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Republica Moldova | |
Moldavie
1) Situation générale |

Capitale: Chisinau
(prononcer
kichinéou) Population: 4,0 millions (2020) Langue officielle: moldave,
puis roumain (2023) Groupe majoritaire: moldave/roumain (84,4 %) Groupes minoritaires: ukrainien (4,4 %), gagaouze (3%), russe (2,7 %), bulgare (1,2 %), biélorusse (0,4%), romani (0,2 %), etc. Système politique: république parlementaire Articles constitutionnels (langue): art. 10, 13, 35, 78, 118 et dispositions transitoires (art. VII) de la Constitution du 29 juillet 1994 Lois linguistiques: Loi sur le statut de la langue officielle (1989, en désuétude); Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la République soviétique socialiste moldave (1989, abrogée); Loi sur la réintroduction de la langue moldave à la graphie latine (1989); Déclaration d'indépendance (1991); Loi sur le statut particulier de la Gagaouzie (1994); Loi sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales et sur le statut juridique de leurs organismes (2001); Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la république de Moldavie (2020, déclarée inconstitutionnelle);
Loi n° 52 pour la mise en œuvre des
considérants de certains arrêts de la Cour constitutionnelle (2023).
Arrêts de la Cour constitutionnelle: Arrêt de la Cour constitutionnelle n° 36 du 5 décembre 2013 concernant l'interprétation de l'article 13 par. 1 de la Constitution en corrélation avec le préambule de la Constitution et la Déclaration d'indépendance de la république de Moldavie; Arrêt de la Cour constitutionnelle n° 17 du 4 juin 2018 concernant la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la RSS de Moldavie de 1989; Arrêt de la Cour constitutionnelle n° 4 du 21 janvier 2021 concernant la Loi sur le fonctionnement des langues parlées sur le territoire de la république de Moldavie de 2020.
Lois à portée linguistique: Loi sur les documents d'identité dans le système national de passeport (1994); Code de juridiction constitutionnelle (1995); Loi sur la Cour constitutionnelle (1994); Loi sur le système judiciaire (1995); Loi sur le statut des juges (1995); Loi sur la fonction publique (1995, abrogée); Loi sur les marques et les appellations d'origine des produits (1995); Règlement du Parlement (1996); Loi sur la publicité (1997); Loi sur les médiateurs parlementaires (1997); Loi sur la citoyenneté (2000); Loi sur l'élection du président de la République (2000); Loi sur l'accès à l'information (2000); Loi sur les actes d'état civil (2001); Loi sur les actes législatifs (2001); Traité d'amitié et de coopération entre la République de Moldova et la Fédération de Russie (2001); Code civil (2002); Code pénal (2002); Code de procédure civile (2003); Code de procédure pénale (2003); Loi sur l'approbation du concept de politique nationale (2003); Loi sur la protection des consommateurs (2003); Règlement d'application de la loi n° 588/1995 sur les marques et les appellations d'origine des produits (2003); Loi sur les actes normatifs du gouvernement et d'autres autorités de l'administration publique centrale et locale (2003-2010); Loi sur l'éducation (1995-2006);
Loi n° 173/2005 portant
dispositions fondamentales du statut juridique spécial des localités
de la rive gauche du Dniestr (Transnistrie);
Code de l'audiovisuel (2006-2018); Loi sur les partis politiques (2007); Ordonnance sur l’approbation des normes standards concernant les pages officielles des autorités de l’administration publique sur l'Internet (2007); Loi sur la fonction publique et le statut des fonctionnaires (2008); Loi sur le code de conduite des fonctionnaires (2008); Loi sur la protection des indications géographiques, des appellations d'origine et des spécialités traditionnelles garanties (2008); Règlement sur l'établissement de l'enseignement préscolaire (2009); Code de l'éducation (2014); Loi sur le gouvernement (2017); Loi sur l'activité des banques (2017); Code administratif (2018). |
1 Situation générale
La république de Moldavie (ou
Moldova en roumain) est un petit État de 33 700 km² (Belgique: 30 527km²)
situé au sud-est de l’Europe, bordé au nord, à l’est et au sud par l’Ukraine, et
à l’ouest par la Roumanie (voir la carte).
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Ce pays d'Europe orientale n'a plus d'accès
à la mer Noire, mais il lui reste un débouché de moins d’un kilomètre sur le
Bas-Danube, assez pour que des navires maritimes puissent accoster au port de
Giurgiulesti. C'est la rivière Prout (Prut en roumain) qui sépare la
Moldavie (à l’est) de la Roumanie (à l’ouest), et la région historique roumaine
contigüe s'appelle aussi Moldavie. Celle-ci est ceinturée à l'est par le fleuve
Dniestr (en roumain:
Nistru).
Depuis 1991, celui-ci fait partiellement office de frontière entre l'Ukraine et
la Moldavie, mais à l'intérieur de celle-ci il existe une zone presque
entièrement sous contrôle russe : la république de Transnistrie (qui signifie
«au-delà du Dniestr»), non-reconnue internationalement. La capitale est Chisinau
(Chișinău en roumain et Kichinev en russe); c’est aussi la ville
principale du pays, qui comptait environ 493 000 habitants en 2020. Les autres
villes importantes sont Tiraspol (134 800 habitants) et Tighina (91 80
habitants, Bender en russe). |
La désignation française de «Moldavie» est généralement préférée par les pro-Européens pour marquer l'appartenance du pays à la Moldavie historique dont fait également partie la moitié roumaine de cette ancienne principauté. Quant à l'appellation «Moldova», d'origine roumaine, elle est adoptée par les communistes et les autres pro-russes pour bien souligner en français la différence entre la «Moldavie» historique roumaine et la «Moldova» post-soviétique située dans la sphère d'influence russe. Entre 1999 et février 2002, la Moldavie fut divisée en 11 unités territoriales appelées "județe" («départements» ou «juridictions»: Bălți, Cahul, Chișinău, Edineț, Găgăuzia, Lăpușna, Orhei, Stânga Nistrului, Tighina, Ungheni, Soroca.
