Canton du Tessin

(Confédération suisse)

Cantone Ticino

Capitale:  Bellinzona
Population: 357 320 (2023)
Langue officielle: italien
Groupe majoritaire: italien (83,1 %)
Groupes minoritaires: allemand (8,3 %), français (1,6 %), romanche (0,1 %), autres langues (6,8 %): espagnol, portugais, albanais et walser.
Système politique: canton souverain au sein de la Confédération suisse depuis 1803
Articles constitutionnels (langue): art.1 de la Constitution du 30 mars 1999
Lois linguistiques: Décret législatif sur les enseignes et les inscriptions destinées au public (1931, abrogé); Règlement du 25 juillet pour l'application de la loi du 28 septembre 1931 concernant les enseignes et les inscriptions destinées au public (1933, abrogé); Loi sur les enseignes et inscriptions destinées au public (1954, abrogée);
 Règlement sur l'aide financière fédérale pour la préservation et la promotion de la langue et de la culture italiennes (1981); Règlement d'application de la Loi sur les enseignes et les inscriptions destinées au public (1988, abrogé); Règlement d'application de la Loi sur les installations publicitaires (2000, abrogé); Loi sur les installations publicitaires (2000, abrogée); Loi sur les installations publicitaires (2007, en vigueur);  Règlement d'application de la Loi sur les installations publicitaires (2008, en vigueur).

Lois scolaires:  Loi sur l'école (1990, en vigueur); Règlement sur la loi scolaire (1992); Loi sur l'Université de Suisse italienne, sur l'École universitaire professionnelle de la Suisse italienne et sur les instituts de recherche (1995); Règlement de la Loi sur l'école maternelle et l'école primaire (1996); Règlement sur les écoles communales (1996); Règlement sur l'École supérieure d'hôtellerie et de tourisme (1999); Règlement sur les études secondaires (2008, abrogé); Règlement sur les études de l'École supérieure spécialisée d'hôtellerie et de tourisme (2016); Règlement sur les écoles secondaires supérieures (2016); Règlement sur l'École cantonale du commerce (2018); Règlement sur l'école secondaire (2018); Règlement sur les cours d’italien et des activités d’intégration (2020).

Autres lois à portée linguistique: Loi sur la procédure pour les causes administratives (1966); Code de procédure civile (1971);  Loi sur le notariat (1983);  Code de procédure pénale (1994); Loi sur la nationalité tessinoise et le droit de cité communal (1994); Loi sur l'exercice des droits politiques (1998); Loi sur le tourisme (1998); Règlement sur l'École supérieure d'hôtellerie et de tourisme (1998); Décret législatif concernant l'allocation d'une contribution à la commercialisation du marché du bétail et d'une subvention de l'Union des paysans tessinois (1999); Règlement sur l'état civil (2006); Loi sur l'organisation judiciaire (2006); Loi sur les avocats (2012); Loi sur la procédure administrative (2013); Règlement sur le notariat (2015); Règlement sur les cours d’italien et des activités d’intégration (2020).

1 Situation géographique

Le canton du Tessin (en italien: Ticino) constitue le seul canton suisse dont l’unique langue officielle est l’italien. Le Tessin (2812 km²) est un canton-frontière; il est limité au nord par les cantons du Valais et d’Uri, au nord-ouest et à l’ouest par le canton des Grisons, au sud par l’Italie (voir la carte des 26 cantons, au sigle TI pour Ticino).

La capitale du canton, Bellinzona, est située au nord du lac Majeur et compte une population de quelque 55 900 habitants. Des centres touristiques comme Locarno près du lac Majeur et Lugano (la ville la plus importante du canton avec 63 000 habitants - la ''Nuova Lugano'' - et une agglomération de 138 000 habitants) drainent une bonne partie de l’économie tessinoise.

2 Données démolinguistiques

Le canton du Tessin (Ticino en italien) compte deux régions — les Sopraceneri et les Sottoceneri et huit districts administratifs : Leventina, Blenio, Vallemagia, Riviera, Locarno, Bellinzona, Lugano et Mendrisio (voir la carte ci-sessous). Selon l'Ufficio federale di statistica, le total en 2022 était de 306 846 habitants:
 

Le tableau suivant nous donne les informations concernant la population de chacun des districts, ainsi que le nombre et le pourcentage des locuteurs:

District administratif Italien Allemand Français Romanche Autre Total (2022)
Lugano 104 413 (81,2%) 11 397 (8,8%) 2 683 (2,0%) 184 (0,14%) 9 904 (7,7%) 128 581 (100%)
Locarno 43 408 (75,7%) 8 831 (15,4%)    971 (1,7%)   83 (0,14%) 4 034 (7,0%) 57 327 (100%)
Mendrisio 41 239 (90,1%) 2 083 (4,5%)    534 (1,16%)   37 (0,08%) 1 831 (4,0%) 45 724 (100%)
Bellinzona 38 109 (87,8%)  1 843 (4,2%)    492 (1,13%)   42 (0,09%) 2 912 (6,7%) 43 398 (100%)
Riviera 9 978 (87,2%)   343 (2,9%)     97 (0,8%)   12 (0,10%) 1 004 (8,7%) 11 434 (100%)
Leventina 8 320 (87,5%)   304 (3,1%)     81 (0,8%)    4 (0,04%)    793 (8,3%) 9 502 (100%)
Vallemagia 4 814 (86,0%)   477 (8,5%)     88 (1,5%)   12 (0,2%)    202 (3,6%) 5 593 (100%)
Blenio 4 716 (89,1%)   301 (5,6%)     78 (1,4%)   10 (0,18%)    182 (0,5%) 5 287 (100%)
Tessin 254 997 (83,1%) 25 579 (8,3%) 5 025 (1,6%) 384 (0,12%) 20 862 (6,7%) 306 846 (100%)

Nous pouvons donc constater que l'italien est grandement majoritaire dans tous les districts (81,2% et plus), bien qu'il le soit moins dans Locarno (75,7%), alors que l'allemand atteint les 15,4%.

Lors du recensement fédéral de 2022, le canton du Tessin comptait 306 846 habitants. De ce nombre, près de 255 000 Tessinois parlaient l’italien comme langue maternelle, soit 83,1% de la population locale. En réalité, près de 50 % parle aussi le tessinois, mais le questionnaire du recensement ne fait pas la différence entre l'italien et le tessinois. C’est donc dire que les italophones constituent une majorité linguistique indéniable, puisque la minorité la plus importante parle l'allemand dans une proportion de 8,3 %. Les autres langues sont l’espagnol, le portugais, le turc, l’albanais et le walser.

Étant donné que l'oncompte 473 700 locuteurs italophones dans toute la Suisse, cela signifie que 46,1 % de tous les italophones du pays résident en dehors du canton du Tessin. Par ailleurs, les italophones ne comptaient en 2000 que pour 6,5 % des Helvétiques, alors qu’en 1990 ils représentaient 7,6 % de la population totale. La langue italienne de Suisse perd ses locuteurs et semble de moins en moins concentrée géographiquement, ce qui n’est pas le cas de l’allemand en Suisse alémanique et du français en Suisse romande. Bref, le principe de l'unilinguisme territorial (zone 3) semble menacé en Suisse italienne.

2.1 Une majorité italophone

Italien seulement 58,4 %
Italien + autre langue 19,1 %
Italien + dialecte tessinois + autre langue 4,9 %
Italien + dialecte tessinois 10,1 %
Dialecte tessinois seulement 1,9 %
Autre langue nationale 1,9 %
Autre combinaison 3,8 %
Selon l'Office de la statistique du canton du Tessin (résultats de 2022 publiés en octobre 2024), 92,5 % de la population résidente permanente parlait l'italien comme langue principale: 58,4 % unilingues italophones, 19,1% bilingues, 4,9% trilingues avec le tessinois, 10,1% avec l'italien et le tessinois. En ce qui concerne le tessinois, 56,8% des locuteurs parlent cette langue (appelée «dialecte»), dont seulement 1,9% sont unilingues tessinois. Au total, 94,4% de la population est italophone ou parlent une langue italienne (incluant le tessinois) 

En termes de langues parlées au travail, 92,4 % des répondants ont mentionné l'italien: plus de la moitié de ceux-ci parlaient uniquement l'italien (58,4 %), tandis que les autres locuteurs (34,0 %) parlaient d'autres langues.

En ce qui concerne l'appartenance religieuse, 59,3 % des personnes se sont déclarés catholiques, 5,3 % protestantes; celles appartenant aux autres communautés chrétiennes et aux communautés islamiques étaient en 2022 respectivement 3,8% et 2,2%. Comme en 2000, en 2022 également, les personnes qui déclaraient ne pas être affiliées représentaient la deuxième catégorie la plus importante du canton, qui avec 27,6% du total a vu son poids en pourcentage plus que tripler en 22 ans (en 2000, elle représentait 7,5 %).

Les italophones sont manifestement très majoritaires au Tessin avec une proportion de 94,4%. Celle-ci aurait sûrement baissé davantage si ce n’était de l’arrivée dans le Tessin de quelque 80 000 travailleurs italiens, soit environ 20 % de tous les italophones du canton. Ceux-ci sont concentrés davantage dans le sud que dans le nord du Tessin; et ils sont souvent répartis tout le long des vallées (voir la carte de gauche). 

Les «étrangers», ceux qui sont nés hors de la Suisse et qui sont non italophones, comptent pour 6,8 % de la population tessinoise. Cependant, rappelons que 20 % des italophones du Tessin sont des Italiens, non des Tessinois de souche.

En 2023, au sein de la population résidante permanente, 13 005 personnes sont arrivées au Tessin en provenance de l'extérieur du canton: Italie (62,6%), Portugal (6,1%), Allemagne (3,0%), Kosovo (2,4%), Bosnie-Herzégovine (2,0%), Serbie (1,9%), Russie (1,8%), Brésil (1,7%), République dominicaine (1,4%).

2.2 L’italien du Tessin

Dans le Tessin, appelé aussi avec les Grisons la Svizzera italiana (la «Suisse italienne»), les italophones parlent un italien différent de celui en usage en Italie. En fait, l’italien tessinois se compose de trois types d’«italien»: le parler local lombard appelé «tessinois» (différent selon les vallées et inintelligible pour un Italien), l’italien régional (celui du Tessin ou des Grisons) et l’italien standard (celui d’Italie).

Il faut aussi savoir que l'aire des langues italiennes (ou dialectes) peut s'étendre à l'extérieur des frontières de l'Italie actuelle.

En effet, cette aire comprend la totalité du canton suisse du Tessin (à l'ouest), mais aussi la partie méridionale du canton des Grisons (à l'est du Tessin), ainsi que certaines municipalités côtières de la Slovénie et de la Croatie, notamment dans les régions de l’Istrie (une vingtaine de municipalités) et de Primorsko-Goranska (Buje, Pula, Rovinj, Rijeka et Pakrac). On peut y ajouter aussi le corse dans l'île de Corse. Voir la carte des langues italo-romanes.

En réalité, les variétés de l'italien en Suisse sont nombreuses.

Dans un article («L’italien en Suisse : données statistiques et variétés sociolinguistiques» de la revue Cahiers internationaux de sociolinguistique (p. 105-148) de 2019, les auteurs Bruno Moretti, Matteo Casoni et Elena Maria Pandolfi ont identifié 11 types d'italien.

La carte ci-contre illustre ces 11 variétés, notamment l'italien de la Suisse italienne (celui du canton du Tessin, celui du canton des Grisons appelé "grigionitaliano", celui des immigrants), l'italien de l'administration fédérale, l'italien des immigrants italophones, des non-italophones, des immigrants tessinois, etc.
 

Dans le cadre de cet article, il est préférable de s'en tenir aux variétés les plus connues, c'est-à-dire celles parlées par les Suisses italophones, dont les parlers locaux. 

- Les parlers locaux

La langue maternelle de la majorité (environ 57 %) des Tessinois italophones est un «parler local», non l’italien standard, dont on distingue trois types issus du lombard:

1) Les parlers alpins en usage dans la région des Sopraceneri du Nord, de la Mesolcina et du Val-Calanca; ces variétés se caractérisent par un fort conservatisme phonétique et lexical issu du latin et des langues utilisées avant la romanisation.

2) Les parlers préalpins employés dans la région des Sopraceneri du Sud et dans la plus grande partie du Lugano; ces variétés s’apparentent aux dialectes lombards d’Italie; on y trouve beaucoup d’emprunts lexicaux issus du français.

3) Les parlers des Sottoceneri inférieurs (Bas-Lugano et Mendrisio), pour leur part, ressemblent aux dialectes lombards, sans les influences françaises.

Ces trois grandes variétés tessinoises présentent des différences souvent considérables, non seulement d’une commune à l’autre, mais parfois d’une localité à l’autre. Il faudrait ajouter aussi d’autres variétés en usage dans le Val-Bregaglia et le Val-Poschiavo, dont les influences linguistiques et culturelles proviennent à la fois du romanche et du lombard. D'ailleurs, beaucoup de Tessinois parlent encore le tessinois parlé également en Italie du Nord.

Cette multiplicité de variétés locales du lombard a été favorisée par la configuration des Valli, ces vallées isolées et séparées plus ou moins les unes des autres par de hautes montagnes. Les conditions alpines qui ont régné dans les Valli ont forcément marqué l’économie, la culture et la langue des Tessinois: la plupart ont jadis développé une économie axée sur une paysannerie repliée sur elle-même, parfois influencée par le Sud, c’est-à-dire l’Italie du Nord, surtout la région de Milan. Aujourd’hui que l’économie est orientée vers le nord (la Suisse alémanique et l’Allemagne), tous ces dialectes locaux sont appelés à voir leur aire d’utilisation de plus en plus réduite au cours des prochaines décennies. Ce phénomène est favorisé, d’une part, par la diffusion de l’italien standard dans les médias électroniques, d’autre part, par les bouleversements sociaux plus urbanisés et ouverts au tourisme.

