République italienne | L'État italienRepubblica Italiana |
L'Italie (officiellement République italienne ou Repubblica Italiana) est un pays d'Europe méridionale d'une superficie de 301 250 km² (soit 55 % de celle de la France). Le pays est limité au nord-ouest par la France, au nord par la Suisse et l'Autriche, au nord-est par la Slovénie. L'Italie a la forme d'une botte (la «botte italienne») qui s'avance dans la Méditerranée. À l'est, elle est séparée de la péninsule balkanique par l'Adriatique, tandis que les mers Ionienne, Ligure et Tyrrhénienne bordent son littoral ouest. Outre la Sicile et la Sardaigne, le territoire de la République italienne englobe d'autres îles plus petites: Capri, Ischia, l'île d'Elbe, les îles Éoliennes (ou Lipari) et Égades, ainsi que l'île de Pantelleria (Sicile). |
Le pays est divisé en 20 régions (voir la carte des régions) dont 15 régions à «statut ordinaire» et cinq régions à «statut spécial» — Sicile, Sardaigne, Trentin-Haut-Adige, Frioul-Vénétie Julienne, Vallée d'Aoste — en raison de leurs caractéristiques ethniques, géographiques, linguistiques et historiques, mais aussi en raison de la faiblesse de l’État italien au moment de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les 20 régions italiennes (voir la carte) sont par ailleurs divisées en provinces, au nombre de 102 (et il y en aura d'autres), puis en communes (environ 8000).
Chacune des régions possède un Conseil régional (Consiglio regi), composé de 30 à 80 conseillers (selon les régions) élus au suffrage universel direct, pour un mandat de cinq ans; le Conseil régional exerce les pouvoirs législatifs particuliers à la région et une Junte régionale (Giunta regionale), l'organisme exécutif de la région. La Junte est dirigée par le président de la région (Presidente della Régione), lequel est élu en général au suffrage universel direct.
La loi italienne n° 59 de 1997 (Legge 15 marzo 1997, n. 59), dite aussi loi Bassani, prévoit un mode de partage de la compétence administrative, qui présente de nombreuses analogies avec les systèmes de partage propres aux ordres juridiques fédéraux. En effet, cette loi attribue aux collectivités locales une compétence résiduelle par rapport aux domaines réservés à la compétence administrative exclusive de l'État. Bref, la loi de 1997 réserve à l'État un nombre limité de domaines parmi lesquels beaucoup de ceux typiques aux États fédéraux : les affaires étrangères et le commerce extérieur, la défense, les rapports avec les confessions religieuses, la monnaie, le système financier, les douanes, l'ordre public, la justice, la poste et les télécommunications, l'enseignement universitaire, etc. Tous les autres domaines sont attribués aux régions, voire aux provinces et aux municipalités. Le domaine de la langue est une compétence généralement partagée entre l'État central et la Région, sinon la Province. L'État peut déléguer ses pouvoirs en matière de langue à la Région.
La population du pays est plus ou moins également répartie selon les Régions, mais la Lombardie, la Campanie, le Latium et la Vénétie constituent certainement les zones les plus peuplées.
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La langue officielle parlée par la majorité de la population est l'italien, lequel est parlée dans une proportion de 87 % si l'on tient compte des variétés dialectales. L'italien appartient au groupe des langues romanes qui font elles-mêmes partie de la famille indo-européenne.
2.1 L'italien
De toutes les langues romanes, l’italien demeure, avec le corse, l'une des langues les plus proches du latin d'origine. L'italien, tel que nous le connaissons aujourd'hui, s'est imposé comme langue nationale bien avant l’unification politique du pays, qui eut lieu en 1861, lors de la création du Royaume d'Italie. Au moment de l'unification de l'Italie en 1861, seulement 20 % de la population parlait la langue nationale et 2,5 % l'écrivait. L'unification politique a eu pour effet d'entraîner une uniformisation linguistique. L'appareil du nouvel État fut fondé sur une langue commune, un pouvoir central ainsi qu'une magistrature, un système scolaire et une armée désormais unique. L'une des toutes premières mesures fut la gratuité de l'école primaire dont la responsabilité fut confiée aux municipalités, puis en 1911 à l'État. D'autres élément sont intervenus dans le processus d'unification linguistique: le service militaire obligatoire, les migrations internes de la campagne à la ville, le développement du réseau ferroviaire et routier, le début de l'industrialisation, la diffusion de la presse et des médias en général.
À la suite d'une colonisation tardive, l'italien a été une langue officielle en Érythrée, en Somalie, en Libye et en Éthiopie, mais cette situation n'a pas laissé de trace linguistique. En réalité, le rayonnement de la langue italienne a été très florissant pour beaucoup de langues européennes au cours des XVe et XVIe siècles, notamment dans les arts comme la musique, la peinture, l'économie et la technologie militaire.
Par ailleurs, il existe au moins trois variétés d'italien:
- L'italien standard ou italien normatif (italiano standard ou italiano normativo): c'est la variété de référence sociale, celle utilisée par les couches supérieures de la société italienne, tant à l'oral qu'à l'écrit.
- L'italien régional (italiano regionale): c'est un italien élaboré après la Seconde Guerre mondiale et formé à partir de la variante standard et les dialectes locaux, avec une prononciation caractérisée par des traits régionaux.
- L'italien populaire (italiano popolare): c'est un italien acquis de façon approximative, avec des lacunes aux niveaux grammatical et lexical, et marqué par de fortes caractéristiques régionales, surtout dans la prononciation.
2.2 Les dialectes italiens
Au début du XXe siècle, les Italiens parlaient tous leur variété régionale italienne. Il s'agit de langues locales issues du latin (comme l'italien standard), mais qui se sont développées en dehors de toute intervention politique: le piémontais, le sicilien, le vénitien, le lombard, l'émilien, le napolitain, le romagnol, l’istrien, le toscan, le corse (en Corse), le calabrien, le lucanien, l’abruzzien, etc. On estime que le nombre de ces «langues» pourrait atteindre plusieurs dizaines (avec de nombreuses variétés locales). À partir de l'unification de l'Italie, ces langues ont été qualifiées de «dialectes italiens» (dialetti italiani) auxquels ont été associées des connotations dépréciatives, c’est-à-dire des «parlers inférieurs», indignes d’être employés et transmis par une grande nation comme l'Italie. Évidemment, comme ces parlers ont la même origine que les langues romanes officielles (italien, espagnol, portugais, français, etc.), ils ne sont pas plus «corrompus» que ces dernières. Les dialectes italiens sont donc des langues au même titre que les autres langues romanes officielles, sauf qu'ils n'ont aucun statut d'officialité.
On distingue au nord les dialectes septentrionaux et au sud les dialectes centro-méridionaux et méridionaux. On peut représenter la classification de ces parlers de la façon suivante:
Liste des langues et dialectes
Langues et dialectes | Groupes ou sous-groupe | Appellation française | Appellation italienne |
Italie septentrionale |
gallo-italien vénitien |
1. ladin 2. frioulan 1. piémontais 1. vénitien 1. istrien ou istriote |
1. ladino 1.
piemontese 1. veneto 1. istrioto |
Italie centrale |
toscan Centre-Sud
(médians) |
1. toscan
2. corse 3. romain 1. ciociaro |
1. toscano 2. corso 3. romano 1. ciociaro |
Italie méridionale |
haut-méridional bas-méridional |
1. abruzzais
(des Abruzzes) 2. molisan 3. campanien 4. lucanien ou lucan 5. apulien (des Pouilles)
1.
apulo-salentin |
1. abruzzese 2. molisano 3. campano 4. lucani 5. pugliese 1. apulo-salentina |
Sardaigne |
campidanien |
1.
Logoudorien 2. campidanien 1. gallurien |
1.
logudorese 2. campidanese 1. gallurese |
Afin d'aider à comparer quelque peu les variantes
dialectales entre elles, on peut lire ces quelques exemples traduits de la
Déclaration universelle des droits de l'homme:
Article 1er
(français) 1. Tous les
êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. |
Articolo 1
(italien standard) 1.Tutti gli
esseri umani nascono liberi ed eguali in dignità e diritti. |
En piémontais
1. Tuij j'esser uman a nasso liber e
uguaj an dignità e dirit. |
En sarde
1. Totu sos èsseres umanos naschint
lìberos e eguales in dinnidade e in deretos. |
En lombard
1. Tücc i vèss üman a i nàssen
libér e cumpàgn en dignità e driss. |
En corse
1. Nascinu tutti l'omi libari è pari
di dignità è di diritti. |
En
vénitien 1. Tuti i èsari umani i nase łìbari
e conpagni in dignità e diriti. |
Dans le dialecte romain (Rome) 1. Tutte le crestiáne nascene lìbbere, parapuatte 'ndegnetát'e iùsse. 2. Tènene 'a rasciòne e 'a cuscénze, e ss'honne a ccumburtà l'une pe ll'òtre accùme a ffráte." |
En sicilien
1. Tutti li òmini násciunu lìbbiri
e avali ntâ dignitati e ntî dritti. |
En calabrais de Reggio (méridional)
1. Tutti i cristiàni nàsciunu libberi
e ntâ stessa manèra ill'authri pi dignità e diritti. |
En abruzzais (adriatique méridional)
1. Tutte li cristïjane nàscene libbere e uàle ne la degnetà e ne li
derétte. |
En calabrais de Cosenza (oriental) 1. Tutti i ggìenti nascianu libberi
e 'gguali all'àtri ppì ddignità e diritti. |
Précisons que le romain
diffère du romanesco, un dialecte toscan parlé à Rome et influencé
par le florentin. Quelles que soient les langues, toutes, y
compris le français, proviennent d'une seule langue-mère, le latin.
Lorsqu'on compare les mots et les expressions, on constate que le calabrais,
une langue du Sud, semble particulièrement distinctive.
