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États-Unis du Mexique |
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Mexique
(1) Présentation générale:
données géo-démolinguistiques
et historiques
|
1 Situation générale
|
Le Mexique (Estados Unidos Mexicanos) est un grand pays d’Amérique latine,
mais situé en Amérique du Nord, d’une
superficie de 1 964 382 km², soit trois fois et demi la France, mais cinq fois
moindre que les États-Unis ou le Canada. Le Mexique est bordé au nord
et à l’est par les États-Unis (en esp.: Estados Unidos de América), à l’est par le golfe du Mexique et la mer
des Caraïbes, au sud par le Belize (en esp.: Belice) et le Guatemala, et à l’ouest par l’océan
Pacifique (voir
la carte détaillée).
Le Mexique forme la partie sud, la plus étroite, de
l'Amérique du Nord. En fait, son territoire est compris, d'une part, en Amérique
du Nord, d'autre part, en Amérique centrale. En effet, l'isthme de Tehuantepec,
qui représente la plus courte distance (210 km) entre le golfe du Mexique et
l'océan Pacifique, constitue la limite traditionnelle, reconnue par les
géographes entre l'Amérique du Nord et l'Amérique centrale. |
Le Mexique constitue une république fédérale (une
fédération) constituée
de 32 entités fédératives dont 31 ont le statut d'État; la capitale, la ville de
Mexico, forme la 32e entité fédérative, cette
entité n'ayant pas le statut d'État ni celui de ville au sens de la
Constitution; elle est le siège des pouvoirs de la fédération. Par conséquent, à
l'exemple des États-Unis,
le pays est officiellement appelé États-Unis du Mexique ou
Estados Unidos
Mexicanos (voir
la carte des États). En principe, les États mexicains du Chiapas, de Tabasco, de Campeche, du
Yucatan et de Quintana Roo sont situés en Amérique centrale, alors que tous les
autres sont en Amérique du Nord (voir
la carte des États).
États fédérés |
Population 2003 (est.) |
Superficie |
Aguascalientes |
1 003
500 |
5 589 km² |
Baja California
|
2 752
800 |
70 113 km² |
Baja California Sur
|
463
500 |
73 677 km² |
Campeche |
713
400 |
51 833 km² |
Chiapas |
4 224
800 |
73 887 km² |
Chihuahua |
3 218
600 |
247 087 km² |
Coahuila |
2 371
100 |
151 571 km² |
Colima |
571
400 |
5 455 km² |
District fédéral |
8 693
900 |
1 499 km² |
Durango |
1 449
400 |
119 648 km² |
Guanajuato |
4 855
000 |
30 589 km² |
Guerrero |
3 167
400 |
63 749 km² |
Hidalgo |
2 307
300 |
20 987 km² |
Jalisco |
6 487
000 |
80 137 km² |
México (ville) |
14 029
200 |
21 461 km² |
Michoacán |
4
047500 |
59 864 km² |
Morelos |
1 616
900 |
4 941 km² |
Nayarit |
936
900 |
27 621 km² |
Nuevo León |
3 989
500 |
64 555 km² |
Oaxaca |
3 597
700 |
95 364 km² |
Puebla |
5 377
800 |
33 919 km² |
Querétaro |
1 518
800 |
11 769 km² |
Quintana Roo |
984
400 |
50 350 km² |
San Luis Potosí
|
2 353
000 |
62 848 km² |
Sinaloa |
2 565
600 |
58 092 km² |
Sonora |
2 251
700 |
184 934 km² |
Tabasco |
1 969
000 |
24 661 km² |
Tamaulipas |
2 883
500 |
79 829 km² |
Tlaxcala |
1 016
400 |
3 914 km² |
Veracruz |
6 964
600 |
72 815 km² |
Yucatán |
1 700
400 |
39 340 km² |
Zacatecas |
1 375
100 |
75 040 km² |
Total Mexique |
101 457 200 |
1 967 138 km²
|
|
Les États fédérés sont les suivants: Aguascalientes, Basse-Californie-du-Nord (Baja
California Norte), Basse-Californie-du-Sud (Baja California Sur),
Campeche, Chiapas, Chihuahua, Coahuila, Colima, Durango, Guanajuato, Guerrero,
Hidalgo, Jalisco, Mexico, Michoacán de Ocampo, Morelos, Nayarit, Nouveau León (Nuevo
León),
Oaxaca, Puebla, Querétaro, Quintana Roo, San Luis Postosí, Sinaloa, Sonora,
Tabasco, Tamaulipas, Tlaxcala, Veracruz, Yucatán et Zacatecas (voir
la carte des États). Chacun des États possède son parlement, son Exécutif
(exercé par un gouverneur), sa propre constitution et est constitué de «municipalités» (municipes).
Pour sa part, le district fédéral est composé de
«délégations» et il n'a ni constitution locale ni gouverneur, mais il est
régi par des statuts administratifs (Estatutos de Gobierno) et placé
sous la direction d'un «régent» du district fédéral (Regente del Distrito
Federal). La division administrative du Mexique ne compte pas de «province» ni
de «territoire». La langue et la culture font partie des domaines qui
dépendent de la juridiction des deux paliers de gouvernement, d’où des
conflits éventuels en ce domaine bien que, dans les faits, les États
s'alignent sur la politique fédérale.
La ville de Mexico (capitale) figure parmi l’une des
plus grandes mégalopoles du monde, sa population étant estimée à 13,1
millions d'habitants en 2000. Les autres grandes villes sont Guadalajara,
Monterrey et Puebla.
Dans le cas des autochtones (toujours appelés
«indigènes» ("indígenas") plutôt qu'«autochtones»), la loi leur
reconnaît aujourd'hui de nombreux droits en tant que minorités considérées comme
«fragiles».
Certaines «collectivités indigènes» possèdent leurs propres organisations,
leurs réglementations, leurs religions, leurs langues et naturellement leurs us
et coutumes. Toutefois, le
gouvernement mexicain ne reconnaît pas leurs organisations politiques et les
peuples autochtones sont assujettis à toutes les lois, tant celles du
gouvernement fédéral que celles des États fédérés.
|
Au point de vue politique, le Parlement national est appelé
«Congrès de l'Union» (en espagnol : "Congreso de la Unión"); il est
bicaméral et composé de la Chambre des députés ("Cámara de Diputados"), la
chambre basse, et du Sénat ("Cámara de Senadores"), la chambre haute. La
Chambre des députés compte 500 députés élus tous les trois ans avec leurs
suppléants, alors que le Sénat en compte 128, élus pour six ans. Sur 500
sièges à la Chambre des députés, 300 d'entre eux sont élus au scrutin
majoritaire binominal, les 200 autres à la proportionnelle; au Sénat, 96
sénateurs sont élus au scrutin majoritaire, les 32 autres à la
proportionnelle. Par ailleurs, c'est l'un des seuls parlements au monde à
être complètement renouvelé à chaque élection, les membres du Congrès ne
pouvant se succéder à eux-mêmes.
Les États fédérés du Mexique
se proclament tous comme un «État libre et souverain» ("Estado Libre y
Soberano"), cela ne signifie pas qu'ils sont «souverains» au sens qu'ils
posséderaient la souveraineté internationale. Les États mexicains sont
libres, souverains dans leur juridiction et indépendants les uns des autres.
Ils ont la liberté de se gouverner selon leurs désirs, mais ils ne doivent
jamais contredire la Constitution fédérale. De plus, les États ne peuvent
pas contracter d'alliance avec d'autres nations ou d'autres États
indépendants sans l'autorisation du gouvernement central.
2
Situation démolinguistique
Les 117 millions d'hispanophones (sur 125 millions d’habitants)
du Mexique représentent 94,4 % des Mexicains. Non seulement l'espagnol est parlé
par la très grande majorité des Mexicains, mais c’est aussi le plus grand État hispanophone au monde,
bien avant l'Espagne (46 millions).
Une remarque s'impose au sujet du nahuatl: le terme
«nahuatl» désigne la langue parlée par les Nahua(s), le groupe autochtone le
plus important du pays.
