Burgenland

Land d'Autriche

Capitale:  Eisenstadt
Population: 297 583 (2022)
Langue officielle: allemand 
Groupe majoritaire: allemand (87,4%)
Groupes minoritaires: croate (5,9%), hongrois (2,4%), romani
Articles constitutionnels (langue): art. 8 de la Constitution fédérale de 1983 (modifiée en mai 2000); le traité de Saint-Germain-en-Laye (1919); Traité relatif au droit de nationalité et à la protection des minorités (1920); Traité d’État du 15 mai 1955; Constitution du Burgenland (1981).
Lois linguistiques fédérales: Loi sur les groupes ethniques (1976, modifiée en 2013);
Décret du gouvernement fédéral sur les conseils consultatifs des minorités nationales (1977); Décret du gouvernement fédéral définissant les aires où les inscriptions topographiques doivent être en allemand et en slovène (1977); Décret du gouvernement fédéral définissant les tribunaux, les autorités administratives et autres services publics où la langue croate est également autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand (1990); Décret du gouvernement fédéral déterminant les parties du territoire où doivent être installées les dénominations et les inscriptions topographiques, non seulement en allemand, mais aussi en croate ou en hongrois (2000); Décret régissant l’emploi du hongrois comme langue officielle (2000); Règlement du gouvernement fédéral définissant les tribunaux, les autorités administratives et autres départements où la langue hongroise est également autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand (2000); Loi fédérale sur la Société de radiodiffusion autrichienne (2005); Loi fédérale sur le statut juridique des groupes ethniques en Autriche (Loi sur les groupes ethniques, 2013).
Lois scolaires fédérales:
 Loi sur l'organisation scolaire (1962-2023);  Loi sur l'instruction scolaire, n° 472 (1986-2023); Loi sur les écoles minoritaires du Burgenland (1994); Programmes pour les écoles primaires minoritaires et pour l'enseignement des langues minoritaires dans les écoles primaires des Länder du Burgenland et de la Carinthie (2021).
Lois linguistiques régionales:
Loi sur les écoles obligatoires du Burgenland (1995); Règlement du gouvernement du Burgenland sur la nature et l’étendue de l’usage des langues des groupes ethniques et le recrutement d’aides-enseignants de la maternelle dans les structures d’accueil multilingues (2007-2023); Loi sur l'enseignement et l'accueil des enfants du Burgenland (2009-2022).

1 Situation géopolitique

Le Burgenland (en croate: Gradišće; en hongrois: Burgenland) est le Land le plus oriental et le moins peuplé de l'Autriche. D'une superficie de 3961,8 km² (Luxembourg: 2586 km²; Autriche: 83 859 km²), il partage ses frontières à l'ouest avec les Länder de Basse-Autriche et de Styrie, au nord avec la Slovénie, à l'est et au sud avec la Hongrie; au nord-est, on y trouve le lac de Neusiedl, d’une superficie de 315 km². La capitale du Burgenland est Eisenstadt. Comme on le constate, le Land est de forme longitudinale: il a 166 km de long du nord au sud, mais seulement 5km d'ouest en est.

L'Autriche étant une fédération, le Burgenland dispose de son parlement appelé le Landtag, qui compte 36 sièges.

2 Données démolinguistiques

Selon le recensement de 2001, le Burgenland avait une population de quelque 278 000 habitants. Toutefois, l’augmentation de 2,5 % de la population par rapport à 1991 n’est pas le résultat d’un accroissement naturel, mais plutôt d’un solde migratoire positif, qui a plus que compensé le solde négatif des naissances. En outre, l’évolution démographique du Burgenland est très variable d’une région à l’autre: les municipalités des districts administratifs du Nord, qui sont mieux situées en termes d’infrastructures de transport, en davantage bénéficié de cet apport supplémentaire.

Lors du recensement de 2001, l'allemand était la langue maternelle de 87,4% des Burgenlandais, contre 5,9% pour le croate et 2,4% pour le hongrois, les deux plus importantes minorités du Burgenland. De plus, quelque 300 personnes ont décrit le romani comme leur langue maternelle. Le groupe ethnique rom (en tant que terme générique pour les Roms et les Sintis) n’a été reconnu comme groupe ethnique autrichien qu’en 1993.

Toutefois, étant donné qu'il n'y a pas eu de recensement officiel depuis 2001, il est fort probable que le pourcentage des non-germanophones aujourd’hui soit un peu plus élevé qu’en 2001 en raison des nouveaux immigrants. Au 1er janvier 2022, environ 36 500 personnes nées à l'étranger vivaient dans le Burgenland, ce qui correspondait à 12,3% de la population totale. La proportion la plus importante des immigrants se retrouve dans les municipalités d'Eisenstadt, de Neusiedl am See et de Mattersburg. Par ordre d'importance décroissante, on trouve des Hongrois (7600), des Roumains (4300), des Slovaques (4100), des Bosniaques (2200), des Serbes (1500), des Turcs (1500), des Croates (1100), des Polonais (1000) et des Kosovars (640); il faut ajouter 4300 immigrants non germanophones arrivés d'Allemagne, ce qui donne un total de 26 740 nouveaux arrivants. Mais d'autres statistiques avancent le chiffre de 33 600 personnes, soit 11,2% de la population actuelle. C'est qu'il faudrait ajouter la présence des Macédoniens, des Kurdes, des Italiens, des Albanais, des Arabes, des Iraniens et des Chinois.

Plus de 220 000 habitants du Burgenland (79,4%) ont déclaré leur appartenance religieuse catholique romaine lors du dernier recensement. La proportion de protestants dans le Burgenland est supérieure à 13%.

2.1 Les Croates

Environ 320 000 habitants dans toute l'Autriche s'identifient comme d'origine croate; 56 785 ont, en tant que nationalité unique ou multiple, la citoyenneté croate en 2017. Environ 35 000 d'entre eux sont des Croates du Burgenland. Les Croates vivent dans ce qui est aujourd'hui le Burgenland depuis près de 500 ans, tandis que leur langue s'est développée en tant que langue écrite régionale indépendante du croate standard.

La «langue croate du Burgenland» est une variété du XVIe siècle et qui diffère sensiblement du croate standard. Malgré la présence de nombreuses langues dans la région environnante, les Croates du Burgenland ont conservé leur langue croate particulière ainsi que ses variantes dialectales des régions croates dont elles sont originaires. La langue croate du Burgenland et la langue croate standard combinent les variantes du tchakavien, du shtokavien et du kajkavien. Mais contrairement à la langue standard croate, qui est principalement basée sur la variante du shtokavien plus répandu, la variante du croate du Burgenland est basée sur le tchakavien. Du fait que le Burgenland et la Croatie ne sont pas des pays frontaliers, la séparation géographique du pays d’origine a favorisé une distinction très nette entre le croate burgenlandais et celui de la Croatie. Il s’agit, d’une part, d’un développement différent de la grammaire, du maintien d’archaïsmes et de la formation de néologismes sur le modèle des langues en contact, c'est-à-dire l’allemand et le hongrois.

La langue croate est relativement dispersée du nord au sud dans de nombreuses localités. On compte au moins une soixantaine de localités croates.

Eisenstadt (Zeljezno) et les environs (Hornstein, Steinbrunn, Zillingtal, Oslip, etc.)
Neusiedl am See (Niuzalj) et les environs (Kittsee, Pama, Potzneusiedl, Gattendorf, Neudorf, etc.)
Mattersburg (Matrstof) et les environs: Sigleß, Antau, Zagersdorf, Drassburg, Baumgarten)
Oberpullendorf (Gornja Pulja) et les environs: Großwarasdorf, Kleinwarasdorf, Kaisersdorf, Weingraben, etc.)
Oberwart (Borta) et les environs: Oberpodgoria, Parapatičberg, Rauhriegel, Althodis, Mönchmeierhof, etc.
Güssing (Novigra) et les environs (Hackerberg, Stinatz, Stegersbach, Neuberg, Güttenbach, etc.)

Les membres du groupe ethnique croate vivent dans six des sept districts politiques du Burgenland, mais comprenant de nombreuses municipalités. Les Croates ne sont majoritaires dans aucun de ces districts, mais en termes relatifs le district d'Oberpullendorf compte le plus de Croates; en termes absolus, ils sont surtout présents dans le district d'Eisenstadt. Cependant, nombreux sont les Croates qui se sont installés à Vienne, de sorte que cette ville est devenue la «capitale secrète» des Croates du Burgenland. Mais l'assimilation progresse d'année en année. Le groupe ethnique croate se réduit de plus en plus et le croate est de moins en moins parlé, en particulier chez les enfants et les jeunes. Même parmi ceux qui parlent encore le croate, les compétences linguistiques sont généralement en déclin.