Langue ou dialecte | Mot «raison» | Mot «conscience» |
Français | raison | conscience |
Italien standard | ragione | coscienza |
Piémontais | rasonament | cossienssa |
Lombard | resün | cunscénza |
Vénitien | raxon | cosiensa |
Romain (romano) | rasciòne | cuscénze |
Corse | raghjoni | cuscenza |
Sarde | resone | cussèntzia |
Sicilien | raciuni | cuscenza |
Abruzzais (adriatique méridional) | raggiàune | cusciènze |
Calabrais méridional | ognunu | ciriveddhu |
Calabrais oriental | raggiune | cuscìenza |
L'Italie comptabilise probablement des centaines de langues
locales appelées «dialectes» ("dialetti"). En fait, les divisions
régionales correspondent rarement à la répartition des dialectes pour une
raison bien simple: les régions n'existent que depuis 1948, alors que
l'existence des dialectes date du Moyen Âge.
Si l'on ne considère que le tableau
«Liste des
langues et dialectes», on peut croire qu'il n'existe qu'une trentaine
de langues et de dialectes. Ce n'est pas le cas, car chaque région
possède une multitude de variations de son dialecte, parfois même
plusieurs pour une même ville. Par exemple, le romanesco est l'un des dialectes de Rome,
mais il n'est pas le seul. La région du Latium (Lazio) compterait environ 18
dialectes principaux qui se recoupent encore par villes et par communes.
Selon Ugo Vignuzzi, professeur de
dialectologie à La Sapienza (Rome), il y aurait environ 10 000
dialectes locaux en Italie et à peu près 400 dialectes importants ou de
références (correspondant aux diocèses médiévaux).
Aujourd'hui, ces langues régionales — encore appelées «dialectes italiens» (dialetti italiani) — sont en perte d'usage et restent employées dans des situations et des domaines limités (famille, amis, etc.). Néanmoins, elles sont demeurées relativement vivantes, surtout dans le Sud, et les politiciens qui désirent se montrer «près du peuple» n'hésitent pas à les employer. En raison de ces dialectes ou langues locales, l’italien ne constituerait la langue maternelle que de 30 millions d’Italiens, soit 52% de la population. Selon une enquête effectuée en 1991, il semblerait que 85 % des personnes interrogées aient abandonné leur dialecte, mais leur usage se maintient surtout dans certaines régions. Par exemple, c'est en Vénétie (74,6 %) que l’on parlerait encore le plus le dialecte en famille, puis en Sicile (73 %), dans les Abruzzes (59 %) et en Sardaigne (54 %). En Italie, ces langues régionales ne sont pas considérées comme des langues minoritaires, mais comme des «dialectes de l'italien» (alors que, historiquement, il s'agit de dialectes du latin). 2.3 Les langues minoritaires reconnues L’Italie compte aussi de nombreuses langues minoritaires sur son territoire. Mentionnons l'allemand et le ladin parlés dans le nord du Trentin-Haut-Adige (le Tyrol du Sud ou Süd-Tirol appelé aussi Trentino-Südtirol), au nord, dans les régions frontalières de la Suisse et de l'Autriche, le français et le franco-provençal dans la Vallée d’Aoste (près de la France) et le Piémont, l’occitan au Piémont et en Calabre, le slovène et le frioulan dans le Frioul-Vénétie Julienne, le sarde en Sardaigne (et le catalan dans la ville d’Alghero), le sicilien en Sicile, l'albanais en Sicile et en Italie méridionale (Pouilles et Calabre), sans oublier le croate (Molise), le grec (Calabre et Pouilles). |
La législation italienne (Loi du 15 décembre 1999, n° 482) reconnaît officiellement douze langues: l'albanais, le catalan, l'allemand (et ses variétés), le grec, le slovène, le croate, le français, le franco-provençal, le frioulan, le ladin, l'occitan et le sarde.
Langue | Affiliation | Localisation | Statut juridique | Locuteurs |
1. Français (francese) | Vallée d'Aoste | co-officiel (Vallée d'Aoste) | 100 000 | |
2. Occitan (occitano) |
Piémont, Ligurie, Calabre |
langue minoritaire reconnue |
178 000 |
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3.
Franco-provençal
(franco-provenzale) |
Vallée d'Aoste, Piémont |
langue minoritaire reconnue |
91 000 |
|
4. Allemand (tedesco) |
Vallée d'Aoste, Trentin-Haut-Adige (Bolzano), Udine |
co-officiel (Bolzano) |
270 000 |
|
5. Slovène (sloveno) |
Frioul-Vénétie Julienne |
langue minoritaire reconnue |
100 500 |
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6. Ladin (ladino) |
Trentin-Haut-Adige, Vénétie |
langue minoritaire reconnue |
35 000 |
|
7. Frioulan (friulano) |
Frioul-Vénétie Julienne |
langue minoritaire reconnue |
650 000 |
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8. Albanais (albanese) | Campanie, Molise, Pouilles, Basilicate, Calabre et Sicile |
langue minoritaire reconnue |
80 000 |
|
9. Croate (croato) |
Molise |
langue minoritaire reconnue |
2 600 |
|
10. Grec (greco) |
Pouilles et Calabre |
langue minoritaire reconnue |
12 000 |
|
11. Sarde (sardo) |
Sardaigne |
langue minoritaire reconnue |
1 300 000 |
|
12. Catalan (catalano) |
Alghero (Sardaigne) |
langue minoritaire reconnue |
20 500 |
1) Le français
Dans le passé, la bourgeoisie de la Vallée d'Aoste (n° 2) et du Piémont (n° 1) parlait français, mais aujourd’hui on compte fort peu de Valdôtains dont le français constitue encore la langue maternelle et, dans le Piémont, il n'y en a plus. En 2002, le sondage de la Fondation Émile-Chanoux montrait que le français n'était la langue maternelle que 1,18 % des Valdôtains (0,99 % pour le français seulement; 0,19 % pour l'italien et le français), mais que plus de 70 % connaissaient cette langue. En réalité, les Valdôtains parlent normalement l'italien ou le franco-provençal, mais écrivent en italien ou en français. Dans la Vallée d'Aoste, le français bénéficie de mesures de protection juridiques en raison de son caractère de co-officialité avec l’italien.
2) L'occitan
L'occitan (env. 178 000 locuteurs) est parlé surtout dans le Piémont (n° 1) dans une quinzaine de vallées alpines (provinces de Turin et Cuneo), mais cette langue est aussi utilisée en Ligurie et même en Calabre (n° 18: province de Cosenza). Les locuteurs qui ont l'occitan comme langue maternelle en Italie ne l'utilisent que dans les communications informelles. C'est une langue en voie d'extinction, puis qu'elle ne se transmet que fort peu chez les jeunes.
3) Le franco-provençal
Le franco-provençal (ou francoprovençal) est non seulement parlé en Suisse (deux communes du canton du Valais [VS]), mais aussi en Italie, soit dans la Vallée d'Aoste (n° 2) et au Piémont (n° 1). Il est aussi parlé en France, notamment en Savoie et dans d'autres régions historiques limitrophes (Bresse, Dauphiné, Genevois, etc.). On en compterait 70 000 dans la Vallée d'Aoste, 20 000 dans les vallées turinoises et 1000 dans les Pouilles. Le fait que cette langue était plus différente de l’italien qu’elle ne l’était du français a pu favoriser son maintien en contexte italophone. De plus, historiquement, la politique de centralisation ou d’uniformisation linguistique n’a jamais été aussi marquée en Italie qu’en France ou en Suisse romande, de sorte que les dialectes y ont aujourd’hui plus de prestige social. La répression linguistique dans la Vallée d’Aoste est certes devenue féroce sous le fascisme, mais elle s’est exercée contre le français, jamais spécifiquement contre le franco-provençal.
En Italie, le franco-provençal est également parlé dans la région des Pouilles (n° 16: province de Foggia), notamment dans les communes de Faeto et de Celle di San Vito, qui comptent plus d’un millier de locuteurs. Si quelques personnes très âgées y parlent uniquement le franco-provençal, la plupart sont «trilingues» et parlent aussi l’italien standard, qui s’est imposé au XXe siècle, ainsi que le dialecte des Pouilles, diffusé au XIXe siècle. Dans la Loi régionale du 10 avril 1990, n° 26, la province du Piémont reconnaît le franco-provençal comme faisant partie du patrimoine linguistique du territoire.
4) L'allemand et ses variétés
Quand on parle de l'allemand comme langue minoritaire en Italie, il faut distinguer la langue écrite et la langue parlée. L'allemand standard est la variété d'allemand que les minorités germanophones utilisent pour écrire. Cet allemand standard est aussi la langue reconnue par l'État italien. Cependant, la très grande majorité des germanophones d'Italie parlent d'autres variétés d'allemand, notamment des dialectes austro-bavarois au nord-est et une variété alémanique (walser) au nord-ouest.
Les dialectes austro-bavarois utilisés dans le nord de l'Italie sont les suivants (voir la carte): le tyrolien du Sud (province de Bolzano), le mochène (province du Trentin), le cimbre (province de Trentin), le sappadino (province de Belluno), le saurano (province d'Udine), le timavese (province d'Udine), le carinziano de Val Canale (province d'Udine). Il existe aussi une variété alémanique: le walser, parlé dans la Vallée d'Aoste et au Piémont. Au total, le nombre des germanophone est estimé à environ 300 000.
Ce sont généralement les germanophones de la province de Bolzano/Bozen (Südtirol) qui parlent la variété du tyrolien du Sud (Südbairisch) comme langue maternelle. Cette variété austro-bavaroise est fortement influencée par la langue italienne. Le nombre des locuteurs du tyrolien du Sud est estimé à 251 000 dans la Région autonome du Trentin-Haut-Adige, essentiellement dans la province de Bolzano/Bozen.