La Moldavie est divisée en six
unités administratives: la Țara de Sus ou Regiunea nordică
(Haut-pays ou Région Nord), la Țara de Mijloc ou Regiunea Centrala
(Moyen-pays ou Région centrale), la Țara de Jos ou Regiunea Sudica
(Bas-pays ou Région Sud), la Regiunea Capitalei (région de la capitale),
la Gagauzia ou Gagauz-Yeri (Gagaouzie) et la Transnistria ou
Pridnestrovie (Transnistrie).
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De droit, la Gagaouzie et
la Transnistrie constituent des régions autonomes, plus précisément des «unités
territoriales autonomes» («unităti teritoriale autonome"). Ces deux régions sont
situées aux extrémités du pays : la Gagaouzie
au sud et la Transnistrie à l'est, une bande
étroite de territoire entre le fleuve Nistru et la frontière ukrainienne.
De fait, la majeure partie de la Transnistrie, ainsi que la ville de Tighina,
sont contrôlées par les forces russes et les autorités de la république
sécessionniste de Transnistrie.
L'État moldave a dû affronter des mouvements sécessionnistes, tant de la part des Slaves russes et ukrainiens de la Transnistrie que des Gagaouzes habitant l’unité administrative de Gagaouze-Yeri. Ces deux territoires feront l'objet d'une description plus particulière dans des articles différents: Gagaouzie et Transnistrie.
En plus des unités territoriales, la république de Moldavie est organisée, d'un point de vue administratif, en districts, en villes ou municipalités et en villages. La Moldavie compte une municipalité ou municipiul à statut spécial (Chisinau) et 32 districts (voir la carte détaillée): 1) Anenii Noi 2) Basarabeasca 3) Briceni 4) Cahul 5) Cantemir 6) Călărași 7) Căușeni 8) Cimișlia 9) Criuleni 10). Dondușeni 11) Drochioa, 12) Dubăsari 13) Edineț 14) Fălești 15) Florești 16) Glodeni 17) Hîncești 18) Ialoveni 19) Leova 20) Nisporeni 21) Ocnița 22) Orhei 23) Rezina 24) Rîșcani 25) Sîngerei 26) Soroca 27) Strășeni 28) Șoldănești 29) Ștefan Vodă 30) Taraclia 31) Telenești et 32) Ungheni. |
Cette
une ancienne république socialiste soviétique est indépendante depuis 1991, mais c’est la seule des républiques de l'ex-URSS au sein de laquelle la langue officielle est une langue d'origine latine. On constatera aussi que la Moldavie constitue une plaque tournante entre deux mondes ou deux civilisations principales: d’une part, les Slaves (Russes, Ukrainiens, Polonais, Bulgares, etc.), d’autre part, les Latins (Roumains et Moldaves).
2 Données démolinguistiques
Au 1er janvier 1997, la population de la république de Moldavie était estimée à 4,2 millions d’habitants (nombre estimé et basé sur le dernier recensement officiel de 1989), mais en 2014 la population était tombée à 3,5 millions d'habitants. En 2020, la population est estimée à 4,0 millions d'habitants.
2.1 Les groupes ethniques
On compte
aisément plus de 25 groupes ethniques en Moldavie. Le groupe majoritaire est
celui des Roumains (84,4%, appelés «Moldaves» sous l'URSS et de 1994 à 2023).
Tous les autres groupes sont grandement minoritaires, dont les Ukrainiens
(4,4%), les Gagaouzes (3,0%) et les Russes (2,7%). On trouve aussi un grand
nombre de petites ethnies: Arméniens, Bulgares, Biélorusses, Roms/Tsiganes,
Allemands, Juifs, Tatars, etc. Le tableau ci-dessous montre une estimation par
le groupe Projet Josué:
Groupe ethnique |
Population |
Pourcentage |
Langue |
Filiation linguistique |
Religion |
Moldave
(dit «Moldave» sous l'URSS et de 1994 à 2023) |
3,218,000 |
79,7% |
roumain |
langue romane |
orthodoxe |
Roumain |
190 000 |
4,7% |
roumain |
langue romane |
orthodoxe |
Ukrainien |
178 000 |
4,4% |
ukrainien |
langue slave |
orthodoxe |
Gagaouze |
124 000 |
3,0% |
gagaouze |
langue turcique (altaïque) |
orthodoxe |
Russe |
110 000 |
2,7% |
russe |
langue slave |
orthodoxe |
Bulgare |
51 000 |
1,2% |
bulgare |
langue slave |
orthodoxe |
Biélorusse |
18 000 |
0,4% |
biélorusse |
langue slave |
orthodoxe |
Rom/Tsigane |
9 200 |
0,2% |
romai |
langue indo-iranienne |
orthodoxe |
Allemand |
6 700 |
0,1% |
allemand |
langue germanique |
protestant |
Juif |
3 400 |
0,0% |
yiddish |
langue germanique |
religion ethnique |
Tatar |
3 100 |
0,0% |
tatar |
langue turcique (altaïque) |
islam |
Arménien |
2 600 |
0,0% |
arménien |
isolat indo-européen |
orthodoxe |
Azerbaïdjanais du Nord |
2 400 |
0,0% |
azéri |
langue turcique (altaïque) |
islam |
Turc |
1 900 |
0,0% |
turc |
langue turcique (altaïque) |
islam |
Tatar de Crimée |
1 700 |
0,0% |
tatar de Crimée |
langue turcique (altaïque) |
islam |
Polonais |
1 400 |
0,0% |
polonais |
langue slave |
catholique |
Ouzbek |
1 300 |
0,0% |
ouzbek |
langue turcique (altaïque) |
islam |
Tchouvache |
1 100 |
0,0% |
tchouvaque |
langue turcique (altaïque) |
orthodoxe |
Géorgien |
1 000 |
0,0% |
géorgien |
langue caucasienne |
sans religion |
Kazakh |
1000 |
0,0% |
kazakh |
langue turcique (altaïque) |
islam |
Lituanien |
900 |
0,0% |
lituanian |
langue balte |
orthodoxe |
Bachkir |
600 |
0,0% |
bachkir |
langue turcique (altaïque) |
islam |
Tadjik |
600 |
0,0% |
tadjik |
langue indo-iranienne |
islam |
Oudmourte |
600 |
0,0% |
oudmourte |
famille ouralienne |
orthodoxe |
Autres |
105 000 |
2,6% |
- |
- |
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Projet Josué total 2020 |
4 033 500 |
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Le tableau suivant est tiré du