2.2 Les Hongrois

Lors du recensement de 2001, quelque 25 900 Autrichiens ont déclaré employer le hongrois comme langue d'usage de tous les jours. Parmi ceux-ci, 10 686 résidaient à Vienne et 4704 au Burgenland. Le nombre total des locuteurs du hongrois atteignait environ 30 000 individus, dont 6600 dans le Burgenland même.

Les Hongrois forment une communauté compacte résidant surtout à Oberwart (Felsőőr en hongrois), le centre de services du sud du Burgenland, et la ville commerçante et le siège du district Oberpullendorf (Felsőpulya en hongrois). Depuis 2000, des panneaux toponymiques bilingues ont été installés dans d'autres localités: Unterwart (Alsóőr), Oberpullendorf (Felsőpulya) et Siget in der Wart (Őrisziget). Il existe aussi des Hongrois dans plusieurs petites localités dispersées dans le Burgenland. Dans ces localités, le hongrois peut également être employé dans les relations officielles, une disposition en vigueur depuis 2000.

2.3 Les Roms et les Juifs

En plus des Allemands, des Croates et des Hongrois, le Burgenland comptait autrefois d'importantes populations roms et juives, mais celles-ci ont presque été anéanties par le régime nazi (1938-1945). Avant leur déportation en 1938, les juifs, traditionnellement très religieux du Burgenland, étaient concentrés dans les fameuses «Sept Communautés» à Eisenstadt, Mattersburg, Kittsee, Frauenkirchen, Kobersdorf, Lackenbach et Deutschkreutz. 

Aujourd'hui, les Roms du Burgenland viennent des États voisins que sont la Hongrie, la Slovaquie ou la Slovénie. Le Burgenland est une zone d'influence de la culture hongroise et du sud-est de l'Europe, où les Roms sont installés depuis longtemps. Ils sont fortement influencés par la culture hongroise. Le sous-groupe rom des Lovara («marchands de chevaux») se trouve principalement dans le Burgenland et dans les zones frontalières. Cependant, les Roms du Burgenland ne sont reconnus comme l'un des groupes ethniques autochtones par la république d'Autriche que depuis 1993. La variété locale du romani a été reconnue en 2011 par un conseil consultatif de la Commission de l'UNESCO comme patrimoine culturel immatériel du Burgenland.

Avant 1938, une douzaine de communautés juives à la culture juive florissante existaient dans le Burgenland. Au milieu du siècle dernier, environ 4000 Juifs étaient dénombrés dans la région de l'actuel Burgenland, au moment de l'annexion à l'Autriche. Sur ces 4000 Juifs du Burgenland, au moins 1300 furent victimes de l’Holocauste. Après la guerre, seule une poignée de survivants ou de personnes déplacées sont retournés dans leur ancienne patrie. Aujourd’hui, pas plus d’une douzaine de personnes de confession juive vivent dans deux ou trois petites localités.

2.4 Les religions

L'Autriche est historiquement un pays fortement catholique, ayant été le centre de la monarchie des Habsbourg (1273-1918) qui défendait le catholicisme romain. Bien qu'au XVIe siècle de nombreux Autrichiens se soient convertis au protestantisme, en particulier au luthéranisme alors que la Réforme protestante (commencée en 1517) se répandait dans toute l'Europe, les Habsbourg édictèrent des mesures de contre-réforme dès 1527 et réprimèrent durement le protestantisme autrichien, même si une minorité d'Autrichiens est demeurée protestante.

Aujourd'hui, dans le Burgenland, la répartition des confessions religieuses se présentait ainsi en 2021 pour un total de 294 200 personnes:

Chrétiens Catholiques romains Évangélistes Orthodoxes Musulmans Autres Sans religion
237 900 194 100 33 700 8 000 6 400 2 100 49 900
80,8 % 65,9 % 11,4 % 2,7 % 2,1 % 0,7 % 16,9 %

Plus des trois quarts des Burgenlandais sont des chrétiens (80,8%), dont 65,9% de catholiques, 11,4% d'évangélistes et 2,7% d'orthodoxes. On compte aussi 2,1% de musulmans, 0,7% d'autres confessions et 16,9% qui ne pratiquent aucune religion.

3 Données historiques

Le Burgenland a une longue histoire qui a débuté avec les Romains en l'an 15 avant notre ère. À cette époque, les Romains avaient créé la province de Pannonie dans l'actuel Burgenland. Ils étaient particulièrement intéressés par les ressources minérales, notamment le fer et l'ambre. Avant l'arrivée des Romains, les habitants les plus anciennement identifiés étaient les Pannoniens, un peuple indo-européen apparenté aux Illyriens et aux Vénètes, auxquels se joignaient des Celtes et des Boïens au IVe siècle avant notre ère. La colonisation romaine modifia la population qui devint un mélange de Romains, de Celtes et de Teutons.

- Les peuples germaniques

Vers 180 de notre ère, les peuples germaniques envahirent la région. Puis ce furent les Huns qui s'installèrent en 375, ce qui déclencha une migration de divers peuples, dont les Alains, les Suèves, les Ostrogoths, etc. Les Romains décidèrent en 433 d'abandonner la province de Pannonie.

Après les Ostrogoths, la région tomba aux mains des Lombards, un autre peuple germanique. En 567, ces derniers durent combattre les Gépides qu'ils expulsèrent avec l'aide des Avars, un peuple turco-mongol. Par la suite, les Lombards subirent eux-mêmes la pression des Avars, de sorte que la quasi-totalité de la «population lombarde» s'installa en Italie avec le roi Alboin. Après le départ des Lombards, les Avars régnèrent dans la région durant environ deux siècles. Mais étant donné qu'ils ne constituaient qu'une élite dirigeante, ils n'imposèrent pas leur langue aux populations germaniques et slaves. En même temps, des populations slaves s'étaient installées dans les Alpes orientales et dans la plaine pannonienne. Les Slaves n'ont laissé des traces durables de leur langue que sous la forme de nombreux noms de lieux.

- L'empire de Charlemagne

En 791, le roi franc Charlemagne conquit la région. Les Avars, peu nombreux, disparurent de l'histoire sans laisser de trace. Dans la région du Burgenland hongrois, les Carolingiens mirent en place une organisation politique et ecclésiastique. Cependant, dès 895, l'invasion des Magyars anéantit la marche carolingienne de Haute-Pannonie; ils avancèrent jusqu'à la Bavière. Lors de la bataille de Lechfeld près d'Augsbourg en 955, ils furent vaincus par le roi franc Othon le Grand. Peu à peu, les Magyars adoptèrent un mode de vie sédentaire et paysanne, alors que la région était peuplée d'immigrants allemands. Il s'est ainsi développé une zone de langue à prédominance allemande.

- La Hongrie occidentale germanique

En l'an 1000, le grand-duc hongrois Vajk, baptisé chrétien sous le nom d'István Ier (Étienne Ier en français) fut couronné roi de Hongrie. En conséquence, la région de l'actuel Burgenland devint une possession hongroise pendant plusieurs siècles. Sous le règne d'Étienne Ier, la population commença à se christianiser, tandis qu'une nouvelle vague d'immigrants allemands s'implanta dans la région de l'actuel Burgenland qui s'appelait alors officieusement "Heanzenland" ou "Heinzenland", c'est-à-dire la «Hongrie occidentale allemande» (ou germanique). L'Autriche et la Hongrie se disputèrent constamment le territoire de l'actuel Burgenland.

Après 1626, de grandes parties du Burgenland passèrent sous la domination de seigneurs hongrois. L'implantation de l'ethnie croate dans l'actuel Burgenland remonte à cette époque. En même temps, dans les années 1640, les Ottomans dévastèrent de grands territoires dans l'espoir de prendre Vienne.

Afin de revitaliser les zones dévastées par la guerre après le départ des Ottomans, les comtes Erdődy et Batthyány, qui possédaient de vastes domaines à la fois en Croatie et dans l'ouest de la Hongrie, amenèrent des populations croates des zones frontalières vers l'actuel Burgenland. Environnement 100 000 Croates se seraient installés au Burgenland à cette époque, plus précisément sur un territoire qui se trouve maintenant entre les États d’Autriche, de Hongrie et de la République tchèque. La langue appelée «croate du Burgenland», incorporant des éléments hongrois et allemands, est apparue comme langue régionale écrite pendant la Contre-Réforme, mais les tendances à l’assimilation ont commencé à partir du XVIIIe siècle.