Dans l'autre province du Trentin-Haut-Adige, le Trentin, les germanophones parlent des variétés austro-bavaroises proches du tyrolien du Sud (ou Südbairisch): le mochène (ou mòcheno) et le cimbre (ou cimbro). Ces deux communautés germanophones (2275 locuteurs pour le mochène; 882 pour le cimbre) sont installées dans la province autonome de Trento depuis le Moyen Âge.
À l'est de la province de Trentin, dans la province de Belluno (Vénétie n° 5), vivent des germanophones parlant le sappadino ou plodarisch ou plodn (environ 1000 locuteurs).
Tous les autres germanophones d'Italie résident dans la province d'Udine (région du Frioul-Vénétie Julienne, n° 6) où au total quelque 2500 locuteurs parlent le saurano, le timavese ou le carinziano de Val Canale.
Le walser est une variété alémanique de l'allemand parlée en Suisse (cantons du Tessin et du Valais), en Autriche (Voralberg et Tyrol), ainsi qu'en Italie (Vallée d’Aoste et Piémont). Le walser est la langue maternelle de 17 % des habitants des communes de Gressoney-La-Trinité, de Gressoney-Saint-Jean et d'Issime, soit 0,03 % des Valdôtains dans les trois communes citées. Il est parlé aussi par quelques centaines de locuteurs au Piémont (Alagna, Rima, Rimella, Macugnaga, Ornavasso, etc.). Au total, il y aurait environ 10 000 locuteurs du walser en Italie, mais ce n'est pas le walser qui est reconnu par l'État italien, c'est l'allemand standard, lequel est une langue d'enseignement obligatoire dans les trois communes citées.
5) Le slovène
Le slovène est une langue slave parlée dans le Fioul-Vénétie Julienne (n° 6) par plus de 100 000 locuteurs, principalement dans la province de Trieste ainsi que dans certaines localités des provinces d'Udine et de Gorizia. La plupart des locuteurs du slovène sont concentrés à l'est de la Région autonome, près de la Slovénie. Ces Slovènes sont installés dans la région depuis plus de mille ans.
6) Le ladin
Le ladin fait partie des langues romanes dont il constitue un sous-groupe particulier avec le romanche (canton des Grisons en Suisse) et le frioulan (le Frioul-Vénétie Julienne en Italie, n° 6). Il s'agit des langues dites rétho-romanes (voir la structure arborescente et la carte linguistique). Les ladinophones sont répartis dans trois provinces: Bolzano/Bozen, Trento et Belluno (voir la carte linguistique). Dans toute l'Italie, on compterait quelque 35 000 locuteurs du ladin, dont 21 000 dans la province de Bolzano/Bozen et 8000 dans la province de Trento. Dans la province de Belluno (Vénétie, n° 5), les ladinophones sont concentrés dans les communes de Livinallongo, Colle Santa Lucia, Fodom et Cortina d'Ampezzo, mais il en existe ailleurs qui sont fortement influencés par le dialecte vénitien.
7) Le frioulan
Le frioulan, appelé également ladin oriental, est une langue romane appartenant au groupe rhéto-roman, à l’exemple du ladin (en Italie dans le Trentin-Haut-Adige) et du romanche (en Suisse). Dans le Frioul-Vénétie Julienne, les locuteurs du frioulan (650 000 locuteurs) constituent, après le sarde (1,3 million de locuteurs), la seconde langue minoritaire d'Italie. Une enquête menée en 1998 par l’Université d’Udine, et dirigée par une commission de l’Observatoire de la langue frioulane, a estimé qu'il n'y avait pas de locuteurs unilingues frioulans. Il y aurait plus de 800 000 Frioulans établis à l’étranger, dont environ la moitié qui utiliserait encore le frioulan.
8) L'albanais
La langue albanaise en Italie, souvent appelée «Shqip», est parlée dans une cinquantaine de localités dispersées dans sur sept régions (Abruzzes, Molise, Pouilles, Campanie, Basilicate, Calabre et Sicile) et neuf provinces (Pescara, Campobasso, Avellino, Foggia, Taranto, Potenza, Cosenza, Catanzaro et Palerme).
On estime qu'il y aurait près de 100 000 locuteurs de l'albanais en Italie. Les sources les plus fiables laissent entendre qu'environ 20 % des albanophones ne parleraient plus cette langue, ce qui laisserait supposer un nombre probable d'environ 80 000 locuteurs. Cependant, les associations albanaises laissent croire que le nombre des albanophones pourrait dépasser les 250 000 individus.
9) Le croate
Cette langue slave est parlée par 2600 locuteurs dans la région de Molise (n° 14), surtout dans les communes de San Felice del Molise, de Montemitro et d'Acquaviva Collecroce dans la province de Campobasso. Cette population est installée dans le Molise depuis le XVe siècle, probablement pour fuir la côte dalmate afin d'échapper à l'invasion turque. La langue croate de Molise est, par comparaison au croate de Croatie, relativement archaïsante et porte les traces de nombreuses influences de l'italien. La quasi-totalité de la population croate réside dans des zones rurales.
10) Le grec
La minorité grecque d'Italie est estimée à environ 12 00 locuteurs, tous dans les régions du sud (Pouilles, Basilicate et Calabre) de l'Italie et en Sicile. Il s'agit de petites minorités installées dans certaines communes. Les variantes locales du grec sont légèrement différentes d'une localité à l'autre, en raison de l'influence diversifiée de la population environnante. Ces isolats linguistiques sont originaires de la conquête byzantine du VIe siècle en Italie. Le taux d'assimilation de la population grécophone demeure élevé.
11) Le sarde
Les Sardes constituent l'une des plus importantes minorités linguistiques de toute l'Italie (avec les Frioulans), et même l'une des plus considérables d'Europe, avec 1,3 million de locuteurs en Sardaigne. On estime que 85 % des habitants de l'île comprennent le sarde reconnu comme langue minoritaire par l'État italien.
12) Le catalan
Le catalan, une autre langue romane, est parlé dans l'île de Sardaigne par quelque 20 000 locuteurs, principalement à Alghero (pop.: 44 000 habitants), une ville située dans une péninsule au nord-ouest de l’île. Il s'agit d'un catalan archaïsant et fortement italianisé.
Les langues non reconnues
Il existe encore d'autre langues, mais elles ne sont pas reconnues par l'État italien: le tsigane (romani), le tabarquin (tabarquino), le gallo-italique (gallo-italico), le piémontais (piemontese), le lombard (lombardo), le ligure (ligure), l'émilien-romagnol (emiliano e romagnolo), le sicilien (siciliano), le napolitain (napoletano), le vénitien (veneto), et, de façon générale, toute langue de niveau strictement local, ainsi que, on l'aura compris, tous les «dialectes».
Le nombre des Tsiganes se trouvant actuellement sur le territoire italien est estimé à quelque 120 000, dont 80 000 ont la nationalité italienne. Le gouvernement italien a reconnu la nécessité de promouvoir l’intégration des communautés tsiganes en Italie. Cependant, cette tâche n'a pu être menée à terme. L'État italien n’a jamais jugé opportun de faire figurer la minorité tsigane parmi les minorités historiques visées dans la loi 482/99 concernant la protection des minorités. La langue tsigane, d'origine indo-iranienne, connaît des variétés en fonction des communautés concernées.
Le tabarquin (langue romane appelée «tabarquino» ou «tabarchino») est parlé par 15 000 locuteurs dans les communes sardes de Carloforte (île de San Pietro) et de Calasetta (île de Sant'Antioco) situées au sud-ouest de la Sardaigne. C'est une langue très proche du ligure utilisé au XVIe siècle, bine qu'elle ait été influencée par le sarde. Le tabarquin est reconnu formellement à l'article 2.4 de la Loi régionale du 15 octobre 1997, n° 26, sur la promotion et la valorisation de la culture et de la langue de la Sardaigne.
Le gallo-italique (langue romane appelée «gallo-italico») n'est pas une langue uniforme, mais une variété aux formes diverses prenant des noms différents (roiasco, brigasco, mentonasco, bonifacino, etc.) selon les localités. Tous ces variétés regrouperaient environ 200 000 locuteurs en Ligurie, en Sardaigne, en Sicile en en Basilicate.
Quoi qu’il en soit, les populations minoritaires comptent plus de sept millions de locuteurs regroupant environ 25 langues. Cela dit, l’italien demeure la langue la plus parlée en Italie puisque 87 % de la population peut s’exprimer dans cette langue.
2.4 Les italophones hors de l'Italie
On sait qu'il y a plus d'italophones à l'extérieur de l'Italie qu'il y en a en Italie même. Ils sont principalement dans les pays suivants: Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Belgique, Bosnie-et-Herzégovine, Brésil, Canada, Chili, Croatie, Égypte, Émirats arabes unis, Érythrée, États-Unis, France, Israël, Libye, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Paraguay, Philippines, Porto Rico, Roumanie, Royaume-Uni, San Marino, Somalie, Tunisie, Uruguay, etc. Ce sont tous des immigrants ou des descendants d'immigrants italiens.
Il existe aussi d'importantes minorités nationales italophones en Suisse, en
Slovénie et en Croatie. En effet, l'aire des langues
italiennes (ou variétés dialectales) s'étend à l'extérieur des
frontières de l'Italie actuelle.