Précisons que les variétés locales du Tessin ne jouissent pas d’une grande valorisation sociale comme c’est le cas, au contraire, du suisse alémanique (Schweizerdeutsch) chez les germanophones. Avant la Seconde Guerre mondiale, les autorités tessinoises ont même cherché à les combattre, surtout dans les écoles. Souvent, les enfants qui parlaient le dialecte local à l’école recevaient une punition. Aujourd’hui encore, parler le dialecte local est perçu comme «un manque de culture» et nombreuses sont les familles qui préfèrent parler l’italien (régional ou standard) avec leurs enfants afin de favoriser l’accès à une «meilleure éducation».

Cependant, le recul des variétés tessinoises a aussi encouragé une «réaction nostalgique», surtout dans les milieux urbains, en faveur de leur promotion; il n’est pas rare, par exemple, que des citoyens demandent davantage d’émissions «en dialecte» à la radio et à la télévision. Mais les milieux ruraux ne semblent pas avoir suivi ce mouvement urbain. À l’heure actuelle, la majorité des Tessinois semblent vouloir encourager parallèlement le dialecte et l’italien standard (ou italien tessinois).

- L’italien régional (italien tessinois)

Si les personnes âgées de plus de 40 ans parlent couramment leur langue locale, les plus jeunes parlent plutôt un italien régional qu’ils considèrent comme de l’«italien standard». Cet italien régional est fortement marqué par des éléments tessinois, tant au point de vue phonétique que lexical. Dans les plus grandes agglomérations, l’italien tessinois est aujourd’hui la langue maternelle de toute la jeune génération.

Selon les linguistes, cet italien régional est avant tout influencé par le lombard (ou tessinois) et semble fortement marqué par le milieu milanais; la ville de Milan en Italie étant devenue, dans les faits, la capitale culturelle des Tessinois. Tout en se distinguant du lombard, l’italien tessinois a conservé des termes qui ne sont plus en usage à Milan; il a aussi beaucoup emprunté au français et à l’allemand, dont un grand nombre de calques issus de ces deux langues. Par ailleurs, l’italien tessinois a créé un certain nombre de néologismes inconnus en italien et qui proviennent du «parallélisme quadrilingue» propre à la Confédération suisse, dont voici quelques exemples:

Italien tessinois

Italien standard

Français

Romanche

Allemand

magistrato

[mot inconnu]

magistrat

magistrat

Magistrat

note

voto

notes

notas

Noten

prospetto

[inconnu en ce sens]

prospectus

prospect

Prospekt

frazione

gruppo parlementario

fraction

fracziun

Fraktion

Source: LURATI, Ottavio. «La situation linguistique de la Suisse italienne»
dans La Suisse aux quatre langues, Genève, Éditions Zoé, 1985, p. 203.

Ce parallélisme quadrilingue s’explique, bien sûr, par la présence d’institutions communes au sein de la Confédération et par l’intégration du canton à la réalité politique du pays. Cet apport de néologismes en italien tessinois touche de nombreux domaines comme la politique, l’administration, les techniques, les transports, l’école, l’armée, le sport, etc. La cohabitation de quatre cultures différentes a sensiblement uniformisé les modes de vie, qui se sont reflétés dans la langue italienne tessinoise. Les emprunts au français et à l’allemand se sont particulièrement développés. Fait significatif: alors que l’italien d’Italie puise ses anglicismes directement de l’anglais, l’italien du Tessin les acquiert, lui, de l’allemand.

- L’italien standard

Jusque dans les années 1950, l’italien standard, celui parlé en Italie, était une langue très peu employée dans le Tessin. Ou bien les habitants parlaient leur parler local, ou bien ils employaient leur italien régional fortement marqué par le lombard et l’italien milanais. Mais depuis que l’usage de l’italien standard s’est répandu par la radio et la télévision, est enseigné dans les écoles et qu'il s'est accéléré par l’arrivée massive des immigrants italiens au Tessin, l'italien standard apparaît de moins en moins une langue qu’on apprend seulement dans les livres.

Cependant, à l’instar des Suisses alémaniques à l’égard de l’«allemand d’Allemagne», l’italien standard reste, pour la plupart des Tessinois, une «langue de fête» qu’on apprend à l’école et qu’on emploie dans des circonstances très formelles. D’ailleurs, encore aujourd’hui, les Tessinois semblent faire preuve d’un certain malaise lorsqu’ils doivent parler l’italien standard avec des Italiens. Cette attitude s’expliquerait par le fait que les Tessinois ont peu d’occasions pour pratiquer oralement l’italien standard. Généralement, ils parlent l’italien régional, sinon leur dialecte local. Bref, en Suisse italienne, le dialecte fait partie intégrante de la vie quotidienne des Tessinois; l'italien standard est utilisé comme langue écrite ainsi que dans la vie publique. Bref, la place de l'italien standard n'est pas gagnée en Suisse italienne.

2.3 La minorité germanophone

Si les italophones (les Tessinois comme les Italiens) constituent 83,1 % des locuteurs du canton, ils sont concurrencés par une forte minorité germanophone de 8,3 %, qui contrôle une partie importante de l’économie cantonale, notamment dans les régions du lac Majeur, du lac de Lugano et de quelques communes à forte vocation touristique (Bosco-Gurin, Ascona, Orselina, etc.).

Or, l’ouverture au tourisme après la Première Guerre mondiale a radicalement modifié la vie économique des habitants du Tessin qui, auparavant, vivaient dans leurs vallées, un peu repliés sur eux-mêmes. Mais, depuis plusieurs décennies, l’économie du Tessin dépend énormément du reste de la Suisse, c’est-à-dire qu'elle est orientée vers le nord, plutôt que vers le sud (Italie). En raison de la beauté des paysages de montagnes et des lieux de villégiature relativement nombreux, le Tessin attire beaucoup de Suisses allemands qui y viennent pour des séjours plus ou moins prolongés, ou même s'y établissent définitivement avec des résidences secondaires; les emplois offerts dans certaines professions, notamment dans l’hôtellerie et la restauration, sont très recherchés par les Suisses allemands. Ces immigrants intercantonaux, souvent établis pour une saison (résidants temporaires), sont peu disposés à s’intégrer à la communauté italophone. Ils ignorent la langue italienne et imposent massivement «leur allemand», quand ce n’est pas «leur suisse-allemand». Il en résulte une présence considérable et permanente de la langue allemande (et du suisse-allemand) encore renforcée par les nombreux touristes venus d’Allemagne. C'est pourquoi les autorités tessinoises veulent prendre des moyens pour protéger la langue italienne contre l'envahissement de l'allemand. Si la visibilité de l'italien dans le paysage est sauvegardée, il n'en est pas nécessairement ainsi dans les communications entre les résidants italophones et les visiteurs germanophones. 

- Le village de Bosco-Gurin

Dans le petit village de montagnes de Bosco-Gurin (72 habitants en 2004; 54 en 2009) situé à 1506 mètres d'altitude, on compte une toute petite communauté de germanophones parlant le walser, une langue germanique appelée localement le gurijnartitsch. On y dénombrait seulement 23 locuteurs en 2000 (contre 95 en 1970, 188 en 1950, 382 en 1850, 235 en 1801, 300 en 1597). Le village est devenu une station de ski fréquenté souvent par les Suisses germanophones. 

Année

Germanophones Italophones Total
1970 95 (81,9 %) 18 (15,5 %) 116
1980 61 (93,8 %) 3  (4,6 %) 65
1990 35 (60,3 %) 20 (34,5 %) 58
2000 23 (32,4 %) 37 (52,1 %) 71

C'est à l'instigation des familles Orelli — famille noble attestée à Locarno dès le XIIe siècle, descendant probablement des Besozzo, nobles lombards du comté du Seprio, qui reçurent le Locarnais en fief vers l'an 1000 — que la région de Bosco-Gurin fut peuplée par des Walser au début du XIIIe siècle (en 1244). Ils vécurent dans un certain isolement jusqu'au début du XXe siècle, ce qui renforça la singularité de leur mode de vie et de leurs traditions locales.

Plusieurs habitent encore dans les Walserhaus, des maisons typiques construites en bois (voir l'illustration à gauche) où ils les louent pour des vacances à des touristes. L'importante baisse de la population du village de Bosco-Gurin, soit 53 habitants au 31 décembre 2022, est due principalement à l'exode des jeunes générations vers les centres urbains. En 1970, 82 % des habitants du village étaient germanophones, contre seulement 33 % en 2000, ce qui signifie un fort recul de l'allemand au profit de l'italien. 

Toute la population walser est aujourd'hui bilingue: walser-italien. On pourrait dire que les Walser sont trilingues, car s'ils parlent le walser, ils écrivent en allemand standard et en italien standard. 

- La concurrence de l'allemand

Étant donné que les mouvements de population se concentrent surtout dans les villes et les centres d’attraction (Lugano, Locarno, Ascona, Paradiso, Orselina, etc.), il est difficile pour les Tessinois italophones de se défendre contre la concurrence de la puissante langue allemande. Ainsi, contrairement aux régions francophones et germanophones, la présence d’inscriptions, de panneaux et d’affiches en d'autres langues que la langue officielle (l’italien) a été fréquente au Tessin, ce qui explique l'adoption de lois et de règlements concernant les limites et les interdictions de l'affichage en d'autres langues que l'italien. 

Les Tessinois prétendent que les germanophones compromettent ainsi l’«intégrité linguistique» du Tessin, car ils accroissent la «germanisation de la Suisse italienne» ou encore l’«alémanisation du Tessin». Les italophones accusent les Alémaniques de rendre poreuse la frontière linguistique séparant la Suisse alémanique de la Suisse italienne. Cette frontière est appelée la Polentagraben, ce qui signifie le «fossé de polenta»; on sait que la polenta est reconnue (par les Alémaniques) comme le mets national des italophones du Tessin. Ce mot a été créé par analogie au Röstigraben (en français: «rideau de rösti») qui sert à désigner de la part des francophones la frontière linguistique séparant la Suisse romande de la Suisse alémanique (le long de la rivière Sarine).

Malgré les appréhensions des Tessinois, leur canton demeure en contact direct avec l'Italie et l'hyperactivité économique de Milan et de la Lombardie. Par conséquent, les Tessinois italophones ne sont pas linguistiquement isolés avec plus de 60 millions d'italophones au sud de leur frontière. La vitalité de l'italien dans le canton n'est pas compromise en dépit d'une forte diminution du nombre de locuteurs italophones tessinois et également une diminution des domaines d'usage de l'italien en dehors du territoire tessinois.

3 Bref historique du canton

Dès l'Antiquité, la région du Tessin était habitée par les Lépontes, un peuple indo-européen, probablement d'origine celtique.

3.1 La romanisation

C'est en l'an 15 avant notre ère que le territoire de la Suisse actuelle fut annexé à l'Empire romain, sans qu'il y ait eu d'invasion militaire. Les Grisons et une grande partie de la Suisse orientale furent rattachés à la Rhétie romaine (Raetia), mais la région du Tessin et les vallées grisonnes du sud des Alpes firent partie de la Gaule cisalpine (Gallia Cisalpina) en Italie; la région du Valais, la ville de Genève et les provinces alpines furent rattachées à la Gaule narbonnaise (Narbonensis). Les habitants celtes des vallées alpines furent romanisés et latinisés dès la fin du IIe siècle. La présence romaine au Tessin est attestée dans la toponymie par d'innombrables dénominations en villa : Sonvico, Mezzovico, Villa Luganese, Villa Bedretto, etc., et par des noms tels que Castel Grande, Locarno, Minusio, Muralto, Bioggio ou Tesserete.

La christianisation qui suivit toucha une population fortement imprégnée de culture romaine et de la langue latine. Cependant, après la chute de l'Empire romain, la région fut ravagée par des séries d'invasions germaniques, notamment les Ostrogoths, les Francs et les Lombards. Si les Ostrogoths et les Francs n'ont pas exercé d'influence notable au point de vue linguistique, ce ne fut pas le cas des Lombards.

3.2 Le Royaume lombard (568-774)

Ayant quitté la Scandinavie, sous la conduite de leur roi Alboïn (v. 530-v. 572), les Lombards arrivèrent en Italie en 568, alors l'Empire romain d'Orient; ils prirent Milan en 569, Pavie en 572, puis la Toscane et la Vénétie, mais sans la république de Venise. En moins de trois ans, les Lombards s'emparèrent d'une partie de l'Italie du Nord, incluant ce qui est aujourd'hui le canton du Tessin et une petite partie des Grisons. Par la suite, ils s'approprièrent progressivement d'autres territoires plus au sud. Leur long règne donna à la région de Milan, dont Pavie devient la capitale en 626, son nom actuel de «Lombardie». Les noblesses franque, bavaroise et lombarde entretinrent des relations étroites pendant plusieurs siècles.

Avec une population de quelque 200 000 personnes, les Lombards vécurent en petites communautés loin des villes, ce qui leur permit de préserver leur cohésion nationale lombarde, ainsi que leur langue germanique, le lombard. Pendant un siècle, les Italo-Romains et les Lombards cohabitèrent, sans mélanger leurs langues et leurs coutumes jusqu'à ce que, vers 670, les Lombards, chrétiens d'obédience arienne, se convertissent massivement au christianisme nicéen (l'orthodoxie du premier millénaire), ce qui favorisa les mariages mixtes entre les Lombards et les populations locales. 

Le règne lombard prit fin en 774 lorsque Charlemagne conquit Pavie et annexa le royaume d'Italie (principalement l'Italie du Nord et l'Italie centrale) à son empire. Les anciens ducs et nobles lombards furent remplacés par d'autres vassaux, princes-évêques ou marquis germaniques francs. Néanmoins, le Tessin avait été soumis à l'influence de la langue lombarde (lombardo, en italien), puisque c'était la langue en usage en Lombardie dont faisait partie le Tessin, même si l'Église et les lettrés employaient le latin.