En 1866, l'Autriche perdit ce qu'on a appelé la «guerre allemande» (Deutscher Krieg, en allemand), opposant l'empire d'Autriche et le royaume de Prusse. Celui-ci, militariste, industriel et protestant, aspirait à diriger une nouvelle Allemagne, unifiée sous son aile et excluant l'Autriche, un empire catholique, agraire et multiethnique avec une majorité de peuples non germaniques.

- L'Empire austro-hongrois

Ce fut l'époque de la double monarchie impériale, un «compromis austro-hongrois». C'était une union sous le sceptre des Habsbourg entre deux États d'Europe centrale, l'Autriche et la Hongrie, créées par la division de l'empire d'Autriche (1804-1867) lui-même issu de la monarchie de Habsbourg (XIIIe siècle -1804). L'empereur autrichien était roi de Hongrie, mais le gouvernement de Budapest bénéficiait de grandes libertés politiques. L’étendue de cet État austro-hongrois couvrait intégralement jusqu’en 1918 les pays tels que l'Autriche, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Croatie, le Monténégro et la Bosnie-Herzégovine.

À partir de 1898, les communautés de tout le royaume de Hongrie ne furent autorisées à employer que des noms de lieux en hongrois, puis ce fut le tour des écoles en 1907 lorsque les autorités imposèrent l'usage exclusif de la langue hongroise. Cette situation conduisit à des tensions considérables dans la région germanophone de l'actuel Burgenland qui faisait partie du royaume de Hongrie; ce Burgenland était appelé «Hongrie occidentale allemande» (en allemand: Deutsch-Westungarn; en hongrois: Német Nyugat-Magyarország).

Après la Première Guerre mondiale (1914-1918), l'Empire austro-hongrois s'effondra, tandis que le Burgenland, alors hongrois et peuplé surtout de germanophones, fut cédé à la république d'Autriche. La ville d'Ödenburg (aujourd'hui Sopron) devait également faire partie de l'Autriche, mais un référendum eut lieu à la suite des protestations des Hongrois qui avaient désigné Sopron (prononcer [cho-pronn]) comme capitale du Burgenland. En 1925, la petite ville d'Eisenstadt, jusque-là peu importante, devint la capitale régionale du Burgenland. Le Südtirol autrichien (province de Bolzano) fut cédé à l'Italie qui incorpora ainsi quelque 90 000 italophones autrichiens et plus de 200 000 germanophones autrichiens. 

- L'annexion à l'Autriche

Avec l'annexion du Burgenland à l'Autriche, les Croates du Burgenland furent coupés de leurs anciens centres de Sopron, de Szombathely et de Györ, où des enseignants et des prêtres avaient été formés et où des journaux et des livres avaient été imprimés en croate. Entretemps, le 10 septembre 1919, l'Autriche dut signer le traité de Saint-Germain-en-Laye qui protégeait ses minorités (art. 62 à 68), ainsi que, le 7 juin 1920, le Traité relatif au droit de nationalité et à la protection des minorités (art. 20). Par le fait même, les minorités hongroises et croates du Burgenland recevaient une protection internationale. L'enseignement en hongrois et en croate s'est poursuivi pendant l'entre-deux-guerres dans un certain nombre de municipalités.

Néanmoins, la désintégration de la monarchie austro-hongroise en 1918 accéléra le processus d'assimilation commencée vers 1910. La région habitée par les Croates du Burgenland (le Gradišće) fut divisée entre l'Autriche, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Après 1921, la plus grande partie de la Hongrie occidentale habitée par des Croates est devenue une partie de l'Autriche, qui a créé ainsi un nouveau Land, le Burgenland.

- L'occupation nazie

Pendant l'occupation nazie (1938-1945), le Burgenland fut dissous en tant qu'unité administrative et fragmenté entre le Reichsgaue Niederdonau (composé de la Basse-Autriche, du Burgenland et des parties de la Bohême et de la Moravie) et la Styrie (Steiermark), ce qui coupait en deux le Burgenland. La langue croate fut interdite dans la vie publique et les écoles croates furent fermées. Après la Seconde Guerre mondiale, le déclin économique du Burgenland entraîna l'émigration de la communauté hongroise, tandis que les Croates se réfugiaient à Vienne. De nombreux membres des minorités hongroises et croates s'assimilèrent à la majorité allemande. 

- Les lois de protection

Le Traité d’État du 15 mai 1955 (Staatsvertrag) fut signé au palais du Belvédère à Vienne, entre les forces occupantes alliées — les États-Unis, l'URSS, la France et le Royaume-Uni — et le gouvernement autrichien. Le traité est entré en vigueur le 27 juillet 1955. L'article 7 obligeait l'Autriche à protéger ses minorités du Burgenland, de la Carinthie et de la Styrie. De façon plus précise, le traité accordait aux minorités slovènes et croates le droit à un enseignement primaire dans leur langue et à un nombre proportionnel d'écoles secondaires qui leur soit propre. Dans ce contexte, les programmes scolaires furent revus et un département de l'inspection scolaire fut instauré pour les écoles slovènes et croates. Dans les districts administratifs et judiciaires de Carinthie, du Burgenland et de Styrie, les langues croate et slovène furent autorisées comme langue officielle en plus de l'allemand. De plus, les appellations et les inscriptions à caractère topographique furent rédigées à la fois en slovène ou en croate et en allemand.

La Loi n° 396 sur les groupes ethniques (Volksgruppengesetz) de 1976 était destinée à répondre aux spécificités ethniques et linguistiques des minorités autochtones autrichiennes. Il y a eu aussi plusieurs autres textes juridiques de la part des autorités fédérales pour intervenir dans le Land du Burgenland, ce qui démontre une certaine résistance à appliquer la législation sur une question qui semble demeurer un sujet de tension.

La politique linguistique du Burgenland concernant les Croates implique que ceux-ci sont à l'aise dans quatre langues : le croate burgenlandais très limité est souvent parlé dans la famille, le croate standard et l'allemand enseignés au secondaire, puis généralement une langue étrangère (l'anglais, le français, l'espagnol ou le russe). La communauté croate se plaint du manque de jardins d’enfants et d’écoles secondaires en langue croate, ainsi que de la non-application du croate comme langue administrative. En outre, les minorités critiquent la méthode de recensement des dernières décennies parce qu'elle constitue un moyen inadéquat de déterminer la taille d’une minorité. Les recensements effectués par l’Église catholique brossent généralement un tableau différent. Pendant ce temps, les émissions croates de l’ORF (Österreichischer Rundfunk ou Radiodiffusion autrichienne) bénéficient d’un taux d’écoute beaucoup plus élevé que le nombre de Croates statistiquement disponibles.

Malgré les mesures de protection, les membres des minorités croates et hongroises ont de moins en moins accès aux services auxquels ils ont droit, que ce soit dans les écoles, les tribunaux ou l'administration municipale.

Il existe à Graz en Styrie deux institutions importantes concernant les langues: le Centre européen pour les langues vivantes, fondé par le Conseil de l’Europe en 1995, et le Centre autrichien de compétences linguistiques, un institut spécialisé dans l’apprentissage et l’enseignement des langues commandé par le ministère de l’Éducation de la république d’Autriche.

La mission du Centre européen pour les langues vivantes ("European Centre for Modern Languages of the Council of Europe") est d’encourager l’excellence et l’innovation dans l’enseignement des langues et de soutenir ses États membres dans la mise en œuvre de politiques éducatives linguistiques efficaces, en tenant compte de la complémentarité entre Strasbourg et Graz.

4 La politique linguistique

La politique linguistique du Burgenland est assujettie aux lois des autorités fédérales. Ainsi, répétons-le, les groupes ethniques des Hongrois, des Slovènes, des Croates, des Slovaques et des Tchèques sont devenus des minorités reconnues en Autriche après l'effondrement de la monarchie austro-hongroise. En 1993, l'État autrichien a ajouté les Roms/Tsiganes. Ces minorités linguistiques bénéficient, par des traités internationaux, d'une protection spéciale de la part de l'État autrichien et de droits spécifiques, entre autres, celui d'employer leur langue maternelle en privé et en public (écoles, administration locale et tribunaux), celui de porter leur propre nom, et celui de maintenir et de cultiver leur propre culture et/ou leur religion. Le Land ne doit prendre aucune mesure tendant à réduire ou à dissoudre la spécificité ou le caractère commun d'une communauté linguistique, mais il peut leur accorder plus de droits. D'ailleurs, la Constitution burgenlandaise énonce que l'allemand est la langue nationale (en allemand: Landssprache), sans préjudice des droits reconnus aux minorités linguistiques par la législation fédérale.