Cette aire comprend la totalité du canton suisse du Tessin (à l'ouest), mais aussi la partie méridionale du canton des Grisons (à l'est du Tessin), ainsi que certaines municipalités côtières de la Slovénie (une vingtaine) et de la Croatie, notamment dans les régions de l’Istrie (une vingtaine de municipalités) et de Primorsko-Goranska (Buje, Pula, Rovinj, Rijeka et Pakrac). On peut y ajouter aussi le corse dans l'île de Corse. Voir la carte des langues italo-romanes. |
2.5 Les immigrants
En outre, l’Italie est caractérisée par une population étrangère très diversifiée et composée d'immigrants provenant de nombreux pays. Selon le rapport annuel de l'ISTAT de 2018, la population était estimée à 60,4 millions de résidents sur le sol italien, avec 8,4% d'étrangers (5,6 millions), avec en 2017 quelque 184 000 étrangers en plus par rapport à l'année précédente.
Une portion importante de la population étrangère est composée de ressortissants des pays les plus développés qui, au cours des années 1990, ont atteint le nombre approximatif de 200 000 personnes. Mais, ces dernières années, les réfugiés arrivent en masse en Italie. Depuis 2015, quelque 460 000 demandeurs d'asile ont débarqué sur les côtes italiennes. Il convient d'ajouter à ce nombre ceux qui arrivent par voie terrestre, pour un total de 600 000 immigrants illégaux et cinq millions d'immigrants réguliers. Aujourd'hui, les migrants représentent environ 10 % de la population italienne. Ils sont surtout concentrés au nord de l'Italie, là où les emplois sont les plus nombreux. Ce sont les villes de Rome et de Milan qui ont enregistré le plus grand nombre d’immigrants, à la fois en termes absolus et en termes relatifs.
Il faut préciser aussi que beaucoup d'immigrants sont originaires de régions à fort taux d’émigration: l'Europe centrale et l'Europe de l'Est (Albanie, ex-Yougoslavie, Roumanie, Biélorussie, Lettonie, Hongrie), l'Afrique (Maroc), l'Amérique latine (Brésil et Pérou) et l'Asie (Philippines, Chine, Sri Lanka et Inde). Les immigrants originaires de ces pays semblent avoir consolidé leur présence depuis une bonne décennie. Mais depuis 2014 la majorité des immigrants viennent des pays d'Afrique. Sur les 9448 migrants clandestins qui sont arrivés en Italie entre le 1er janvier et le 15 février 2017, on constate que 839 immigrants sont issus de la Côte d'Ivoire, 796 de la Guinée, 483 du Nigeria, 431 du Sénégal, 359 de la Gambie, 282 du Mali ou encore 257 du Maroc.
De plus, les flux de Pakistanais (15 000, + 30%), d'Albanais (13 000, + 12%) et de Brésiliens (10 000, + 50%) sont également très importants, alors que l'immigration des citoyens de l'Asie diminue: Cinghalais (-18 %), Chinois (-17%), Bengali (-14%) et Indiens (-11%). L'émigration est toujours en croissance (annulations du registre étranger): en 2016, 157 000 (+ 7% par rapport à 2015). L'augmentation est due exclusivement aux annulations de citoyens italiens (+ 12%).
Rappelons que l'Italie n'est pas un État unitaire comme la France, elle est composée de Régions, de Provinces, de Communes, de Villes métropolitaines et de l'État (art. 114 de la Constitution), chacune des entités possédant des pouvoirs et des champs de compétence:
Article 114 1. La République se compose des communes, des provinces, des villes métropolitaines, des régions et de l’État. 2. Les communes, les provinces, les villes métropolitaines et les régions sont des entités autonomes ayant un statut, des pouvoirs et des fonctions propres, conformément aux principes établis par la Constitution. 3. Rome est la capitale de la République. Son statut est réglé par la loi de l’État. |
Depuis 1972, il existe 15 Régions «à statut ordinaire» (voir la carte des régions) bénéficiant d'un transfert des fonctions administratives de la part de l’État italien. Mais il faut distinguer aussi cinq Régions «à statut spécial». Les Régions «à statut ordinaire» disposent de pouvoirs assez considérables en matière de législation, mais elles sont financées et contrôlées entièrement par l'État central, ce qui limite leurs véritables pouvoirs.
3.1 Les caractéristiques des Régions autonomes
En 1948, après la Seconde Guerre mondiale, quatre Régions autonomes ont été créées: la Sardaigne, la Sicile, le Trentin-Haut-Adige et la Vallée d'Aoste. En 1963, le Frioul-Vénétie Julienne fut ajouté. L'article 116 de la Constitution italienne reconnaît ce statut spécial aux Régions du Trentin-Haut-Adige/Südtirol, du Frioul-Vénétie Julienne, de la Sardaigne, de la Sicile et de la Vallée d'Aoste:
Article 1161. Des formes et des conditions particulières d'autonomie sont attribuées au Frioul-Vénétie Julienne, à la Sardaigne, à la Sicile, au Trentin-Haut Adige/Südtirol et dans la Vallée d'Aoste, selon les statuts spéciaux respectifs adoptés par loi constitutionnelle.2. La région autonome du Trentin-Haut Adige/Südtirol se compose des provinces autonomes de Trento et de Bolzano. 3. Des formes et des conditions particulières d'autonomie concernant les matières visées au troisième alinéa de l'article 117 et les matières visées au deuxième alinéa dudit article aux alinéas l), pour ce qui est de l'organisation de la justice de paix, n) et s), peuvent être attribuées, par la loi de l'État, à d'autres régions, à l'initiative de la région intéressée, après avoir reçu l'avis des collectivités locales, dans le respect des principes fixés par l'article 119. Ladite loi est adoptée par les chambres à la majorité absolue de leurs membres, sur la base d'une entente entre l'État et la région intéressée. |
La Constitution reconnaît un statut spécial particulier aux deux provinces du Trentin-Haut-Adige: la Province autonome du Trentin (Trento) et la Province autonome de Bolzano. Contrairement aux Régions «à statut ordinaire», les Régions «à statut spécial» possèdent une autonomie financière considérable, car elles retiennent la quasi-totalité de leurs impôts. Les régions autonomes sont caractérisées par le fait que, étant situées aux frontières de l'Italie (voir la carte), elles comptent d'importantes minorités linguistiques. En fait, sur les cinq régions «à statut spécial», deux sont désignées en raison de leur caractère insulaire (la Sicile et la Sardaigne), tandis que les trois autres (Vallée d'Aoste, Trentin-Haut-Adige et Frioul-Vénétie Julienne) le sont en raison de la présence de groupes linguistiques minoritaires à protéger.
Région | Situation | Minorité(s) nationale(s) |
Trentin-Haut-Adige |
nord-est |
germanophone et ladinophone |
Vallée d'Aoste |
nord-ouest |
francophone et franco-provençale |
Frioul-Vénétie Julienne | nord-est |
slovène et frioulane |
Sardaigne |
Méditerranée - sud de la Corse |
sarde |
Sicile | Méditerranée - sud-ouest de la Calabre |
sicilienne |
En fait, il n'existe que trois régions «spéciales» du point de vue des minorités «nationales», la Sicile et la Sardaigne n'étant pas reconnues comme ayant des minorités «nationales», mais comme des communautés «historiques» et «insulaires». C'est là l'une des particularités de «l'asymétrie italienne». Cette asymétrie se retrouve dans les «régions à statut spécial» par rapport aux «régions à statut ordinaire». Trois des «régions à statut spécial» sont tenues de protéger leurs minorités, alors que les «régions à statut ordinaire» peuvent le faire si elles le désirent. En général, les «régions à statut ordinaire» ont concentré leurs efforts dans la valorisation des traditions locales, dont font éventuellement partie les langues.
Toutes les Régions possèdent des compétences dans de nombreux domaines, dont les suivants:
- les relations internationales et avec l’Union européenne des Régions;
- la protection et la sécurité du travail;
- l’éducation scolaire, sans préjudice pour l’autonomie des établissements scolaires et à l’exclusion de l’éducation et de la formation professionnelle;
- les professions;
- la recherche scientifique et technologique et le soutien à l’innovation pour les secteurs productifs;
- la protection de la santé;
- l’alimentation;
- les activités sportives;
- la protection civile;
- l’aménagement du territoire;
- les ports et les aéroports civils; les grands réseaux de transport et de navigation;
- le système des communications;
- la mise en valeur des biens culturels et environnementaux et la promotion et l’organisation d’activités culturelles;
Ce ne sont pas là des compétences exclusives aux Régions. Il s'agit de compétences faisant l'objet «de législation concurrente» (art. 117 de la Constitution) dont le pourvoir législatif revient en principe aux Régions, «sous réserve de la fixation des principes fondamentaux, qui relève de la législation de l’État». Autrement dit, l'État peut intervenir en fixant les «principes fondamentaux» et ce sera aux Régions de préciser l'interprétation et les applications à donner. Soulignons aussi qu'aucune Région en Italie n'a de pouvoirs judiciaires. Il s'agit d'une prérogative exclusive du gouvernement central. Dès lors, la Région ne peut intervenir dans la question linguistique ou légiférer en ce sens.
3.2 La protection des minorités
En vertu de la Constitution italienne, la protection des langues minoritaires n’est pas dévolue comme une compétence exclusive de l’État italien, ni d'ailleurs comme une compétence propre aux État-régions, c'est-à-dire les régions autonomes. En fait, le mot «langue» (lingua) n'apparait qu'à l'art. 3 (non-discrimination) et à l'art. 111 (comme «langue employée au procès»). Quant au mot «minorités» (minoranze), il apparaît à l'art. 6 («La République protège par des mesures appropriées les minorités linguistiques.»), à l'art. 83 (la représentation des minorités au Conseil régional) et au paragraphe X des Dispositions transitoires et finales (la protection des minorités linguistiques s’applique provisoirement à la Région du Frioul-Vénétie Julienne). Bref, la protection linguistique n’est pas considérée comme un champs de compétence en soi, comme le sont l'éducation, la culture, l'aménagement du territoire, etc. Selon l'article 117 de la Constitution, dans toutes les matières qui ne sont pas expressément réservées à la législation de l’État, le pouvoir législatif échoit aux Régions. Ainsi, la langue relève à la fois de l'État, des Régions et des provinces autonomes (Bolzano et Trentin), voire aux communes (municipalités).