Dans les faits, le «nouveau» lombard était devenu une langue romane avec des traits germaniques. Finalement, la langue et la culture des Lombards s'assimilèrent avec la culture latine, laissant des traces dans de nombreux mots de la langue italienne, des noms (notamment des toponymes), le Code civil, les lois, etc. Plus d'une centaine de mots d'origine lombarde sont employés dans l'italien actuel.

Quelques exemples de mots italiens d'origine lombarde: anca < hanka («hanche»); balcone <  balko («balcon»); bricco < brikko («cruche»); bruschetta < brusk («bruschetta»); chiazarre < klannan («tacheter»); crampo < krampf («crampe»); cuffo < zopf («touffe»); fiasca < flaska («fiole»); mascarpone < mascarpa «mascarpone»; nappa < nappja («gland»); panca > panka («banc»); pizza< bizza («pizza»); predella < pretil («bride»); razza < razda («course»);  shernire < skirnjan («ridiculiser»);  scherzare < skerzan («jouer»); schifo < skif («répugnant»); schiuma < skum («écume»); spruzzare < spruzzjan («pulvériser»); stinco < skinko («tibia»); tappo < tappon («bouchon»); tocca < tuch («touche»); zazzera < zotte («serpillière»); zuppa < supfa («soupe»).

3.3 La Confédération suisse et le duché de Milan
 

Plus tard, le Tessin fut disputé entre la Confédération suisse et le duché de Milan, alors un État indépendant (de 1395 à 1797) dans le nord de l'Italie. Le canton d'Uri occupa la Léventine dans le nord du Tessin à partir de 1403. Durant le Moyen Âge, le territoire qui forme aujourd'hui le canton demeura sous la dépendance de la Ville de Côme et du duché de Milan.

Les guerres successives menées par le canton suisse d'Uri (1440 et 1500), notamment la bataille de Giornico (1478), puis bientôt par la totalité de la Confédération (1512), aboutirent à l'annexion de la haute vallée du Tessin, depuis le massif du Saint-Gothard jusqu'à la ville de Biasca, qui fut rattachée au canton d'Uri, le reste du territoire étant placé sous une gestion collective. Au XVIe siècle, le canton résista à la Réforme et demeura catholique.

Puis la région italophone fut assujettie au canton d'Uri qui annexa plusieurs vallées tessinoises de la Léventine (Leventina, en italien). Coupé de ses sources lombardes, le Tessin évolua linguistiquement en vase clos tout en se protégeant de la puissante langue allemande. Les territoires constituant l'actuel canton du Tessin furent subdivisés en plusieurs baliaggi («baillages»), mais ils n'appartenaient pas tous aux 12 cantons qui formaient alors la Confédération helvétique.

En effet, pendant que le Val-Leventina (la Léventine) dépendait seulement du canton d'Uri, les districts actuels de Blenio, de Riviera et de Bellinzona demeuraient des baillages du canton de Schwyz (Svitto) et du demi-canton de Nidwald (Nidvaldo). Le reste du territoire tessinois était divisé en quatre baillages comme propriété commune des douze autres cantons. Après la Réforme, la religion catholique fut la seule autorisée par les autorités dans les baillages de ce qui est aujourd'hui le canton du Tessin.

Incorporé à la Confédération suisse, le Tessin fut alors divisé en «baillages», également nommés «bailliages ultramontins» (en allemand : "Ennetbergische Vogteien"; en italien : "Baliaggi Ultramontani"). Il s'agissait de régions gérées conjointement par plusieurs cantons.
 

Les trois premiers bailliages furent administrés par les cantons d'Uri, de Schwytz et de Nidwald:

- bailliage de Blenio (all.: Vogtei Bollenz; ital.: Baliaggio di Blenio), en 1495;
- bailliage de la Riviera (all. Vogtei Reffier; ital.: Baliaggio della Riviera), en 1495, mais précédemment conquis par Uri en 1403 et perdu en 1422;
- bailliage de Bellinzone (all. Vogtei Bellenz; ital.: Baliaggio di Bellinzona), en 1500,mais précédemment conquis par Uri en 1419 perdu en 1422.

Les quatre autres bailliages italiens furent administrés à partir de 1512 par les douze cantons de l'époque:

- bailliage de Lugano (all.: Vogtei Lauis; ital.: Baliaggio di Lugano);
- bailliage de Locarno (all.: Vogtei Luggarus; ital. Baliaggio di Locarno);
- bailliage de Vallemaggia (all.: Vogtei Maiental; ital.: Baliaggio della Vallemaggia);
- bailliage de Mendrisio (all.: Vogtei Mendris; ital.: Baliaggio di Mendrisio), administré en 1522.

3.4 Bonaparte et la République helvétique

Au cours de la période de la République helvétique (de 1798 à 1803), Bonaparte obligea les baillages du Tessin à former deux cantons différents: Lugano à l'ouest et Bellinzona  à l'est. C'est ainsi que la Constitution de la République helvétique du 12 avril 1798 entérina la création des deux cantons :

1. Le canton de Bellinzone (en italien : Cantone di Bellinzona), comprenant les quatre bailliages italiens du val Lépontin, de Blenio, de la Riviera et de Bellinzone;

2. Le canton de Lugano (en italien : Cantone di Lugano), comprenant les quatre bailliages italiens de Lugano, de Mendrisio, de Locarno et du val Maggia.

Puis l'Acte de médiation de 1803, imposé par Bonaparte, unifia les deux cantons en un seul sous le nom de Ticino (Tessin), d'après le nom du fleuve qui traverse le canton devenu membre à part entière de la Confédération helvétique. La ville de Bellinzona fut choisie pour devenir la capitale du nouveau canton, mais la ville de Lugano n'accepta pas cette décision des autorités françaises.

Le sort des terres tessinoises en 1798 et 1803 ne fut pas décidé par une volonté unanime ni par une sorte de loyauté inconditionnelle des Suisses. Sans Bonaparte et sans l'Acte de médiation, le Tessin n'aurait pas existé. Bonaparte fit de la Suisse une confédération de 19 cantons autonomes dont les représentants devaient se réunir au sein d'une Diète fédérale dotée de très peu de pouvoirs. Quant au Tessin lui-même, il fut élevé au rang de canton divisé en huit districts (les anciens bailliages) et 38 «cercles».

L'intégrité même du canton du Tessin fut remise en question lorsque Napoléon transforma la République cisalpine en royaume d'Italie, qu'il voulut agrandir avec l'annexion d'une partie du Tessin. Mais la désastreuse campagne de Russie en 1812 força Napoléon à retirer ses troupes d'occupation du Tessin.

3.5 Un nouveau canton

Après la chute de Napoléon, le Tessin demeura un canton au même titre que les autres et la Constitution de 1814 fixa comme capitale les trois villes principales, Bellinzona, Lugano et Locarno, en alternance aux six ans. Cette alternance perdura jusqu'en 1878 lorsqu'un décret fixa définitivement les institutions cantonales à Bellinzona. 

La Constitution cantonale de 1830 ne contenait aucune référence linguistique. Mais la Constitution helvétique du 12 septembre 1848 allait instituer la Suisse telle qu'on la connaît aujourd'hui, c'est-à-dire un État fédéral avec comme langues officielles l'allemand, le français et l'italien. En effet, selon l'article 109 (adopté de justesse) de la Constitution de 1848: «Les trois principales langues parlées en Suisse, l'allemand, le français et l'italien, sont les langues nationales de la Confédération.»

Entre-temps, en 1854-1855, les libéraux (radicaux) et les conservateurs (modérés) se disputèrent le pouvoir en alternance; les gouvernements tessinois devinrent plus autoritaires. En réalité, les antagonismes entre les radicaux et les modérés durèrent une bonne partie du XIXe siècle, sur fond de violence, en remettant en cause les relations entre l'Église et l'État, l'école laïque et l'école confessionnelle, le fédéralisme et le centralisme, la ville et la campagne.

- Les luttes politiques

Les libéraux entreprirent une politique de laïcisation accélérée et le clergé fut exclu du processus électoral, pendant que les autorités cantonales exigèrent la séparation du Tessin des diocèses italiens de Côme et de Milan. Les conservateurs reprirent le pouvoir en 1875, alors que les lois régissant les ecclésiastiques furent modifiées de façon plus favorable à l'Église catholique. Finalement, le Saint-Siège accepta de dissocier le Tessin des diocèses italiens de Côme et de Milan pour le diocèse suisse de Bâle et de nommer un administrateur apostolique à Lugano. Les conservateurs modifièrent les programmes scolaires, introduisirent des moyens de démocratie directe comme le référendum, le droit d'initiative populaire constitutionnelle et d'initiative législative; ils instituèrent le vote secret pour les élections dans les communes et fixèrent le choix définitif de la capitale cantonale. Mais les conservateurs finissent eux aussi par devenir intolérants et autoritaires. Conflits sanglants et révolutions se succédèrent jusqu'à ce que les troupes fédérales occupent Lugano afin d'imposer le calme et l'ordre.

Afin d'obliger les turbulents Tessinois à gouverner ensemble, les autorités fédérales de Berne imposèrent, après la révolution radicale de 1890, un système d'élection proportionnelle, ce qui devait inciter les partis politiques à la collaboration et favoriser la naissance de nouveaux groupes politiques tout en supprimant cette longue série de violences politiques. En 1893, pour la première fois en Suisse, fut introduit le système proportionnel pour l'élection de l'Exécutif tessinois. Puis le cadre politique changea avec l'apparition d'un mouvement socialiste qui s'est constitué en parti politique en 1900 pour entrer au gouvernement cantonal en 1922.

- Le développement économique

Au début du XXe siècle, le canton du Tessin souffrit d'un grave retard économique qui eut pour résultat de susciter une forte émigration dans les autres pays d'Europe (Italie, France, Allemagne, Pays-Bas, etc.) ainsi qu'en Amérique (États-Unis et Canada). Après la Seconde Guerre mondiale et jusqu'aux années 1980, le canton du Tessin connut un énorme développement économique et un fort accroissement démographique. Non seulement l'émigration cessa, mais le canton devint aussi une terre d'accueil pour les exilés politiques, notamment des républicains, des internationalistes, des socialistes, des syndicalistes révolutionnaires et des antifascistes. Ce n'est qu'en 1969 que le droit de vote et fut étendu aux femmes, en même temps que le droit de se présenter comme candidates à des élections communales ou cantonales. En même temps, le canton dut adopter plusieurs réglementations pour se protéger de la langue allemande et imposer l'italien. 

En même temps, le canton dut accepter des inconvénients tels que l'augmentation du trafic motorisé et à la concentration des activités de production dans les centres urbains. La dernière révision constitutionnelle de 1999 a reconnu de façon officielle que le canton du Tessin est une république démocratique de culture et de langue italiennes.

Il faut préciser qu'en 1881 un premier tunnel ferroviaire de 15 km était inauguré reliant Göschenen dans le canton d'Uri à Airo au sud dans le canton du Tessin, afin d'éviter de passer par le col du Saint-Gothard. Le Tessin réussit à bénéficier d'un accroissement industriel accompagné, en plus du tourisme, d'activités bancaires et financières. Mais cela ne suffisait pas pour les Tessinois qui désiraient que l'on puisse aller au Tessin en voiture, même en hiver. De fait, un tunnel routier ("Gotthard-Scheiteltunnel") d'une longueur de 16,9 km fut ouvert à la circulation le 5 septembre 1980. Ce n'est pas tout, car en 2016 était inauguré le «tunnel de base du Saint-Gothard», le plus long tunnel ferroviaire du monde avec ses 57 kilomètres.

Mais ces infrastructures, un fois construites, ont provoqué un afflux de touristes suisses alémaniques venant pour de courts séjours, généralement une seule journée. Plus de 20 millions de personnes purent profiter du tunnel de base du Saint-Gothard ("Gotthard-Basistunnel") dans le seul bassin de population qui va du sud de l’Allemagne au nord de l’Italie. Évidemment, les premiers signes de saturation touristique sont vite apparus au Tessin. En d'autres termes, les touristes germanophones sont devenus trop nombreux aux yeux de beaucoup de Tessinois. Toujours plus nombreux, les Suisses allemands se sont mis à acquérir des maisons de vacances ou de week-end dans la région la plus ensoleillée de la Suisse; les vacanciers de langue allemande sont devenus souvent les plus nombreux citoyens dans plusieurs communes du canton.

C'est ainsi que dans leur profession, les Tessinois durent avoir des connaissances de la langue allemande, et ce, non seulement à la banque, mais aussi dans de nombreux cafés et restaurants situés dans les centres touristiques à un point tel que des commerçants se sont mis à s'adresser d'abord en allemand à leur clientèle.

D'ailleurs, depuis longtemps, le canton dut modifier sa législation sur les installations publicitaires afin de protéger la langue italienne: le Décret législatif sur les enseignes et les inscriptions destinées au public (1931, abrogé), le Règlement du 25 juillet pour l'application de la loi du 28 septembre 1931 sur les enseignes et les inscriptions destinées au public (1933, abrogé), la Loi sur les enseignes et inscriptions destinées au public (1954, abrogée), et d'autres qui suivront : le Règlement d'application de la Loi sur les enseignes et les inscriptions destinées au public (1988, abrogé), le Règlement d'application de la Loi sur les installations publicitaires (2000, abrogé), la Loi sur les installations publicitaires (2000, abrogée), la Loi sur les installations publicitaires (2007, en vigueur) et le Règlement d'application de la Loi sur les installations publicitaires (2008, en vigueur).

4 La politique linguistique fédérale

Parce que la Suisse est un pays multilingue, le gouvernement fédéral a dû adopter une politique linguistique adaptée à la séparation territoriale des langues, que ce soit par la Constitution ou par des lois.