2.1 Le métissage mexicain On dénombre dans le pays quelque 65 % de Métis ou Mestizos
(d’origine mixte espagnole et amérindienne), 20 % d'Autochtones
(«Indiens» ou Indígenas) et 15 % de
Blancs, généralement des descendants
directs des Européens. Dès le début de la Conquête, les Espagnols avaient
favorisé le métissage. Même Hernán Cortès avait montré l'exemple avec la
«Malinche», sa maîtresse amérindienne qu'il avait fini par épouser. Pour donner
une idée des métissages qu’a connus le Mexique, il suffit de lire cette
description que l’on trouve sur un mur du château de Chapultepec (l'ancienne
résidence d’été des vice-rois d'Espagne):
Español +
Mestizo +
Castiza +
Española +
Español +
Español +
Indio +
Lobo +
Cambuyo +
Barquino + |
India
Española
Español
Negro
Morisca
Albina
Tornatras
India
Mulata
Mulata |
= Mestizo
= Castiza
= Español
= Mulata
= Albina
= Tornatras
= Lobo
= Sambaloo
= Alvarazado
= Coyote |
Cela dit, tous les Blancs, sauf les mennonites ainsi que
des Métis, parlent l’espagnol comme langue maternelle. Il existe aussi une
petite communauté particulière de Blancs — environ 40 000 personnes —
vivant dans la région de Mexico et parlant une langue germanique, le
bas-allemand appelé le Plautdietsch, mais ils écrivent en allemand
standard. Ce sont des colons mennonites
arrivés depuis quelques
décennies dans le pays, plus précisément des descendants de protestants
réformés radicaux hollandais et suisses formés au XVIe
siècle par
Menno Simons (1496-1561), d’où le nom de mennonites. Certaines de leurs
croyances ont entraîné leur persécution dans d'autres pays, ce qui détermina de
nombreux mennonites à trouver refuge dans les pays de l’Est, en Amérique et
surtout au Mexique, au Paraguay, au Brésil, au Belize et en Argentine. Vivant dans de petites
colonies agricoles, les mennonites se caractérisent maintenant par leurs
vêtements jugés démodés et l’utilisation de leur langue héritée du
bas-allemand.
2.2 Les populations autochtones
(indigènes)
Au Mexique, les autochtones sont juridiquement appelés Indígenas
(en français: «indigènes»). Tous les textes de loi emploient ce terme, alors
qu'en français on peut aussi, selon le contexte, recourir à «autochtones», à
«Indiens», à «aborigènes», à «Amérindiens» ou, comme au Canada, à «Premières
Nations». Dans toutes ces pages concernant les «indigènes», le terme
«autochtone» peut être employé de préférence à «indigènes, sauf lorsqu'on fait
référence à des textes de loi ou à des textes administratifs parce que le terme
Indígenas est d'emploi légal et obligatoire.
|
En 2024, la population autochtone
ou indigène
du Mexique s'élevait à plus de 12 millions d'individus et représentait 10 % de
la population totale du pays. D'après des estimations provenant de
sources autochtones et de diverses autres études, le nombre des autochtones
répartis sur de vastes régions du territoire mexicain, partageant la même
identité socioculturelle, notamment la langue, s'élèverait au moins à 15
millions de personnes. Ces peuples sont essentiellement concentrés dans les États
de Campeche, Chiapas, Guerroro, Hidalgo, Oaxaca, Puebla, Quintana Roo, Veracruz
et Yucatán, où
ils représentent parfois plus des deux tiers de la population (mais pas
nécessairement les langues). À l'échelle du pays, non seulement la
population autochtone du Mexique est très minoritaire par rapport à la
population métisse, mais son influence dans les milieux politique, économique
ou social demeure relativement marginale. Ces «indigènes» (Indígenas),
auxquels de nombreux politiciens, intellectuels et artistes se réfèrent
constamment, font peut-être partie du «folklore national», de la tradition et
de l'histoire, mais leur condition depuis la Conquête en 1521 demeure misérable. |
Si nous prenons pour acquis que les autochtones comptent
pour 10 % au moins de la population mexicaine, nous constatons aussi que
seulement de 6,0 % de cette même population, soit 68 % des autochtones, parle
ou comprend une langue indigène. Autrement dit, 32 % des autochtones
ignorent maintenant leur langue ancestrale.
En consultant le tableau
relatif à la population autochtone par État (recensement de 2000), on
constate que 37 % des Mexicains parlent une langue autochtone dans les États
d'Oaxaca et du Yucatan, 24,6 % au Chiapas, 22,9 % dans le Quintana Roo, 17,2 %
dans le Hildago, 15,4 % dans le Campeche, 13,8 % dans le Guerrero, 11,7 % dans
le San Luis Potosi et 10,3 % au Veracruz. On peut affirmer aussi que la moitié des
autochtones vivent selon leurs coutumes anciennes, en
communautés, même s'ils ne parlent plus leurs langues ancestrales.
2.3 Les langues autochtones
Les langues autochtones sont fort nombreuses au
Mexique. L’organisme Ethnologue du Texas en dénombre
295, mais il est d’usage d’en compter une soixantaine. Il faut comprendre que,
parmi toutes ces langues, il existe une grande variété de formes et qu’aucune de ces dernières n’est unifiée sur le plan
linguistique. D’ailleurs, les locuteurs de ces langues n’ont généralement
pas l’impression de parler des langues similaires (appartenant à la même famille ou au
même groupe linguistique); ne se comprenant pas entre locuteurs de langues
apparentées, ils n’ont pas conscience de parler des langues parfois très
proches. Par exemple, il existe en Amérique latine 60 langues appartenant à la
famille uto-aztèque, 68 langues de la
famille maya, 173 langues de la
famille otomangue, etc. C'est pourquoi le caractère identitaire de ces populations est
surtout basé sur leur façon de vivre, dans une région donnée, non pas en
fonction de leur langue.
- Les familles de langues
Les linguistes distinguent 11 familles de langue; chacune
d’entre elles est représentée au Mexique par au moins l'une de ces langues. Ces
familles, classées selon leur situation géographique du nord au sud du
continent, sont les suivantes:
Famille |
Langues |
État |
Algique (Algica) ou
algonkienne |
kikapú |
Coahuila |
Yuto-nahua |
cora,
guarijío, huichol, yaqui, náhuatl, pápago, pima, tarahumara,
tepehuano del norte, tepehuano del sur, mayo |
Durango, México,
Guerrero, Michoacán, Morelos, Oaxaca, Puebla, San Luis Potosí,
Tabasco, Tlaxcala et Veracruz. |
Cochimí-yumana |
kiliwa,
ku'ahl, kuapá (cucapá), kumiay, paipai |
Basse-Californie |
Séri (Cmiique litom) |
pitiquito et sonora |
Sonora |
Otomangue (Oto-mangue) |
oto-pamé,
jonaz, otomi, mazahua, matlazinca, chocho, chinantèque, mixtèque,
triqui, amuzgo, tlapanèque, zapotecan, cuicatèque |
Guanajuato, État de Mexico,
Michoacan, Puebla, Veracruz, Querétaro, Hidalgo et Tlaxcala
|
Maya |
groupe
huastèque; groupe yucatèque; groupe tzeltal-chol; groupe kanjobal-chuj;
groupe quiché-mam |
Chiapas, Tabasco,
Yucatán, Quintana Roo, Campeche, San Luis Potosí et Veracruz. |
Totonaque-tepehua |
totonaque et tepehua |
Puebla, Hidalgo et
Veracruz. |
Purépecha (Tarascano) |
purépecha |
Michoacan |
Mixé-zoqué (Mixe-Zoque) |
groupe
mixé; groupe zoqué |
Chiapas, Oaxaca et
Tabasco |
Tequistlatèque |
choncal d'Oaxaca: chontal de la sierra et chontal de la costa
|
Oaxaca |
Huavé (Ombeayüiits) |
huavé |
Oaxaca |
La localisation des familles de langues
|
On peut consulter un tableau de l'Institut
national des langues indigènes ("Instituto Nacional de Lenguas Indígenas"
ou INALI) montrant toutes les langues indigènes (ainsi que leurs variétés
linguistiques) parlées au Mexique, par famille et par État (cliquer
ICI, s.v.p.).
Selon l'INALI, un organisme public fédéral, le Mexique compte 11
familles linguistiques, 68 «groupes linguistiques» et 364 «variétés
linguistiques». Pour simplifier les données, on peut dire que les
langues numériquement les plus importantes concernent les groupes
algique ou algonkien, maya,
cochimi-yumana, yuto-nahua, purépecha, mixé-zoque, séri,
tequistlatèque, otomangue, huavé et totonaque-tepehua.