En réalité, la protection linguistique ne constitue pas un domaine spécifique de compétence, mais elle est possible de la réglementer par d'autres champs de juridiction. Par exemple, la Région possède le pouvoir de réglementer ou de légiférer sur «la mise en valeur des biens culturels et environnementaux et la promotion et l’organisation des activités culturelles» (art. 117 de la Constitution). Par ce moyen, il devient possible pour la Région de prendre des mesures concernant les droits linguistiques des minorités. La Région a également le pourvoir de réglementer «l’éducation scolaire, sans préjudice pour l’autonomie des établissements scolaires et à l’exclusion de l’éducation et de la formation professionnelle» (article 117). Par cette compétence, la Région a ainsi la possibilité de légiférer sur les langues minoritaires. Généralement, le Parlement national de Rome légifère directement dans le domaine de la protection linguistique et il revient ensuite aux Régions, voire aux Provinces, de réglementer davantage cette même question au moyen, par exemple, du patrimoine historique, de la culture, de l'éducation, etc.
3.3 Le «fédéralisme à l'italienne»
En Italie, on parle de «fédéralisme à l’italienne», c’est-à-dire une (petite) décentralisation administrative. D’ailleurs, le 7 octobre 2001, les Italiens ont été appelés à se prononcer par référendum pour renforcer «considérablement» les pouvoirs des régions autonomes; on a utilisé le mot «dévolution» pour désigner cette redistribution des pouvoirs dans les régions. Près de 80 % des Italiens (34 % des ayants droit) ont approuvé cette mesure. La question était celle-ci:
Approvate voi il testo della legge costituzionale concernente Modifiche al titolo V della parte seconda della Costituzione approvato dal Parlamento e pubblicato nella Gazzetta Ufficiale n. 59 del 12 marzo 2001? | [Approuvez-vous le texte de la loi constitutionnelle concernant les modifications au titre V, de la seconde partie de la Constitution, approuvé par le Parlement et publié dans la Gazette officielle, n° 59, du 12 mars 2001?] |
En fait, il n’y a rien dans les nouvelles dispositions constitutionnelles (articles 114 à 132) qui concerne directement la langue. Pour les régionalistes italiens, il s’agit là d’une simple décentralisation administrative qui accordait dans les faits un bilinguisme dans la dénomination officielle de deux des cinq régions. En effet, l’ancien article 116 utilisait auparavant les termes de Sicilia (Sicile), Sardegna (Sardaigne), Friuli Venezia Giulia (Frioul-Vénétie Julienne), Trentino-Alto Adige (Trentin-Haut-Adige) et Valle d’Aosta (Vallée d'Aoste), alors que le nouveau texte mentionne maintenant Sardegna, Sicilia, Friuli Venezia Giulia, Trentino-Alto Adige/Südtirol et la Valle d’Aosta/Vallée d’Aoste. Bref, seuls les deux dernières sont maintenant affublées d’une dénomination officiellement bilingue.
Comme nous le verrons pour chacune des régions autonomes, les statuts d’autonomie diffèrent selon les minorités à qui l’on a affaire. Si elles sont fortes, elles obtiennent plus de droits que les autres. C’est une sorte de «dévolution asymétrique», un peu comme pour le pays de Galles et l’Écosse au Royaume-Uni, et non pas comme la répartition des pouvoirs en Espagne ou au Canada, alors que les entités constituantes (communautés autonomes ou provinces) ont obtenu, du moins en principe, les mêmes droits et privilèges.
Par ailleurs, les autres régions non autonomes peuvent adopter des lois et règlements plus ou moins similaires aux régions autonomes concernant leurs propres minorités. C'est le cas notamment dans les régions de Molise (Legge regionale 14 maggio 1997, n. 15 “Tutela e valorizzazione del patrimonio culturale delle minoranze linguistiche nel Molise”), de la Basilicate (Legge regionale 9 novembre 1998, n. 40 “Norme per la promozione e tutela delle Comunità Arbereshe in Basilicata”), du Piémont (Legge regionale 10 aprile 1990, n. 26 “Tutela, valorizzazione e promozione della conoscenza dell'originale patrimonio linguistico del Piemonte”) et de la Calabre (Legge regionale 30 ottobre 2003, n. 15 “Norme per la tutela e la valorizzazione della lingua e del patrimonio culturale delle minoranze linguistiche e storiche di Calabria”).
La Constitution italienne de 1947 ne proclame pas l’italien comme langue officielle de l’État, puisque une telle déclaration paraît tout à fait inutile. Dans les faits, pour l'ensemble du territoire, l'État italien ne reconnaît qu'une seule langue: l'italien. Et ceci vaut même pour l’Administration nationale dans les régions autonomes. Cela signifie que les députés ne peuvent s'exprimer qu'en italien au parlement de Rome et que les lois ne sont rédigées qu'en italien.
4.1 Les dispositions constitutionnelles
Cependant, depuis 1947, l’État italien a adopté à l’intention des minorités tout un arsenal de lois, de décrets, de règlements et de dispositions diverses. Ainsi, l'article 3 de la Constitution de 1947 garantit l'égalité de tous les citoyens «sans distinction de langue». L'article 6 précise, pour sa part, que la République protège ses minorités linguistiques «par des mesures appropriées»:
Article 3 Tous les citoyens ont une même dignité sociale et sont égaux devant la loi sans distinction de sexe, de race, de langue, de religion, d'opinions politiques, de conditions personnelles et sociales. Il appartient à la République d'écarter les obstacles d'ordre économique et social, qui, limitant en fait la liberté et l'égalité des citoyens, empêchent le plein développement de la personne humaine et la participation effective de tous les travailleurs à l'organisation politique, économique et sociale du pays. Article 6 La République protège par des mesures appropriées les minorités linguistiques. |
Le texte ne précise pas de quel type de «minorités linguistiques» il s'agit, mais on peut supposer que l'article 6 faisait avant tout allusion aux «minorités nationales», celles qui pouvaient être reliées à des pays voisins, comme l'Autriche et l'Allemagne (germanophones), la Yougoslavie puis la Slovénie (slavophones) et la France (Valdôtains). Il n'est pas certain que cet article 6 incluait les communautés linguistiques ladine (Trentin-Haut-Adige), frioulane (Fioul), sarde (Sardaigne), franco-provençale (Piémont) ou albanaise, grecque, etc. D'ailleurs, les faits ont démontré que, durant quelques décennies, les «minorités nationales» ont bénéficié d'un statut particulier, alors que les autres ont dû attendre longtemps avant de se voir reconnaître une protection officielle.
Soulignons que cette constitution a été élaborée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que l'Italie venait d'abandonner une vingtaine d'années d'oppression contre ses minorités linguistiques. Les rédacteurs de la nouvelle Constitution ont considéré qu'il fallait un soutien officiel et constitutionnel à l'égard des minorités qui avaient dû subir une italianisation forcée. Cette perception semblait être si profondément ancrée dans les esprits que les rédacteurs n'ont même pas cru nécessaire d'insérer dans la Constitution un article sur le caractère officiel de la langue italienne en Italie. Il reste à examiner comment se concrétisent ces «mesures appropriées».
4.2 La loi sur les minorités linguistiques de 1991 (abrogée)
Même si les lois linguistiques s’avèrent relativement nombreuses en Italie, elles ne concernent pratiquement que la minorité allemande de la province de Bolzano (voir la page concernant "Le Trentin-Haut-Adige"). En réalité, avant décembre 1999, seul le Décret du président de la République du 20 novembre 1991 intitulé «Normes en matière de protection et de défense des minorités linguistiques» (aujourd'hui abrogé) s’adressait à plusieurs minorités en Italie. L’article 1er décrivait ainsi formellement les minorités visées par la loi:
Article 1er 1) La République protège la langue et la culture des populations d'origine albanaise, catalane, germanique, grecque, slave et bohémienne ainsi que de celles qui parlent le ladin, le français, le franco-provençal et l'occitan. 2) De plus, la République protège la langue et la culture des populations frioulane et sarde. |
C'est la première fois que, dans un texte, juridique, l'Italie désignait formellement le frioulan et le sarde comme langues minoritaires. La loi avait prévu des règles d’application minimale en matière de protection linguistique. Il fallait notamment qu’une minorité forment au moins 15 % de la population d’une municipalité et que les représentants locaux ainsi que les citoyens ait approuvé majoritairement la procédure d’adoption du décret du président de la République. Fait à préciser: l’article 17 stipulait que les dispositions de la présente loi ne s’appliquent pas aux minorités du Trentin-Haut-Adige et de la Vallée d'Aoste ainsi qu’à la minorité slovène du Frioul-Vénétie Julienne.
Article 17
1) Les dispositions de la présente loi ne s'appliquent pas aux groupes linguistiques qui sont protégés par le Statut spécial des régions du Trentin-Haut-Adige et de la Vallée d'Aoste. 2) Des dispositions éventuelles plus favorables que celles de la présente loi s'appliquent selon ce qui est déterminé par les statuts spéciaux. 3) La présente loi n'apporte rien de nouveau au sujet de la protection et de la défense de la minorité linguistique slovène dans la région du Frioul-Vénétie Julienne. 4) La province autonome de Trente peut appliquer la présente loi au groupe linguistique ladin présent sur son propre territoire. |
Il semble que cet article 17 vienne en contradiction avec le paragraphe 1er de l’article puisque la République protège la langue et la culture des populations d'origine germanique (c’est dans le Trentin-Haut-Adige), slave (dans le Frioul-Vénétie Julienne) ainsi que de celles qui parlent le ladin (Trentin-Haut-Adige), le français, le franco-provençal (Vallée d'Aoste). On peut consulter une traduction française du Décret du président de la République du 20 novembre 1991 (aujourd'hui abrogé) appelé aussi Normes en matière de protection et de défense des minorités linguistiques.