4.1 La Constitution fédérale 

La nouvelle Constitution suisse est entrée officiellement en vigueur le 1er janvier 2000. L’article 70 (cinq paragraphes) intitulé Langues, se révèle la disposition constitutionnelle la plus importante en matière de langue. Au paragraphe 1, elle proclame les langues officielles de la Confédération:

Article 70

1) Les langues officielles de la Confédération sont l'allemand, le français et l'italien. Le romanche est aussi langue officielle pour les rapports que la Confédération entretient avec les personnes de langue romanche.

En vertu du nouvel article 70, la Constitution suisse élève maintenant le romanche au rang de langue officielle régionale. Le texte constitutionnel reconnaît aussi la primauté des cantons en matière de langue ainsi que le principe de la territorialité des langues; toutefois, les cantons ont l’obligation de promouvoir la compréhension et les échanges entre les quatre communautés linguistiques:

Article 70

2) Les cantons déterminent leurs langues officielles. Afin de préserver l'harmonie entre les communautés linguistiques, ils veillent à la répartition territoriale traditionnelle des langues et prennent en considération les minorités linguistiques autochtones.

3) La Confédération et les cantons encouragent la compréhension et les échanges entre les communautés linguistiques.

4) La Confédération soutient les cantons plurilingues dans l'exécution de leurs tâches particulières.

De plus, la Constitution suisse reconnaît officiellement au gouvernement fédéral la possibilité de protéger et de promouvoir dorénavant les langues minoritaires que sont l’italien et le romanche:

Article 70

5) La Confédération soutient les mesures prises par les cantons des Grisons et du Tessin pour sauvegarder et promouvoir le romanche et l'italien.

Ce n’est pas par hasard si l’italien et le romanche ont bénéficié d’une protection constitutionnelle fédérale particulière. Contrairement à l’allemand (73,6 % de la population suisse) et au français (20,1 %), ce sont, parmi les langues nationales, des langues vulnérables. Le romanche, parlé seulement par 0,8 % des Suisses, est sur la voie de l’extinction, tandis que l’italien, avec 4,5 % des locuteurs, est devenu la «petite langue officielle de la Confédération».

En matière constitutionnelle, l'italien est certes, aux côtés de l'allemand et du français, une langue officielle de la Confédération suisse. Cette reconnaissance donne aux locuteurs de l’italien le droit d'utiliser cette langue dans leurs rapports officiels avec les services fédéraux de Berne et, généralement, de recevoir également une réponse dans cette langue.

4.2 Le relatif «handicap» de l'italien

Cependant, dans les contacts oraux qu'ils entretiennent avec des compatriotes d'autres langues (allemand et français) sur leur propre territoire, les Tessinois italophones constatent que très rares sont ceux qui arrivent à maîtriser l'italien, même de manière passive. Ce handicap poursuit les fonctionnaires fédéraux de langue italienne qui travaillent à Berne, la capitale fédérale. Bien que ces derniers aient le droit d'employer leur langue maternelle dans leurs communications internes, ils ne le font guère, car ils sont à peu près certains de ne pas être compris par leurs collègues francophones ou germanophones. Étant donné que la plupart des fonctionnaires italophones ont acquis leur formation dans des établissements d’enseignement francophones, sinon germanophones, ils disposent généralement de bonnes connaissances linguistiques en français ou en allemand (sinon les deux) pour communiquer avec leurs collègues non italophones. Bref, ils travaillent en français ou en allemand, mais répondent oralement ou par écrit en italien à leurs compatriotes italophones.

L'application incomplète de la reconnaissance de l’italien comme langue officielle se manifeste aussi dans d'autres cas. Ainsi, même si les documents officiels du gouvernement fédéral sont publiés dans les trois langues reconnues (allemand, français et italien), ils ne paraissent pas simultanément. La version italienne est généralement la toute dernière à paraître; il est même rare que les rapports d’experts fédéraux soient publiés en italien, surtout lorsque le sujet ne concerne pas spécifiquement le Tessin ou les Grisons.

4.3 Les textes réglementaires

Un autre point mérite d’être relevé au sujet de l’administration fédérale: l'absence de textes originaux rédigés d’abord en italien. Puisque la plupart des textes originaux de l’administration sont rédigés en allemand — le français ne s'affirmant que dans certains domaines seulement —, tous les textes en italien diffusés dans le Tessin (et dans les Grisons) sont des traductions de l’allemand reflétant une pensée et des concepts germanisés. Les représentants politiques et les administrateurs italophones sont ainsi privés d'un instrument important qui leur permettrait d'exprimer directement leur pensée. C’est pourquoi beaucoup croient que l’avenir de l’italien pourrait bien évoluer vers un statut de facto de «petite langue nationale» et ne compter éventuellement que sur un arrière-pays ouvert sur l’Italie voisine.

5 La politique linguistique cantonale

La Constitution cantonale de 1830, et jusqu’à récemment, ne contenait aucune référence linguistique. Mais la dernière révision constitutionnelle du 14 décembre 1997 reconnaît officiellement, à l’article 1er, que le canton du Tessin est une république démocratique de culture et de langue italiennes:

Article 1er

1) Le canton du Tessin est une république démocratique de culture et de langue italiennes.

2) Le canton est un membre de la Confédération suisse et sa souveraineté est limitée seulement par la Constitution fédérale.

La Constitution cantonale ne comprend que cette seule disposition d’ordre très général. Mais il faut surtout retenir l’un des grands principes du droit suisse qui s’applique à tous les cantons: la territorialité des langues et l’unilinguisme territorial. Ce principe reconnu dans la Constitution fédérale constitue l'élément fondamental du droit des langues pour tous les citoyens du pays. D’ailleurs, la jurisprudence des tribunaux (fédéraux) a toujours privilégié le principe de la territorialité des langues aux dépens de la liberté d'expression. Le principe est réaffirmé ici, comme partout ailleurs en Suisse, mais sans plus.

D’une façon plus précise, ce droit à la langue n’est pas d’ordre personnel (sauf pour l’administration centralisée à Berne pour le gouvernement fédéral), mais d’ordre territorial. Ce type de «bilinguisme à la suisse» dérive du principe que les langues en concurrence dans un État quadrilingue sont séparées sur le territoire à l'aide de «frontières linguistiques» rigides. Les droits linguistiques sont alors accordés aux citoyens résidant à l'intérieur d'un territoire donné et un changement de lieu de résidence peut leur faire perdre tous leurs droits (linguistiques), lesquels ne sont pas transportables comme l'est, par exemple, le droit de vote. Dans les faits, l’État, comme c’est le cas du canton du Tessin, applique un unilinguisme local. Évidemment, une telle pratique n’est possible dans un pays ou une région que lorsque les communautés linguistiques sont très concentrées géographiquement. Toutefois, comme la population italophone ne compte que pour environ 62 % de la population cantonale, des difficultés surgissent, surtout pour les germanophones qui résident temporairement ou définitivement dans le canton.

Le Tessin, à l’exemple des autres cantons suisses, n’a pas adopté de loi linguistique spécifique à caractère global, telle qu’on en retrouve, par exemple, dans plusieurs États, que ce soit en France (Loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française), en Catalogne (Loi sur la politique linguistique du 7 janvier 1998), en Lituanie (Loi sur la langue officielle de 1995), au Québec (Charte de la langue française de 1977), etc. Cependant, le canton dispose de plusieurs lois linguistiques, notamment sur l’affichage et l’école, démontrant que, contrairement aux autres cantons unilingues, le Grand Conseil (Parlement cantonal) a dû légiférer pour assurer la prédominance de sa langue officielle: l'italien.

5.1 La langue de la législation et de la justice

Au Parlement cantonal du Tessin (Grand Conseil ou Gran Consiglio), les députés s'expriment uniquement en italien. Les lois sont discutées en italien régional (tessinois) ou en italien standard, mais elles sont rédigées et promulguées en italien standard. Il n’existe pas de traduction officielle des textes législatifs, que ce soit en allemand, en français ou même en romanche. Dans la législation cantonale, on ne trouve pas de dispositions sur l'usage officiel de l'italien comme langue de la législation; en effet, la Loi sur le Grand Conseil et les relations avec le Conseil d’État (Legge sul Gran Consiglio e sui rapporti con il Consiglio di Stato, 2015) ne fait aucune allusion à la langue. Selon les renseignements fournis par le Dipartimento dell'interno (ministère de l’Intérieur), lors des votations fédérales, les citoyens peuvent demander le matériel de vote dans une autre langue officielle de la Confédération.

Dans les tribunaux, les autorités judiciaires compétentes pour l'ensemble du canton emploient la langue officielle. Le juge peut exiger que les pièces servant de moyens de preuve, rédigées dans une langue différente de celle du canton, soient accompagnées d'une traduction; il fait au besoin appel à un expert. Lorsqu'une partie, un témoin ou un expert ne comprend pas la langue dans laquelle doit avoir lieu la procédure, le juge peut nommer un interprète. Différentes lois portent sur le comportement linguistique des citoyens face aux instances judiciaires, dont le Codice di procedura civile (''Code de procédure civile''), le Codice di procedura penale (''Code de procédure pénale''), la Legge di procedura per i reati di competenza del Pretore e per le contravvenzioni (''Loi de procédure pour les délits relevant de la compétence des juges et pour les contraventions''), la Legge di procedura per i ricorsi al Tribunale cantonale delle assicurazioni in matiera di assicurazioni sociali (''Loi de procédure pour les recours au Tribunal cantonal des assurances en matière d'assurances sociales''). Ces mesures témoignent que l'usage de la langue italienne ne va pas partout de soi.

- Le déroulement des procès

L'article 8 de la Loi sur l'organisation judiciaire (2006) est très clair au sujet de l'emploi de l'italien:

Article 8

Langue de procédure

La langue de la procédure devant les autorités judiciaires est l'italien.

Il en est de même pour les articles 117 et 118 du Code de procédure civile (1971), qui impose l'italien comme langue normale des procès, mais un interprète peut être désigné par le juge:

Article 117

Langue

1) Les procès doivent se dérouler en italien.

2) Les actes des procès, les documents, les expertises
non rédigés en italien ne sont pas traités, conformément à l'art. 142, 203, 250 (par. 2).

3) Lorsqu'un justiciable
qui ignore l'italien doit comparaître, le juge peut nommer un interprète, sauf si lui-même ou le secrétaire en connaît la langue.

4) L'interprète prête serment qu'il traduira fidèlement les questions et les réponses du juge et des parties; il peut être chargé de tenir le procès-verbal.

Article 118

Cas spéciaux

1) Si, dans la procédure, un sourd, un muet ou un sourd-muet doit comparaître, les interrogations et les réponses peuvent être rendues par écrit.

2) Le juge, s'il le considère nécessaire, pourra assumer
un interprète qui connaît la langue des signes lors de l'interrogatoire.

Article 203

Traduction

1)
Toute partie qui produit
un document non rédigé en italien est tenue, sur demande du juge ou de la partie adverse, d'adjoindre la traduction.

2) Le juge peut, d'office ou sur demande d'une partie, commander une traduction officielle.

On peut citer aussi les articles suivants (142, 203, 250 et 513d) du même Code de procédure civile, lesquels donne la possibilité au juge d'exiger une traduction pour un acte rédigé dans une autre langue que l'italien: 

Article 142

1)
Les actes de procédure sont nuls :

a) s'ils émanent d'un juge de juridiction incompétente ou s'ils relèvent d'une autre juridiction de judicature;
b) si la partie contre laquelle l'acte est dirigé n'a pas été mise en condition de répondre;
c) si la nullité est expressément prévue par la loi.

2) La nullité d'un acte doit être enregistrée d'office.

3)
Le juge renvoie à la partie
un acte non rédigé en italien ou s'il manque des formalités indispensables à la réalisation du but, en lui assignant un délai pour remédier au problème. Dans ce cas, la date de l'accusation est renvoyée de nouveau à la remise de la première action.

Article 203

Traduction

1)
La partie qui produit un document non rédigé en italien est tenue, sur demande du juge ou de la partie adverse, d'adjoindre la traduction.

2)
Le juge peut, d'office ou sur demande d'une partie, commander une traduction officielle.

Article 250

Échéance et sanction

1)
Le témoignage d'expert doit être justifié et présenté par écrit avant l'échéance fixée par le juge.

2)
L'expert qui ne connaît pas la langue italienne est dispensé de l'employer.

3)
Le juge peut fixer à l'expert, qui ne présente pas son rapport avant l'échéance fixée, un nouveau délai avec la pénalité d'une amende disciplinaire jusqu'à 500 francs en cas de non-respect.

Article 513d

Actes selon les formalités du droit étranger

1)
Aux juges de paix sont assignées les compétences prévues au paragr. 3 de l'art. 11 de la LDIP (Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé).

2)
La requête est présentée par une instance écrite et brièvement motivée et traitée selon les formalités de la procédure non civile de la chambre du conseil.

3)
En produisant la déclaration d'une partie demanderesse, il est possible qu'elle puisse être rédigée même
dans une langue étrangère.

Mentionnons que l'article 250 impose une amende disciplinaire jusqu'à 500 francs en cas de non-respect de la part d'un expert qui n'a pas présenté son rapport avant l'échéance fixée.

L'article 23 du Code de procédure pénale (1994) énonce également le recours à un interprète si le suspect, l'accusé, l'expert ou le témoin ne connaît pas l'italien:

Article 23

1) Si le suspect, l'accusé, l'expert ou le témoin ne connaît pas l'italien, le magistrat désigne en général un interprète.

2) La déposition est mise dans le procès-verbal dans la langue dans laquelle s'exprime le témoin interrogé
et en traduction italienne. L'interprète peut être chargé de rédiger le procès-verbal. Si le magistrat ou le secrétaire connaît la langue du témoin, l'un d'eux peut même faire office d'interprète.

3) Au cours de l'audience, il est exigé que l'accusé connaisse le résumé substantiel des décisions de la cour et de son président, les témoignages, le réquisitoire du procureur public et les plaidoiries de la partie civile et de la défense.

L'article 8 de la Loi sur la procédure pour les causes administratives (1966) exige aussi le recours à l'italien:

Article 8

Demandes et recours

1) Les pièces jointes doivent être rédigées en italien et signées par les parties ou leurs procureurs.