Recensement de 2014. Antérieur à la loi
n° 52 du 16 mars 2023, il permettait aux locuteurs du roumain-moldave de
déclarer au choix l'une ou l'autre dénomination, indépendamment de l'ethnie
à laquelle ils affirmaient appartenir, ce qui avait pour effet de séparer
d'une part l'ethnie de la langue, et d'autre part de diviser les
roumanophones et deux groupes:
Langue maternelle |
Moldave |
Roumain |
Ukrainien |
Russe |
Gagaouze |
Bulgare |
Romani |
Autres langues |
2 723 315 (97,1%) |
56,7% |
23,5% |
3,9% |
9,7% |
4,2% |
1,5% |
0,3% |
0,2% |
Selon la déclaration des 2,7 millions de citoyens ayant participé au recensement, quelque 56,7% de la population, presque une personne sur deux, a déclaré le moldave comme sa langue maternelle. À cela s'ajoutent 23,5% de locuteurs qui ont déclaré comme langue maternelle le roumain. Dans ses statistiques, le gouvernement moldave fait toujours intervenir beaucoup de rubriques telles que «nationalité» (au sens d'ethnie), «langue usuelle», «langue maternelle», etc., de sorte que de nombreux citoyens s'y perdent lorsqu'ils sont recensés, et ce, d'autant plus qu'une même personne peut se déclarer appartenir à plusieurs catégories à la fois: Roumain de langue moldave, Moldave de langue roumaine, Moldave de langues russe, simplement Moldave ou Roumain, ou encore Ukrainien de langue russe, Bulgare de langue russe, ou simplement Russe, Ukrainien, etc. C'est
pour sortir de ces confusions que la loi n°
52 du 16 mars 2023 a été votée.
La langue russe est considérée langue maternelle de 9,7% de la population dans le recensement, alors que le gagaouze (4,2%), l'ukrainien (3,9%) et le bulgare (1,5%) représentent les autres groupes. Par rapport à 2004, la proportion de citoyens qui ont indiqué le roumain comme langue maternelle a augmenté de 6,9%, ce qui diminue de 3,5% la proportion de locuteurs qui ont indiqué la langue moldave comme langue maternelle. On note aussi une diminution de 1,6% de la proportion des locuteurs dont la langue maternelle est le russe et l'ukrainien.
Bien que la plupart des Ukrainiens, des Gagaouzes et des Bulgares aient indiqué
comme langue maternelle, la langue de leur ethnie, un Ukrainien sur deux, un
Bulgare sur trois et la plupart des Gagaouzes parlent généralement le russe. Les
Moldaves qui parlent généralement le russe représentent 5,7% du total, mais tous
le comprennent, car le russe était langue officielle et «langue
de communication inter-ethnique», de droit à l'époque soviétique et de
fait depuis.
En termes de
territoire, la répartition de la population par ethnie montre que les Moldaves
de langue roumaine sont majoritaires dans la quasi-totalité des municipalités du
pays, mais pour 16 d’entre elles leur part est supérieure à 85%. Les exceptions
demeurent Taraclia (voir la carte détaillée),
où les Moldaves de langue bulgare prédominent (66,1%) et l'UTA de Gagaouzie,
avec 83,8% de Moldaves de langue
gagaouze. Les Moldaves de
langue russe et ukrainienne sont concentrés à Chisinau et à Balti
(voir la carte détaillée),
de sorte que la part des russophones est respectivement de 37,7% et 13,6%, les
ukrainophones étant 14,9% à Chisinau et 9,6% à Balti, respectivement.
Lors du recensement de 2014, une question portait également sur une éventuelle «langue usuelle» différente de la langue maternelle. 272 300 personnes ont déclaré pratiquer
usuellement une autre langue que leur langue maternelle : 54,6% le «moldave»; 24,0% le
«roumain»; 14,5% le russe; 2,7% l'ukrainien; 2,7% le gagaouze; 1,0% le bulgare et 0,5% d'autres langues. Enfin 3,0% de la population a déclaré parler une langue usuelle différente de la langue maternelle, mais sans préciser laquelle.
À noter qu'en plus du moldave les textes utilisaient trois termes pour désigner les citoyens moldaves roumanophones (qui peuvent se déclarer au choix comme des «Moldaves» ou des «Roumains»:
băstinasi, indigeni ou localnici, soit respectivement «aborigènes», «indigènes» ou «autochtones» ou «locaux». À l'époque soviétique, on utilisait l'expression «nationalité titulaire» ("naționalitatea titulară"). Cette expression faisait référence à la Constitution soviétique qui assignait aux différents peuples constitutifs de l'URSS l'une ou l'autre des républiques fédérées : la Biélorussie dont les «titulaires» étaient les Biélorusses, l'Ukraine pour les Ukrainiens, la Moldavie pour les Moldaves, etc. Les autres communautés, qui n'étaient pas «titulaires», étaient «cohabitantes» (en roumain: "naționalitățile conlocuitoare»). Le système valait aussi pour les autres pays de l'Est, mais certains avaient deux «nationalités titulaires», comme en Tchécoslovaquie pour les Tchèques et les Slovaques.
2.2 La langue moldave/roumaine
La groupe majoritaire est constitué des Roumains (79,7%,
appelés «Moldaves» à l'époque soviétique et de 1994 à 2023, parlant le
«moldave» (une langue romane appelée
«roumain» en Roumanie). Jusqu'à la loi n° 52
du 16 mars 2023, le terme de «moldave» était appliqué exclusivement aux
locuteurs du roumain dans l'URSS et dans les pays qui en sont issus, mais pas
aux autres habitants de la république de Moldavie. Dans le domaine des langues,
il peut désigner deux réalités: l'une linguistique et l'autre juridique,
auxquels s'ajoute une considération politique.