4.3 La loi n° 482 de 1999 sur la reconnaissance des minorités
Par ailleurs, le Parlement italien a adopté en décembre 1999 une nouvelle loi destinée à la protection des minorités linguistiques du pays: il s’agit de la loi du 15 décembre 1999, n° 482, intitulée Norme in materia di tutela delle minoranze linguistiche storiche (en français: Normes en matière de protection des minorités linguistiques historiques). Cette loi a été complétée en 2001 par le Décret du président de la République, n° 345, du 2 mai 2001, portant sur les normes de protection des minorités linguistiques historiques.
Le premier paragraphe de l’article 1er de la loi du 15 décembre 1999, n° 482, rappelle que «la langue officielle de la République est l’italien», ce qui semble combler un vide juridique au sujet de l'article 6 de la Constitution. Toutefois, le second paragraphe énonce que la République «valorise le patrimoine linguistique et culturel de la langue italienne» et «fait la promotion et la valorisation des langues et des cultures protégées par la présente loi»:
Article 1er 1) La langue officielle de la République est l'italien. 2) La République, qui valorise le patrimoine linguistique et culturel de la langue italienne, fait la promotion et la valorisation des langues et des cultures protégées par la présente loi. |
L’article 2 de la loi du 15 décembre 1999, n° 482 est plus explicite, car il énumère les minorités désignées par la loi:
Article 2 En vertu de l'article 6 de la Constitution et en harmonie avec les principes généraux établis par les organisations européennes et internationales, la République protège la langue et la culture des populations albanaise, catalane, germanique, grecque, slovène et croate, et de celles qui parlent le français, le franco-provençal, le frioulan, le ladin, l'occitan et le sarde. |
Presque toutes les langues minoritaires, sauf les langues immigrantes et le tsigane, sont désignées dans la loi : l’albanais, le catalan, le «germanique» (cf. l’allemand), le grec, le slovène, le croate, le français, le franco-provençal, le frioulan, le ladin, l'occitan et le sarde. Cependant, cet article 2 semble faire une distinction entre deux types de minorités: celles des populations albanaise, catalane, germanique, grecque, slovène et croate, et celles qui parlent le français, le franco-provençal, le frioulan, le ladin, l'occitan et le sarde. Le premier groupe semble être constitué de minorités à la fois ethniques et linguistiques, le second semble être apparenté à des minorités latines exclusivement linguistiques. Au plan juridique, ces distinctions n'ont aucune valeur. Cependant, cet article 2 de la loi du 15 décembre 1999, n° 482 constitue l'un des deux principes directeurs de la politique linguistique italienne. Il s'agit du «critère de la reconnaissance», qui consiste à accorder des mesures de protection s’appliquant seulement aux minorités reconnues par le législateur. Ce critère fondamental permet de comprendre la manière dont sont perçues et protégées les minorités linguistiques en Italie. En effet, il faut distinguer les minorités reconnues par la loi et les minorités non reconnues. Cette distinction a d'ailleurs a été «validée» par la Cour constitutionnelle, dont la loi n° 482 en est le parfait exemple.
La politique linguistique de l'État italien repose aussi sur un second critère: celui de la territorialité. Les mesures de protection prévues par la loi à l'égard des minorités linguistiques dûment reconnues ne peuvent trouver leur application qu'à l’intérieur du territoire de résidence. Ainsi, l'article 3 de de la loi du 15 décembre 1999, n° 482, prévoit une procédure pour «la délimitation de l'espace territorial et municipal (de niveau inférieur), dans lequel s'appliquent les mesures de protection relatives aux minorités linguistiques et historiques»:
Article 3 1) La délimitation de l'espace territorial et municipal (de niveau inférieur), dans lequel s'appliquent les mesures de protection relatives aux minorités linguistiques et historiques prévues par la présente loi, est déterminée par le Conseil provincial. Celui-ci procède après consultation des municipalités intéressées, à la demande d'au moins 15 % des citoyens inscrits sur les listes électorales et résidant dans ces mêmes municipalités, ou d'un tiers des conseillers municipaux des ces mêmes municipalités. 2) Advenant qu’aucune des deux conditions mentionnées au paragraphe 1 ne soit remplie et que, sur le territoire municipal, il existe de toute façon une minorité linguistique faisant partie de la liste mentionnée à l'article 2, la procédure débute si la population résidente se prononce favorablement, à la suite d’une consultation appropriée entamée par les ayants droit et suivant les modalités prévues par les statuts et les règlements municipaux. 3) Lorsque les minorités linguistiques mentionnées à l'article 2 sont réparties sur des territoires provinciaux ou régionaux différents, elles peuvent créer des organismes de coordination et de consultation que les instances locales intéressées peuvent reconnaître. |
En vertu de la législation en vigueur, il faut, d’une part, qu’une minorité forme au moins 15 % de la population d’une municipalité donnée, d’autre part, que le Conseil provincial et le tiers au moins des conseillers municipaux aient approuvé majoritairement la procédure d’adoption prévue par la loi. On pourra consulter une version française de cette loi n° 482 du 15 décembre 1999: Normes en matière de protection des minorités linguistiques historiques. Soulignons que ces lois correspondent à des textes juridiques très généraux dont la portée réelle n'est pas évidente, car ce sont les régions, les provinces, voire les conseils communaux (municipaux), qui décident de l'application des droits linguistiques.
Ce n'est pas l'État qui dicte ce qu'il faut faire au niveau local. Par exemple, la loi n° 482 du 15 décembre 1999, qui reconnaît notamment le franco-provençal aux côtés de l’occitan (provençal) du français, concerne directement le Piémont (signalons que le piémontais n’est pas considéré comme langue minoritaire aux termes de la loi n° 482). Une cinquantaine de communes piémontaises concernées dans la zone franco-provençale peuvent ainsi, par cette loi nationale, demander une aide à la promotion de leur langue régionale autochtone. L’association Effepi (prononciation italienne des lettres FP) s’efforce depuis 1981, avec un certain succès, d’agir sur la conscience linguistique dans ces vallées piémontaises et de promouvoir la visibilité du franco-provençal.
Dans les Pouilles, la loi du 15 décembre 1999, n° 482, commence à avoir des retombées financières concrètes. Les autorités locales s’en prévalent largement. Ainsi, le nouveau panneau d’entrée dans Faeto est bilingue (franco-provençal / italien). Il y figure même l’expression «minoranza franco-provenzale», signe d’une volonté de rendre visible le nouveau statut, même si les habitants s’autodésignent plutôt comme «Provençaux» (Provenzali). La province de Foggia organise depuis 2007 un concours artistique et littéraire pour les jeunes, ayant pour thème les cultures locales, franco-provençale et albanaise. Elle a aussi mis en place, en 2006, un office linguistique provincial («Sportello linguistico provinciale» [IT], «Spurtiélle Lenguìsteche Pruenciàle» [FP]), en liaison avec l’Université de Foggia, ainsi qu’un centre de documentation et des cours de franco-provençal, avec du matériel didactique en graphie phonétique (inspirée de l’italien). Il faudra cependant attendre quelque temps pour voir les effets à moyen terme de cette politique.
En matière de justice, seul l'italien est admis dans les tribunaux puisque c’est la langue officielle de l’État. Cependant, la législation nationale a prévu des exceptions dans les régions autonomes de la Vallée d'Aoste, du Frioul-Vénétie Julienne et du Trentin-Haut-Adige.
Selon le Décret du président de la République du 3 janvier 1960, n° 103, certaines langues locales sont permises – français dans la Vallée d'Aoste, allemand à Bolzano et slovène dans le Frioul-Vénétie Julienne –, mais dans tous les cas, comme partout en Italie, la langue des jugements et celles des cours d'appel demeurent uniquement l'italien. règlement code de procédure civile regolamento codice di procedura civile
L'article 122 du Code de procédure civile (Codice di procedura civile) impose l'emploi exclusif de l'italien, avec au besoin, le recours à un interprète:
Codice di procedura civile (1940) Articolo 122 Uso della lingua italiana - Nomina dell'interprete 1. In tutto il processo e' prescritto l'uso della lingua italiana. 2. Quando deve essere sentito chi non conosce la lingua italiana, il giudice puo' nominare un interprete. 3. Questi, prima di esercitare le sue funzioni, presta giuramento davanti al giudice di adempiere fedelmente il suo ufficio. Articolo 123 Nomina del traduttore Quando occorre procedere all'esame di documenti che non sono scritti in lingua italiana, il giudice puo' nominare un traduttore, il quale presta giuramento a norma dell'articolo precedente. |
Code de procédure civile (1940) Article 122 Emploi de la langue italienne - Désignation de l'interprète 1. Durant tout la procédure, l'emploi de la langue italienne est prescrit. 2. Lorsque quelqu'un qui ne connaît pas l'italien doit comparaître, le juge peut désigner un interprète. 3. Tout interprète, avant d'exercer ses fonctions, doit prêter serment devant le juge qu'il s'acquittera fidèlement de ses obligations. Article 123 Désignation du traducteur Lorsque qu'il est nécessaire de procéder à l'examen des documents qui ne sont pas rédigés en italien, le juge peut désigner un traducteur qui a prêté serment, conformément à l'article précédent. |
En vertu de la loi en vigueur, la langue de la procédure doit être sans conteste l'italien. Les frais représentés par les honoraires des interprètes ne sont pas remboursables et sont à la charge de la partie requérante. Cependant, le Code de procédure pénale (Codice di Procedura Penale) est moins restrictif, car il autorise l'emploi des langues minoritaires reconnues dans le territoire de résidence:
Codice di Procedura Penale (1988)
Articolo 109 3. Le disposizioni di questo articolo si osservano a pena di nullità. |
Code de procédure pénale (1988)
Article 109 3. Les dispositions du présent article doivent être respectées sous peine de nullité. |
Il faut comprendre que le juge n'est pas tenu de comprendre l'accusé ou le témoin, et qu'il doit avoir recours à un interprète. Autrement dit, le procès ne se déroule pas dans la langue de la minorité, mais en italien avec les services d'un interprète ou d'un traducteur. Pour les citoyens de nationalité italienne, la connaissance de la langue italienne est présumée certaine jusqu'à preuve contraire.