Article 6

Langue nationale

La langue allemande est la langue nationale,
sans préjudice des droits reconnus aux minorités linguistiques par la législation fédérale.

Cela signifie l'allemand est la «langue du pays» (mot à mot), donc la langue officielle employée par le Land, abstraction faite des droits reconnus par les lois fédérales.  

4.1 La législation et la justice

Aucun statut n'est reconnu aux minorités autrichiennes dans le domaine des activités parlementaires. Les députés autrichiens ne s'expriment qu'en allemand tant au Parlement fédéral qu'aux parlements des Länder de Carinthie, du Burgenland et de Styrie. Les lois sont rédigées et promulguées exclusivement en allemand, même celles concernant les minorités. Celles-ci ne jouissent donc d'aucun droit dans le domaine de la législature.

Le traité de Saint-Germain-en-Laye (1919) reconnaissait le principe pour les minorités d'utiliser leur langue maternelle (orale ou écrite) dans les tribunaux.

Article 66

1) Tous les ressortissants autrichiens seront égaux devant la loi et jouiront des mêmes droits civils et politiques sans distinction de race, de langue ou de religion.

4) Nonobstant l'établissement par le gouvernement autrichien d'une langue officielle, des facilités appropriées seront données aux ressortissants autrichiens de langue autre que l'allemand, pour l'usage de leur langue, soit oralement, soit par écrit devant les tribunaux.

La Loi constitutionnelle sur la protection de la liberté individuelle de 1988 énonce que toute personne arrêtée doit être informée sans délai des motifs de son arrestation dans une langue qu'elle comprend:

Article 4

6)
Toute personne arrêtée doit être informée dans les meilleurs délais, si possible au moment de son arrestation, dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et des accusations retenues contre elle. Les droits accordés aux minorités linguistiques par la loi fédérale ne sont pas affectés.

Ces dispositions n'impliquent pas nécessairement que les représentants de la justice doivent connaître la langue minoritaire concernée, car la présence d'un traducteur peut en principe suffire. 

De plus, le Décret du gouvernement fédéral du 24 avril 1990 sur les tribunaux et les autorités administratives autorise l'usage de la langue croate comme langue officielle en plus de l'allemand dans six districts du Burgenland:

Article 3

La langue croate est admise comme langue officielle en plus de l'allemand:

1. devant les tribunaux des districts d'Eisenstadt, de Güssing, de Mattersburg, de Neusiedl am See, d'Oberpullendorf et d'Oberwart,

2. devant les autorités des districts d'Eisenstadt-Umgebung, de Güssing, de Mattersburg, de Neusiedl am See, d'Oberpullendorf et d'Oberwart.

Règlement du gouvernement fédéral définissant les tribunaux, les autorités administratives et autres départements où la langue hongroise est également autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand (2000)

Article 3

La langue hongroise est également autorisée en plus de l'allemand comme langue officielle devant les tribunaux de district et les communautés des districts d'Oberpullendorf et d'Oberwart.

De fait, les Croates peuvent employer leur langue devant les tribunaux, mais la cour n'est pas tenue d'entendre les témoignages en croate. On fait alors appel à des interprètes. En ce qui concerne les cours d'appel, seul l'allemand est permis, sauf dans des cas exceptionnels. Il en est de même dans les cours "provinciales" (les Länder) qui ne fonctionnent qu'en allemand. D'ailleurs, la Loi fédérale sur la procédure administrative générale (1991) énonce que si un justiciable à entendre n'a pas une connaissance suffisante de la langue allemande, on doit faire appel à un interprète désigné:

Article 39a

Interprètes et traducteurs

1)
Si une partie ou un justiciable à entendre n'a pas une connaissance suffisante de la langue allemande, est muette, sourde ou a un degré élevé de déficience auditive, l'interprète désigné ou à la disposition de l'autorité (interprète officiel) doit être appelé s'il est nécessaire. Les articles 52 (2) à (4) et 53 s'appliquent.

2) Les traducteurs sont également considérés comme des interprètes au sens de la présente loi fédérale.

Autrement dit, le droit à la langue signifie dans la pratique le droit à un interprète. L'article 15 de la Loi fédérale sur le statut juridique des groupes ethniques en Autriche (Loi sur les groupes ethniques, 2013) reprend ce recours à un interprète:

Article 15

1) Si une personne a l'intention d'employer la langue d'un groupe ethnique lors d'une audience, elle en informe l'autorité ou le service public immédiatement après avoir été convoquée; les frais supplémentaires résultant d'une omission coupable à cet égard peuvent être imposés à la personne concernée. Cette obligation de publication est levée dans le cas d'une procédure sur la base d'une requête rédigée dans la langue d'un groupe ethnique. La publication s'applique pour toute la durée de la procédure ultérieure, à moins qu'elle ne soit révoquée.

2) Si, dans une procédure, une personne emploie la langue du groupe ethnique, l’une des parties (des parties intéressées) peut demander dans la mesure où la procédure concerne le requérant que la procédure soit menée à la fois dans la langue concernée ainsi qu'en allemand. Ceci s'applique également à la publication orale des décisions.

3) Si organisme ne maîtrise pas la langue du groupe ethnique, il est fait appel à un interprète.

4) Les audiences tenues devant un organisme maîtrisant la langue d'un groupe ethnique et auxquelles ne participent que des personnes prêtes à employer la langue d'un groupe ethnique peuvent avoir lieu, à la différence de ce qui est prévu au paragraphe 2, dans la langue d'un groupe ethnique. Cela s'applique également à l'annonce orale des décisions, qui doivent toutefois également être enregistrées en allemand.

Cela signifie qu'un procès bilingue est celui où l'allemand est de mise ainsi que la traduction dans cette langue pour les témoignages rendus dans une autre langue. Ce système a le mérite d'accorder le droit à sa langue sans exiger la preuve d'une ignorance de la langue allemande. Toutefois, il n'existe aucune statistique officielle ou non officielle démontrant combien il y a de «procès bilingues» dans les faits. Bien que cela puisse être dû au manque de compétence des parties en matière de terminologie juridique dans les langues minoritaires ou à leur crainte d'être considérés comme des fauteurs de troubles, force est de constater que les autorités n'informent pas activement ou n'encouragent pas les parties à faire usage de cette possibilité.

4.2 Les services publics

Quelques textes juridiques traitent de la question des services gouvernementaux. L'article 66 du traité de Saint-Germain (1919) abordait en des termes plutôt obscurs cette question en stipulant qu'il ne sera édicté aucune restriction contre le libre usage d'une langue quelconque dans les relations privées ou commerciales. La Loi sur les groupes ethniques de 1976 allait beaucoup plus loin. L'article 13 (paragraphe 2) précisait que «devant les pouvoirs publics» et autres institutions prévues par la loi «toute personne est en droit d'employer la langue de la minorité pourvu que son usage en soit autorisé devant lesdits pouvoirs publics [...]». Le paragraphe 3 spécifie même que les instances autres que les pouvoirs publics «doivent, dans la mesure où ils la maîtrisent, se servir de la langue de la minorité ethnique pour faciliter la communication orale». De plus, il est énoncé au paragraphe 4 que «dans les communes où la langue de la minorité est reconnue comme langue officielle, l'usage additionnel de cette langue est autorisé pour les annonces et avis officiels». Voici le texte complet de l'art. 13 de la Loi sur les groupes ethniques :

Article 13

1) Les responsables des pouvoirs publics et institutions désignés à l'article 2, paragraphe 1, alinéa 3, doivent s'assurer que les pouvoirs publics et institutions font usage dans l'exécution de leurs tâches de la langue d'une minorité conformément aux dispositions du présent paragraphe.

2) Devant les pouvoirs publics et institutions tels que définis au paragraphe 1, toute personne est en droit d'employer la langue de la minorité pourvu que son usage en soit autorisé devant lesdits pouvoirs publics et institutions aux termes des dispositions du paragraphe 2, alinéa 1. Néanmoins, personne n'a le droit de se soustraire ou de refuser de donner suite à une démarche officielle requérant une exécution immédiate par une instance relevant desdits pouvoirs publics ou institutions sous prétexte que cette démarche officielle ne peut avoir lieu dans la langue de la minorité.

