Kosovo (3) La politique linguistique | |
République du Kosovo |
Plan de l'article
1 Les dispositions constitutionnelles (2008) 2 Le statut des langues
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5 L'administration publique centrale 5.1 Les services aux citoyens 5.2 Les affiches publiques et commerciales 5.3 Le monde de l'économie 5.4 Le Bureau du Commissaire aux langues 5.5 Les obstacles à l'application de la loi 6 Les langues de l'éducation 7 Les langues dans les médias |
Le 16 avril 2008, le parlement du Kosovo approuvait la nouvelle Constitution, qui entrait en vigueur le 15 juin 2008; elle correspondait pour l'essentiel aux dispositions de la proposition Ahtisaari en matière de protection des minorités et en matière d'État de droit, et correspondait aussi au Cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome provisoire (2001) promulgué par le RSSGNU (le Représentant spécial du Secrétariat général des Nations unies). Cette constitution prévoyait des garanties pour la minorité serbe et une décentralisation très poussée. Elle comprenait également des dispositions relatives au système judiciaire, au patrimoine religieux et culturel, à la dette extérieure, aux biens et aux archives, au domaine de sécurité, ainsi qu’à la présence militaire internationale et au programme législatif.
1.1 Le Cadre constitutionnel de l'ONU (2001)
Toutes les institutions du Kosovo restaient encadrées par le RSSGNU et la KFOR (pour la "Kosovo Force"). Les compétences conférées au représentant spécial de l'ONU étaient les suivantes: la protection des minorités, la politique monétaire, les relations extérieures, la sécurité et l'ordre public, la convocation de nouvelles élections et la dissolution de l'Assemblée du Kosovo.
Le 15 mai 2001, le Cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome provisoire entrait en vigueur; il constituait une étape importante dans la mise en œuvre de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies. Il faut surtout tenir compte des prescriptions suivantes qui font partie de la Constitution kosovare: 9.1.49 Les séances de l'Assemblée et de ses commissions se déroulent en albanais et en serbe. Tous les documents officiels de l'Assemblée paraissent en langue albanaise et en langue serbe. L'Assemblée s'efforce de faire en sorte que les documents officiels qui concernent une communauté donnée soient disponibles dans la langue de cette communauté. 9.1.50 Les membres de l'Assemblée issus de communautés autres que la communauté albanaise et la communauté serbe du Kosovo peuvent s'adresser à l'Assemblée et à ses commissions dans leur propre langue et présenter des documents rédigés dans leur propre langue à l'Assemblée aux fins d'examen. En pareil cas, des services d'interprétation ou des traductions en albanais et en serbe sont assurés à l'intention des autres membres de l'Assemblée ou de la commission concernée. 9.1.51 Toutes les lois promulguées sont publiées en albanais, en bosniaque, en anglais, en serbe et en turc. 9.3.17 Les deux langues de travail pour les réunions du gouvernement et de ses organismes sont l'albanais et le serbe. Tous les documents officiels du Gouvernement sont publiés dans ces deux langues. 9.3.18 Les membres du gouvernement issus de communautés autres que les communautés albanaise et serbe du Kosovo sont autorisés à s'exprimer dans leur propre langue. L'article 14.1 du Cadre constitutionnel impose aussi cette prescription: «En cas de contradiction entre le Cadre constitutionnel et une loi de l'Assemblée, c'est le Cadre constitutionnel qui s'impose.» Cela signifie que le Cadre constitutionnel de l'ONU prévaut sur n'importe quelle loi du Kosovo. En ce qui concerne les droits linguistiques, il est clair que les langues officielles, l'albanais et le serbe, ainsi que les langues d'usage officiel (bosniaque et turc) furent imposées par l'ONU, car dans le cas contraire il était évident que l'albanais aurait été imposé à toutes les communautés minoritaires, y compris aux Serbes. En somme, le statut actuel des langues officielles au Kosovo constitue une obligation constitutionnelle imposée par la communauté internationale: c'était le prix à payer pour obtenir la paix et éventuellement une indépendance politique.
Langues de l'Assemblée
Langues du Gouvernement
1.2 Les langues officielles
L'entrée en vigueur de la Constitution représentait au moins pour les Kosovars albanais une étape importante vers une souveraineté accrue, quatre mois après la proclamation de leur indépendance. L'article 5 de la Constitution (en vigueur) proclame que l'albanais et le serbe sont les langues officielles du Kosovo. Les deux langues n'ont absolument aucune ressemblance, le serbe étant une langue slave, tandis que l'albanais représente une branche unique, un isolat de la famille des langues indo-européennes, ce qui le distingue de toutes les autres langues européennes modernes.
