- Les Bosniaques

Par ailleurs, la Croatie est «l'hôte» de quelque 170 000 réfugiés bosniaques, dont 30 000 musulmans environ. Les autres sont des Croato-Bosniaques. Tous ont fui le long conflit qui a sévi en Bosnie-Herzégovine. Quelque 180 000 ressortissants croates ont été contraints de fuir leurs foyers pendant la guerre serbo-croate de 1991, mais sont restés à l'intérieur des frontières de leur pays. En outre, il y a 60 000 personnes déplacées (Serbes) en Slavonie orientale, une région administrée par les Nations unies à la frontière de la Croatie et de la Serbie. L'afflux des réfugiés a atteint un niveau record en 1992. Néanmoins, des réfugiés ont continué d'arriver en Croatie, le «nettoyage ethnique» du nord de la Bosnie se poursuivant jusqu'en octobre 1995. Le nombre des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du territoire a diminué après avoir atteint un sommet à la fin de fin 1992, quand la Croatie comptait quelque 350 000 réfugiés et 265 000 personnes déplacées. Depuis, beaucoup ont cherché asile dans d'autres pays.

Quelques milliers de personnes déplacées sont retournées dans leurs villages d'origine en Krajina, que 170 000 Serbes de souche ont fui pendant la reconquête de mai et août 1995. La plupart de ces citoyens croates sont désormais réfugiés en Serbie. Leur rapatriement dépend d'un accord entre la Croatie et la Serbie.

Selon une enquête réalisée en 2001, quelque 76 % des citoyens croates se déclaraient de religion catholique. Le pays compte des communautés orthodoxes, musulmanes ou réformées (chez les minorités hongroises du nord de la Croatie). Plus précisément, le recensement de la population croate de 2001 donne la répartition suivante des différentes confessions religieuses : catholiques, 87,8 %; orthodoxes, 4,4 %; musulmans, 1,3 %; protestants, 0,3 %; juifs (quelques milliers), non-croyants et agnostiques, 5,2%; divers 1%.

Dans la région de Primorsko-Goranska, il y aurait au total quelque 3540 (1,16%) italophones dans les villes de Buje, de Pula, de Rovinj, de Rijeka et de Pakrac.

3 Le serbo-croate et le croate

L’ancienne République fédérale socialiste de Yougoslavie comptait six républiques: la Serbie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, la Slovénie et le Monténégro, mais ne reconnaissait que trois langues nationales (hormis les minoritaires): le slovène, le serbo-croate, et le macédonien (un dialecte bulgare). La Croatie constituait la seconde république en importance après la Serbie.

3.1 Le serbo-croate

Le serbo-croate a été défini comme langue unitaire (avec quatre variantes dialectales: le tchakavien, le kaïkavien, le chtokavien et le torlakien) par le linguiste Jernej Kopitar en 1809. Il est à l'origine des mouvements «austroslaviste» (renaissance culturelle slave en Autriche-Hongrie) et «yougoslaviste» (unité de tous les Slaves méridionaux). Mais c'est le régime de communiste de Tito, qui en 1954 imposa l’accord de Novi Sad sur l’unité linguistique. Cet accord unifiait officiellement le croate et le serbe sous la forme du serbo-croate, avec des variantes occidentales (kaïkavienne et tchakavienne formant le croate) et orientales (chtokavienne et torlakienne formant le serbe). Pour Tito, une langue commune représentait un élément important de l'idéologie fondée sur «la fraternité et l’unité» et visait à établir une unité culturelle et politique sous la bannière du socialisme. En niant l’existence d’une langue croate et d'une langue serbe distinctes, Tito espérait simplement résoudre le problème du nationalisme, mais n'a fait que l'exacerber: les Croates orientaux, les Bosniaques et les Monténégrins notamment contestaient le rattachement du parler chtokavien à la variante serbe, car eux aussi le parlent.

Tito niait la distinction croate/serbe, mais il ne l'a pas «supprimé» puisque ces dénominations continuaient à figurer dans les statistiques officielles. Sur le terrain tout locuteur, qu'il soit serbe ou croate, se comprenait et se comprend encore. Il y avait des blagues du genre: «Les Croates et les Serbes sont-ils frères? -Évidemment: qui choisit sa famille?»; ou encore «Êtes-vous yougoslave? -Je suis Croate, répondit-on, acerbe».

À l’époque de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, le serbo-croate constituait donc une seule et unique langue. Mais les Croates disaient parler le croato-serbe et l'écrivaient en alphabet latin, alors que les Serbes parlaient le serbo-croate qui s'écrivait en alphabet cyrillique, utilisé aussi par les Russes et les Bulgares. Ces différences d'écriture résultent en grande partie du choix des deux peuples: lors de la séparation des églises occidentales et orientales en 1054, les Croates ont choisi l'Église romaine de rite latin, tandis que les Serbes ont choisi l'Église byzantine de rite grec. 