Selon l'INEGI ("Instituto Nacional de
Estadística y Geografía"), les langues comptant plus de 100 000 locuteurs
étaient les suivantes en 2010: le náhuatl, le maya, les langues mixtèques, le
tzeltal, les langues zapotèques, le tzotzil, l'otomi, le totonaca,
le mazatèque, le chol, le huasteco, le mazahua, les langues
chinantèques, le mixe, le purépecha et le tlapanèque (voir le
tableau ci-dessous). Au Mexique,
l'emploi du terme "dialecto", ou «dialecte en français, est perçu
comme une insulte par les représentants des peuples indigènes. Ces
derniers parlent tous des langues avec de nombreuses variétés
linguistiques. Dans les médias, même s’il n’a pas une charge
volontairement péjorative, considérer une langue indigène comme un «dialecte»
constitue une forme d’ignorance ("una forma de ignorancia"). |
Les principales langues parlées par les autochtones sont les
suivantes:
Langues
principales |
1970 |
1990 |
2000 |
2005 |
2010 |
Total |
3 111 415 |
5 282 347 |
6 044 547 |
6 011 202 |
6 695 228 |
Náhuatl |
799 394 |
1 197 328 |
1 448 936 |
1 376 026 |
1 544 968 |
Maya |
454 675 |
713 520 |
800 291 |
759 000 |
786 113 |
Langues mixtèques (a) |
233 235 |
386 874 |
446 236 |
423 216 |
476 472 |
Tzeltal |
99 412 |
261 084 |
284 826 |
371 730 |
445 856 |
Langues zapotèques (b) |
283 345 |
403 457 |
452 887 |
410 901 |
450 419 |
Tzotzil |
95 383 |
229 203 |
297 561 |
329 937 |
404 704 |
Otomí |
221 062 |
280 238 |
291 722 |
239 850 |
284 992 |
Totonaque |
124 840 |
207 876 |
240 034 |
230 930 |
244 033 |
Mazatèque |
101 541 |
168 374 |
214 477 |
206 559 |
223 073 |
Ch'ol |
73 253 |
128 240 |
161 766 |
185 299 |
212 117 |
Huastèque |
66 091 |
120 739 |
150 257 |
149 532 |
161 120 |
Mazahua |
104 729 |
127 826 |
133 430 |
111 840 |
135 897 |
Langues chinantèques (c) |
54 145 |
109 100 |
133 374 |
125 706 |
133 438 |
Mixe |
54 403 |
95 264 |
118 924 |
115 824 |
32 759 |
Purépecha |
60 411 |
94 835 |
121 409 |
105 556 |
124 494 |
Tlapanèque |
30 804 |
68 483 |
99 389 |
98 573 |
120 072 |
Tarahumara |
25 479 |
54 431 |
75 545 |
75 371 |
85 018 |
Zoqué |
27 140 |
43 160 |
51 464 |
54 004 |
63 022 |
Tojolabal |
13 303 |
36 011 |
37 986 |
43 169 |
51 733 |
Amuzgo (d) |
13 883 |
28 228 |
41 455 |
43 761 |
50 635 |
Chatino |
11 773 |
29 006 |
40 722 |
42 791 |
45 019 |
Huichol |
6 874 |
19 363 |
30 686 |
35 724 |
44 788 |
Chontal (e) |
ND |
36 267 |
38 561 |
36 578 |
42 306 |
Popoluca (f) |
27 818 |
31 254 |
38 477 |
36 406 |
41 091 |
Mayo |
27 848 |
37 410 |
31 513 |
32 702 |
39 616 |
Tepehuano (g) |
5 617 |
18 469 |
25 544 |
31 681 |
35 873 |
Cora |
6 242 |
11 923 |
16 410 |
17 086 |
20 078 |
Huave |
7 442 |
11 955 |
14 224 |
15 993 |
17 554 |
Yaqui |
7 084 |
10 984 |
13 317 |
14 162 |
17 116 |
Cuicatèque |
10 192 |
12 677 |
13 425 |
12 610 |
12 785 |
Autres langues |
63 997 |
308 768 |
179 699 |
278 685 |
248 067 |
--------
Note:
les résultats proviennent pour les dates de recensement suivantes:
le 14 février (2000), 17 octobre (2005) et le 12 juin (2010).
a. Pour 1990, les résultats
comprennent: le mixtèque, le mixtèque côtier, le mixtèque de la
Haute-Mixtèque, le mixtèque de la Basse-Mixtèque, le mixtèque de la
zone mazatèque et le mixtèque de l'État de Puebla. Pour l'année
2000, 2005 et 2010 les résultats comprennent: le mixtèque, le
mixtèque côtier, le mixtèque de la Haute-Mixtèque, le mixtèque de la
Basse-Mixtèque, le mixtèque de la zone mazatèque et le mixtèque de
l'État de Puebla.
b. Pour 2000 et 2005, les
résultats comprennent: le zapotèque, le zapotèque de Cuixtla, le
zapotèque d'Ixtlan, le zapotèque de l'Isthme, le zapotèque de Rincon,
le zapotèque méridional, le zapotèque de Vallista et le zapotèque de
Vijano. Pour l'année 2010, ils comprennent: le zapotèque, le
zapotèque d'Ixtlan, le zapotèque de l'Isthme, le zapotèque de Rincon,
le zapotèque méridional et le zapotèque de Vallista.
c. Pour l'année 1990, les
résultats comprennent: le chinantèque, le chinantèque de Lalana, le
chinantèque d'Ojitlan, le chinantèque de Petlapa, le chinantèque de
Quiotepec, le chinantèque de Sochiapan, le chinantèque d'Usila et le
chinantèque de la Valle Nacional. Pour l'année 2000, ils
comprennent: le chinantèque, le chinantèque de Lalana, le
chinantèque d'Ojitlan, le chinantèque de Petlapa, le chinantèque d'Usila
et le chinantèque de la Valle Nacional. Pour l'année 2005, ils
comprennent: le chinantèque, le chinantèque de Lalana, le
chinantèque d'Ojitlan, le chinantèque de Petlapa, le chinantèque d'Usila,
le chinantèque de la Valle Nacional, le chinantèque de Latan et le
chinantèque de Yolox. Pour l'année 2010, ils comprennent: le
chinantèque, le chinantèque de Lalana, le chinantèque d'Ojitlan, le
chinantèque de Petlapa, le chinantèque de Sochiapan, le chinantèque
d'Usila et le chinantèque de la Valle Nacional.
d. Pour 2005 et 2010, les
résultats comprennent: l'amuzgo, l'amuzgo de Guerrero et l'amuzgo
d'Oaxaca.
e. Pour 2000, ils ne
comprennent que le chontal de Tabasco. Pour 2005 et 2010, ils
comprennent : le chontal de Tabasco et le chontal d'Oaxaca.
f. Pour 2000, ils ne comprennent
que le popolaca. Pour 2005 et 2010, ils comprennent: le popoluca de
la Sierra, le popoluca dOluta et le popoluca de Texistepec.
g. Pour 2005 et 2010, les
résultats comprennent: le tepehuano, le
tepehuano de Durango et le tepehuano de Chihuahua.
NA = non disponible.
Source: INEGI (Instituto Nacional de
Estadística y Geografía). Censos de Población
y Vivienda, 1970, 1990, 2000 y 2010.
INEGI. Conteo de Población y Vivienda, 2005. |
2.4 L'emploi des langues
indigènes
La situation étant très complexe,
il n'est pas facile de décrire l'emploi des langues indigènes au
Mexique. Néanmoins, il est possible de proposer trois types de communautés
linguistiques: les
communautés linguistiques dites «préservées», les communautés «bilinguisées» et
les communautés «assimilées».
- Les communautés linguistique «préservées»
Ces communautés vivent généralement dans les régions les plus
isolées du Mexique, celles qui fonctionnent plus ou moins à l'écart des
centres économiques et qui, par voie de conséquence, ont plus d'autonomie
politique. Ces communautés ont su conserver leurs langues ancestrales parce
qu'elles n'ont pas ou peu subi d'ingérence de la part des instances gouvernementales,
tant fédérales que locales, dans leurs affaires intérieures.
Actuellement, cette situation semble la caractéristique
des hauts plateaux du Chiapas, des montagnes situées au nord de Puebla et
dans les régions d'Amuzga et de Chatina dans l'État d'Oaxaca. Le taux
d'unilinguisme autochtone se situe à 9,6 % au Chiapas et à 7,8 % dans
l'Oaxaca. Dans
toutes ces régions, l'espagnol apparaît moins utile et l'unilinguisme
autochtone, relativement fréquent.
- Les communautés linguistiques «bilinguisées»
Dans ces communautés, le bilinguisme varie d'assez
étendu à
très généralisé.