2) Les erreurs d'écriture ou de calcul peuvent être rectifiées à tout moment.

Il en est ainsi à l'article 10 de la Loi sur la procédure administrative (2013):

Article 10

Requêtes et appels

1) Les pièces jointes doivent être rédigées en italien, signées par les parties ou leurs procureurs et remises à l'autorité ou, à son adresse, à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse.

- Les avocats et les notaires

Les avocats et les notaires font partie du système judiciaire. Selon l'article 17 de la Loi sur les avocats (2012), les avocats doivent utiliser la langue italienne dans leurs contacts avec les autorités tessinoises:

Article 17

Langue

Dans la correspondance, pièces jointes et présentations orales devant une autorité tessinoise, l'avocat emploie l'italien.

D'après l'article 47 de la Loi sur le notariat (1983), les notaires doivent également rédiger leurs actes en italien et, selon les directives du Département de la justice, les conservateurs des registres ne peuvent accepter d'enregistrer que les actes rédigés en italien ou traduits en italien (Circolare Dipartimento di Giustizia agli uffici dei registri du 25.10.1965):

Article 47

Langue des actes

1) Les actes reçus du notaire sous la forme d'un document public doivent être rédigés en italien.

2) Les testaments publics, les contrats de succession et de rente viagère
peuvent être rédigés même dans autre langue, selon la manière limitée indiquée dans les dernières volontés ou par disposition contractuelle.

3) Les autres actes publics
peuvent être entièrement rédigés dans autre langue, pourvu que le notaire, les parties et les témoins la connaissent.

Selon le Règlement sur le notariat (2015), un notaire doit connaître l'italien pour être admis à l'examen du notariat, toute partie a le droit de demander une traduction conforme pour les insertions rédigées dans une langue étrangère: 
 

Article 7

Conditions d'admission à l'examen


Pour être admis à l'examen, il est obligatoire de prouver :

a) être domicilié dans le canton et de connaître la langue italienne ;
b) avoir accompli avec succès l'exercice notarial ;
c) posséder les exigences mentionnées aux articles 3 et suivants du règlement.

Article 39

Insertions en langues étrangères et leur traduction

1)
Les insertions rédigées
en langue étrangère sont reproduites en copie certifiée conforme dans leur texte original.

2) Les offices de l'état civil, le bureau du registre du commerce et les parties ont
le droit de demander une traduction en italien, déclarée conforme à l'original par le notaire si cette langue lui est connue ou, s'il ne connaît pas la langue étrangère, au moyen d'intervention de la part d'un traducteur.

3) Le notaire peut prendre note de la déclaration du traducteur dans le texte de l'acte.

Toutefois, les autres actes publics peuvent être entièrement rédigés dans autre langue, pourvu que le notaire, les parties et les témoins la connaissent.

5.2 La langue de l’administration cantonale

Dans ses rapports avec les citoyens, l’administration cantonale emploie toujours la langue d'usage du canton, l’italien. L’article 8 de la Loi sur la procédure pour les causes administratives (19 avril 1966, en vigueur) du canton du Tessin précise que les services administratifs doivent être en langue italienne.

Article 8

Instances et recours

1) Les pièces jointes doivent être rédigées en italien et signées par les parties ou leurs procureurs.

2) Les erreurs d'écriture ou de calcul peuvent être rectifiées à tout moment.

L'article 10 de la Loi sur la procédure administrative (2013) reprend les mêmes exigences :
 

Article 10

Requêtes et appels

1) Les pièces jointes doivent être rédigées en italien, signées par les parties ou leurs procureurs et remises à l'autorité ou, à son adresse, à un bureau de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse.

Dans les bureaux de l’administration fédérale, tout citoyen du canton peut, par écrit ou oralement, demander et recevoir des services en italien; cette pratique vaut également lorsqu’on s’adresse à l’Administration fédérale basée à Berne, la capitale fédérale. D’après la Risoluzione del Consiglio di Stato no 1416 del 9 marzo 1956 ("Résolution du Conseil d'État n° 1416 du 9 mars 1956"), aujourd'hui abrogée, les personnes tant physiques que morales ayant leur domicile dans le canton du Tessin devaient obligatoirement utiliser la langue italienne dans leurs requêtes au Conseil d’État.

- La nationalité cantonale et le droit de cité communal

Au début de l’État fédéral, le droit de la nationalité était presque exclusivement la juridiction des cantons. Ces derniers définissaient de quelle manière s’acquérait et se perdait la nationalité suisse; ils fixaient aussi les conditions ainsi que la procédure de la naturalisation. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, parce que la structure fédérale prévoit trois degrés de naturalisation, qui est à la fois fédérale, cantonale et communale, ce qui entraîne d’importantes conséquences sur le droit de la nationalité. Les cantons conservent donc des compétences non négligeables en ce qui concerne la «naturalisation ordinaire» (ouverte à toute personne résidant en Suisse depuis dix ans au moins, dont trois au cours des cinq ans précédant le dépôt de la demande, et titulaire d’une autorisation d’établissement). Tout candidat à la citoyenneté suisse est nécessairement ressortissant d'un canton et originaire d'une commune (droit de cité). Ces trois niveaux de nationalité suisse sont indissolublement liés. L'article 7 de la Loi sur la nationalité tessinoise et le droit de cité communal (1994) prévoit qu'une intégration réussie implique la capacité de s'exprimer dans la vie quotidienne, oralement et par écrit, en langue italienne:

Article 7

Exigences

1)
La citoyenneté cantonale et le droit de cité communal peuvent être accordés au confédéré :

a) s'il a résidé dans le canton depuis au moins trois ans et dans la commune de manière continue pendant les deux dernières années précédant la demande; et
b) s'il s'est intégré avec succès dans la communauté tessinoise.

2) Une intégration réussie se voit notamment de la façon suivante:

a) le respect de la sécurité et de l'ordre publics ;
b) le respect des valeurs de la Constitution cantonale ;
c)
la capacité de s'exprimer dans la vie quotidienne, oralement et par écrit, en langue italienne ;
d) de la participation à la vie économique ou de l'acquisition d'une formation ; et
e) de l'indépendance vis-à-vis de l'assistance sociale au cours des dix dernières années, à moins que cette assistance ne soit entièrement remboursée.

Quant aux articles 9 et 16, ils énoncent que l'autorité communale doit vérifier la connaissance orale et écrite de la langue italienne, en appliquant par analogie les dispositions de la législation fédérale concernant l'octroi fédéral de la naturalisation:

Article 9

Enquêtes et examen

1)
L'autorité communale, avant de soumettre la candidature au corps législatif, doit vérifier l'aptitude du candidat et des membres mineurs de sa famille inclus dans la candidature, selon les principes établis par l'art. 7.

2)
Elle doit
vérifier la connaissance orale et écrite de la langue italienne, en appliquant par analogie les dispositions de la législation fédérale concernant l'octroi fédéral de la naturalisation. Le règlement d’application précise les détails.

3)
En vertu de la vérification prévue au paragraphe 2, le confédéré est exempté s'il a fréquenté l'école tessinoise durant au moins cinq ans.

Article 16

Enquêtes et examen

1) L'autorité communale doit vérifier la recevabilité de la demande et, avant de la soumettre au corps législatif, vérifier aussi l'aptitude du demandeur, en procédant à un examen visant à donner une image complète de sa personnalité et de celle des membres mineurs de sa famille incluse dans la demande, selon les principes énoncés à l'art. 12.

2)
Elle doit
vérifier la connaissance orale et écrite de la langue italienne, selon les principes établis par les dispositions fédérales.

3)
Il doit également s'assurer que le candidat a réussi, dans une école tessinoise accréditée, un examen portant sur sa connaissance du contexte géographique, historique, politique et social de la Suisse et du Tessin. Le règlement d'application précise les détails de la procédure.

4)
Le règlement d'application définit les conditions de dispense de l'examen visé au paragraphe 3, en particulier dans les cas où le candidat a suivi une formation au Tessin ou pour tenir compte de la situation de personnes qui, en raison d'un handicap, d'une maladie ou d'autres circonstances personnelles importantes, ne peuvent pas réussir l'examen d'intégration ou ne le réussiraient qu'avec de grandes difficultés.

Le règlement d'application va plus loin; les articles 3 et 7 du Règlement de la loi sur la citoyenneté tessinoise et le droit de cité communal (2017) précisent que les compétences linguistiques orales et écrites de la langue italienne chez un candidat ou une candidate doivent être démontrées soit pour avoir fréquenté une école tessinoise pendant au moins cinq ans, soit par un n certificat attestant les compétences linguistiques:

Article 3

Examen

1) Dans le cadre de ces contrôles, le requérant doit démontrer qu'il possède des compétences orales et écrites en langue italienne, selon les critères définis par l'article 6 de l'Ordonnance sur la nationalité suisse du 17 juin 2016 (OCit) pour la naturalisation des citoyens étrangers.

2) Les
compétences linguistiques orales et écrites de la langue italienne sont considérées comme démontrées si le candidat :

a) parle et écrit l'italien comme langue maternelle ;

b)
a fréquenté l'école tessinoise obligatoire pendant au moins cinq ans ou a suivi une formation de niveau secondaire ou supérieur en langue italienne dans une école tessinoise visée aux articles 4, alinéas 1 et 3 respectivement 80 et suivants de la loi scolaire du 1er février 1990 , ou-

c) produit
un certificat attestant les compétences linguistiques requises conformément à l'article 6, paragraphe 1, OCit, sur la base d'un examen linguistique conforme aux normes de qualité généralement reconnues pour les procédures d'examens linguistiques.

3) Le département de l'Éducation, de la Culture et du Sport (DECS) se prononce en cas de doute sur l'équivalence de la formation effectuée dans les écoles privées basées au Tessin, en fournissant respectivement son avis sur l'équivalence de la formation linguistique italienne acquittée dans les écoles situées dans les Grisons italophones ou à l'étranger.

Article 7

Examen

1) Dans le cadre de ces contrôles, le requérant doit :

– démontrer qu'il possède des compétences orales et écrites en langue italienne selon les critères définis par l'article 6 de l'Ordonnance sur la nationalité suisse du 17 juin 2016 (OCit) ;

– démontrer qu'il a suivi un cours organisé dans l’une des écoles identifiées par le DECS dans le cadre d’une formation post-obligatoire et qu'il a réussi un examen portant sur sa connaissance du contexte géographique, historique, politique et social de la Suisse et du Tessin.

2) Les compétences linguistiques orales et écrites de la langue italienne sont considérées comme démontrées si le candidat :

a) parle et écrit l'italien comme langue maternelle ;

b) a fréquenté l'école obligatoire tessinoise pendant au moins cinq ans ou a suivi un enseignement secondaire ou supérieur
en langue italienne dans une école tessinoise visée aux articles 4, alinéas 1 et 3 respectivement 80 et suivants de la loi scolaire du 1er février. 1990, ou

c) a produit un certificat
attestant les compétences linguistiques requises conformément à l'article 6, paragraphe 1 OCit, sur la base d'un examen linguistique conforme aux normes de qualité généralement reconnues pour les procédures d'examens linguistiques.

- Les droits politiques

Les droits politiques dont il est question ici concernent le droit de vote aux élections cantonales et communales, à l'exercice du droit d'initiative et de référendum en matière cantonale ainsi qu'à la demande de révocation du Conseil d'État et de la commune. Bref, les droits politiques permettent à un citoyen de voter dans les affaires municipales, sur les questions cantonales et fédérales. L'article 35 de la Loi sur l'exercice des droits politiques (1998) autorise un citoyen à répondre par un «oui» ou par un «non» dans les langues nationales (allemand, français, italien ou romanche):

Article 35

Le vote est exprimé au moyen de la formule «oui» ou «non» dans les langues nationales; dans le cas de votes avec une question éventuelle ou avec des modifications, le règlement prévoit les modalités.

Ce type de disposition témoigne éloquemment de la difficulté des autorités cantonales d'imposer la langue italienne aux nouveaux arrivants.

5.3 La langue de l’éducation

Au Tessin, la scolarité obligatoire commence à l'âge de quatre ans et comprend 11 années de scolarité. Plus précisément, le modèle scolaire cantonal prévoit deux années d'école maternelle obligatoire (précédées, à partir de trois ans, d'une éventuelle année facultative), cinq années d'école primaire et quatre années de secondaire. La langue d'enseignement est l'italien, sauf exception.

Âge de l'enfant Type d'école Informations générales

0

Garderie (non obligatoire) Les enfants de moins de quatre ans peuvent fréquenter, contre paiement, l'une des écoles maternelles autorisées ou reconnues par le canton ou être confiés à une garderie familiale.
3/4 École maternelle (obligatoire) Obligatoire à partir de quatre ans; la plupart des enfants suivent un cours optionnel d'un an à partir de trois ans.
6 École primaire (obligatoire) Cinq ans d'enseignement.
11 École secondaire (obligatoire) Quatre ans d'enseignement.

15

Formation post-obligatoire En complément de la formation obligatoire, les jeunes peuvent poursuivre leur formation dans un lycée ("lyceum"), dans une école professionnelle ou par un apprentissage .

Les autorités cantonales ont beaucoup légiféré en matière d’éducation. La liste des lois (de type "Legge della scuola") et règlements scolaires  (de type "Regolamento sulla scuola") est impressionnante, avec une vingtaine de textes juridiques. Ce fait témoigne des difficultés que connaissent les Tessinois en ce qui a trait à la langue de l’enseignement; nous devrions d'ailleurs plutôt parler des langues d'enseignement. Beaucoup de Tessinois sont même  convaincus que l'italien standard est en danger en Suisse, qu'il risque de se «cantonaliser», de devenir une «langue régionale», voire de disparaître. À long terme, certains craignent que l'italien puisse éventuellement perdre son statut de «langue nationale».