La mort de Tito en 1980 signa la fin de la fédération yougoslave, car les revendications autonomistes firent éclater le pays, surtout de la part des Croates, des Slovènes et des Bosniaques. Lors du démantèlement de la Yougoslavie socialiste et de la déclaration unilatérale d’indépendance, le 25 juin 1991, la langue serbo-croate était parlée par 95 % de la population: quelque 80 % de Croates et quelque 15 % de Serbes.

Toutefois, après le début des hostilités avec la Serbie en 1991, les Croates ont cherché à accentuer les différences entre le croate et le serbe, ressuscitant des archaïsmes lexicaux et soulignant la différence d'écriture. Aujourd’hui, on ne parle plus du serbo-croate comme langue, mais du croate ET du serbe comme de deux langues distinctes. L’écriture de l’une reste incompréhensible pour les locuteurs de l’autre langue, mais à l’oral l’intercompréhension demeure encore presque parfaite. Bien entendu, le croate est devenu la langue officielle de la nouvelle république de Croatie, alors que le serbe est devenu la langue officielle de la république de Serbie. Il n'en demeure pas moins que, linguistiquement, il s'agit de la même langue, avec le bosniaque (Bosnie-Herzégovine) et le monténégrin (Monténégro).

3.2 Le croate et ses variantes

Cependant, la langue croate regroupe trois variétés dialectales: le sxtokavien occidental, le kajkavien et le cxakavien. Ces termes auraient été utilisés en référence à la forme prise par le pronom interrogatif quoi : kaj (en kajkavien), cxa (en cxakavien) et sxto (en sxtokavien).

Le kajkavien est généralement parlé au nord de Zagreb. Le cxakavien est parlé à l’ouest (surtout en Istrie et dans les îles au nord de Korcula), alors que le sxtokavien occidental est parlé dans le reste du pays (Slavonie, Centre, Lika et Dalmatie).

Pour ce qui est plus précisément du sxtokavien occidental, il est lui-même fragmenté en deux sous-variétés: l'ikavien et l'ijékavien. Le sxtokavien occidental est parlé à l'extérieur des frontières de la Croatie, notamment par les Croates de Bosnie-Herzégovine.

C'est la variété du stokavien-ijékavien qui sert de norme à la langue littéraire croate, codifiée dès 1604 par le jésuite Bartol Kasic (1575-1650) dans la Grammaire et le Dictionnaire croate-italien (1599), lesquels demeurèrent en usage jusqu'en 1924.

Majuscule Minuscule Correspondance phonétique Majuscule Minuscule Correspondance phonétique
A a [a] L l [l]
B b [b] Lj lj [l] mouillé (c milieu)
C c

[ts] (c. tsar)

M m [m]
Č č

[tch] dur (> tchador)

N n [n]
Ć ć

[tch] mouillé

Nj nj [gn]
D d [d] O o [o]
Dž dž [dj] dur (c. djinn) P p [p]
Đ đ [dj] mouillé R r [r]  (roulé)
E e [è] S s [s]
F f [f] Š š [ch]
G g  [g] (c. gare) T t [t]
H h [j] (c. jota espagnole U u [ou]
(c. fou)
I i [i] V v [v]
J j y (c. yoyo) Z z [z]
K k k Ž ž [j]
Quant à l'orthographe croate, elle a été fixée et normalisée vers le milieu du XIXe siècle grâce surtout à Ljudevit Gaj, un nationaliste croate important dans le renouveau national croate appelé «mouvement illyrien».

L'écriture croate s'écrit avec l'alphabet latin et utilise 30 lettres. Contrairement au français dont l'orthographe est étymologique, l'orthographe croate est phonétique: toutes les lettres se prononcent et chacun des signes employés correspond à un seul phonème. Les digrammes tels que dž, lj et nj respectent la même règle représentent donc deux lettres et deux sons distincts, mis un seul phonème. Le croate n'a que cinq voyelles orales: [a], [e], [i]. [o] et [ou].

À la différence du français, le h croate se prononce et correspond entre le [h] de half anglais et le [j] espagnol de mejor. Pour sa part, le r croate n’est pas guttural comme en français guttural, mais plus en avant de la cavité buccale et très «roulé». Quant au lj croate, il est intermédiaire au français [l] et [lië].

En affirmant parler le croate plutôt que le croato-serbe (comme on l'appelait à Zagreb), les Croates d'aujourd'hui veulent s'identifier comme des Croates, et non plus comme des Yougoslaves ou des ex-Yougoslaves, encore moins être associés aux Serbes. En mars 2005, l’Académie croate des sciences et des arts (HAZU) adoptait une nouvelle déclaration sur la langue croate. L'Académie semble avoir peur de la multiplication des anglicismes dans la langue croate, mais en même temps elle craint l'entrée de la Croatie dans l'Union européenne, qui constituerait une menace pour la survie du croate. D'autres croient qu'une telle prise de position vise à établir une isolation politique et linguistique du pays.
 

Dernière mise à jour: 02 déc. 2024

 

La Croatie

 


La politique linguistique de croatisation
 


La politique linguistique à l'égard des minorités nationales
 

Bibliographie
 

L'Europe

Accueil: aménagement linguistique dans le monde