Les
enfants apprennent ordinairement l'espagnol quand ils arrivent à l'école
primaire. Pour ces communautés, la connaissance de l'espagnol n'entraîne pas
nécessairement la perte de leur langue locale. Vivant dans une situation de
diglossie, les autochtones emploient l'espagnol parallèlement avec la langue
locale. De façon générale, l'espagnol sert pour les activités non
traditionnelles comme l'école ou pour les affaires perçues comme extérieures
à la communauté; la langue locale est employée pour les activités dites «intérieures»,
telles que les communications en famille ou avec les voisins, le travail domestique
ou local, ou lors des cérémonies civiques ou religieuses à caractère
local. On trouve ce type de communautés linguistiques bilingues dans les États
de Camapeche, Chiapas, Guerroro, Hidalgo, Oaxaca, Puebla, Quintana Roo, San Luis
Potosi, Veracruz et Yucatan.
- Les communautés «assimilées»
Ces communautés dites «assimilées» se retrouvent
principalement dans des régions où la pénétration de la société hispanique
moderne
est importante, par exemple dans les grandes zones de développement touristique
ou dans les zones pétrolières de l'État de
Tabasco et du sud de Veracruz. Coupées de leurs racines historiques, les
populations autochtones ont été littéralement dissoutes dans la grande masse
hispanique. Les autochtones plus âgés peuvent encore parler encore leur langue
ancestrale, les autres également, mais avec une plus ou moins grande «élasticité» dans leurs compétences langagières; les plus jeunes ignorent
généralement la langue de leurs parents ou de leurs grands-parents. Dans
toutes ces communautés, la langue locale n'exerce plus de fonction sociale
autre que dans le cercle restreint de la famille.
Dans certaines localités, on se sert de la langue indigène uniquement à des
fins symboliques ou d'ordre rituel. Dans ce cas, les autochtones ne parlent
plus ni ne comprennent la langue de leurs
ancêtres.
|
La carte linguistique ci-contre présente les
États où les autochtones (âgés de cinq ans et plus) parlent une langue
indigène selon le nombre de leurs locuteurs).
Plus de 100 000 :
Chiapas, Oaxaca et Guerrero.
Entre
10 000 et 50 000 : Vecracuz, Puebla,
Hidalgo, Yucatan, Chihuahua et Nayarit.
Entre 3000 et 5000 :
San Luis Potosi, Michoacan, Durango,
Quintana Roo, Jalisco et Mexico (État).
Entre 1000 et 3000 :
Campeche,
Basse-Californie, Sonora, Mexico (ciudad) et Sinaloa.
Moins de 1000 :
Tabasco, Morelos, Queretaro,
Tlaxcala, Nuevo Leon, Guanajuato, Colima, Zacatecas,
Basse-Californie du Sud, Tamaulipas, Coahuila de Zaragoza et
Aguascalientes.
Source: Instituto Nacional de Estadística y
Geografía (INEGI), Censo de Población y Vivienda, 2000.
|
2.5 Les emprunts aux langues
autochtones en espagnol
Au Mexique, 55 des 68 langues autochtones nationales sont
parlées. La plus grande présence linguistique autochtone est le nahuatl, dont les
locuteurs, les Nahuas, représentent près de 30% du total; le mixtèque avec 12,3%; l'otomí,
10,6%; le mazatèque, 8,6%; le zapotèque, 8,2% et le mazahua avec 6,4%. Près
de 4000 mots d'origine nahuatl sont présents dans la langue espagnole
mexicaine, dont aguacate («avocat»), petate («tapis tissé»),
chocolate («chocolat»), Xochimilco, Mixcoac, Tlatelolco, Querétaro,
Chapultepec, Xalapa, Aztlán, Guanajuato, Ecatepec, Tula, Chalco, etc. Ce
sont les toponymes qui sont les plus nombreux, car la langue qui a donné le
plus de mots à l'espagnol est le nahuatl, la langue ancienne de l'empire
aztèque mexicain, avec près de 400 mots.
La langue espagnol a emprunté un grand nombre de mots aux
langues autochtones.
Même beaucoup de ces indigénismes sont déjà enregistrés dans le
Dictionnaire de l'Académie royale espagnole, tels que canoa
(«canoë»), huracán («ouragan»),
aguacate («avocat»), caníbal («cannibale»), tequila
(«téquila»), maraca («maraca»: instrument de musique»), iguana
(«iguane»), sabana («savane»), guacamayo («guacamayo»: une
sorte de perroquet), chicle («gomme»), chile («piment»), jícara
(«vase en bois»), manatí («lamantin»), jaguar («jaguar»), caimán
(«caïman»), tapir («tapir»), maíz («maïs»), colibrí
(«colibri»), tomata («tomate»), caoba (sorte de vêtement), butaca
(«chaise»), chocolat («chocolat»), cacahuate (cacahuète»),
coyote («coyote»), loro («perroquet»), tiburón («requin»),
piragua («pirogue»), papaya («papaye»), huracán
(«ouragan»), etc. Beaucoup de ces mots sont ainsi passés par
l'espagnol avant d'enrichir le français, l'italien, l'anglais,
l'allemand, etc.
Dans chacune des langues autochtones sont nommés les couleurs, les
sentiments, les adjectifs, les plantes, les animaux, les plans
d'eau, les phénomènes naturels, les collines, les points cardinaux,
les grottes, les sites sacrés, les êtres mythologiques, les
constellations, le soleil, la lune, les éclairs, les fleurs, les
cérémonies et rituels des cycles de vie, les cycles agricoles, la culture
du maïs, les objets rituels ou usuels, les rites de guérison et mortuaires,
les offrandes, la parenté et l'alimentation. Tous ces éléments sont associés à la fois aux croyances religieuses
et à la vie quotidienne, puisque dans de nombreux cas il existe un
nom commun et un autre sacré pour le même objet ou le même être. Il en va de
même pour les noms propres.
3
Données historiques
Rappelons une anecdote inventée par les Mexicains qui,
facilement, semblent aimer plaisanter sur eux-mêmes et sur leur pays perçu à
tort ou à raison comme un «vaste territoire vierge». Lorsque Dieu créa le
monde, il aurait prévu pour le Mexique de grandes montagnes, des fleuves gigantesques, de nombreux lacs, des déserts, des volcans, des plaines, etc. Mais,
dans l’entourage du créateur, on lui fit remarquer qu'il était dommage de
faire un si beau pays sans y mettre d'habitants. Dieu aurait répondu: «Ne
craignez rien, j'y mettrai des Mexicains!» Il y a aussi ce mot du dictateur
Porfirio Díaz (1830-1915) qui tentait d'expliquer la situation de son pays par
l'éloignement de la puissance divine (le Bien?) et par la proximité du voisin du
Nord (le Mal?) : «Pauvre
Mexique. Si loin de Dieu et si proche des États-Unis.» Plus près de nous,
cette boutade: les Mexicains aiment dire que leur pays ressemble à l’ex-URSS,
à la différence que les dissidents constituent la majorité du Mexique. On remarquera aussi que toute
l'histoire du Mexique est jalonnée de multiples réformes avortées, qui ne se
sont jamais révélé la solution rêvée. Retenons une autre constante: la
dépossession et le déni des premiers peuples qui ont habité le
Mexique.
3.1 La période précolombienne
Les premiers occupants de l’actuel Mexique étaient des
chasseurs pratiquant la cueillette; les fouilles archéologiques situent ces
premiers humains sur le territoire avec 13 000 ans à 10 000 avant notre ère.
Les premières grandes civilisations mexicaines furent celles des Olmèques
(2000-500 avant notre ère), puis celles des Zapotèques
(900 avant notre ère) et surtout des Mayas (1200
avant notre ère), sans oublier les Toltèques
(vers 900), les Mixtèques (vers 1400)
et les Aztèques (1345-1521). Vers
1400, l’empire des Mayas s’est éteint, puis en 1521 celui des Aztèques.
Pour bien comprendre ces grandes civilisations, il faut
savoir que, par exemple, les Mayas et les Aztèques, vivaient éparpillés dans
des cités-États dominées par de gigantesques pyramides. Les Aztèques ont
particulièrement construit de grandes villes et ont développé une
organisation sociale, politique et religieuse complexe. Ce qu’on appelle
aujourd’hui l’«empire maya» ou l’«empire aztèque» n’a jamais
vraiment existé (surtout dans le cas des Mayas): chacune des cités-États
formait un petit royaume en soi, lesquelles se faisaient souvent la guerre. Les
moeurs, les coutumes sociales, les rites religieux et les langues se
ressemblaient, mais ne formaient aucune unité. Cet éparpillement à la fois
géographique et social a favorisé la fragmentation linguistique, alors que les
langues proviennent toutes d’une même souche, en l’occurrence le proto-maya ou
proto-aztèque. Ces langues ont tellement évolué différemment que leurs locuteurs
aujourd’hui ne peuvent plus se comprendre entre eux.