3) Les instances autres que les pouvoirs publics et institutions prévus au paragraphe 1 doivent, dans la mesure où elles la maîtrisent, se servir de la langue de la minorité ethnique pour faciliter la communication orale.

4) Dans les communes où la langue de la minorité est reconnue comme langue officielle, l'usage additionnel de cette langue est autorisé pour les annonces et les avis officiels.

5) Les dispositions se rapportant à l'usage de la langue d'une minorité comme langue officielle ne s'appliquent pas à l'usage interne que pourraient en faire les pouvoirs publics et institutions.

Les services publics sont assurés en allemand, mais ils sont autorisés en croate dans les districts d'Eisenstadt-Umgebung, de Güssing, de Mattersburg, de Neusiedl am See, d'Oberpullendorf et d'Oberwart, ainsi qu'en hongrois dans les districts d'Oberpullendorf et d'Oberwart. L'article 13 de la Loi fédérale sur le statut juridique des groupes ethniques en Autriche (Loi sur les groupes ethniques, 1984-2013) accorde alors la possibilité d'employer le croate et le hongrois en plus de l'allemand dans les communications orales et écrites, à la condition que cela facilite la communication avec des citoyens :

Article 13

Langue officielle

1) (Disposition constitutionnelle) Les entités qui désignent les autorités et les bureaux publics mentionnés dans l'annexe 2 doivent veiller à ce que les langues croate, slovène ou hongroise puissent être utilisées, conformément aux dispositions du présent article, comme langue officielle en plus de la langue allemande pour la communication avec les personnes concernées.

2) Lorsqu'il s'agit d'un pouvoir ou d'une fonction publique au sens du paragraphe 1, toute personne a le droit d'utiliser la langue du groupe ethnique. Toutefois, nul n'a le droit de se soustraire ou de refuser de donner suite à une démarche officielle requérant une exécution immédiate par une instance relevant desdits pouvoirs publics ou institutions sous prétexte que cette démarche officielle ne peut avoir lieu dans la langue du groupe ethnique.

3) Les autorités autres que celles visées au paragraphe 1 peuvent utiliser le croate, le slovène ou le hongrois comme langue officielle en plus de l’allemand dans les communications orales et écrites, à la condition que cela facilite la communication avec des citoyens.

4)  L'emploi additionnel de la langue d'un groupe ethnique dans les annonces publiques des municipalités dans lesquelles la langue d'un groupe ethnique est admise en tant que langue officielle est autorisé.

5) La réglementation sur l’emploi de la langue d’un groupe ethnique en tant que langue officielle ne s’applique pas à la communication interne des autorités et des bureaux publics.

L'article 2 du Règlement du gouvernement fédéral définissant les tribunaux, les autorités administratives et autres départements où la langue hongroise est également autorisée comme langue officielle en plus de l'allemand (2000)

Article 2

1)
La langue hongroise est, en plus de la langue allemande, autorisée comme langue officielle devant les autorités municipales et avec les services communautaires dans les municipalités suivantes:

1. dans le district politique d'Oberpullendorf: Oberpullendorf;
2. dans le district politique d'Oberwart: Oberwart, Rotenturm an der Pinka et Unterwart.

2) La langue hongroise est, en plus de la langue allemande, autorisée comme langue officielle dans les postes de gendarmerie dont le champ d'activités local s'applique en totalité ou en partie dans les municipalités visées au paragraphe 1.

L'article 5 du Décret régissant l’emploi du hongrois comme langue officielle (2000) autorise lui aussi le hongrois:

Article 5

Conformément à l'article 4,
la langue hongroise est autorisée en plus de l'allemand comme langue officielle dans les affaires administratives dans les postes et télécommunications ainsi que dans les services ferroviaires.

Il faut distinguer, d'une part, le droit à la langue, d'autre part, les pratiques réelles. Le droit à la langue signifie que tout locuteur du croate ou du hongrois est autorisé à demander, à l'oral et à l'écrit, des informations dans sa langue aux autorités municipales où cette langue est officielle au même titre que l'allemand. Les pratiques en cours révèlent que l'offre ne précède pas la demande ou du moins cela demeure rare. Plus précisément, il faut demander et exiger qu'on réponde en croate ou en hongrois, selon le cas. Cette exigence peut demander des délais supplémentaires. Or, tous les magyarophones et les croatophones connaissent l'allemand...

C'est tellement plus simple d'adresser ses demandes dans la langue majoritaire. Pour l'essentiel, lorsque l'interaction dans les langues minoritaires se produit au niveau municipal, c'est pour les demandes orales, car la publication de documents dans les langues minoritaires semble très limitée; il appartient aux municipalités de décider d'employer ou non cette possibilité, tandis que les autorités fédérales ne les encouragent pas activement à le faire. Les autorités municipales font également peu usage de la possibilité d'installer des panneaux topographiques bilingues là où ils ne sont pas obligatoires conformément à la Loi sur les groupes ethniques.

Néanmoins, certaines municipalités émettent des documents personnels dans les langues minoritaires, bien que cette pratique soit très variable. Des municipalités délivrent, par exemple, des certificats de naissance dans en slovène ou en hongrois en plus de l'allemand. D’autres n’ont jamais reçu ce type de demande, car les citoyens appartenant à des minorités ne sont pas informées de cette possibilité. Toutefois, des ajustements techniques concernant l’usage des signes diacritiques conformes aux règles d’orthographe et de grammaire d'une langue minoritaire ont été opérés; les documents d’identité personnels sont désormais délivrés sans erreur. De plus, toutes les demandes visant à corriger les inexactitudes des documents d’identité précédemment délivrés doivent être traitées de manière efficace et gratuite.

Bien que les  annexes 1 et 2 de la Loi sur les groupes ethniques précisent les unités administratives dans lesquelles le croate et le hongrois du Burgenland sont des langues officielles et où leur usage doit être garanti devant les autorités administratives compétentes, la réglementation régissant l'usage des langues minoritaires varie d'une municipalité à l'autre et n’est pas toujours claire. Tandis que les principaux formulaires à des fins administratives sont disponibles depuis 2015, les démembrements locaux des autorités nationales ne disposent toujours que d'un nombre limité de fonctionnaires parlant une langue minoritaire. Si des demandes dans les langues minoritaires étaient soumises à ces bureaux, il faudrait souvent recourir à des services de traduction, ce qui a tout pour décourager les locuteurs des langues minoritaires d'employer leurs langues. De plus, les représentants des minorités signalent que des traductions en allemand sont souvent demandées au moment de la soumission de formulaires dans les langues minoritaires.

Au niveau du Land, l'interaction dans les langues minoritaires avec les autorités administratives est également assez limitée. Des représentants du gouvernement du Land ont informé le Comité d'experts que les formulaires en croate du Burgenland sont en cours de révision et que l'Académie administrative du Burgenland devait commencer à proposer des cours et des qualifications pertinentes en croate et en hongrois à partir de 2018. La compétence dans les langues minoritaires joue déjà un rôle dans le recrutement des fonctionnaires aux niveaux régional et local.

4.3 Les inscriptions topographiques

Selon le paragraphe 3 de l'article 7, ligne 3 du Traité d’État de Vienne (955), les Croates du Burgenland ont droit à des inscriptions topographiques bilingues dans les zones à population croate ou mixte.
 
Article 7
Droits des minorités slovènes et croates

3) Dans les circonscriptions administratives et judiciaires de Carinthie, du Burgenland et de la Styrie où réside une population slovène ou croate, ou une population mixte, le slovène ou le croate seront admis comme langue officielle en plus de l'allemand. Dans ces circonscriptions, la terminologie et les inscriptions topographiques seront en langue slovène ou croate aussi bien qu'en allemand.

Selon la Loi sur les groupes ethniques (1976, modifiée en 2013), ce droit existe dans les localités visées à l'article 2 (localités dans lesquelles les désignations topographiques doivent être bilingues) comptant un nombre relativement important de membres du groupe ethnique:
 

Article 12

1) Dans les localités visées à l'article 2, paragraphe 1, alinéa 2, les inscriptions et désignations de nature topographique, les collectivités publiques territoriales ou autres corps ou institutions de droit public se feront dans la langue des minorités concernées. Cette obligation ne s'applique pas à la désignation de localités situées en dehors du secteur de telles régions.