- La langue officielle dans l'enseignement public

Dans le canton du Tessin, l’enseignement public doit être offert dans la langue officielle du canton. La Loi sur l'école (1990, en vigueur) précise dans son article 1er (paragraphe 3) que l’enseignement est donné en langue italienne et dans le respect de la liberté de conscience:

Article 1er

Définition

1) L'école publique est un établissement  d'enseignement au service des individus et de la société.

2) Elle est instituée et dirigée par le canton avec la collaboration des communes.

3) L'enseignement est donné en langue italienne et dans le respect de la liberté de conscience.

4) Les composantes de l'école participent à la gestion selon les modalités prévues par la présente loi.

Même pour la minorité germanophone (walser) de Bosco-Gurin, la langue d'enseignement à l'école publique est l'italien, mais les élèves suivent deux heures hebdomadaires de cours d'allemand standard (Risoluzione del Consiglio di Stato no 4313, 6.8.1986). L'article 72 de la Loi sur l'école propose des cours d'intégration destinés aux élèves de langue étrangère durant la scolarité obligatoire:

Article 72

Cours de langue italienne et activités d'intégration

1) Dans les écoles à tous les degrés et à tous les niveaux, il est possible d’organiser des cours d'italien pour des élèves qui parlent une autre langue et ne sont pas en mesure de poursuivre normalement l’enseignement; il est possible en particulier de prendre des initiatives visant à favoriser l’intégration scolaire des élèves qui viennent de pays non italophones, tout en sauvegardant leur identité culturelle.

2) Au sujet du traitement des professeurs, le canton peut attribuer des subventions correspondant à celles attribuées au personnel enseignant de la commune ou du consortium.

3) Les modalités d'organisation des cours et des activités sont réglementées par le Conseil d'État.

- Les écoles maternelles et primaires

Tous les enfants de quatre ans d'âge (avant le 31 juillet) doivent fréquenter l'école maternelle. Par dérogation, sur demande motivée de l'autorité parentale, les enfants atteignant leur quatrième anniversaire au 30 septembre peuvent également être inscrits. Ce sont les 

Le Règlement sur les écoles communales (1996) prévoit le recours à des orthophonistes et à des psychomotricien pour les élèves qui ont des difficultés de communication et de langage oral et écrit:

Article 82

Missions de l'orthophoniste et du psychomotricien

1)
L'orthophoniste et le psychomotricien réalisent des interventions directes et indirectes auprès d'élèves individuels ou auprès de petits groupes d'élèves ayant des difficultés de communication et de langage oral et écrit, respectivement de comportement psychomoteur.

Article 85b

Charge de travail d'autres personnalités professionnelles

Le statut de travail prévu par le Règlement sur les cours d’italien et des activités d’intégration du 2 décembre 2020 s'applique aux opérateurs qui s'occupent de la gestion des cas difficiles à l'école.

Le Règlement de la Loi sur l'école maternelle et l'école primaire (1996) ne mentionne que superficiellement la question du langage oral ou écrit pour les élèves en difficulté:

Article 30

Généralités

1) L’enseignant de soutien assiste l’enseignant responsable d’une section de trois classes ou plus ou, dans d’autres cas particuliers, pour une charge comprise entre le 32/12 et le 32/16 du temps d’enseignement hebdomadaire dans le cas où il donne également des cours d’éducation physique, d’éducation musicale et d’activités créatives ; sinon, sa charge de travail est réduite proportionnellement aux cours donnés par les enseignants spécialisés.

2) Son activité se déroule dans un maximum de deux lieux ; dans ce cas, le cumul d’autres tâches d’enseignement n’est pas autorisé, à l’exception des tâches prévues pour l’enseignant de langue et d’intégration scolaire.

Article 82

Tâches de la logopédiste et de la psychomotricienne

1) L’orthophoniste et la psychomotricienne effectuent des interventions directes et indirectes auprès d’élèves individuels ou de petits groupes d’élèves ayant des difficultés de communication et de langage oral et écrit, respectivement dans le comportement psychomoteur.

Par contre, le Règlement sur les écoles secondaires supérieures (2016) est très explicite sur les exigences concernant le secondaire (ou la maturité). Les élèves doivent apprendre trois langues : l'italien, le français ou l'allemand ou encore le français, l'allemand, l'anglais ou le latin. Une quatrième langue est possible en classe I (au choix:  le français, l'allemand, l'anglais, l'espagnol, le latin ou le grec).

Article 44

Admission en IIe et IIIe classe

1)
Les élèves promus en IIe et IIIe classe d'une école secondaire ainsi que les élèves d'écoles d'autres cantons ou d'écoles suisses à l'étranger reconnues conformes aux exigences l'O/RRM peuvent s'inscrire dans les deuxième et troisième classes, à la condition d'avoir obtenu une promotion en les classes précédentes dans le canton d'origine et avoir une connaissance suffisante de la langue italienne ; le contenu des examens d'entrée et les autres conditions sont définis aux articles 58 et 90.

Article 55

Disciplines de maturité

1)
L'ensemble des disciplines de la maturité est composé des matières fondamentales, d'une option spécifique, d'une option complémentaire et des travaux de maturité.

2) Les disciplines fondamentales sont :

a) l'italien ;
b)
une deuxième langue nationale (français ou allemand) ;
c)
une troisième langue (français ou allemand ou anglais ou latin) ;

3) L'option spécifique est choisie parmi les disciplines ou groupes de disciplines suivants :

a) le latin ;
b)
le grec ;
c) l
e français;
d)
l'allemand ;
e)
l'anglais ;
f)
l'espagnol ;

Article 63

Quatrième langue

1) L'élève qui s'inscrit en classe I peut étudier une quatrième langue. Ce choix est obligatoire pour ceux qui envisagent de suivre une option spécifique dans le secteur des langues dès la deuxième classe.

2) La quatrième langue peut être choisie parmi le français, l'allemand, l'anglais, l'espagnol, le latin et le grec.

Article 82

Examens de maturité

Font l'objet d'un examen écrit et oral :

a) l'italien ;
b)
la deuxième langue nationale (français ou allemand) ;
c) les mathématiques ;
d) l'option spécifique ;
e) les sciences humaines, l'histoire ou la géographie ou la philosophie.

Le sigle ORM désigne le certificat de maturité gymnasiale; le sigle RRM désigne le Règlement de reconnaissance de la maturité.

À l'article 53.2, le Règlement sur l'école secondaire (2018) mentionne que les modalités d’organisation des cours de langues sont régies par le Règlement sur les cours d’italien et des activités d’intégration du 2 décembre 2020:

Article 53

Cas d'adaptation du programme

1) Avec l’accord de la famille, la direction de l’école, sur proposition du conseil de classe et en collaboration avec le Service de soutien pédagogique, peut décider des adaptations du programme scolaire pour les élèves :

a) ayant des problèmes de santé ou des difficultés sensorielles ou motrices, attestés par des certificats médicaux ;
b) ayant une préparation scolaire antérieure bien inférieure ou différente de celle exigée par les écoles tessinoises, sans possibilités raisonnables de récupération ;
c) ayant des difficultés d’apprentissage ou de comportement élevées ;
d) ayant un potentiel cognitif élevé.

1.2) Les adaptations du programme scolaire, qui peuvent également être envisagées dans le cadre de l’application de l’art. 31 par. 3, sont définis dans des projets individuels ratifiés par la section et peuvent inclure une exemption d’une ou de plusieurs disciplines.

2) Les
modalités d’organisation des cours de langues et des activités d’intégration sont régies par le Règlement sur les cours de langue italienne et des activités d’intégration du 2 décembre 2020.

Ledit Règlement sur les cours d’italien et des activités d’intégration (2020) a pour but de promouvoir une maîtrise adéquate de la langue italienne et l'intégration des étudiants des autres langues afin que les élèves allophones puissent acquérir des compétences linguistiques suffisantes:

Article 3

Objectifs généraux

1) Les cours d'italien et les activités d'intégration sont organisés dans le but de promouvoir une maîtrise adéquate de la langue italienne et l'intégration des étudiants des autres langues (ci-après étudiants allophones) dans notre contexte social et culturel ; ils complètent, dans une perspective de collaboration, les initiatives promues par tous les enseignants et l’établissement scolaire.

2) En particulier, les cours et les activités ont pour objectif d'aider les élèves allophones à acquérir des
compétences linguistiques suffisantes, telles que leur permettre de suivre les plans d'études, et de connaître l'environnement social et culturel dans lequel ils sont insérés.

Article 18

Cours de langue et culture d'origine

1) Le Département collabore avec les autorités étrangères et les communautés étrangères reconnues qui organisent des cours de langue et de culture autochtones dans le canton pour les élèves de l'école obligatoire.

2) Pour soutenir les cours reconnus, le canton et les communes mettent gratuitement à la disposition des locaux scolaires et des infrastructures de base; les cours sont couverts par une assurance responsabilité civile et l'assurance accident scolaire.

3) Les cours reconnus par le Département sont considérés comme faisant partie intégrante des activités scolaires ; les résultats obtenus sont certifiés et figurent dans le dossier de l'élève.

- Les langues secondes

Les enfants sont tenus d’apprendre dès la troisième année du primaire une langue seconde: le français d’abord (pendant quatre ans), puis l’allemand (la deuxième langue seconde obligatoire) en septième année. Une troisième langue seconde, l’anglais, est également obligatoire tout au long du secondaire. Avec les cantons d’Uri et des Grisons, le Tessin demeure l'un des rares cantons suisses à enseigner à titre obligatoire deux autres langues nationales (français et allemand) à tous les élèves.

Enseignement des langues au Tessin durant la scolarité obligatoire

  Niveau Italien L2 : français L3 : allemand L4: anglais
1 Primaire 6,3      
2 Primaire 6,3      
3 Primaire 5,4 2,3    
4 Primaire 5,4 2,3    
5 Primaire 5,4 2,3    
6 Secondaire I 6 4    
7 Secondaire I 5 3 3  
8 Secondaire I 6 0/2 3 3
9 Secondaire I 6 0/2 3 3
  Nombre minimal de leçons par année   13,9 9 6
  Nombre minimal de leçons par année   17,9 9 6

L2 : allemand - Début de l'enseignement du français : 3e année

L3 : allemand - Début de l'enseignement de l'allemand : 7e année

L4 : anglais - Début de l'enseignement de l'anglais : 8e année

C'est le 16 octobre 2002 que le Conseil d'État du Tessin a décidé de rendre obligatoire l'apprentissage de l'allemand, du français et de l'anglais durant la scolarité obligatoire. L'actuel programme d'enseignement des langues a été introduit en 2004 (introduction progressive à partir des classes de II media (7e année) en 2004-2005). Les élèves qui ont commencé la III media (8e année) en septembre 2005 ont été les premiers à étudier l'anglais comme troisième langue étrangère obligatoire.

Certains enseignants tessinois considèrent que les élèves sont confrontés à une sorte de «tour de Babel didactique» dans laquelle ils doivent faire face à un grand nombre de langues étrangères, alors qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment leur propre langue. Ils considèrent aussi que l'État cantonal est le «serviteur des autres langues, surtout de l’allemand».

Le 17 février 2009, le canton du Tessin adhérait à l'harmonisation intercantonale (voir la liste des cantons participants) en ce qui a trait à l'enseignement des langues étrangères, pour un total de trois:

Article 4

Enseignement des langues

1) La première langue étrangère est enseignée au plus tard dès la 5e année de scolarité et la deuxième au plus tard dès la 7e année, la durée des degrés scolaires étant conforme à ce qui est stipulé à l’article 6. L’une des deux langues étrangères est une deuxième langue nationale, et son enseignement inclut une dimension culturelle ; l’autre est l’anglais. Les compétences attendues dans ces deux langues au terme de l’école obligatoire sont de niveau équivalent. Dans la mesure où ils prévoient, en plus, l’enseignement obligatoire d’une troisième langue nationale, les cantons des Grisons et du Tessin peuvent déroger à la présente disposition en ce qui concerne les années de scolarité fixées pour l’introduction des deux langues étrangères.

2) Une offre appropriée d’enseignement facultatif d’une troisième langue nationale est proposée durant la scolarité obligatoire.

Tous les élèves doivent commencer l'apprentissage d'une deuxième langue nationale et de l'anglais à l'école primaire, au plus tard en 3e et en 5e année scolaire (comptage basé sur neuf années de scolarité obligatoire); en incluant dans la scolarité obligatoire, comme prévu par l'accord intercantonal de 2007 (ou concordat Harmos), deux années obligatoires d'école enfantine ou deux années d'un cycle élémentaire, il s'agira alors de la 5e et de la 7e année scolaire (comptage basé sur onze années de scolarité obligatoire). Les cantons du Tessin et des Grisons pourront déroger à cet échelonnement dans la mesure où une troisième langue nationale y est enseignée à titre obligatoire.

Jusqu’à il y a quelques années, il n’existait pas d’université dans le canton. S’ils choisissaient de fréquenter une université suisse, les jeunes tessinois fréquentaient généralement les universités francophones de Neuchâtel, Fribourg ou Lausanne; mais plusieurs s’inscrivaient dans une université alémanique (surtout l’Université de Berne); certains s’inscrivaient dans une université italienne. L’État assurait et assure encore aux étudiants des bourses d’études leur permettant de poursuivre leurs études à l’extérieur du canton.

- Les écoles privées

L’article 80 de la Loi sur l'école exige en outre que les écoles privées doivent offrir leur enseignement en italien. Le Conseil d’État peut néanmoins accorder des dérogations pour les élèves dont les familles sont domiciliées dans le canton à titre temporaire seulement. Dans ces cas, l'italien est une matière d'enseignement obligatoire.

Article 80

1) L'enseignement privé est libre dans les limites de la Constitution fédérale.

2) L'enseignement doit être donné en italien aux élèves d'âge scolaire; des dérogations peuvent être accordées exceptionnellement par le Conseil d'État subvenir aux besoins des familles résidant temporairement dans le canton : l'italien doit être de toute façon enseigné.