L'administration nationale ne communique qu'en italien avec les citoyens, à l'exception des régions autonomes où le gouvernement local, lui, peut utiliser une autre langue en plus de l'italien. Cependant, l’article 2 du Décret du président de la République du 20 novembre 1991 (aujourd'hui abrogé) prévoyait que, dans les municipalités représentant «des minorités linguistiques non inférieures à 15 %», l’usage oral de la langue protégée était permis afin de faciliter les communications envers les citoyens.
Article 2 2) La présente disposition est adoptée par décret du président de la Junte régionale, après délibération par la même junte. La procédure d'adoption du décret est approuvée par les citoyens inscrits dans les listes électorales lorsqu'ils représentent des minorités linguistiques non inférieures à 15 % de la population résidante d'une municipalité. De plus, la procédure prévoit que ces municipalités soient consultées au sujet de la proposition de protection [linguistique] et qu'elle soit adoptée une fois remplies les conditions minimales indiquées par la loi régionale. |
Cette disposition de 1991 a son équivalent à l'article 3 déjà cité de la loi du 15 décembre 1999, n° 482. Toutefois, cette même disposition ne doit jamais s'appliquer aux activités administratives officielles. Cette partie de la législation n’est applicable que dans les régions où les minorités sont suffisamment concentrées, c’est-à-dire les francophones de la Vallée d'Aoste, les germanophones de la province de Bolzano, les Frioulans du Frioul, les Slovènes de Trieste, les Siciliens (théoriquement), les Sardes (théoriquement), etc. De toute façon, la loi ne vient que confirmer un fait: un fonctionnaire sarde, par exemple, parle normalement en sarde à un Sarde. Dans les faits, un fonctionnaire italien a le droit d’utiliser l’italien et de ne pas connaître la langue minoritaire locale.
Dans les municipalités visées par la loi de 1999, le conseil municipal peut décider par des dispositions dans son statut les dépenses étant à la charge de la municipalité en l'absence d'autres ressources disponibles à cette fin d'assurer, dans la langue protégée, la publication des actes officiels de l'État, ceux des régions et ceux des organismes publics non territoriaux, tout en conservant la valeur juridique exclusive des actes dans le texte rédigé en langue italienne. Si l’on fait exception des autorités locales de la Vallée d'Aoste et de la province de Bolzano, les actes administratifs n’apparaissent qu’en italien. En vertu de la loi du 20 décembre 1999, n° 482, les conseils municipaux peuvent autoriser, à l’intérieur des limites de leur municipalité, l'usage oral et écrit de la langue déclarée protégée:
Article 8 Dans les municipalités mentionnées à l'article 3, le conseil municipal peut se charger de l’application dans la langue déclarée sous protection des actes officiels de l’État, de ceux des régions et des instances locales ou publiques territoriales, si la municipalité assume les frais et que d’autres ressources ne sont disponibles. La valeur juridique exclusive des actes dans le texte rédigé en langue italienne demeurera alors la même. |
L'article 6 du Décret du président de la République, n° 345, du 2 mai 2001, portant sur les normes de protection des minorités linguistiques historiques, énonce que les autorités locales doivent prévoir au moins un «guichet» ou un bureau pour les citoyens qui utilisent la langue sous protection; elles peuvent aussi prévoir des indications écrites adressées au public, rédigées en plus de l'italien également dans la langue bénéficiant de la protection, avec un choix typographique identique:
Article 6 L'emploi oral et écrit des langues déclarées sous protection dans les bureaux des administrations publiques 1) En conformité avec l'article 9 de la loi, les bureaux des administrations publiques, dans les communes prévues à l'article 3 de ladite loi, prévoient au moins un guichet pour les citoyens qui utilisent la langue déclarée sous protection et peuvent prévoir des indications écrites adressées au public, rédigées en plus de l'italien également dans la langue bénéficiant de la protection, avec un choix typographique identique. |
Il s’agit en réalité de services municipaux disponibles en deux ou plusieurs langues. Ce bilinguisme n'est pas étendu à toute l'Italie ni à l'Administration nationale.
Par ailleurs, les conseils municipaux peuvent décider d'adopter, en plus des toponymes officiels, des toponymes conformes aux traditions et aux usages locaux des minorités protégées. En réalité, les toponymes en langue minoritaire n’apparaissent de façon significative que dans la Vallée d'Aoste et dans la province de Bolzano. Mises à part quelques affiches toponymiques en slovène, en frioulan et en sarde, la visibilité des langues dites «protégées» est nulle.
Enfin, les citoyens des minorités visées par la loi et dont les noms et les prénoms ont été modifiés avant 1991 ont le droit, sur la base de documents appropriés et par décision de la cour d'appel compétente, de reprendre leur nom et prénom dans leur forme originale. Ce droit vaut seulement pour les descendants des personnes concernées. Rappelons que la législation interdisant de donner des prénoms et noms autres qu’en italien à ses enfants n’a été abrogée qu’en octobre 1966.
Le 23 décembre 2022, un projet de loi a été présenté par les députés d'extrême droite, membres des "Fratelli d'Italia" («Frères d'Italie») alors au pouvoir: Projet de loi sur protection et à la promotion de la langue italienne et création du Comité pour la protection, la promotion et la mise en valeur de la langue italienne. L'article 2 semble particulièrement pertinent parce qu'il énonce les intentions du législateur:
Article 2 Emploi de la langue italienne dans l'usage des biens et services 1) La langue italienne est obligatoire pour la promotion et l'usage des biens et services publics sur le territoire national. 2) Les organismes publics et privés sont tenus de présenter en italien formulaires, descriptions, informations, avertissements et documents relatifs aux actifs matériels et immatériels produits et distribués sur l’ensemble du territoire national. 3) L’indication des activités commerciales, des produits typiques, des spécialités et des zones géographiques de dénomination italienne, signalée dans une langue étrangère sur les marchandises destinées au marché international, doit être accompagnée du nom italien correspondant. La République promeut par tous les moyens la protection des dénominations italiennes dans les pays étrangers. |
Il faut comprendre que l'emploi de l'italien dans les organismes publics, les établissements d'enseignement, l'information, les communications, les contrats de travail, etc., est obligatoire. La violation des obligations visées par la loi entraînerait l'application d'une sanction administrative consistant au paiement d'une somme de 5000 euros (5400$US) à 100 000 euros (109 000$US). Évidemment, le montant des amendes se trouve particulièrement élevé. Le projet de loi ne sera probablement pas adopté tel quel.
Dans le domaine de l'enseignement, les niveaux primaire, secondaire, post-secondaire et universitaire ne sont accessibles généralement qu'en italien. Cependant, dans les municipalités visées par le Décret du président de la République du 20 novembre 1991, l’article 3 précise que, dans les écoles primaires, l'alphabétisation devra être garantie dans la langue minoritaire et dans la langue italienne. Dans les écoles secondaires que lesdites municipalités sont obligées de fournir, l'enseignement de la langue locale peut être dispensé à la demande des personnes concernées. Les programmes et les horaires relatifs à l'éducation linguistique seront fixés par décret par le ministre de l'Instruction publique.
Dans les faits, c’est surtout dans les trois régions à statut spécial – Vallée d'Aoste, Bolzano, Frioul-Vénétie Julienne – qu’il est possible d'obtenir un certain nombre d'heures d'enseignement en langue minoritaire, particulièrement au primaire, rarement au secondaire (à l’exception de la Vallée d'Aoste de Bolzano). À ce sujet, les statuts d'autonomie des régions autonomes, les lois constitutionnelles, les décrets présidentiels, les lois scolaires et les traités internationaux sont suffisamment explicites.
La loi du 15 décembre 1999, n° 482 (Normes en matière de protection des minorités linguistiques historiques) permet l’enseignement des langues minoritaires en raison d’un certain nombre d’heures fixé par décret par le ministre italien de l'Instruction publique. Voici comment se présente l’article 4.1 :
Article 4 1) Dans les écoles maternelles des municipalités mentionnées à l'article 3, l'enseignement de la langue prévoit que, à côté de l'usage de la langue italienne, il y ait usage de la langue de la minorité pour le déroulement des activités pédagogiques. Dans les écoles primaires et les écoles secondaires de premier degré, il est prévu que la langue de la minorité devienne une matière d'enseignement. |
Cependant, ces dispositions, conformément à l’article 18, ne s'appliquent pas dans les régions à statut spécial (Vallée d'Aoste, Trentin-Haut-Adige, Frioul-Vénétie Julienne, etc.) dans la mesure où la protection prévue compte des dispositions plus favorables que celles prévues par la loi du 15 décembre 1999, n° 482. Il en est ainsi des provinces autonomes de Bolzano et de Trento, qui peuvent appliquer la loi aux communautés linguistiques ladines présentes sur leur territoire.
L'article 4 de la loi du 15 décembre 1999, n° 482 prévoit des dispositions précises en matière de droit scolaire. Dans les écoles maternelles des municipalités visées par la loi (art. 3), l'enseignement de la langue prévoit que, à côté de l'usage de la langue italienne, il y ait usage de la langue de la minorité pour le déroulement des activités pédagogiques. Dans les écoles primaires et les écoles secondaires de premier degré, il est prévu que la langue de la minorité devienne une matière d'enseignement. Les droits scolaires se résument généralement à un nombre réduit d’heures/semaine fixé par décret de la part du ministre italien de l’Instruction publique. La langue minoritaire autorisée dans les écoles primaires et secondaires doit être enseignée sur une base facultative et en tant que matière d’enseignement.