2) La disposition selon l'article 2, paragraphe 1, alinéa 2, fixe les lieux dont la désignation est bilingue et prévoit les désignations topographiques dans la langue de la minorité devant figurer à côté de la désignation allemande. On tiendra compte à cette fin de l'usage local et des données des recherches scientifiques.

3) Les collectivités publiques territoriales adoptent les désignations topographiques n'existant que dans la langue de la minorité.

Généralement, ce nombre est fixé à 25% de la population locale, mais dans les faits il est possible que, dans certaines municipalités, ce soit 18%, voire 10%. 

Le Décret du gouvernement fédéral déterminant les parties du territoire où doivent être installées les dénominations et les inscriptions topographiques, non seulement en allemand, mais aussi en croate ou en hongrois (2000) donne la liste d'une cinquantaine de municipalités qui sont officiellement bilingues. Dans ces localités, lorsqu'un certain pourcentage de membres d'ethnies autochtones (environ 25%) y résident, les inscriptions topographiques doivent être affichées en deux langues. Ces droits, pourtant reconnus, ont été mis en œuvre dans le Burgenland en 2000 seulement, et partiellement en Carinthie et pas du tout en Styrie. Au Burgenland, on compterait 47 municipalités bénéficiant de panneaux toponymiques bilingues. Cependant, les panneaux de signalisation bilingues, les panneaux d'information et autres désignations topographiques à caractère public manquent toujours.

La figure ci-dessous montre quelques panneaux d'affichage bilingues à l'entrée de certaines municipalités : Oberwart / Felsőőr (hongrois), Güssing / Rosenberg (croate), Baumgarten / Pajngrt (croate), Dürnbach / Vincjet (croate), Großwarasdorf / Veliki Borištof (croate), Rumpersdorf / Rupišće (croate), Kirchenplatz / Kod crikve (croate). Pour le reste, tout est en allemand, parfois avec des mots anglais (Austria au lieu d'Österreich).   

Dans certaines municipalités, des associations privées, pour la plupart des «associations d'embellissement» locales, ont installé des panneaux d'accueil à l'entrée de la ville, où les invités sont accueillis en deux langues. Dans certaines paroisses, l'Église catholique utilise des panneaux d'affichage bilingues pour indiquer ses services. De plus, dans certaines municipalités, il existe des inscriptions bilingues sur les installations municipales et associatives : Städtische Wohnung / Općinski stan (Bureau municipal), Grundschule / Osnovna škola (école primaire), Feuerlöscher-Wohnung / Ognjogasni stan (caserne de pompiers), Landwirtschaftliches Lager / Poljoprivredno skladišće (entrepôt agricole), etc., ainsi que des inscriptions bilingues noms de rue.

 4.4. Les droits scolaires

Le droit pour les minorités autrichiennes à un enseignement primaire et à un nombre approprié d'écoles secondaires est reconnu dans plusieurs traités internationaux, dont à l'article 68 du traité de Saint-Germain (1919), à l'article 20 (par. 3) du Traité relatif au droit de nationalité et à la protection des minorités (1920) et à l'article 7 (par. 2) du Traité d’État de Vienne de 1955. En vertu de ces traités, les minorités ont droit à un enseignement en slovène, en croate, en hongrois ou en tchèque. Pour le Burgenland, il s'agit du croate et du hongrois. Depuis le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les minorités disposent effectivement d'écoles primaires – il s'agit principalement du premier cycle – où l'on enseigne en slovène, en croate, en hongrois ou en tchèque. Cependant, les écoles en langue minoritaire ne fonctionnent pas toutes; seuls les Slovènes disposent d'un réseau quelque peu étendu. Le Burgenland dispose aussi de plusieurs écoles de la maternelle ou des jardins d'enfants.

- Les jardins d'enfants

La Loi sur l'enseignement et l'accueil des enfants du Burgenland (2009-2022) prévoit que les jardins d'enfants sont bilingues. Dans la plupart des cas, la maternelle est le premier lieu où les enfants sont confrontés à l'importance d'une langue et à l'intérêt à la maîtriser. C'est également à cette étape que les cours de langue sont fixés pour le développement ultérieur de la langue des enfants. Si les deux langues ne sont pas employées à peu près également dans un jardin d'enfants bilingue (jeux, chansons, instructions des enseignants, etc.), l'enfant ressent inconsciemment qu'une langue est plus importante qu'une autre. Par conséquent, une langue minoritaire qui n'est utilisée que pendant une courte période ou seulement dans des situations très particulières est perçue comme inférieure et, dans des cas extrêmes, même rejetée. Au Burgenland, on veut éviter une telle situation.

La loi sur les jardins d'enfants du Burgenland détermine quelles sont les municipalités qui ont le droit de bénéficier de jardins d'enfants, et ce, tant en langue croate qu'en langue hongroise. Voir à ce sujet l'article 7 de la Loi sur l'enseignement et l'accueil des enfants du Burgenland. Dans ces jardins d'enfants, la langue du groupe ethnique s'ajoute à la langue allemande. La langue croate ou hongroise peut être admise comme «langue maternelle» si celle-ci est demandée par 25% des tuteurs légaux de nationalité autrichienne. Lorsqu'un jardin d'enfants bilingue n'a pas au moins un enseignant spécialisé et connaissant également la langue du groupe ethnique, le Land doit fournir un enseignant de jardin d'enfants adjoint. La langue du groupe ethnique doit être employée dans la mesure nécessaire, mais au moins six heures par semaine, si possible une heure par jour.

L'article 2 du Règlement du gouvernement du Burgenland sur la nature et l’étendue de l’usage des langues des groupes ethniques et le recrutement d’aides-enseignants de la maternelle dans les structures d’accueil multilingues (2007-2023) impose un nombre d'heures obligatoire d'au moins douze heures par semaine dans les maternelles:

Article 2

Nature et degré d'usage de la langue du groupe ethnique

1)  La langue d'un groupe ethnique respectif doit être utilisée pendant au moins douze heures par semaine. À moins qu’il n’y ait des raisons d’organisation impérieuses à l’opposé (par exemple, une division de groupe, des tableaux de service du personnel soignant), une heure doit être employée pour l'accueil dans la langue du groupe ethnique chaque jour où la garderie est ouverte.

2) En principe, l'accueil dans la langue de l'ethnie est de la responsabilité des éducatrices de maternelle, lesquelles doivent être embauchées par l'exploitant de la structure d'accueil et qui peut démontrer qu'elles connaissent la langue de l'ethnie concernée. Chacune de ces éducatrices de maternelle doit offrir des heures de garde dans la langue du groupe ethnique, selon les besoins, jusqu'au nombre d'heures correspondant à sa charge de travail, le cas échéant également dans un maximum de deux groupes d'enfants.

Ce même article 7 de la Loi sur l'enseignement et l'accueil des enfants du Burgenland donne les précisions suivantes: 

Article 7

2) La langue du groupe ethnique en question doit être employée dans la mesure nécessaire, mais au moins douze heures par semaine pendant le temps de base, conformément à l'article 17.4. À moins que des raisons organisationnelles impérieuses ne s'y opposent, au moins une heure doit être consacrée à l'éducation et à l'accueil dans la langue de la minorité nationale chaque jour d'ouverture de l'établissement d'enseignement et d'accueil pour enfants. Le gouvernement du Land peut promulguer des réglementations plus détaillées sur le type et l'étendue de l'usage de la langue du groupe ethnique en question.

3) Toutefois, un enfant ne peut recevoir l'instruction d'employer la langue du groupe ethnique concerné dans l'établissement d'éducation et de garde d'enfants qu'avec la volonté de ses parents.

Le paragraphe 3 implique que l'école dans une langue minoritaire n'est pas obligatoire.

Dans la vie quotidienne d'un jardin d'enfants, la façon dans laquelle le croate ou le hongrois est employé comme langue de la maternelle dépend principalement de la compétence linguistique et de l'engagement personnel de la personne éducatrice. Le fait que celle-ci puisse ou non parler le croate ou le hongrois dépend généralement des décisions ou du budget du Conseil municipal, voire du maire. Dans certains jardins d'enfants, le croate est employé systématiquement dans les cours et les jeux, mais dans d'autres cas, les enfants n'apprennent que quelques chansons ou poèmes croates. Plutôt que de protester auprès de la municipalité afin de contrecarrer l'assimilation linguistique de leurs enfants, beaucoup de parents s'accommodent simplement de la situation et privent ainsi leurs enfants de la possibilité d'apprendre deux langues en même temps de manière ludique.