- Le point de vue linguistique
Au plan linguistique, le moldave ("graiul moldovenesc" = «le
parler moldave») est l'une des formes orales populaires alternatives de la
langue roumaine "abstand". Cette variante du moldave est employée dans les
différentes parties de la Moldavie historique, tant en Moldavie roumaine
(Moldavie occidentale dans le Nord-Est de la Roumanie) qu’en république de
Moldavie, ainsi que dans les régions contigües de l’Ukraine (Bassarabie).
Beaucoup d'auteurs étrangers considèrent le moldave comme un «dialecte du
roumain», mais en fait la langue roumaine n'a pas de dialectes mais seulement
des accents régionaux et quelques menues divergences lexicales. Ainsi les
Moldaves (de Roumanie ou de Moldavie) disent «curechi» pour les choux, là où les
valaques disent «varza».
Évidemment, cela ne règle pas la question, d’autant plus que les Roumains, pour leur part, considèrent le moldave comme un «dialecte du roumain»; beaucoup de Roumains croient aussi que les Moldaves maîtrisent mal le roumain (moldave) et qu’ils sont plus habiles à parler le russe.
- Le point de vue juridique
Au plan juridique, le terme «moldave» a été, à l'époque
soviétique et jusqu'en 1989, le seul nom admis pour la langue roumaine parlée en
URSS ; de 1989 à 1994, le seul nom admis a été «roumain» et de 1994 à 2023, les
deux appellations furent admises. En effet, on trouve "limba moldovenească"
(«langue moldave») et "limba română" («langue roumaine»), que l'arrêt n° 36 du 5 décembre 2013
de la Cour constitutionnelle a déclaré «équivalentes».
L'appellation «langue moldave» est employée notamment à l'article 13.1 de la Constitution actuelle de 1994, ainsi que dans plusieurs lois ordinaires. Quant à l'appellation «langue roumaine», elle est apparue dans la Déclaration d'indépendance ("limbii române") du 27 août 1991 et elle apparait dans les lois plus récentes.
En 2013, la Cour constitutionnelle, le plus haut tribunal du pays, a interprété dans son arrêt n° 36 du 5 décembre 2013 que la Déclaration d'indépendance de 1991 devait prévaloir sur l'article 13 de la Constitution parce que la Déclaration d'indépendance est la base politique et juridique de la Moldavie en tant qu'État souverain, indépendant et démocratique et que, par conséquent, c'est l'acte de naissance de la république de Moldavie, alors que le pays n'avait pas encore de Constitution. Dans son arrêt de 2013, la Cour estimait qu'aucun acte juridique ne pouvait contredire la Déclaration d'indépendance et que le texte authentique demeure celui de la Déclaration d'indépendance avec l'expression «langue roumaine»:
123. Par
conséquent, aucun acte juridique, quelle que soit sa force, y compris la Loi
fondamentale, ne peut contredire le texte de la Déclaration d'indépendance. Tant
que la république de Moldavie est dans le même ordre politique créé par la
Déclaration d'indépendance du 27 août 1991, le législateur constituant ne peut
adopter des règlements qui la contredisent. Cependant, si le législateur
constituant a admis dans la Loi fondamentale certaines contradictions avec le
texte de la Déclaration d'indépendance,
le texte authentique demeure celui de la Déclaration d'indépendance. |
Par conséquent, le nom de la langue officielle est celui de la Déclaration d'indépendance, c'est-à-dire le roumain.
Le statut de la langue officielle a fait l'objet d'une législation en 2003, lorsque le Parlement de la Moldavie a adopté une loi définissant les termes «moldave» et «roumain» pour désigner la même langue («glottonyme»): la Loi n° 546 du 19 décembre 2003 sur l'approbation du concept de politique nationale. Il s'agit d'une forme littéraire commune, mais celle de la Moldavie est basée sur la source vivante de la parole populaire, ce qui justifie un glottonyme particulier pour désigner la langue de la Moldavie et celle de la Roumanie:
Le concept part de la vérité historiquement établie et confirmée par le trésor littéraire commun: le peuple moldave et le peuple roumain utilisent une forme littéraire commune qui «est basée sur la source vivante de la parole populaire en Moldavie» – une réalité qui donne à la langue nationale moldave un charme particulièrement prononcé, connu et apprécié. Ayant une origine commune, ayant un fond lexical de base commun, la langue nationale moldave et la langue nationale roumaine conservent chacune sa propre désignation, son glottonyme, comme signe d'identification de chaque nation: le moldave et le roumain. |
Cependant, cette loi n° 546 date du 19 décembre 2003, alors que l'arrêt de la Cour constitutionnelle est venu dix ans plus tard.
- La loi moldave du 16 mars
2023
Finalement, le 16 mars 2023, le Parlement
moldave a adopté le changement de la langue officielle appelée «moldave» en
«roumain» ou «langue roumaine», et par cette occasion étendu le terme
«moldave» à tous les citoyens du pays selon le droit du sol, et non plus à
une seule communauté linguistique selon le droit du sang. Le projet de loi, soutenu par le Parti
Action et Solidarité au pouvoir, fut vivement critiqué par le bloc des
communistes et des socialistes. Il s'agit de la
Loi pour la mise en œuvre des
considérants de certains arrêts de la Cour constitutionnelle (2023),
soutenue également par l'Académie des sciences de la Moldavie. En fait, la
Moldavie se conformait aux arrêts suivants de la Cour constitutionnelle:
- l'Arrêt
de la Cour constitutionnelle n° 36/2013 ;
- l'Arrêt
de la Cour constitutionnelle n° 4/2021 ;
- l'Arrêt de la Cour
constitutionnelle n° 3/2017.
C'est ainsi que fut libellé l'article 1er
de la
Loi pour la mise en œuvre des
considérants de certains arrêts de la Cour constitutionnelle (2023):
Article 1er
Dans le texte des
actes normatifs adoptés par le Parlement:
les termes
«langue moldave», sous quelque forme grammaticale que ce
soit, sont remplacés
par les termes
«langue roumaine»,
selon la forme
grammaticale correspondante;
les mots «langue d'État», «langue officielle» et «langue
maternelle», sous quelque forme grammaticale que soit, si
l'on considère la langue officielle de la république de
Moldavie, sont remplacés par les mots
«langue
roumaine»,
selon la forme grammaticale correspondante.
|
Dorénavant, le terme «moldave» est un
adjectif général désignant non pas une langue, mais tout ce qui se réfère à
la Moldavie, y compris l'ensemble de ses citoyens, quelle que soit leur
langue. Partout où une loi ou un règlement emploie le terme de moldave pour
désigner la langue, il doit être remplacée par le mot «roumain».