Ajoutons que toute langue qui n’est pas représentée officiellement dans l'enseignement peut néanmoins être dispensée dans une école privée en tant que matière hors-programme, et ce, à partir des écoles maternelles jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire.
En ce qui a trait aux médias, l’article 12 de la loi de 1999 prévoit aussi des conditions de protection en faveur des minorités. Dans le cadre d’une entente entre le ministère des Communications et la société concessionnaire d’un service public radiotélévisé, les stations locales peuvent diffuser des émissions quotidiennes dans les langues protégées. Depuis 2004, la loi du 3 mai 2004, n° 112 (Normes de principe en matière d'organisation du système de radiotélévision et de la RAI — Radiodiffusion-télévision italienne SPA — ainsi que la délégation au gouvernement pour la promulgation d'un texte unique sur la radiotélévision) prévoit des mesures en matière de protection des langues minoritaires. L'article 7 est précis à ce sujet:
Article 7
Principes généraux en matière de diffusion radiotélévisée dans le secteur
local |
Le texte de la loi mentionne spécifiquement les minorités des provinces autonomes de la Vallée d'Aoste, du Trentin-Haut-Adige et du Frioul-Vénétie Julienne. Néanmoins, la grande presse du pays ne paraît qu’en italien, mais certains hebdomadaires locaux apparaissent dans quelques langues minoritaires, notamment en français, en allemand, en slovène, en frioulan, en catalan, etc. La radio et la télévision sont massivement italophones, mais des programmes culturels, éducatifs et des émissions de divertissement sont prévues en faveur des langues protégées.
Quant à l'affichage, il est massivement en italien, sauf dans les endroits touristiques et dans certaines régions autonomes (Vallée d'Aoste, provinces de Bolzano et Trento, provinces d'Udine et de Trieste) où le bilinguisme (italien-français, italien-allemand) ou le trilinguisme (italien-allemand-ladin) est relativement présent.
On se rend bien compte que la réelle protection juridique accordée aux minorités ne concerne que quelques-unes d'entre elles, c'est-à-dire les plus fortes (et les plus riches), et qu'elle ne dispense pas les citoyens de la connaissance obligatoire de l'italien. De plus, les droits accordés aux différentes minorités s'avèrent très disparates: elles ne bénéficient point des mêmes protections dans des domaines similaires. Le cas est flagrant entre, d’une part, les minorités privilégiées, c’est-à-dire les germanophones de Bolzano et les francophones de la allée d'Aoste, d’autre part, les minorités défavorisées, par exemple les Frioulans, les Ladins, les Sardes, les Albanais, les Catalans, etc.
Dans certains cas, les gouvernements des régions ont adopté des lois concernant les populations tsiganes, comme en témoigne la liste suivante:
- Loi n° 47 de la région Émilie-Romagne du 23 novembre 1988: «Norme per le minoranze nomadi in Emilia Romagna» («Normes applicables aux minorités nomades en Émilie-Romagne»);
- Loi n° 34 de la région Émilie-Romagne du 6 septembre 1993 portant modification de la loi du susmentionnée et de la loi n° 2 du 12 janvier 1985 «Riordino e programmazione delle funzioni di assistenza sociale» («Réorganisation et programmation des fonctions d’assistance sociale»);
- Loi n° 11 de la région Frioul-Vénétie Julienne du 14 mars 1988 «Norme a tutela della cultura rom nell’ambito del territorio della Regione autonoma Friuli Venezia Giulia» («Normes protégeant la culture rom sur le territoire de la région autonome Frioul-Vénétie Julienne»);
- Loi n° 54 de la région Frioul-Vénétie Julienne du 20 juin 1988 et loi n° 25 du 24 juin 1991 «Modifiche della Legge regionale november 1988» («Amendements à la loi régionale n° 11/1988»);
- Loi n° 82 de la région du Latium du 24 mai 1985 «Norme a favore dei Rom» («Normes en faveur des Roms»);
- Loi n° 29 de la région du Latium du 30 mars 1992 «Norme per l’attuazione del diritto allo studio» («Dispositions relatives à l’exercice du droit à l’éducation»);
- Loi n° 77 de la région de Lombardie du 22 décembre 1989 «Azione regionale per la tutela delle popolazioni appartenenti alle etnie tradizionalmente nomadi e seminomadi» («Action régionale en faveur de la protection des populations appartenant à des groupes ethniques nomades ou semi-nomades par tradition»);
- Loi n° 3 de la région des Marches du 5 janvier 1994 «Interventi a favore degli emigrati, degli immigrati, dei rifugiati, degli apolidi, dei nomadi e delle loro famiglie» («Mesures en faveur des émigrants, des immigrants, des réfugiés, des apatrides, des nomades et de leur famille»);
- Loi n° 26 de la région du Piémont du 10 juin 1993 «Tutela dell’etnia e della cultura dei nomadi» («Protection de l’ethnicité et de la culture des nomades»);
- Loi n° 26 de la région de la Sardaigne du 9 mars 1988 «Interventi a favore della popolazione zingara» («Mesures en faveur de la population tsigane»);
- Loi n° 17 de la région de Toscane du 12 mars 1988 «Interventi per la tutela dell’etnia rom» («Mesures de protection du groupe ethnique rom»);
- Loi n° 15 de la région autonome du Trentin du 2 septembre 1985 «Norme a tutela degli zingari» («Normes protégeant les Tsiganes»);
- Loi n° 32 de la région de l’Ombrie du 27 avril 1990 «Misure per favorire l’inserimento dei nomadi nelle società e tutela della loro identità e del loro patrimonio culturale» («Mesures en faveur de l’intégration des nomades dans la société et protection de leur identité et de leur patrimoine culturel»);
- Loi n° 54 de la région de la Vénétie du 22 décembre 1989 «Interventi a tutela della cultura Rom e dei Sinti» («Mesures visant à protéger la culture rom et sinti»).
Le cas des minorités linguistiques d'Italie illustre bien le fait qu'il peut y avoir loin de la coupe aux lèvres, et ce, même lorsque l'égalité constitutionnelle est proclamée et assortie de toute une batterie de lois et de règlements, le tout dans le cadre d'un statut d'autonomie régionale accordé à cinq régions du pays. De plus, il est plutôt inusité qu'un pays accorde des droits aussi disparates à différentes minorités bénéficiant d'une région autonome: force est de constater que les Sardes et les Frioulans ne disposent que d'une protection limitée, que les Ladins et les Valdôtains bénéficient de droits plus étendus, que les germanophones du Trentin-Haut-Adige reçoivent une protection adéquate dans les deux provinces de Bolzano et de Trento. Ajoutons encore que toutes ces minorités sont soumises à de fortes doses de bilinguisme social, ce qui réduit considérablement le droit des langues.
Il n'a été fait mention ici que des communautés faisant partie d'une région autonome: la situation est plus déplorable pour les autres minorités à qui il n'est reconnu aucun statut. Pourtant, l'État italien croit avoir élaboré une gamme de droits linguistiques qu'il considère comme des modèles de protection. Le modèle italien, dans les faits, ressemble beaucoup à celui de certaines provinces anglaises au Canada. Il est facile de proclamer l'égalité entre des langues co-officielles, mais il est plus difficile de la transposer dans la réalité. De plus, l'État italien est en complète contradiction avec la protection des minorités inscrite à l'article 6 de la Constitution du 27 décembre 1947 qui proclame que «la République protège par des mesures appropriées les minorités linguistiques». Il est vrai qu'un projet de loi nationale, connu alors sous le nom de Loi générale sur les minorités, a attendu, depuis le début de la décennie soixante-dix, de renvoi en renvoi, d’être adopté par le Parlement national en novembre 1991, sous le nom de Normes en matière de protection et de défense des minorités linguistiques (Norme in materia di tutela delle minoranze linguistiche). Il s’agit du Décret du président de la République du 20 novembre 1991 qui, en raison des conditions d’application, réduit ce moyen de protection juridique. De telles procédures n'aident certes pas à oublier que le gouvernement de Rome a la réputation d'être l'un des plus inefficaces qui soient. Les Italiens ont ces mots pour qualifier certains de leurs politiciens: Vergogna a te, ce qui signifie «honte à toi» et désigne tous ces politiciens incapables de régler une fois pour toutes les problèmes, par manque de bons sens, de compétence et de volonté politique. En fait, le système de vote proportionnel qui existe en Italie fait en sorte qu'il est quasi impossible de former un gouvernement majoritaire. En raison de ce système, de nombreux petits partis politiques grignotent les votes des grands partis qui défendent davantage les intérêts nationaux.
Néanmoins, l'Italie adopte des lois linguistiques et tente de les adapter à la situation régionale, ce que n'a jamais fait la France. D'ailleurs, quelques années plus tard, en 1999, le Parlement romain adoptait une nouvelle loi similaire (n° 482): Règles en matière de protection et de défense des minorités historiques (Norme in materia di tutela delle minoranze linguistiche storiche). De plus, l'État italien a bel et bien signé (01/02/1995), ratifié (03/11/1997) et mis en vigueur (01/03/1998) la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales de l'Union européenne, ce qui semble exclure deux grandes régions autonomes: la Sardaigne et la Sicile. Comme pour la France, l'Italie n'a jamais ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Il fait admettre que l'Italie a, depuis quelques années, fait des efforts importants pour améliorer le sort de ses minorités linguistiques. L'État italien commence en effet à pratiquer une politique linguistique plus élaborée, même s'il s'agit d'une protection ponctuelle limitée à certains domaines.