De plus, les autorités cantonales versent des subventions pour les cours d'italien que les communes et les municipalités organisent à l'intention des adultes parlant une autre langue dans le but de favoriser leur intégration.

D'ailleurs, l'article 73 du Règlement sur la loi scolaire (1992) prévoit une disposition identique, mais en distinguant les mesures à la maternelle, au primaire et au secondaire:

Article 73

Langue d'enseignement

1) La langue d'enseignement dans les écoles privées obligatoires est l'italien.

2) Le Département peut autoriser des programmes de formation comprenant l'enseignement d'une ou de plusieurs disciplines dans une autre langue selon les paramètres maximaux suivants :

a) à l'école maternelle, des activités ludiques en français, en allemand ou en anglais, mais pour un maximum de 1/6 de l'horaire hebdomadaire;

b) à l'école primaire,
l'enseignement en français ou en allemand, mais au maximum 1/3 de l'horaire hebdomadaire, ou l'enseignement en anglais, mais au maximum 1/4 de l'horaire hebdomadaire ;

c) au secondaire,
l'enseignement en français ou en allemand, mais au maximum 2/3 de l'horaire hebdomadaire, ou enseignement en anglais, mais au maximum 1/2 de l'horaire hebdomadaire.

Article 73a

Dispense temporaire d'enseignement en italien

1) La dérogation prévue par l'art. 80 par. 3, de la loi est accordée annuellement par le Département uniquement dans le cas de familles qui résident temporairement au Tessin et après la première année, elle peut être renouvelée pour un maximum de cinq ans.

- Les écoles professionnelles

La législation tessinoise touche également certains secteurs de la formation professionnelle, notamment dans le milieu du tourisme et de l'hôtellerie. Ainsi, la Loi sur le tourisme (1998) vise à promouvoir le tourisme dans le canton du Tessin et en faciliter la gestion grâce à une participation financière destinée principalement à l'investissement dans l'hébergement touristique. L'article 17 de la Loi sur le tourisme (1998) n'exempte de l'examen de l'italien les candidats de langue maternelle italienne ou qui ont fréquenté au cours des cinq dernières années une école de la Suisse italienne ou de l'Italie:

Article 17

Exemption

1) Sont exemptés de l'examen de l'italien les candidats de langue maternelle italienne ou qui ont fréquenté au cours des cinq dernières années une école de la Suisse italienne ou de l'Italie.

4) Sont exemptés de l'examen d'anglais les candidats qui peuvent prouver avoir suivi un cours d'une durée d'au moins 140 heures, ou avoir une formation jugée équivalente par la direction de l'établissement d'enseignement.

Les candidats peuvent être exemptés de l'examen d'anglais (par. 4) si les candidats qui peuvent prouver avoir suivi un cours d'une durée d'au moins 140 heures, ou avoir une formation jugée équivalente par la direction de l'établissement d'enseignement.

L'article 12 du Règlement sur l'École supérieure d'hôtellerie et de tourisme (1999) exige des candidats une bonne connaissance des langues anglaise et allemande ou française:

Article 12

1) Sont admis comme gestionnaires dans le domaine de l'hôtellerie les candidats en possession de l'un des titres suivants :

a) une attestation de la maturité de type professionnel ;
b) un diplôme de secrétariat d'hôtellerie reconnu par la Société suisse des hôteliers ;
c) une attestation de la maturité fédérale ou cantonale ;
d) une attestation fédérale de l'aptitude professionnelle émise à l'issue de la formation professionnelle dans l'industrie hôtelière.

4) Les candidats qui répondent aux exigences visées à l'alinéa d) du paragraphe précédent doivent prouver qu'ils ont acquis, lors de séjours hors canton ou à l'étranger, une bonne connaissance des langues anglaise et allemande ou française.

L'article 12 du Règlement sur l'École supérieure d'hôtellerie et de tourisme (1998) oblige les candidats à l'École supérieure d'hôtellerie et de tourisme de prouver qu'ils ont acquis, lors de séjours hors canton ou à l'étranger, une bonne connaissance des langues anglaise et allemande ou française:

Article 12

1) Sont admis comme gestionnaires dans le domaine de l'hôtellerie les candidats en possession de l'un des titres suivants :

a) une attestation de la maturité de type professionnel ;
b) un diplôme de secrétariat d'hôtellerie reconnu par la Société suisse des hôteliers ;
c) une attestation de la maturité fédérale ou cantonale ;
d) une attestation fédérale de l'aptitude professionnelle émise à l'issue de la formation professionnelle dans l'industrie hôtelière.

4) Les candidats qui répondent aux exigences visées à l'alinéa d) du paragraphe précédent doivent prouver qu'ils ont acquis, lors de séjours hors canton ou à l'étranger, une bonne connaissance des langues anglaise et allemande ou française.

En 2016, le Règlement sur les études de l'École supérieure spécialisée d'hôtellerie et de tourisme (2016) précise les conditions d'admission définies dans le PQI (Programma Quadro d'Insegnamento federale ou Programme-cadre d'enseignement fédéral) ainsi que des compétences linguistiques pour la section hôtelière (allemand ou français), la section tourisme (+ l'anglais) et les non-italophones (italien et anglais):

Article 3

Admission initiale

1) Les conditions de première admission sans examen sont définies dans le PQI respectif.

2) La direction de l'établissement peut décider de l'admission initiale d'autres candidats d'après leur dossier, s'ils possèdent les exigences et les qualifications jugées équivalentes à celles définies dans le PQI respectif.

3) En plus de ce qui est prévu aux paragraphes 1 et 2, des compétences linguistiques suivantes sont requises :

a) pour la section hôtelière un niveau minimum A-2 en anglais et dans l'une des deux autres langues nationales (allemand ou français) ;
b) pour la section tourisme, un niveau minimum B-1 en anglais et dans l'une des deux autres langues nationales ;
c) pour
les personnes non italophones en formation des deux sections, un niveau C-1 en italien et le niveau en anglais mentionné dans les alinéas a) et b).

Article 9

Enseignement des langues

1)
La langue d'enseignement est généralement l'italien.

2) La direction de l'établissement, avec l'accord de la Division,
peut prévoir l'enseignement de certaines matières en anglais, en allemand ou en français ou créer une section dans laquelle l'enseignement se fait dans l'une de ces langues.

Évidemment, la langue d'enseignement (art. 9) pour la Division de la formation professionnelle est généralement l'italien, mais certains cours peuvent l'être en anglais, en allemand ou en français.

Le Règlement sur l'École cantonale du commerce (2018) prévoit des sorties culturelles en tenant compte des programmes bilingues et de la deuxième langue du programme:

Article 25

Le but et la durée

1) Les sorties culturelles et sportives font partie intégrante des activités pédagogiques; la participation à des activités hors site est obligatoire. Dans des cas exceptionnels et sur la base d'une demande motivée, la direction peut accorder une dispense d'activités hors site.

5) Durant l'année scolaire, des sorties culturelles peuvent être organisées dans la limite de cinq jours de classe pour les élèves de CM2; pour les classes avec un programme bilingue, l'excursion culturelle peut avoir une durée maximale de sept jours (dont cinq jours scolaires) dans l'espace linguistique de la deuxième langue du programme.

On peut penser que l'italien est la langue d'enseignement, mais le règlement ne le mentionne pas.

Le RRM correspond au Règlement de reconnaissance de la maturité (ou baccalauréat). L'article 13 du Décret législatif concernant l'allocation d'une contribution à la commercialisation du marché du bétail et d'une subvention de l'Union des paysans tessinois (1999) prescrit la connaissance suffisante de l'italien aux candidats à l'École cantonale du commerce:
 

Article 13

1)
Dans la première année de la ECC [
École cantonale du commerce], peuvent s'inscrire comme étudiants réguliers, sans examens d'admission:

a) les étudiants qui sont en possession de la licence de l'école avec les exigences de la réglementation de l'école secondaire;

b) les élèves provenant des écoles des autres cantons ou des écoles suisses à l'étranger, à la condition qu'ils aient atteint ou accompli quinze ans révolus dans l'année civile, connaissent suffisamment la langue italienne et aient terminé avec succès un programme de neuf ans, reconnu par l'État concerné comme répondant aux exigences de l'O/RRM.

- Les universités

En 1996, l’Università della Svizzera italiana a été fondée à Lugano. Celle-ci est devenue un enjeu majeur pour des raisons politiques, culturelles et linguistiques. Elle dispose d’une Faculté d'architecture à Mendrisio (Accademia di architettura), d’une Faculté des sciences économiques à Lugano (Facoltà di scienze economiche) et, également à Lugano, d’une Faculté des sciences de la communication (Facoltà di scienze della communicazione). Un accord conclu entre les universités de Berne, de Neuchâtel et de Fribourg permet à ces institutions depuis longtemps reconnues de rejoindre la coordination des Hautes Écoles de Suisse occidentale. Cette université compte plus de 1200 étudiants et est financée à la fois par des fonds privés tessinois et des subventions du canton; le gouvernement fédéral s’est décidé à délier sa bourse lorsque tout fut déjà sur pied.

Bien que la fondation de l’Università della Svizzera italiana constitue une nette amélioration en matière d’études supérieures pour les Suisses italophones, nombre d’étudiants doivent encore émigrer vers le nord pour poursuivre leurs études universitaires en raison du caractère limité des champs d’études offerts. Voici l'article 1er de la Loi sur l'Université de Suisse italienne, sur l'École universitaire professionnelle de la Suisse italienne et sur les instituts de recherche (1995):

Article 1er

1)
L'Université de Suisse italienne (ci-après : USI) et l'Université des sciences appliquées et des arts de Suisse italienne (ci-après : SUPSI) sont des organismes autonomes de droit public, dotés de leur propre personnalité et ayant leur siège à Lugano.

2) L'USI et la SUPSI poursuivent l'inclusion du Tessin et de la Suisse italienne dans la politique confédérale universitaire et de la recherche.

3) En particulier, l'USI propose un enseignement et une recherche dans les domaines où les objectifs suivants peuvent être atteints :

a) qualité scientifique d'importance internationale ;
b) développement en fonction des ressources disponibles et de la demande.

6) La langue officielle de l'USI et de la SUPSI est l'italien.

En plus de la langue d'enseignement en italien, la formation linguistique vise une parfaite maîtrise de la langue écrite et parlée de deux langues étrangères: les langues d'enseignement sont d'ailleurs l'anglais (langue obligatoire) et, au choix, le français ou l'allemand.

5.4 La question épineuse de l’affichage commerciale

Les autorités cantonales ont toujours eu certaines difficultés à imposer l’italien dans le domaine de l’affichage. La tradition législative au Tessin relativement à l’affichage — les normes de la langue des enseignes — a commencé en 1917, lorsque le député Emilio Bossi, un défenseur tenace de l’italianité au Tessin, a déposé une motion au Parlement cantonal. Pour la première fois, on demandait au gouvernement de définir la langue italienne comme référence à l’élaboration d’une loi sur l'affichage commercial. Depuis lors, l’affaire s’est révélée riche et intéressante, aussi bien pour les parlementaires que pour les instances judiciaires. 

- Le décret et le règlement de 1931

En 1931, un décret cantonal (28 septembre 1931) avait été adopté pour obliger les propriétaires de restaurants, d'hôtels et d'autres commerces ou firmes commerciales à présenter leurs enseignes prioritairement en italien; les inscriptions allemandes devaient être rédigées «en des caractères pas plus grands que la moitié de ceux utilisés en langue italienne». Le canton avait adopté ce décret pour protéger l'italien, les propriétaires ayant eu tendance à privilégier l'allemand. Voici comment se lisait l’article 2 du Décret législatif sur les enseignes et les inscriptions destinées au public (aujourd’hui abrogé):

Article 2 [abrogé]

Tous les textes indiqués dans l'article précédent doivent être rédigés dans la langue du canton, c'est-à-dire dans la langue italienne.

1. À cesdits textes pourra être ajoutée, en des caractères pas plus grands que la moitié de ceux utilisés en langue italienne, la traduction en une ou plusieurs langues, nationales ou étrangères.

2. Les inscriptions permanentes ou temporaires, accompagnées de traductions, sont assujetties à une taxe unique de contrôle allant de 2 à 30 francs.

3. La taxe sera calculée à la fin et à l'échéance des inscriptions.

Article 3

Les inscriptions affichées actuellement
dans une autre langue que l'italien devront être conformes aux dispositions de l'article précédent dans un délai de deux ans à partir de la mise en vigueur du présent décret.

Comme si le décret précédent n’avait pas été appliqué, le Conseil d'État de la république et canton du Tessin (Parlement cantonal) adopta, le 25 juillet 1933, le Règlement du 25 juillet pour l'application de la loi du 28 septembre 1931 concernant les enseignes et les inscriptions destinées au public. Un long article 7 décrivait ainsi la réglementation en vigueur sur les inscriptions (aujourd'hui abrogée):

Article 7  [abrogé]

La règle fondamentale selon laquelle toutes les inscriptions mentionnées dans le décret législatif du 28 septembre 1931 doivent être rédigées en langue italienne et, selon laquelle il est admis d'adjoindre, en caractères pas plus grands que ceux utilisés dans le texte italien, une traduction dans d'autres langues, sera appliquée en tenant compte des normes suivantes:

a) Il est permis, indépendamment du droit de traduire, d'utiliser de mots étrangers qui ont acquis partout un sens particulier et qu'on ne peut remplacer, de façon parfaite, par des mots équivalents en italien (par exemple, bazar, bar, tea-room, cocktail, etc.). Les mots hôtel, Kursaal, garage, chauffeur, etc., ne sont pas compris dans ce groupe et ils pourront être ajoutés seulement en guise de traduction des mots Albergo, Casino, Autorimessa, Autista, etc.

b) Il est également permis d'utiliser en langues étrangères des inscriptions indiquant que, dans un commerce ou dans un édifice public, on parle allemand, anglais, etc.

c) Les raisons sociales et le nom des hôtels ainsi que celui des édifices publics en langue étrangère (comme «À la ville de Lugano», «Vogue», «Au Chalet d'or», «Au départ», «Hôtel International», etc.), même s'ils sont inscrits au Registre (officiel) du commerce, pourront être conservés seulement en tant que traductions correspondantes à des raisons sociales en langue italienne;

d) La traduction doit être ajoutée à l'inscription en langue italienne et occuper le même plan visuel, de manière à ce que le caractère de traduction y soit toujours reflété. Il n'est pas par conséquent permis de transférer cette traduction sur toute autre façade de l'édifice, dans d'autres sections de la vitrine, ni en général de l'apposer de manière telle qu'elle n'ait l'aspect d'une inscription en soi. En d'autres mots, de n'importe quel endroit où l'on peut voir ou lire une traduction, il faut également pouvoir voir et lire le texte original en langue italienne.

e) Les dimensions des caractères ayant un relief seront calculées en tenant compte également de l'ombre créée par le relief.