- Les pro-Russes et les pro-Roumains
Aujourd'hui, l’appellation «moldave» pour la langue,
toujours officielle en Transnistrie, relève, d'une part, de l’idéologie d’une
Moldavie indépendante distincte de la Roumanie (idéologie pro-russe), alors que
le mot roumain relève de l'idéologie d'une Moldavie historique
mi-roumaine et mi-indépendante, associées en une fédération moldo-roumaine au
sein de l'Union européenne (idéologie pro-occidentale). Il existe aussi un
mouvement unioniste, minoritaire, qui prône l'union politique totale de la
Moldavie et de la Roumanie. D'autre part, certains mouvements pro-russes, eux
aussi minoritaires, souhaitent, ainsi que la Transnistrie, une intégration de la
Moldavie au sein de la Fédération de Russie, pour devenir une oblast (région)
exclavée comme celle de Kaliningrad.
Les pro-Russes regroupent d'abord les communistes qui désirent conserver le modèle soviétique; ils recueillent les suffrages de la grande majorité des slavophones (russes, ukrainiens, bulgares, biélorusses, etc.) et d’une partie des
roumanophones, notamment en milieu rural. Quant aux pro-Roumains ou aux pro-Européens, ils regroupent tous les anticommunistes, soit les centristes, les libéraux, les chrétiens-démocrates, etc., qui adhèrent explicitement au modèle européen et roumain; ils recueillent les suffrages d’une autre partie des roumanophones, notamment en milieu urbain.
Autrement dit, les partisans de la «langue moldave» sont des slavophones, surtout russes et russophiles, et politiquement des communistes et des socialistes, tandis que les partisans de la «langue roumaine» sont des roumanophones et des socio-démocrates. Les lois linguistiques en Moldavie sont généralement adoptées par des majorités partisanes successives, tantôt libérales pro-roumaines, tantôt communistes et/ou socialistes pro-russes, ce qui a toujours envenimé le débat identitaire sur le statut de la langue nationale ou officielle.
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Après de nombreuses manifestations d'universitaires,
d'enseignants, d'élèves, d'arrestations, de procès, de condamnations, de
bagarres ou de vandalisme, la Cour constitutionnelle a aboli toutes les lois
linguistiques, sauf celle concernant les minorités.
Lorsque la coalition des communistes et des socialistes domine l'échiquier politique, les langues moldave et russe sont privilégiées. Sinon, ce sont les partis «libéraux» qui favorisent le roumain et réduisent la propagation du russe. Bref, être partisan de la langue moldave ou de la langue roumaine renvoie à une appartenance politique: c'est être pro-russe ou pro-européen. Dans la population générale actuelle, alors que la majorité des habitants de la capitale de Chisinau et, selon les enquêtes, les individus diplômés de l'enseignement supérieur appellent leur langue «roumain», la plupart des habitants des régions rurales affirment que le «moldave» est leur langue d'origine. Enfin, pour d'autres personnes, le moldave n'est pas une réalité linguistique distincte, mais une «invention soviétique» qui empoisonnerait la conscience nationale des roumanophones de Moldavie.
En somme, deux cultures ou plutôt deux visions du monde cohabitent et s'affrontent en Moldavie. D'une part, c'est celle de la majorité latino-roumanophone, d'autre part, celle des minorités slavophones composées des Russes et des communautés russifiées telles que les Ukrainiens et les Gagaouzes (à l'origine, ils étaient turcophones), qui ont été en grande partie russifiés sous le régime soviétique.
- Le roumain et le moldave
Le roumain et le moldave sont deux termes pour désigner la même langue daco-roumaine, dont l'une est parlée en Roumanie, l'autre en Moldavie. Voici à ce sujet un petit texte de M. Spiridon Manoliu permettant de comparer brièvement le roumain et le moldave:
Français |
Roumain |
Moldave |
Ce dictionnaire est celui de Vasile Stati, qui d’un glossaire de mots peu connus de Moldavie, a fait un dictionnaire roumain-roumain, non pas lexicologique comme ceux auxquels nous sommes habitués, mais pour ces Moldaves qui ne connaissent pas bien la différence entre la langue roumaine littéraire que l’on apprend à l’école, et la langue familière parlée à la maison par les parents. |
Acest dictionar este cel al lui Vasile Stati, care dintr-un glosar de cuvinte mai putin cunoscute din Moldova, a fäcut un dictionar român-român, dar nu lexicologic ca toate cele cu care este obisnuita lumea, ci pentru acei moldoveni care nu cunosc bine ambele limbi, limba românä literarä ce se învatä la scoalä, si limba de casa învätatä de la pärinti. |
Acest dictionar este acela al lui Vasile Stati, care dintr-un glosar de cuvinte mai putin cunoscute din Moldova, a fäcut un dictionar moldovean-român, însä nu lexicologic ca celelalte cu care este învätatä lumea, ci pentru acei moldoveni care nu cunosc bine ambele limbi, limba românä literarä ce se înväta la scoala româneascä, si limba moldoveneascä gräitä în casä la pärinti. |
Il existe de très légères différences entre le roumain et le
moldave, mais en général les Roumains ne distinguent un moldave de la Moldavie
ex-soviétique que lorsqu'il emploie un mot russe là où les locuteurs du roumain
standard auraient employé un mot anglais ou français (par exemple, parahod
au lieu de pachebot pour «paquebot», ou samaliot au lieu du mot
«avion»).
Alors que la langue roumaine de Roumanie semble s’angliciser
à grande vitesse, notamment dans les lexiques professionnels, la situation
apparaît différente en Moldavie. Les intellectuels moldaves, de même que chez
les Valaques des Balkans (les Aroumains) essaient
davantage de conserver le vocabulaire original de la langue et de transcrire les
nouveautés d’origine anglaise, entre autres, avec des mots comme ordinateur,
imprimante, souris, etc. En Roumanie, on dit "computer", "printer", "mouse",
etc., tandis qu'en Moldavie on emploie "calculator" ou "ordinator", "tiparnită",
"maus", etc.