3.2 La conquête espagnole (1521 - 1810)
Le premier explorateur européen qui visita le territoire mexicain fut
Francisco Fernández de Córdoba. Il découvrit en 1517 la trace des
Mayas au
Yucatán. En 1519, Hernan Cortés débarqua au Tabasco et fonda Veracruz. Avec
ses 553 soldats, ses 16 chevaux, ses 13 mousquets et quelques petits canons, il
entra sans résistance dans la capitale aztèque Tenochtitlán (Mexico) — qui
fut presque entièrement détruite par les conquistadores — et, en 1522, fut
nommé gouverneur et capitaine général par l’empereur Charles Quint, aussi
roi d’Espagne. En moins de dix ans, Cortés réalisa la Conquête du Mexique
et devint le maître du pays fièrement rebaptisé la «Nouvelle-Espagne», une
vice-royauté d’Espagne.
La Conquête ouvrit la voie à la colonisation et à la christianisation, c’est-à-dire
à l’emprise des Espagnols sur le continent. Une nouvelle société coloniale
se forma. Fondée sur une hiérarchie sociale rigide, celle-ci assura l’exploitation
des indigènes et l’exportation des matières premières, surtout l’argent,
vers l’Espagne. De son côté, l’Église catholique, avec son tribunal de l’Inquisition
(institué en 1571), exerça un pouvoir absolu sur tous les Mexicains. Pendant 300
ans, la colonisation transforma la physionomie du pays et imposa la castillanisation des habitants, notamment chez les Métis et les
Criollos
(Créoles);
quand ils n’étaient pas exterminés, les Amérindiens furent simplement
ignorés. C'est de cette époque coloniale que date l’immense richesse
architecturale des villes comme Mexico, Puebla, Oaxaca, Guanajuato, Zacatecas,
etc. Ce patrimoine témoigne de la prospérité qui régnait sous la domination
espagnole. Les Espagnols étendirent le pays vers le nord (conquête du
Nouveau-Mexique en 1598) et vers le sud.
Au début du XIXe siècle, le Mexique était certainement l’un
des pays les plus riches au monde. Toutefois, cette prospérité s’était
faite aux dépens d’une grande «masse indienne» — pratiquement réduite à
l’esclavage — et d’un peuple de Métis et de Criollos
(Créoles) exploités par une minorité d’Espagnols (parfois de Métis) qui
possédaient toutes les richesses. Il y eut quelques tentatives de rébellion
amérindienne, dont une en 1712, mais elles furent toutes étouffées dans le
sang et leurs meneurs exécutés. Sur une population d’environ 80 millions
d'indigènes à l'arrivée des Espagnols, on estime à plus de 70 % la
proportion de la population autochtone qui fut décimée par les guerres, les maladies, les
travaux forcés et l'alcool. Il s’agit d’un génocide sans précédent qui
ne sera jamais dépassé dans les siècles suivants. Par la suite, le régime
colonial ignora simplement les populations autochtones qui vécurent en dehors
du système. Bien que ces populations aient fait l'objet de ségrégation
raciale et territoriale, elles disposèrent ainsi d'une sorte de «zone propre»
— des réserves indigènes — où elles pouvaient se perpétuer. D'ailleurs,
l'une des revendications les plus connues de la part des indigènes du
XVIIIe
siècle était qu'on leur enseigne l'espagnol afin qu'ils puissent se défendre
contre les abus des Criollos et des
Espagnols.
3.4 La lutte pour l’indépendance (1810-1821)
Dès le début du XIXe
siècle, les Criollos, ces
descendants d’Espagnols nés en Nouvelle-Espagne, commencèrent à revendiquer
des libertés économiques ainsi qu’une autonomie accrue. Miguel Hidalgo
(1753-1811) et José María Morelos (1765-1815) restèrent les héros de cette
époque troublée: la lutte pour l’indépendance embrasa en effet tout le
pays. Le Mexique subit aussi les effets des idées libérales de la Révolution
française de 1789. Après la conquête de la péninsule ibérique par Napoléon
en 1808, l’Espagne dut se résigner à accepter la déclaration d’autonomie
du Mexique.
La guerre, qui avait débuté en 1810, avait duré 11 ans et causé plus de
600 000 morts au pays. En juillet 1821, le Mexique proclama son indépendance,
qui fut effective lors de la signature du traité de Córdoba par l’ancien
général royaliste Agustín de Iturbide et O’Donojù, le dernier vice-roi.
3.5 L’indépendance
Les trois siècles de domination espagnole avaient bien mal préparé le pays
à l’indépendance. L’instabilité politique et la ruée vers le profit
économique plongèrent le Mexique dans le chaos, alors que les injustices envers
les indigènes et la population métissée se multiplièrent. Le couronnement
impérial du révolutionnaire mexicain Agustín de Iturbide
(comme empereur du Mexique
qui comprenait alors l’Amérique centrale), le 21 juillet 1822, symbolisa
l'indépendance triomphante face à l'hégémonie séculaire de l'Espagne sur le
pays, mais Iturbide fut renversé en mars 1823 par un officier (Santa Anna) qui
instaura la république en 1824.
Le pays s’installa alors dans une période d’anarchies pendant laquelle
alternèrent les dictatures militaires et les brèves présidences civiles. Les
années qui suivirent permirent au Texas (sous contrôle mexicain) de proclamer
son indépendance en 1836. Il faut se souvenir que les États-Unis avaient
colonisé le Texas avec l’accord des autorités mexicaines et qu’à la
veille de la révolution du Texas les Américains représentaient la communauté
la plus nombreuse. C’est alors que le Mexique fut entraîné dans une
coûteuse guerre contre les États-Unis, qui lui fit perdre, selon les termes du
traité de Guadalupe Hidalgo du 2 février 1848, toute la moitié nord du pays.
Victorieux, les Américains acquirent en même temps le Texas, l'Arizona et le
Colorado. Au même moment, en 1842, le Mexique annexa le Chiapas qui appartenait
au Guatemala. À partir de ce moment, on constata un ralentissement de l'extension de la grande propriété
seigneuriale en raison des révoltes indiennes. Le Chiapas se distinguera
toujours ensuite par un fort esprit d'autonomie.
En 1858, le président Benito Pablo Juárez décida de suspendre les dettes
extérieures contractées par les gouvernements précédents, ce qui irrita la
France, la Grande-Bretagne et l’Espagne. Les trois puissances décidèrent d’agir
conjointement afin de protéger leurs intérêts économiques. L’expédition
hispano-franco-britannique se prépara en novembre et en décembre 1861; les
Espagnols arrivèrent le 17 décembre, bientôt suivis des Français et des
Britanniques. Mais devant les ambitions coloniales de Napoléon
III, les
Britanniques et les Espagnols se retirèrent du conflit. Les troupes françaises
pénétrèrent seules dans Mexico en juin 1863. Napoléon III proclama l’Empire
mexicain et en offrit la couronne à Maximilien (le frère de l’empereur
François-Joseph d’Autriche), archiduc d’Autriche (1864-1867). Mais les
Mexicains ne supportaient plus ces intrusions dans leur destinée. Devant la
pression des États-Unis, la France se désengagea rapidement, ce qui permit à
l’armée de Juárez de reconquérir le pays. Maximilien d’Autriche fut fait
prisonnier et fusillé le 19 juin 1867, à Querétaro, sur les ordres du
président mexicain Juárez. La guerre franco-mexicaine constitua le premier
échec de Napoléon III en matière militaire. Après de nombreuses révoltes,
le général Porfirio Díaz devint président en 1877.
Le Mexique dut subir la dictature de Díaz (1830-1915) durant près de trente
ans (jusqu’en 1911), avec une interruption entre 1880 et 1884. Díaz modernisa
le Mexique, mais le développement économique fut en grande partie financé et
dirigé par des étrangers. Cette politique économique favorisa les
inégalités sociales, alors que les paysans pauvres furent spoliés de leurs
terres par les grands propriétaires des haciendas. Un mouvement de
révolte s’amorça pour aboutir en 1910 à la Révolution mexicaine. Le
réélection de Porfirio Díaz fut fortement contestés et celui-ci dut
démissionner en 1911 et prendre la route de l’exil. Francisco Indalecio Madero, le leader de la révolution populaire fut élu président.
Pendant toute cette période, les langues indigènes
furent exclues de tout usage officiel et public. Tout indigène qui voulait
avoir accès aux rares services publics (instruction, santé, justice, etc.)
devait parler l'espagnol. Avec cette politique linguistique de déni, les
langues indigènes devinrent encore plus vulnérables que pendant la période
coloniale. Cependant, la faiblesse politique et économique de l'État mexicain
a empêché la transformation du mode de vie de ces populations de telle sorte
que les autochtones ont continué à vivre de façon relativement isolée et ont
perpétué leurs langues. En somme, l'espagnol était de peu d'utilité aux
autochtones et, de façon générale, leurs langues ancestrales suffisaient pour
répondre à leurs besoins de communication.