En principe, ce droit à la langue est accordé aux Roms/Tsiganes qui ont ainsi la possibilité dans le Burgenland d'étudier le romani comme langue maternelle, mais le nombre minimal d'inscriptions (cinq) n'a jamais été atteint.

En ce qui concerne la formation des enseignants du niveau préscolaire, la législation du Burgenland précise les exigences linguistiques pour les enseignants des écoles maternelles bilingues. Alors que ce sont les mêmes pour le croate et le hongrois du Burgenland, ce n'est que pour le croate du Burgenland qu'un cours de langue optionnel spécifique est proposé à l'Université pédagogique d'Eisenstadt. En Carinthie, le slovène est proposé à l'Institut de formation pour la pédagogie de la maternelle; d'autres options de formation sont disponibles à l'Université de Klagenfurt et à l'Institut de formation et de conseil.

- Les écoles primaires

En septembre 1994, la Loi sur les écoles minoritaires du Burgenland (1994) est entrée en vigueur pour le Burgenland. C'est le document juridique le plus important. La loi reconnaissait le droit aux écoles croates et hongroises sur le territoire du Land:

Article 3

1) Parallèlement aux écoles primaires ordinaires autrichiennes où l'enseignement est offert en allemand, l'enseignement doit être offert au Burgenland en particulier pour les groupes ethniques croate et hongrois dans les écoles primaires ou classes et sections d'écoles primaires:

1. les écoles primaires avec un enseignement offert en langue croate ou hongroise;

2. les écoles primaires ou les classes d'écoles primaires avec :

a) le croate et l'allemand comme langue d'enseignement ou;
b)
le hongrois ou l'allemand (écoles primaires ou sections primaires bilingues).

2) Dans les écoles primaires ayant le croate ou le hongrois comme langue d'enseignement à toutes les étapes scolaire, l'enseignement doit être offert en croate et/ou en hongrois, mais l'allemand doit être donné comme matière obligatoire (au niveau préscolaire comme pratique obligatoire) avec un minimum de six heures par semaine.

3) Dans les écoles primaires bilingues (classes primaires) l'enseignement complet au niveau préscolaire de la 1
re année à la 4e doit être offert en allemand et en croate et/ou en allemand et en hongrois.

Il faut sept inscriptions pour avoir droit à des cours dans une langue minoritaire. Dans certaines écoles primaires allemandes, le croate est proposé comme matière facultative.

Cette loi de 1994 fut critiquée par de nombreuses organisations croates, notamment parce qu'elle mettait fin aux «écoles bilingues». Dorénavant, c'étaient des écoles allemandes dans lesquelles des cours de croate ou de hongrois étaient donnés aux élèves de ces communautés linguistiques. Les principales lacunes de cette loi concernant l'enseignement dans les écoles primaires semblaient être les suivantes :

- Il est possible de se retirer de l'enseignement bilingue dans les écoles traditionnellement bilingues à tout moment;
- les enseignants peuvent subir des pressions de la part des parents si les élèves obtiennent des mauvaises notes;
- la loi ne définit pas un niveau minimum d'usage de la langue minoritaire ni un niveau minimum à atteindre ou un objectif pédagogique.

On peut aussi noter l'article 11 de la Loi sur les écoles obligatoires du Burgenland (1995):

Article 11

Formes d'organisation

4) En plus de ces formes générales d'écoles primaires autrichiennes ayant l'allemand comme langue d'enseignement, les formes suivantes d'écoles primaires ou de classes dans des écoles primaires doivent être maintenues, en particulier pour le groupe ethnique croate et le groupe ethnique hongrois :

1. les écoles primaires avec la langue d'enseignement croate ou hongroise,
2. les écoles primaires ou classes d'écoles primaires

a) avec la langue d'enseignement croate et allemand ou
b) l
a langue d'enseignement hongroise et allemande (écoles élémentaires ou classes élémentaires bilingues).

Dans les Programmes pour les écoles primaires minoritaires et pour l'enseignement des langues minoritaires dans les écoles primaires des Länder du Burgenland et de la Carinthie (2021), on peut lire ces directives concernant l'acquisition du «langage élémentaire:

Acquisition du langage élémentaire

Pour les élèves qui entrent à l'école primaire avec le croate ou le croate et l'allemand comme langue d'enseignement avec peu de connaissance de la langue croate, les acquis de base suivants doivent d'abord être obtenus.

Au niveau de l'acquisition du langage élémentaire :

– permettre aux élèves de pouvoir suivre les cours dans les meilleurs délais,
– développer des compétences en communication et
– établir et approfondir la motivation à travailler
avec la langue croate.

Ces objectifs sont étroitement liés et s'influencent mutuellement. La partie du programme «Acquisition de langage élémentaire» devrait - de manière positive - provoquer la jonction avec la langue croate dans une atmosphère amusante et informelle, éveiller la joie des enfants à apprendre la langue croate et ainsi développer généralement une attitude positive envers la langue croate.

La communication verbale doit être vécue comme une activité concrète à travers des thèmes, des situations et des activités (chansons, énigmes, comptines, jeux, etc.) qui se rapportent aux intérêts immédiats de l'enfant. Il n'est pas naturel et difficile pour l'enfant de séparer la langue de son objectif.

Les élèves doivent être encouragés dans leur volonté et leur capacité de communication interpersonnelle dans le domaine oral (et écrit).

Étant donné que l'acquisition d'une autre langue est un processus qui touche les gens dans leur ensemble et que la communication inclut toujours un comportement social, l'apprentissage consciemment planifié du comportement coopératif est indispensable. De plus, une attitude ouverte et ouverte envers le groupe ethnique et sa culture doit être recherchée.

Dans le Burgenland, depuis 1955, l'enseignement bilingue est obligatoire dans les localités comptant au moins 25 % de population minoritaire, mais depuis 1994, les enfants ont la possibilité de s'en retirer.

On peut conclure que le «croate du Burgenland» est encore enseigné dans les classes bilingues de 24 écoles primaires et il peut être étudié comme matière facultative dans quelques autres écoles. Le Land compte aussi deux écoles primaires bilingues allemand-hongrois. À quelques rares exceptions, tous les enfants qui vivent dans les municipalités bilingues sont par conséquent scolarisés dans des écoles primaires bilingues. Dans ces municipalités, les langues minoritaires sont aussi enseignées dans les maternelles à raison d’au moins 12 heures par semaine. Dans d’autres municipalités, cet enseignement peut être mis en place si 25 % des parents en font la demande. Toutefois, d’après les représentants des minorités nationales, la disponibilité d’établissements d’accueil en langues minoritaires dépend largement de la volonté du maire et du conseil municipal concernés, car les coûts supplémentaires doivent être pris en charge par le budget municipal.

- Les écoles secondaires

Les écoles et les classes secondaires bilingues, qui étaient auparavant gérées comme des projets pilotes, ont été reconnues sur une base légale. En outre, le croate est proposé comme matière facultative dans plusieurs écoles secondaires. La loi prévoit la création d'une école secondaire générale ("Gymnasium" ou "Realgymnasium"). Les essais scolaires des classes bilingues dans d'autres écoles secondaires du Burgenland n'ont pas été pris en compte. Il s'agit de procès scolaires dont la poursuite dépend exclusivement du bon vouloir du ministre responsable. Le document le plus important demeure la Loi sur les écoles minoritaires du Burgenland (1994). L'article 8 décrit ainsi le rôle des écoles secondaires et des cours préprofessionnelles:

Article 8

1) À côté des dispositions générales de l'école primaire et des cours préprofessionnels l'allemand comme langue d'enseignement il doit être prévu au Burgenland en particulier pour les groupes croate et hongrois les dispositions suivantes pour les écoles ou classes du secondaire et des cours préprofessionnels :

1. Des écoles secondaires et des cours préprofessionnels avec le croate ou le hongrois comme langue d'enseignement.

2. Des sections pour l'enseignement en croate ou en hongrois, qui sont organisées dans les écoles secondaires et les cours préprofessionnels avec l'allemand comme langue d'enseignement. En outre, les écoles secondaires ou classes générales bilingues doivent être prévues pour l'année scolaire 1993-1994 dans le cadre des expériences scolaires sous cette forme, pourvu que les conditions de l'art. 10.4 sont respectées.