En somme, les Roumains et les Moldaves constituent deux
groupes différents de citoyens de deux États voisins. Après plus de trente ans
d'efforts, ils ont réussi à affirmer linguistiquement et juridiquement qu'ils
parlent la même langue avec de légères différences lexicales et qu'ils forment
un seul groupe ethnique, alors que les pro-russes, la Transnistrie et la Russie
considèrent Moldaves et Roumains comme deux groupes ethniques différents et
diffusent inlassablement cette opinion.
Soulignons aussi que la société moldave est restée en général très attachée à la culture française en raison de ses origines latines communes avec la langue française. Les autorités politiques ont toujours favorisé les initiatives visant à maintenir le français au premier rang des langues étrangères enseignées dans le pays. D’ailleurs, la république de Moldavie est membre à part entière de la Francophonie depuis 1997 (Sommet de Hanoï). Aujourd'hui, toutes les langues roumaines (daco-roumain, aroumain, mégléno-roumain, etc.) sont parlées dans une aire linguistique située autour de la Roumanie.
2.3 Les aléas de la géopolitique dans
l'appellation de la langue
La
dénomination de la «langue officielle» de la république de Moldavie (article
13 de la Constitution) a évolué selon les aléas de la géopolitique
régionale. Il existe une perspective éminemment
politique dans le choix des termes «moldave» et roumain».
- Sous l'Union soviétique
Au temps de l'Union soviétique, jusqu'en 1989, c'était
«moldave», mot qui avait à l'époque deux sens différents: en Moldavie soviétique
et en URSS il désignait «une langue romane différente du roumain», tandis qu'en
Roumanie il désignait la «variante moldave du roumain», parlée en Moldavie
occidentale roumaine. Il faut préciser que l'URSS, si elle considérait comme
«soviétiques» tous ses citoyens selon le droit du sol, les divisait entre eux
selon le droit du sang en ethnies, dont celle «moldave» : ces indications
figuraient sur leur État-Civil (dont, entre-autres, les mentions «juif» ou
«tsigane»).
- Pendant la glasnost et la perestroïka
De 1989 à 1994, pendant la «glasnost» et la «perestroïka»
soviétiques, et durant les trois premières années d'indépendance de la
république de Moldavie) c'était le «roumain». En 1990, Mircea Snegur, qui allait
devenir le premier président de la Moldavie (1991-1997), faisait cette
déclaration à propos de la distinction entre le moldave et le roumain:
Il
y a eu beaucoup d'agitation à propos de la langue parlée par les Moldaves en
république de Moldavie. Bien entendu,
nous partageons la même langue avec nos frères de Roumanie.
Mais, pareillement, nul ne peut dénier
l'existence de certaines nuances
[dans la langue moldave]... D'après moi, en tant que locuteur parmi d'autres de
cette langue, nous ne pouvons remettre en cause le fait que
nos frères et nos sœurs parlent légèrement
différemment de nous.
L'acceptation de cette différence a été caractéristique tout au long de
l'histoire et je ne vois pas pourquoi nous faisons tout ce que nous pouvons pour
l'oublier maintenant.
|
- Sous l'influence
russe
De 1994 à 2013, l'influence russe
revenant en force tandis que la Roumanie et l'Occident, pris par les
difficultés liées à l'élargissement de l'Union européenne, se
désintéressaient de la Moldavie, c'était à nouveau «moldave». Une tentative
de 1996 du président moldave Mircea Snegur de changer le nom de la langue
moldave en roumain fut annulée par le Parlement moldave. À cette époque, le
«pan-roumanisme» était perçu comme une «trahison». En adoptant un
nationalisme moldave comme fondement de la République, le président Snegur
tentait ainsi de représenter son gouvernement comme le garant de
l'indépendance et de l'intégrité territoriale moldaves. Il savait également
que, selon les enquêtes menées dans le pays, que 10% de la population
moldave entendait soutenir l'unification avec la Roumanie et que 87 % des
locuteurs du moldave préféraient s'identifier à la Moldavie plutôt qu'à la
Roumanie.
- La double
appellation
De 2013 à 2023, alors que l'Ukraine
basculait du côté pro-européen et que des affrontements avec les Russes
commençaient en Crimée et dans le Donbass, les deux dénominations «moldave»
et «roumain» furent officielles simultanément, d'autant qu'en république de
Moldavie la lutte contre la corruption des oligarques finit par faire des
pro-Russes et des pro-Européens, longtemps très opposés les uns aux autres,
des alliés de circonstance.
- L'invasion militaire
russe en Ukraine
De plus, l'invasion militaire russe en
Ukraine en 2022 finit par déterminer le gouvernement moldave pro-européen,
en dépit de l'opposition pro-russe, à entamer une procédure d'adhésion à
l'Union Européenne, à dénommer officiellement la langue officielle, en 2023,
uniquement «roumain» à tous les échelons en commençant par l'article 13 de
la Constitution, et à réserver, selon le droit du sol, le terme «moldave» à
tout citoyen du pays, quelles que soient ses origines et sa langue
(«moldaves roumanophones, russophones, ukainophones, turcophones,
bulgarophones» et autres), et à tout ce qui relève de la Moldavie en tant
que territoire et État, sans distinction ethnique ou culturelle.
2.4 Les minorités linguistiques
 |
Si l'on fait exception des Roumains (4,7%), les minorités les plus importantes du pays sont les Ukrainiens (4,4%), les Gagaouzes (3,0%) et les Russes (2,7%).
- Les minorités importantes
Ces trois communautés linguistiques sont puissantes, d'une part, parce qu'elles sont solidaires et forment une coalition de 10,1 %, d'autre part, parce qu'elles constituent une classe sociale privilégiée; elle est économiquement plus riche et est omniprésente dans les grandes villes, notamment dans la capitale. De plus, ces communautés peuvent être géographiquement concentrées et constituer ensemble une forte opposition slave (y compris les Gagaouzes comme langue seconde).