3.6 La Révolution mexicaine (1910-1920)
|
Le président Francisco Indalecio Madero ne put mettre fin aux remous politiques et militaires
qui agitaient le pays. D’autres chefs révolutionnaires, dont Emiliano Zapata
Salazar (qui donnera son nom aux zapatistes)
et Pancho Villa, refusèrent de se soumettre aux nouvelles autorités. Les
révoltes armées se succédèrent les unes aux autres. En mars 1911, Zapata
recruta une armée de paysans dans les villages et les haciendas, et
rejoignit la révolution mexicaine au cri de «terre et liberté»; cette
révolution avait pour double objectif le renversement de Díaz et la
redistribution des terres aux petits paysans. La disqualification de
Zapata, alors que son influence était déjà limitée, entre dans le
processus qui aboutira à la fin de cette guerre civile l'année
suivante. Mais la Révolution, qui avait
commencé par une révolte des classes moyennes, se transforma en un combat
populaire contre la mainmise étrangère sur l’économie, ainsi que pour la
séparation radicale de l’Église et de l’État, sans oublier la réforme
agraire. |
En août 1915, une commission représentant huit pays
latino-américains et les États-Unis reconnut le chef rebelle Venustiano
Carranza comme l’autorité légitime du Mexique. Carranza voulut entreprendre
des réformes, mais ses politiques irritèrent les compagnies pétrolières
étrangères parce qu’il avait déclaré que le pétrole constituait une
ressource naturelle mexicaine inaliénable et avait imposé des taxes sur les
champs pétrolifères. Le président Carranza essaya d'imposer par la force au
Chiapas les lois constitutionnelles mexicaines concernant la réorganisation
des propriétés, le loi contre l'usure, le régulation du travail salarié, la
réforme de l'éducation, la réduction du pouvoir de l'Église, etc. Il en
résulta un soulèvement armé (les «Mapuches») contre les troupes
gouvernementales. Les milices mapuches vinrent à bout des troupes de
Carranza peu avant 1920. En 1920, trois généraux se rebellèrent contre le
président Carranza qui fut tué, tandis que l’un des généraux, Álvaro Obregón, accéda au pouvoir. Après une présidence difficile marquée par les
guerres civiles, celui-ci fut assassiné à son tour en 1928 par un fanatique
religieux.
Après les assassinats successifs de tous les chefs révolutionnaires
(Zapata, Villa, Carranza et Obregón), le mythe révolutionnaire fut récupéré
et institutionnalisé dans le Parti national révolutionnaire (PNR) créé en
1929; ce sera plus tard le Parti révolutionnaire institutionnel
(PRI), le
garant des acquis de la Révolution. Le programme du PNR fut mis en place en
1934 avec l’élection du président Lázaro Cárdenas
qui favorisa les réformes
agraires, la protection sociale et l’éducation. Cárdenas fut considéré
comme l'instigateur d'une «seconde révolution mexicaine». En 1938, le
gouvernement mexicain expropria les biens des compagnies pétrolières
étrangères et fonda la société nationale PEMEX pour administrer l’industrie
pétrolifère (nationalisée). Le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI),
pour sa part, allait se maintenir au pouvoir jusqu’en 2000, ce qui donne une idée
de la continuité politique du Mexique.
En somme, l’histoire mexicaine n’a jamais été tendre pour ses héros. C’est
le célèbre écrivain mexicain Carlos Fuentes qui écrivit: «Il n'y a pas eu un
seul héros qui ait réussi, au Mexique. Pour être des héros, ils ont dû
périr.» En effet, ont été fusillés Miguel Hidalgo (et son célèbre «Que
vivá Mexico!»), José María Morelos, Pancho Villa, l'empereur Maximilien,
Emiliano Zapata, Huerta, Madero, etc.;
Bartolomé de Las Casas, le «père des Indiens» fut déchu, Carranza, le
«père de la Constitution mexicaine» fut assassiné. Toutes ces figures, qui
ont façonné la nation mexicaine, sont aujourd’hui encore respectées et
adulées.
Néanmoins, l'histoire du Mexique depuis l'Indépendance
s'est faite sans l'apport des populations autochtones. Jamais une quelconque
mesure de protection concernant les langues nationales ne fut adoptée par un
gouvernement. On constate une diminution de l'ordre de 40 % dans le nombre des
langues autochtones, alors que l'espagnol devint officiellement la langue
nationale dans l'enseignement public. Déjà, à la fin du XIXe
siècle, on constatait la disparition d'un grand nombre de langues dans tout le
Mexique, notamment le californiano, le lipano, le comanche, le concho, le
chuchona, le guasave, l'ópata, le tubar, le pochuteco, le chiapaneco, etc. Et
la tendance s'est perpétuée tout au long du XXe
siècle. Le
mouvement révolutionnaire qui a commencé en 1910 ignora le Chiapas, ce
«Midi» mexicain où les pratiques de l'oligarchie locale ont interdit non
seulement la restitution de la terre au paysans, mais la lui ont même arrachée
au bénéfice des éleveurs de bétail, des propriétaires fonciers qui
exploitèrent le Chiapas comme une réserve coloniale.
3.7 Le Mexique contemporain
À partir de 1940, le régime mexicain s’organisa dans une démocratie
relative et un compromis politique qui laissa le Parti révolutionnaire
institutionnel (PRI) au pouvoir, la richesse aux entrepreneurs et les garanties d’un niveau de vie
minimal au peuple. En juin
1945, Le Mexique devint officiellement membre de l’ONU. Après une première
fissure survenue en 1968 à la suite de la révolte des étudiants et du
massacre de Tlateloco (la répression ayant fait plus de 400 morts), la crise
économique des années quatre-vingt, qui succédait aux illusions du boom
pétrolier, accéléra le déclin du régime politique. En 1970,
Luis Echeverría Álvarez, candidat du PRI, devint président et poursuivit une
stratégie plus équilibrée de croissance économique; il introduisit des
mesures destinées à réduire le contrôle de l’économie par les étrangers
et à accroître les exportations. En 1976, la découverte de larges réserves
de pétrole brut dans les États de Campeche, Chiapas, Tabasco et Veracruz fit
croire au PRI que le pays pourrait accélérer son développement économique.
José López Portillo, le candidat du PRI, fut élu à la présidence en
1976. Il poursuivit une politique d’austérité économique en appelant les
travailleurs à modérer leurs revendications salariales et les patrons à
maintenir des prix bas et à accroître leurs investissements; dans le domaine
des affaires étrangères, Portillo resserra les liens avec les États-Unis et
rétablit des relations diplomatiques avec l’Espagne. La production de
pétrole doubla pendant la seconde moitié des années soixante-dix, ce qui
permit au Mexique de s’affranchir partiellement de la tutelle des États-Unis.
En 1982, Miguel de la Madrid succéda au président López Portillo. De tendance
nationaliste, il tenta de réglementer l’usage de l’anglais dans le district
fédéral de Mexico.
Face au candidat de l’opposition, Cuauhtémoc Cárdenas, fils de l’ancien
chef de l’état, le président
Carlos Salinas de Gortari, candidat du PRI, fut
élu en 1988, malgré des accusations de fraudes électorales. Salinas dut, lui
aussi, entreprendre un certain nombre de réformes. Dès 1989, le gouvernement
Salinas accéléra la privatisation des entreprises nationalisées et prit des
mesures pour inciter les étrangers à investir en leur permettant de contrôler
entièrement les entreprises. Le 5 septembre 1990, le Mexique signa la
Convención sobre pueblos indígenas y
tribales (la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux) de
l'Organisation internationale du travail, et reconnut une certaine autonomie aux
indigènes afin de clamer leurs revendications. En décembre 1992, Salinas, le président des
États-Unis (George Bush, père) et le premier ministre canadien (Brian
Mulroney) signèrent le TLCAN, le Tratado de Libre Comercio de América del
Norte, c’est-à-dire l’Accord de libre-échange nord-américain ou
ALENA (en angl.: North American Free Trade Agreement). Le Parlement mexicain
ratifia l’accord en 1993 et le traité prit effet le 1er janvier
1994, créant ainsi la plus grande zone de libre-échange du monde. Néanmoins,
aucune mesure efficace ne put réduire l’importante dette extérieure du pays.