2) Dans les écoles secondaires et préprofessionnelles ayant comme langue d'enseignement le croate ou le hongrois, l'enseignement doit être offert à toutes les étapes en croate ou en hongrois, mais la langue allemande doit être enseignée obligatoirement six heures par semaine, et des groupes d'élèves doivent être formés tant en croate et/ou en hongrois qu’en allemand.

3) Dans les écoles secondaires et préprofessionnelles
en langue allemande, des sections pour l’enseignement en croate ou en hongrois sont organisées en croate ou en hongrois pour toutes les branches à raison de quatre heures par semaine en tant qu'enseignement distinct.

Dans l’enseignement secondaire, l’Autriche possède un double système (collège et lycée) : au collège la langue minoritaire est uniquement proposée comme matière optionnelle, au choix avec l’anglais, mais c’est pour cette raison que le croate et le slovène sont rarement choisis en option. Il y a un seul collège bilingue à Gross Warasdorf/Veliki Borištof dans le Burgenland.

Les langues des pays limitrophes de l'Autriche — République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Slovénie et Italie — sont offertes dans l'enseignement secondaire et supérieur dans toute l'Autriche depuis 1995. Cependant, étant donné que la Croatie n'a pas de frontière commune avec l'Autriche, le croate est plus souvent enseigné comme langue étrangère dans l'enseignement secondaire que comme langue nationale co-officielle. En fait, il n'existe qu'une école secondaire dans le Burgenland, qui propose des cours bilingues croate/allemand et hongrois/allemand.

Les publications en «croate du Burgenland» pour les enfants ont augmenté depuis 1992, lorsque des fonds fédéraux ont été ajoutés au financement des Länder, des ONG et du secteur privé. 

- Les classes de rattrapage

Il existe aussi des «classes de rattrapage en allemand» ("Deutschförderklassen") qui doivent être prévues par les écoles avec au moins huit élèves qui ne satisfont pas aux exigences minimales de la maîtrise de l'allemand. Les cours durent un semestre et doivent être suivis aussi souvent, mais pas plus de quatre semaines. Si le nombre d’élèves est trop faible, les élèves en question doivent généralement recevoir un enseignement intégré dans une classe normale, mais avec un soutien en allemand de six heures par semaine parallèlement aux leçons de la classe. À l’école primaire, les élèves reçoivent 15 heures par semaine et 20 heures par semaine en enseignement secondaire intensif en langue allemande dans le cadre du nombre total d’heures par semaine, selon l’emploi du temps.

- L'enseignement supérieur

Il n'y a aucune obligation légale d'organiser des cours ou des exercices dans l'enseignement supérieur pour les Croates et les Hongrois du Burgenland dans les programmes d'études. Le département slave de l'Université de Vienne a proposé une "conférence" sur l'histoire culturelle et la littérature des Croates du Burgenland (deux heures par semaine) et un exercice de langue croate du Burgenland (deux heures par semaine). Cependant, ceux-ci sont menacés chaque année.

Malheureusement, faute d'argent, les universités proposent occasionnellement des formations pédagogiques destinées aux enseignants des groupes ethniques. Étant donné que les cours du Burgenland dans les classes inférieures doivent être «en croate du Burgenland», on se demande où l'enseignant doit acquérir ces connaissances linguistiques s'il est un germanophone. Des séries de conférences sur les Croates du Burgenland sont proposées aux études slaves de Graz (pas chaque année).

- La formation des enseignants

Selon la loi, la formation des enseignants du primaire et du secondaire en «croate du Burgenland» et en hongrois doit être assurée par l'Université pédagogique du Burgenland, tandis que l'Université pédagogique de Carinthie a le même mandat en ce qui concerne le slovène. Dans les deux établissements, les cours d'enseignement bilingue ou d'enseignement de ces langues minoritaires sont des cours complémentaires facultatifs à suivre en plus de la formation normale des enseignants. Pour accéder à ces cours, les étudiants doivent déjà avoir un haut niveau de compétence linguistique. Ce n'est qu'à partir de 2017-2018 que la matière «Croate standard et croate du Burgenland» a été proposée en tant que cours à part entière pour la formation des enseignants du secondaire et qu'un poste de professeur à mi-temps a été créé. Le cours comprend un nouveau programme développé avec le soutien de l'Université de Graz. Deux nouveaux programmes pour les cours optionnels ont également été élaborés par l'Université pédagogique de Carinthie. Le Comité d'experts se félicite de ces mesures positives. Néanmoins, les représentants des locuteurs du croate du Burgenland et du hongrois affirment qu'actuellement, le niveau de compétence des enseignants n'est toujours pas satisfaisant, car ils manquent de préparation spécifique à la matière.

4.5 Les médias

Le Burgenland n'a que peu de journaux régionaux en allemand. Outre le BVZ (Burgenländische Volkszeitung), la plupart des journaux sont des journaux nationaux.

Dans le domaine de la presse écrite, la minorité croate possède deux journaux hebdomadaires. Le média le plus important est le Hrvatske novine («Journal croate») qui paraît depuis 1910 et qui essaie de couvrir tous les domaines de la vie sociale. Le diocèse d'Eisenstadt publie le deuxième hebdomadaire croate, le Crikveni glasnik («Messager de l'Église»). On peut mentionner aussi le Put («Chemin»), un magazine des Croates du Burgenland à Vienne, qui est publié six fois par an et est également lu dans le Burgenland. Le magazine du club académique croate Novi glas (Nouvelle Voix») est publié quatre fois par an. En outre, d'autres associations publient plus ou moins régulièrement des journaux de club croates ou bilingues.  Il n'existe toujours pas de quotidien ou d'hebdomadaire en hongrois. La seule publication régulière est le bimestriel Bécsi Napló publié par l'Association centrale des associations et organisations hongroises, dont le budget ne permet pas sa conversion en une publication mensuelle.

L'offre de programmes de radio et de télévision dans les langues minoritaires n'a pas changé depuis fort longtemps. Mais les émissions de télévision diffusées par ORF 2 (Österreichischer Rundfunk) sont désormais retransmises sur la nouvelle chaîne ORF III pendant la journée. La diffusion en croate est considérée comme insuffisante. L'émission de télévision hongroise n'est également diffusée que six fois par an, ce qui, comme l'a indiqué le Comité d'experts dans un rapport d'évaluation, ne respecte pas l'engagement pris par l'Autriche afin de faciliter la diffusion régulière d'émissions de télévision en hongrois. En ce qui concerne le romani, si les représentants des locuteurs souhaitent avoir une émission télévisée spécifique en romani, il convient de noter qu'une émission télévisée en quatre langues diffusée par ORF 2 est majoritairement en romani.

Le Burgenland pratique une politique linguistique des petits pas pour ses minorités croates, hongroises et rom/tsiganes. Avec une majorité germanophone de plus de 87%, il est normal que la langue allemande soit privilégiée. Toutefois, ce sont d'anciens traités internationaux qui ont imposé à l'Autriche des protections minimales pour le croate, le hongrois, le slovène, le slovaque, le tchèque et, plus tard, le romani. Ces droits linguistiques concernent le recours à la langue maternelle dans les tribunaux via un interprète, le droit d'étudier dans sa langue maternelle au primaire à côté de l'allemand, le droit de recevoir certains services municipaux dans sa langue à la condition de l'exiger formellement, ainsi que le droit de bénéficier de panneaux bilingues à l'entrée et/ou à la sortie d'une municipalité «reconnue». Ce sont là des droits jugés essentiels, mais en même temps très limités.

Pourtant, les Croates et les Hongrois du Burgenland bénéficient des droits les plus étendus parmi toutes les minorités en Autriche. Dans cette région, les minorités croates (5,9%) et hongroises (2,4%) ne constituent que de petites communautés réparties dans de nombreuses localités relativement dispersées. Dans ces conditions, il ne faut pas se surprendre si l'assimilation gagne progressivement du terrain. Il aurait fallu que ces minorités soient regroupées et beaucoup plus concentrées dans des localités numériquement plus importantes. Mais les aléas de l'histoire ne l'ont pas permis. Il n'existe aucune localité où les Hongrois et les Croates sont majoritaires.

Il faut comprendre que la protection juridique ne suffit pas toujours à maintenir la vitalité de petites communautés. Il faut également des conditions qui font en sorte que la langue minoritaire soit utile autrement que dans les maisons privées et la salle de classe. La langue croate et la langue hongroise se transmettent de moins en moins aux jeunes générations. C'est le signe que ces langues ne sont plus guère utiles dans l'ensemble de la société burgenlandaise.

     

Dernière mise à jour: 20 nov. 2024

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