La langue des minorités slaves n’est pas en danger, bien au contraire. La langue russe occupe des positions socialement et économiquement décisives dans toutes les grandes villes du pays, y compris, rappelons-le, dans la capitale (Chisinau). Le russe est la principale langue de communication entre les citoyens d'ethnies différentes en Moldavie, et elle jouit d'un prestige considérable.
Même la langue moldave est très influencée par le russe (contrairement à la langue roumaine). Beaucoup de Moldaves semblent «traduire» dans leur langue les notions apprises au moyen des structures de la langue russe. Par conséquent, le russe est devenu pour beaucoup de Moldaves plus qu'une simple langue étrangère. Certains d'entre eux sont plus à l'aise lorsqu'ils s'expriment en russe qu'en moldave. Il faut aussi mentionner que le russe parlé en Moldavie a également été influencé par le moldave, surtout dans le lexique.
Les Gagaouzes vivent dans le sud du pas, particulièrement dans l'unité administrative de Gagaouze-Yeri (voir la petite zone en vert vers le sud et nommée «Gagaouzie»). Ils comptent pour 78,7 % de la population locale, mais pour 2,6% de la population du pays. |
- La structure linguistique de la population
Le tableau ci-dessous permet de constater la connaissance des langues de la part des principales communautés linguistiques. C'est ainsi que l'on peut réaliser que les minorités ignorent la langue majoritaire, le moldave, dans des proportions très élevées puisque 3,5% des Russes, 0,3% des Ukrainiens, 0,0% des Gagaouzes, 0,0% des Bulgares et 0,2% des «autres» connaissent la langue officielle. Les Russes connaissent davantage le gagaouze (33,3%), le bulgare (32,6% et probablement l'anglais (45,2%) que le moldave (3,5%). Ainsi, toutes les minorités ignorent la langue officielle, sauf pour de petits pourcentages, alors qu'ils conservent généralement leur langue d'origine: 92,8% pour les Russes, 61% pour les Ukrainiens, 63,8% pour les Gagaouzes, 59,8% pour les Bulgares.
Structure linguistique de la population de la république de Moldavie, selon le recensement de 2014
(sans le territoire de la Rive gauche et de Tighina)
Langue maternelle / langue parlée habituellement |
Moldave |
Roumain |
Russe |
Ukrainien |
Gagaouze |
Bulgare |
Autres langues |
Non déclarée |
Total |
Langue locale déclarée «moldave» |
94,3% |
1,7% |
3,5% |
0,3% |
0,0% |
0,0% |
0,2% |
0,0% |
100% |
Langue russe |
3,8% |
1,5% |
92,8% |
1,3% |
0,1% |
0,1% |
0,3% |
0,0% |
100% |
Labgue ukrainienne |
5,8% |
1,1% |
30,9% |
61% |
0,0% |
0,1% |
0,1% |
1,0% |
100% |
Langue gagaouze |
0,9% |
0,2% |
33,3% |
0,0% |
63,8% |
0,4% |
0,1% |
1,2% |
100% |
Langue locale déclarée «roumaine» |
1,4% |
97,0% |
1,3% |
0,0% |
0,0% |
0,0% |
0,3% |
0,0% |
100% |
Langue bulgare |
4,9% |
1,0% |
32,6% |
0,1% |
0,6% |
59,8% |
0,1% |
0,9% |
100% |
Langue romani |
7,4% |
7,9% |
9,3% |
0,5% |
0,7% |
0,3% |
0,1% |
0,0% |
100% |
Autres langues |
10,0% |
7,4% |
45,2% |
0,6% |
0,9% |
0,2% |
33,9% |
1,8% |
100% |
Langue non déclarée |
0,0% |
0,0% |
0,0% |
0,0% |
0,0% |
0,0% |
0,0% |
0,0% |
100% |
Total après la première langue parlée |
1,486,570 |
652,394 |
394,133 |
73,802 |
74,167 |
26,577 |
12,734 |
84,424 |
2,804,801 |
En pourcentage Recensement 2014 Source: "Limbile Republicii Moldova" |
53,0% |
23,3% |
14,1% |
2,6% |
2,6% |
0,0% |
0,4% |
3,0% |
100% |
Le même tableau indique que 14,1% de la population (394 133 locuteurs) ont identifié le russe comme langue d'usage quotidien, alors que les 9,4% de la population déclarent le russe (263 523 locuteurs) comme langue maternelle, mais c'est la langue maternelle de 92,3 des Russes de souche et une langue principale pour 3,8% des Moldaves, 50,0% des Ukrainiens, 27,4% des Gagaouzes, 35,4% des Bulgares et 54,1% des autres minorités ethniques.
Dans la vie pratique, la proportion des locuteurs parlant le russe, toutes ethnies confondues, est beaucoup plus élevée que les statistiques officielles le laissent croire. En Moldavie, absolument tous les adultes roumanophones sont bilingues. Le russe est connu par tous, car il est demeuré la «langue de communication interethnique», le pays étant dans la zone d'influence russe, bine que les trois quarts de la population parlent une autre langue à la maison : le moldavo-roumain pour deux tiers des habitants, et le russe, l'ukrainien, le gagaouze et le bulgare pour le dernier tiers. Le russe continue de dominer dans la presse écrite et audiovisuelle pour tous les groupes ethniques de la Moldavie et la langue russe est couramment entendue dans les rues de Chisinau, en particulier parmi les jeunes.
- Les petites minorités
Les petites minorités de la Moldavie sont les Bulgares, les Juifs et plusieurs autres communautés dispersées (Biélorusses, Polonais, Roms/Tsiganes, Allemands de Moldavie, Arméniens, Lituaniens, Azéris, Tatars, Tchouvaches, Ouzbeks, etc.). Les autres groupes étant formés de Bulgares, de Moldaves roumanophones, de Russes, d'Ukrainiens et de Tsiganes.
Rappelons qu'il existe un fort décalage entre la connaissance des langues secondes de la part des Moldaves et celle des minorités linguistiques. La langue moldave est maîtrisée, comme langue maternelle, par 99 % des Moldaves, mais comme langue seconde par seulement 15 % des Ukrainiens, 12 % des Russes, 5 % des Gagaouzes et 9 % des Bulgares. Par contre, le russe est maîtrisé par la totalité des Russes et, comme langue seconde, par 57 % des Moldaves, 80 % des Ukrainiens, 80 % des Gagaouzes et 86 % des Bulgares. Cette répartition des langues est révélatrice des rapports de force entre le moldave et le russe.