Toutefois, le Tribunal fédéral abrogea le décret «pour inconstitutionnalité» et le canton dut adopter de nouvelles dispositions en 1954 (décret aussi abrogé). Il importe de souligner le caractère exceptionnel de cette intervention du Tribunal fédéral. Majoritairement de langue allemande, celui-ci a privilégié le principe de la «liberté d'expression des citoyens» pour favoriser la langue allemande aux dépens de l'italien; cette décision constitue un cas exceptionnel dans la jurisprudence suisse, car l'usage a traditionnellement favorisé la séparation territoriale des langues. Il faut dire que la loi du Tessin remettait en cause la langue de la majorité nationale: l'allemand.

- La loi de 1954

En 1954, le Conseil d’État adopta une nouvelle loi, la Loi sur les enseignes et inscriptions destinées au public (29 mars 1954) qui comprend 22 articles. C'est cette loi aujourd'hui abrogée qui est demeurée en vigueur jusqu'en 2001. L'article 5 de cette loi créait l'obligation pour les commerçants d'employer la langue italienne. Les enseignes devaient donc être rédigées en italien, mais elles pouvaient être accompagnées d'une «traduction devant figurer dans des caractères ne dépassant pas la grandeur du texte original». Voici comment se présentait cet article 5:

Article 5 [abrogé]

1) Les enseignes permanentes et non permanentes doivent être rédigées en langue italienne.

2) Aux enseignes pourra être jointe, en des caractères ni plus grands que ceux du texte italien, ni plus voyant, la traduction en une ou plusieurs langues nationales ou étrangères, présentée de manière à toujours refléter son caractère de traduction.

3) Le présent article ne s'applique pas à la commune de Bosco-Gurin.

La loi ne s’appliquait pas à la commune de Bosco-Gurin en raison de la présence de la petite minorité germanophone, les Walser, qui y réside. Selon la Loi sur les enseignes et les inscriptions destinées au public de 1954, les enseignes et inscriptions commerciales devaient être rédigées en italien et les contrevenants étaient passibles (à l'époque) d'une amende de 20 à 1000 francs suisse (équivalant de 11 $ à 560 $US). D'après plusieurs informateurs, beaucoup de commerçants auraient préféré à ce moment-là payer les amendes plutôt que de se conformer à la loi tessinoise. 

- Le règlement de 1988

Ce n'est que le 18 octobre 1988 que le Conseil d'État du canton adoptait le Règlement d'application de la Loi sur les enseignes et les inscriptions destinées au public (abrogé). Selon ce règlement qui actualisait et modernisait la loi de 1954, toute personne qui plaçait une enseigne, une inscription ou une annonce sur la voie publique devait dorénavant obtenir l'autorisation du Bureau de police administrative. Celui-ci avait compétence pour faire appliquer la loi de 1954. Selon l'article 4 du règlement, seules les enseignes ou affiches rédigées en langue italienne (sauf exception) n'étaient pas assujetties à l'obtention de l'autorisation. Voici les cas d’exception (paragraphe 1 de l’article 4 du Règlement d'application de la loi sur les enseignes et les inscriptions destinées au public, 1988):

Article 4 [abrogé]

1) Ne sont pas assujetties à l'obtention de l'autorisation, pourvu qu'elles soient rédigées en langue italienne:

- les enseignes non lumineuses qui indiquent les édifices publics;

- les enseignes non lumineuses qui indiquent les édifices en construction, à vendre ou à louer pourvu qu'elles ne dépassent pas 1,5 mètre carré;

- les enseignes non lumineuses sur les ou dans les vitrines des commerces ou des bureaux, pourvu qu'elles indiquent exclusivement le nom, l'activité ou le genre de marchandise;

- les enseignes situées à l'extérieur des véhicules dans les limites de l'article 8 de la loi;

- les enseignes situées à l'extérieur des véhicules destinés au transport public conformément à l'article 26 cpv, 40 OCE;

- les plaques d'études de professionnels, de bureaux, de sièges de firmes ou de sociétés, pourvu qu'elles ne dépassent pas la superficie de 0,25 mètre carré, qu'elles ne soient pas lumineuses ou de nature réfléchissante.

- La législation de 2000

Au cours de l’année 2000, une nouvelle loi fut discutée au Parlement cantonal: la Loi sur les installations publicitaires (Legge sugli impianti pubblicitari) qui abrogeait celle de 1954. La loi a été adoptée et son entrée en vigueur était prévue pour le printemps 2001. Pour l’essentiel, rien n’était changé au sujet de la langue des enseignes. L’article 6 de la Loi sur les installations publicitaires est structuré en deux paragraphes et résume l'essentiel:

Article 6 [abrogé]

Langue

1) Les inscriptions publicitaires doivent être rédigées en langue italienne.

2) La traduction en d’autres langues est admise, pourvu que les caractères ne soient ni supérieurs, ni plus importants.

L'article 5 du Règlement d'application de la Loi sur les installations publicitaires (2000, abrogé)

Article 5 [abrogé]

Langue

Les dénominations des sociétés et les marques déposées dans une autre langue ainsi que les mots ou expressions individuels dans une langue étrangère ne violent pas l’obligation de l’usage principal de l’italien, s'ils sont d’usage courant.

Les contraventions varient de 50 FS (env. 28 $ US) à 5000 FS (env. 2783 $ US). Une telle législation signifie que le canton du Tessin parvient difficilement, du moins dans le domaine de l’affichage commercial, à protéger sa langue et à faire appliquer à son avantage le principe de la territorialité linguistique si chère aux Suisses. Ce problème de la coexistence linguistique n'existe pas que dans l'affichage — mais aussi à l’école —, bien que toute la vie publique se déroule exclusivement en italien: Parlement cantonal, tribunaux, écoles, administrations cantonale et fédérale (Tessin), etc.

- La législation de 2007-2008

Selon la Loi sur les installations publicitaires (2007), les écrits publicitaires doivent être en italien, tandis que la traduction dans d’autres langues est autorisée, à la condition qu’elle ne soit pas faite en des caractères plus hauts ou plus apparents:
 

Article 1er

Portée

La présente loi a pour objet de réglementer la mise en place et l'affichage d'installations publicitaires, afin de garantir la sécurité de la circulation automobile et piétonne, le respect de la beauté naturelle, du patrimoine culturel et paysager, l'ordre public, la santé publique, la moralité et l'emploi de la langue italienne.

Article 4

Critères d'autorisation

1)
L'installation publicitaire, conformément à l'art. 1, ne doit pas porter atteinte à la sécurité de la circulation automobile et piétonne, et doit respecter la beauté naturelle, le patrimoine culturel et paysager, l'ordre public, la santé publique et la moralité.

3)
Les écrits publicitaires doivent être en italien. La traduction dans d’autres langues est autorisée, à la condition qu’elle ne soit pas faite en des caractères plus hauts ou plus apparents.

Article 8

Infractions

Les infractions à la présente loi et à son règlement d'application sont sanctionnées par l'autorité compétente par l'émission de l'autorisation
d'une amende de 100 francs à 10 000 francs.

Quant au Règlement d'application de la Loi sur les installations publicitaires (2008), il autorise les écrits ou les expressions en langue étrangère que s'ils sont d'usage courant:

Article 1er

Champ d'application

1)
Il s'agit d'installations publicitaires, au sens de l'art. 2 de la loi, comprenant tous les moyens de communication à des fins publicitaires ou promotionnelles, visibles depuis l'espace public, sous forme d'écrits, de marques, d'images, d'affiches, de couleurs, de lumières, de sons ou autres formes, et notamment :

a) les supports publicitaires reproduisant le nom de l’entreprise, son titre, son logo ou d’autres indications le cas échéant, et les tableaux indiquant l’itinéraire à suivre pour atteindre le lieu où se déroule l’activité;
b) les tableaux, les colonnes, les panneaux et les bannières;
c) les figurations, les écrits et les images mobiles;
d) les faisceaux lumineux et les images projetées.

Article 6

Conditions d'autorisation

1)
Les installations publicitaires, selon l'art. 1 par. 1, doivent être situées à une distance d’au moins 50 mètres des principales intersections.

2)
Les écrits ou les expressions en langue étrangère ne sont autorisés que s'ils sont d'usage courant.

3)
Dans tous les cas, le rayonnement lumineux artificiel dispersé en dehors des zones et des sujets auxquels l'installation publicitaire est fonctionnellement dédiée n'est pas autorisé (rayonnement dirigé et dispersé vers le milieu environnant et vers la haute atmosphère).

4) L’autorité peut subordonner l’octroi du permis à des conditions ou à des frais supplémentaires

Toute cette lourde législation sur l'affichage commercial témoigne des difficultés du canton du Tessin de faire respecter la primauté, voire l'exclusivité de la langue italienne, sur son territoire. Si est plus aisé de préserver la visibilité de la langue italienne dans la paysage commercial, il est beaucoup plus difficile d'assurer la pérennité de cette langue dans les transactions commerciales orales entre commerçants italophones et clients germanophones.

5.5 Les médias italophones

C'est ainsi que la Suisse italienne a sa propre télévision et sa propre radio pour 300000 habitants, comme la Suisse alémanique pour plus de quatre millions d'habitants. Cela renforce la tendance de cette petite minorité linguistique au nombrilisme et au repli sur elle-même.

Avec deux chaînes de télévision, trois réseaux de radio et une activité multimédia intense, la Radio et Télévision Suisse italophone (RSI) s'adresse aux habitants de Suisse italienne et aux italophones du nord des Alpes.

CORSI est la société régionale qui représente les utilisateurs italophones du RSI. Sa mission consiste à agir comme garant du contenu et de la qualité de l'offre éditoriale et des programmes, dans le respect du mandat fédéral.

La Radio suisse de langue italienne (Radio Svizzera di Lingua Italiana) est la chaîne suisse qui émet pour les habitants italophones, principalement dans le canton du Tessin et des Grisons. De 1932 à 2008, elle a diffusé sur ondes moyennes depuis Monte Ceneri, couvrant une grande partie du nord de l'Italie, puis est passée à une diffusion uniquement en FM et DAB/DAB+.

Le journal La Regione Ticino est le deuxième quotidien de langue italienne du canton du Tessin. Il a été lancé en 1992 suite à la fusion des deux quotidiens tessinois Il Dovere et L'Eco. La plupart des lecteurs du journal vivent dans le district de Sopraceneri, au nord du canton. Il s'agit d'un journal de centre-gauche. Son éditeur, Giacomo Salvioni, publie également le journal gratuit 20 Minuti, qui a été lancé au Tessin en 2011.

Le canton du Tessin applique l’un des grands principes du droit linguistique suisse: l’unilinguisme territorial. Tout se déroule normalement en italien dans la vie publique, à l’exemple des cantons unilingues francophones ou germanophones, sauf pour le domaine des communications commerciales, dont les frontières linguistiques s'avèrent poreuses. C'est pourquoi les autorités cantonales ont dû légiférer pour assurer la visibilité prépondérante de l'italien. Elles ont dû également réglementer la langue de l’instruction des enfants (surtout à l'intention des enfants germanophones) dans le canton et celle des tribunaux pour obliger les citoyens résidant dans le canton à utiliser l'italien dans l'affichage, à l'école et dans les tribunaux. En fait, n’eût été la législation tessinoise, la puissante langue allemande aurait probablement assuré sa présence, voire sa prédominance dans ce canton de langue et de culture italiennes.

Il ne faut pas oublier que le nombre des italophones en Suisse (6,5 % de l’ensemble) ne fait pas le poids face aux deux grandes langues que sont l’allemand (63,7 %) et le français (20,4 %). De plus, les italophones du Tessin doivent livrer une concurrence farouche à la langue allemande sur leur propre territoire, ce qui n’est pas le cas de la Suisse romande demeurée imperméable à la «germanisation» de la Suisse germanique. Ce n’est pas par hasard si la Confédération a tenu à s’impliquer juridiquement dans la sauvegarde et la promotion de deux langues nationales en Suisse: l’italien et le romanche. La Loi sur les langues officielles (2001) de la Confédération prévoit des dispositions pour régler les problèmes reliés à l’usage actif et passif des langues officielles; elle devait également fixer les limites dans lesquelles le romanche et l’italien sont utilisés en tant que langues officielles dans les publications nationales. 

Quoi qu’il en soit, l’avenir de l’italien sur le territoire de la Suisse italienne ne semble pas menacé pour le moment, bien que la présence de nombreux germanophones sur le territoire concurrence vivement la langue italienne dans les transactions commerciales. De plus, son statut au plan national est tout de même plus restreint et pourrait bien un jour être réduit à celui de «petite langue officielle de la Confédération».

Dernière mise à jour: 26 décembre, 2024
 

Bibliographie

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LANG, Jean-Bernard. «La situation linguistique de la Suisse» dans Actes du colloque international sur l'aménagement linguistique (Ottawa, 25-29 mai 1986), Québec, CIRB, Presses de l'Université Laval, 1987, p. 315-327.

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