3.8 Les revendications autochtones
Le 1er janvier 1994, jour de l'entrée en
vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), un groupe d’autochtones, appelé l’Armée
zapatiste de libération nationale (Ejercito Zapatista de Libéracion
Nacional) — en hommage au guerillero Emiliano Zapata qui vécut de 1879 à
1919 —, s’empara de quatre villes du sud dans l’État
du Chiapas et exigea des réformes en profondeur. Bien que les troupes gouvernementales aient
rapidement repris une grande partie du territoire occupé par les rebelles, le
groupe rebelle donna naissance à un vaste mouvement pour la réforme politique
au Mexique. En août de la même année,
Ernesto Zedillo (PRI) fut élu président de
la République. Toutefois, l’ampleur de la récession et de la crise
financière et monétaire (avec un déficit d’environ 30 milliards de
dollars), la résurgence de la question autochtone (insurrection du Chiapas sous
la direction du charismatique «subcomandante Marcos») et la multiplication des
scandales politico-judiciaires (révélant, entre autres, la lutte que se
livraient certains politiciens influents au sein du PRI) soulignèrent les
limites de ces réformes.
Le gouvernement mexicain entreprit en 1994 de reconnaître
constitutionnellement
les droits culturels des autochtones, mais cette reconnaissance était
accompagnée d'une politique économique de type néolibéral qui accentuait la
pauvreté des peuples autochtones et, en conséquence, la marginalité de leurs
langues. Le conflit s’intensifia entre les zapatistes et le gouvernement
au début de 1995. Le gouvernement mexicain ressentit la nécessité d’établir à
nouveau son autorité en lançant une opération militaire qui permit de
reprendre le contrôle de plusieurs municipalités occupées et de repousser les
guérilleros. Toutefois, l’armée nationale ne parvint jamais à s’emparer
des dirigeants zapatistes.
L’échec de cette offensive entraîna une reprise des
négociations qui aboutirent à la signature d’un accord, le 16 février 1996,
à San Andrés Larrainzer (Chiapas). Cet accord prévoyait l’inclusion dans la
Constitution de 1917 d’une série de droits pour les autochtones, notamment
une forme d’autonomie permettant «l’exploitation collective des ressources
naturelles dans les communautés indigènes». Néanmoins, la situation demeura
tendue, alors que les pourparlers sur l’application de l’accord de San
Andrés furent interrompus en 1996; le gouvernement refusait notamment que la
notion de «propriété collective» soit reconnue constitutionnellement.
En 1997, le président Ernesto Zedillo tenta bien de relancer
les pourparlers en proposant l’adoption d’une loi permettant la mise en
place d’un «pacte social» en faveur des «56 ethnies du pays».
Parallèlement, les zapatistes fondèrent un parti politique indépendant, le
Front de libération nationale. En juin 1998, le démantèlement par l’armée
de la quatrième «municipalité autonome» (38 villages zapatistes ont été
fondés depuis le début du conflit) donna lieu à de violents affrontements
entre l’armée et l’AZLN (Armée zapatiste de libération nationale) — ou en espagnol la EZLN (Ejército
Zapatista de Liberación Nacional). Tout dialogue entre les zapatistes et le gouvernement
fut rompu jusqu’en septembre de la même année, lors de la reprise des
négociations de paix.
Par la suite, le mouvement zapatiste s'est fait damner le
pion par la Mara Salcatrucha originaire du Salvador. Dans la
langue populaire salvadorienne, mara signifie «bande», salva est
le diminutif de «salvadorien» et trucha veut dire «futé». C'est une bande
de jeunes assassins, rasés et tatoués, que rien n'arrête. Ce sont les orphelins
de la la guerre que Ronald Reagan a
livrée en Amérique centrale dans les années 1990; ils se sont
installés dans le Chiapas. La Mara Salcatrucha est impliquée dans des activités
criminelles aux États-Unis, au Canada, au Mexique, en Amérique centrale et en
Espagne. En 2018, on estimait que l'organisation comptait environ 10 000 membres
aux États-Unis, mais entre 30 000 et 50 000 membres dans le monde.
3.8 Le Mexique démocratique
Déclenchée par le mouvement zapatiste, l'éternelle réforme de la vie politique dut
se poursuivre. Pour la première fois depuis 1929, le Parti révolutionnaire
institutionnel (PRI), perdit la majorité
absolue à la Chambre des députés, lors des élections législatives du 6
juillet 1997. Au même moment, Cuauhtémoc Cardenas, l’un des leaders du Parti
de la révolution démocratique (PRD), une formation de gauche, fut élu maire
de Mexico au suffrage universel. Le gouvernement dut ensuite faire face, en
1997, à d’importants
problèmes de corruption liés en particulier au trafic de drogue, ainsi qu’à
une chute des cours du pétrole. En octobre de la même année, la presse
mexicaine fit état d'une forte concentration de troupes au Chiapas: plus de 40
000 soldats. En mars 1999, deux millions et demi de Mexicains participent à la
consultation organisée par les zapatistes pour réclamer à une écrasante
majorité l’inclusion de la «loi indigène» dans la Constitution mexicaine. Le 2 juillet 2000, le parti au pouvoir
depuis 1929, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) perdit l'élection
présidentielle historique au profit du candidat de droite et chef du Parti
d'action nationale (PAN), Vicente Fox. Cette victoire, qui mettait fin à 71
années de pouvoir du Parti révolutionnaire institutionnel, marquait pour
plusieurs «la victoire de la démocratie».
- La présidence de Vincente Fox
Le 1er décembre 2000,
Vincente
Fox devenait président
des États-Unis du Mexique. Lors de son discours d'investiture, le nouveau
président avait lancé un vibrant «Jamais plus un Mexique sans vous!» M. Fox
voulait ainsi montrer qu'il allait «s'occuper prioritairement» de la question
autochtone, puisque le slogan «Jamais plus un Mexique sans nous» était celui
adopté par le Congrès national indigène de 1996. Le président Vicente Fox s’engagea à privilégier la croissance afin de
réduire le chômage et d'améliorer les revenus de la population. L’une de ses
principales ambitions est le développement du commerce: il misa sur un
renforcement des échanges au sein de l'ALENA et espéra beaucoup de la future
Zone de libre-échange des Amériques (Área de Libre Comercio de las Américas:
ALCA). Le président reprit les
négociations de paix avec l'Armée zapatiste de libération nationale au
Chiapas et retira, en mars 2001, les troupes fédérales (qui n'auraient
été que «repositionnées») de sept bases du
Chiapas, l'une des trois conditions de base fixées par les rebelles pour
reprendre les discussions de paix. Plusieurs dirigeants zapatistes — dont le
sous-commandant Marcos — se rendirent à Mexico, au terme d’un voyage
historique, à travers plusieurs États du sud et du centre du pays pour exposer
les revendications des autochtones devant le Congrès.
Puis ce fut la débandade encore une fois. Le président
Vicente Fox fit bien parvenir au Sénat pour discussion et approbation, le 5
décembre 2000, la fameuse proposition de loi Cocopa ("Comisión de Concordia y
Pacificación" ou Commission de concorde et de pacification) proposée par toutes les
organisations autochtones. Mais, en avril 2001, le projet de loi sur les droits
des indigènes (la «loi Cocopa») fut modifié par le Sénat avant d’être
adopté par les deux Chambres, de telle sorte que les dispositions garantissant
l'autonomie et l'auto-détermination se trouvèrent considérablement
atténuées. Les zapatistes rejetèrent carrément le projet de loi et
interrompirent toute négociation. Pour reprendre tout dialogue avec le
gouvernement, les zapatistes attendirent voir se réaliser trois conditions: le
démantèlement des bases militaires (qui n’ont été que
«repositionnées»), la libération de tous les prisonniers zapatistes et l’adoption
intégrale par le Congrès de la «loi Cocopa».
|
Quant au président Fox, ou bien il n'avait pas compris les enjeux
ou bine il avait trompé les autochtones. Tout de suite après l'adoption de la loi sur
les indigènes, il s'est aussitôt félicité du vote et déclara avec
enthousiasme que le conflit armé était «désormais terminé» et que
«l'allégresse remplissait le cœur de chacun des Indiens du Mexique». Pour
les zapatistes, le président avait seulement fait semblant de faire sienne
«l'initiative de la loi Cocopa» pendant qu'il négociait avec les représentants
durs et purs du Congrès une «réforme» qui ne reconnaîtrait pas vraiment les
droits des autochtones. La loi, telle qu'adoptée, supprimait des parties
essentielles du projet de la COCOPA: la reconnaissance des communautés comme
sujets de droit ; la reconnaissance des territoires indigènes ; l'utilisation et
la jouissance collectives des ressources naturelles qui se trouvent dans lesdits
territoires et la possibilité d'association des communautés et municipalités
indigènes. Depuis, tout est à recommencer. |
- Les présidences de transition
Le 1er décembre
2006, Felipe Calderón
devenait président du
Mexique. Contrairement à son prédécesseur, le président Calderón n'a pris aucun
engagement explicite et clair au sujet du respect des droits de l'Homme et du
droit des indigènes. Après son élection, il s'est lancé dans la guerre contre
le trafic de la drogue au Mexique. De graves violations des droits de l'Homme ont
été commis par des militaires, notamment dans les États de Chihuahua, de
Chiapas, d'Oaxaca et de Guerrero. Un groupe d'avocats a poursuivi Calderón
devant la Cour internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité
pour la mort de quelque 50 000 personnes au cours de la guerre contre le trafic
de la drogue et du crime organisé. Felipe Calderon affirmait vouloir trouver
refuge au Brésil à la fin de son mandat parce qu'il craignait pour sa vie.