Soulignons qu’en Moldavie les expressions «groupe ethnique», «groupe national», «minorité ethnique», «minorité nationale» ou même «ethnie» font l’objet de controverses, aussi bien au point de vue linguistique que juridique. C’est probablement l’une des raisons qui expliquerait pourquoi la république de Moldavie n’a pu, jusqu’en 2000 aboutir à adopter une nouvelle loi qui réglementerait le statut de ceux qui appartiennent à l’une des minorités nationales du pays. En 2001, la Loi sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales et sur le statut juridique de leurs organismes tentait de régler cette controverse en adoptant l'expression «minorités nationales». L'article 1er de cette loi précise ce qui suit :
Article 1er
Dans la présente loi, les personnes appartenant à des minorités nationales comprennent celles qui, résidant sur le territoire de la république de Moldavie, ont la citoyenneté moldave, possèdent les particularités ethniques, culturelles et linguistiques qui diffèrent de celles de la majorité de la population (les Moldaves) et se considèrent d'une origine ethnique différente. |
2.5 Les régions autonomes
La Moldavie compte deux régions autonomes: la Transnistrie ou la Région autonome de la rive gauche du Dniestr ("Unitatea teritorială autonomă din stînga Nistrului"; et la Gagaouzie ou la Région autonome non contiguë de Gagaouzie.
- La Gagaouzie
La Gagaouzie constitue une région autonome au sud de la Moldavie. Il s'agit de l’unité administrative dite Gagaouze-Yeri ou Gagauz-Yeri, appelée plus précisément «Unité territoriale autonome de Gagaouzie») comptant une superficie de 1831 km², c'est-à-dire 5,4 % de celle de la république de Moldavie (33 400 km²). Il s'agit d'un territoire morcelé réparti en au moins cinq districts et 31 villages situés entre l'Ukraine et la Roumanie au sud du pays. La capitale est Komrat (32 000 habitants). Les Gagaouzes ont obtenu un statut d'autonomie au sein de la
République moldave, ce qui leur donne le droit de posséder leurs propres
emblèmes et de se doter d'une assemblée législative et d'organismes exécutifs
spécifiques.
 |
Le gouvernement autonome a juridiction dans plusieurs domaines, notamment les sciences, la culture, l'éducation, les services communs de proximité, les services de santé, les services sociaux, les activités économiques locales (budgétaires, financières et fiscales) et l’environnement. Le gouvernement moldave est représenté par un gouverneur considéré comme la fonction officielle et représentant le pouvoir suprême de Gagaouzie; celui-ci est élu directement par la population du territoire autonome pour un mandat de quatre ans. La Gagaouzie compte une population de 172 500 habitants, dont 78,7 % de Gagaouzes, 5,5 % de Bulgares, 5,4 % de Moldaves roumanophones, 5, % de Russes, 4 % d’Ukrainiens, 1,3 % de Tsiganes et diverses autres petites nationalités. Dans 24 localités, les Gagaouzes représentent plus de 50 % de la population, tandis que dans peut-être six, ils forment moins de 50 %. De fait, les Gagaouzes ne forment une majorité que dans deux des cinq districts, alors que les populations moldave et bulgare locales soutiennent peu l'Administration gagaouze. En principe, les Gagaouzes parlent le gagaouze, une langue turcique (altaïque). La plupart d'entre eux sont devenus russophones à l'époque soviétique, mais les deux tiers de la communauté en Gagaouzie peuvent pratiquer cette langue et en recevoir un enseignement.
- La Transnistrie
La Transnistrie fait partie intégrante de la Moldavie, mais
c'est une république autoproclamée qui n'est pas reconnue au plan international.
Dans les faits, la situation linguistique semble particulièrement difficile pour
les Moldaves habitant la Transnistrie parce qu’ils y vivent dans une situation minoritaire anormale. En effet, ils ne comptent que 40 % dans cette région qui, au surplus, n’est pas contrôlée par les autorités moldaves. Comme ils cohabitent dans un environnement majoritairement slave, les Moldaves doivent pour le moment accepter que leurs enfants vivent dans un pays qui ne leur appartient pas et où la langue russe domine partout.
|
De plus, ils doivent adopter les comportement électoraux des russophones, sinon ils risqueraient de subir un ressac qu'ils n'oublieraient pas de sitôt. C'est ce qui explique que les habitants de la Transnistrie ont voté en septembre 2006 pour le rattachement à la fédération de Russie dans une proportion de 97,1 %, Moldaves transnistriens y compris.
À ceux-là, on leur a fait comprendre qu'il était dans leur intérêt de rentrer
dans le rang et de faire comme les Russo-Ukrainiens!
3 Les religions
Les Moldaves et sont en très grande majorité de religion orthodoxe grecque. Les Moldaves appartiennent pour moitié au patriarcat de Moscou, et pour la moitié à celui de Bucarest (Roumanie).
Sur le nombre total de personnes qui professent leur religion (2,6 millions au recensement de 2014), 96,8% se considèrent comme des orthodoxes, soit 1,3% de plus qu'en 2004. Parmi les personnes des autres religions, il convient de mentionner les confessions suivantes: les baptistes (chrétiens baptistes évangéliques) représentent 1,0% du total; les Témoins de Jéhovah, 0,7%; les pentecôtistes, 0,4%; les adventistes du septième jour, 0,3%; les catholiques, 0,1%. Les individus d'une dénomination différente de celles mentionnées représentent 0,5%. La part de personnes qui se sont déclarées athées et sans religion (agnostiques) était de 0,2% du total, avec 1,2% de moins qu'en 2004. La religion n'a pas été déclarée par 193 000 personnes, soit 6,9% de la population du pays.
Parmi les orthodoxes, deux obédiences se les partagent : l’Église orthodoxe de Moldavie, majoritaire (dépendant du Patriarcat de Moscou) et l’Église orthodoxe de Bessarabie (dépendant du Patriarcat de Roumanie).

Dernière révision:
27 septembre, 2025