Le 1
er décembre 2012, c'est
Enrique Peña Nieto (du Partido
Revolucionario Institucional ou Parti révolutionnaire institutionnel
ou PRI), qui devint le président du Mexique. Après avoir prêté
serment, le chef de l'État annonça 13 propositions depuis le
Palais national de Mexico, dont une réforme constitutionnelle pour
établir un seul Code pénal (au lieu de 33). Il proposa également
un nouveau programme concernant la prévention de la délinquance,
ainsi qu'une réforme de l'éducation, le droit d'accès à l'Internet,
un programme contre la famine et une assurance-santé destinée aux
mères célibataires. Il précisa: «Il est temps de faire bouger le Mexique, des temps meilleurs arrivent pour tous les Mexicains.» En
matière de langue, Enrique Peña Nieto affirma vouloir créer des
services bilingues afin de défendre les communautés indigènes lors
des procès où ils seraient partie prenante. Il considéra inacceptable
qu'il y ait des condamnations contre les indigènes parce que les
avocats ou les juges ne parlaient pas les langues des justiciables.
- Les présidences d'ouverture
|
Andrés Manuel López Obrador
avait travaillé à l'Institut des peuples indigènes de l'État
de Tabasco en 1977, où il se fit connaître pour ses
programmes sociaux en faveur des communautés indigènes,
avant de rejoindre l'Institut national des
consommateurs, une agence gouvernementale, en 1984. Il
fut élu président du Mexique en 2018. Andrés Manuel López Obrador est arrivé au pouvoir et son projet
politique, connu sous le nom de quatrième transformation
(4T) : "la Cuarta Transformación de la vida pública de
México". Il pariait sur un changement radical qui
donnerait une continuité aux trois grandes
transformations nationales : l’indépendance du début du
XIXe siècle, la réforme
libérale du milieu du siècle et la révolution du premier
quart du XXe siècle.
Sous son mandat, les droit des peuples indigènes ont
enfin été reconnus, par exemple l’initiative de réforme
de l’article 2 de la Constitution qui garantit les
droits des communautés et des peuples autochtones et
afro-mexicains du pays. |
Ainsi, la Constitution et les lois reconnaissaient les
autochtones comme des
entités d’intérêt public; cela signifiait que les «indigènes» seraient
traités comme des objets de protection, de tutelle et d’assistance
contre les normes, les politiques et les actions du gouvernement et
des tiers. Dès lors, les peuples indigènes et afro-mexicains purent nommer
et élire leurs représentants dans des assemblées ayant pleine valeur
juridique; ils purent effectuer des travaux et offrir des services
publics pour le bien-être de leurs communautés, et recevoir et
administrer directement les ressources publiques afin de défendre
leurs droits collectifs devant les organismes judiciaires et autres
autorités.
À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral reconnaît le Mexique
comme une nation multiethnique et multiculturelle avec 70 peuples
autochtones et le peuple afro-mexicain sur l’ensemble du territoire
national. Il existe 68 langues autochtones avec 364 variantes; 7,3
millions de locuteurs de langues autochtones; 23 millions de
personnes s’identifient comme autochtones et 2,5 millions de
personnes se disent afro-mexicaines. Pour mettre en
œuvre les droits des indigènes, l’État a
maintenant les obligations suivantes :
- promouvoir le développement communautaire et régional;
- allouer un budget que les peuples et les communautés
autochtones peuvent administrer et exercer directement;
- protéger le patrimoine culturel et la propriété intellectuelle
collective, en plus de garantir une éducation autochtone,
interculturelle et multilingue;
- fournir des services de santé adaptés à la culture et
reconnaître la médecine traditionnelle;
- procéder à des consultations avant les actes administratifs et
législatifs.
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Le 2 juin 2024,
Claudia Sheinbaum devenait la première
femme élue présidente du Mexique, dont le mandat doit débuter le
1er octobre. Développer
un diagnostic de la situation linguistique de chaque
communauté indigène pour décider des politiques
d'urbanisme constitue l'un des engagements du projet
d'administration dirigé par Claudia Sheinbaum. Elle
promet de poursuivre la quatrième transformation (4T),
c’est-à-dire deux nouveaux programmes sociaux, un
soutien aux femmes de 60 à 64 ans et des bourses
universelles pour les enfants des écoles publiques
préscolaires, primaires et secondaires. Claudia
Sheinbaum s'engage à respecter et à promouvoir des
programmes de justice pour tous les peuples autochtones
et de continuer à reconnaître leur identité, leur
culture, leur autonomie et promouvoir leur bien-être. De
plus, elle veut en arriver à réaliser un diagnostic de
la situation linguistique de chaque communauté pour
décider, à de celui-ci, des politiques d'aménagement
linguistique caractéristiques de la perte des langues,
puis renforcer l'enseignement des langues autochtones et
promouvoir les taux d'usage dans les communautés ou
leurs langues maternelles. Un vaste programme! |
Le gouvernement mexicain reconnaît enfin les droits
légitimes des autochtones, mais les réalisations adéquates peuvent se faire attendre
encore . Les
autochtones veulent être considérés comme des citoyens à part entière et
trouver enfin leur place dans l'économie mexicaine. Une nouvelle réforme de la
Constitution (art. 2), définissant le statut d'autonomie et d'autodétermination des
peuples indigènes, a aussi vu le jour. Cependant, n'oublions pas que
beaucoup de Mexicains hésitent à accorder une grande autonomie, car les
milieux les plus conservateurs agitent le «spectre de la balkanisation» du
Mexique et du «séparatisme». La réforme de la Constitution était devenue la
principale revendication de l'Armée zapatiste de libération nationale,
laquelle jouait
plus que jamais le rôle de «chien de garde» du mouvement autonomiste des
autochtones. Les autochtones défendent aujourd'hui le droit pour leurs
communautés appartenant à des ethnies diverses de se rassembler dans des
circonscriptions administratives nouvelles au sein desquelles elles
définissent des règles propres de gouvernement. C'est la nature même de l'État
mexicain qui semble ici remise en question.
Dans toute l'histoire du Mexique, la
situation d'extrême pauvreté, d'injustice, de pillage et de dépossession, de
viol, dans laquelle vivent les autochtones depuis le XVIe siècle
demeure une constante qui a traversé la période coloniale et la Révolution,
sans qu'aucune solution n'ait été trouvée jusqu'à maintenant. Aujourd'hui, la
minorité indigène est portée aux nues dans les musées, mais on continue de plus
belle de l'exploiter dans la vie; on la méprise et on ne lui rend pas justice.
Le paternalisme ambiant la maintient dans une situation quasi archéologique. Le
Chiapas, où l'on compte près de 1,5 million de locuteurs de langues autochtones
et 14 villes autochtones, connaît une vague de violence du crime organisé en
raison des conflits entre les cartels de la drogue pour contrôler la frontière
entre le Mexique et l'Amérique centrale. La future présidente du Mexique,
Claudia Sheinbaum, a promis de soutenir les peuples indigènes en précisant que
«les peuples indigènes, les communautés indigènes et afro-mexicaines seront
sujets de droits, et auront également droit à leur autonomie, à la récupération
de leurs projets de justice», qui «seront reflétés dans la Constitution
mexicaine». Claudia Sheinbaum a également souligné que l'engagement des 4T doit
être de respecter et de promouvoir des programmes de justice globaux pour tous
les peuples indigènes et de continuer à reconnaître leur identité, leur culture,
leur autonomie et à rechercher leur bien-être avec la création de programmes
sociaux. Pour les analystes politiques, la 4T constitue plutôt un changement de
régime qui implique l’indépendance des pouvoirs législatif et judiciaire, et la
lutte contre la corruption, l’impunité et l’arrogance.
Dernière
modification en date du
01 sept. 2024