De plus, le turc, le bosniaque et le romani des Roms/Tsiganes peuvent également être officiels ou «d'usage officiel» dans les municipalités où ces communautés linguistiques sont en concentration suffisante, sauf qu'aucune municipalité ne s'est prévalue de cette disposition pour le romani, comme ce fut le cas pour le turc (quatre municipalités) et le bosniaque (quatre municipalités).
L'article 24 de la Constitution interdit toute discrimination pour des motifs de langue, de race, de couleur, etc.:
1.3 Le droit d'être informé
L'article 29 de la Constitution garantit que toute personne en état d'arrestation doit être promptement informée, dans une langue qu'elle comprend, des motifs de son arrestation:
Article 29
Droit à la liberté et à la sécurité 2) Quiconque est privé de liberté doit être promptement informé, dans une langue qu'il comprend, des motifs de son arrestation. [...] |
Dans le même contexte, l'article 30 de la Constitution prévoit qu'un accusé doit être promptement informé, dans une langue qu'il comprend, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, et avoir l'assistance gratuite d'un interprète s'il ne peut pas comprendre ou parler la langue employée par la cour:
Article 30
Droits de l'accusé
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En principe, la langue parlée par la cour doit être l'albanais ou le serbe au choix du justiciable, mais la réalité étant ce qu'elle est il arrive que cette langue soit uniquement l'albanais dans les municipalités à majorité albanaise et uniquement le serbe dans les municipalités à majorité serbe.
1.4 Les droits collectifs
Il existe d'autres dispositions dans la Constitution, qui concernent les droits des communautés et de leurs membres (art. 57 à 62), ainsi que l'art. 81 qui accorde aux députés représentant des minorités un droit de véto sur les législations d'intérêt vital.
L'article 57 de la Constitution reconnaît aux membres des communautés linguistiques minoritaires des droits collectifs tels que celui de choisir librement d'être reconnu ou de ne pas être reconnu comme une minorité, sans qu'aucune discrimination ne doive résulter de ce choix ou de l'exercice des droits rattaché à ce choix. L'article 58 prévoit que la république du Kosovo doit promouvoir la préservation du patrimoine culturel et religieux de toutes les communautés en tant que partie intégrante du patrimoine du Kosovo; il en est ainsi de l'ensemble des sites et des monuments d'importance culturelle et religieuse pour les communautés minoritaires.
L'article 59 accorde aux communautés minoritaires et à leurs membres un ensemble de droits concernant la préservation de leur identité, de leur religion, de leur langue, de leurs traditions et de leur culture; de recevoir leur instruction dans leur langue; de fonder leurs propres établissements d'enseignement; d'utiliser leur langue et leur alphabet librement en privé et en public, avec les autorités municipales et les bureaux locaux des autorités centrales dans les zones où ils représentent une part suffisante de la population; d'avoir des noms locaux, des noms de rue et d'autres indications topographiques ; d'avoir un accès garanti à la représentation spéciale dans les médias de services publics de radiodiffusion ainsi qu'à la programmation dans leur langue; de créer et d'utiliser leurs propres médias; d'avoir des contacts sans entraves avec des personnes dans n'importe quel État, en particulier celles avec lesquelles elles partagent une identité ethnique, culturelle, linguistique ou religieuse, ou un patrimoine culturel commun; etc.
L'article 60 crée un Conseil consultatif des communautés et accorde le droit à des représentations en matière d'emploi dans les institutions publiques. L'article 62 oblige les municipalités où au moins 10 % des résidents appartiennent aux communautés minoritaires à prévoir un poste de vice-président du conseil municipal, qui représente ces communautés.
Enfin, l'article 81 donne une sorte de véto aux représentants des minorités, puisque l'adoption, la modification ou l'abrogation de certaines lois requièrent non seulement la majorité des députés présents du Parlement, mais aussi la majorité de la part des députés qui occupent des sièges réservés ou garantis aux représentants des communautés qui ne font pas partie de la majorité; c'est le système de la double majorité. Ces lois dites «d'intérêt vital» concernent les lois de type suivant : les lois modifiant les limites municipales, les lois sur l'emploi des langues; les lois sur les élections locales; les lois sur la protection du patrimoine culturel; les lois sur la liberté religieuse et les lois sur l'éducation.
Bref, en ce qui concerne le domaine des droits des minorités, le cadre juridique du Kosovo paraît complet et conforme aux normes de l'Union européenne. Le principal défi réside dans sa mise en œuvre.
Depuis 2004, le Kosovo a adopté de nombreuses lois (plus d'une trentaine) contenant des dispositions linguistiques ponctuelles dans les domaines judiciaire, culturel, administratif, électoral, etc. Cependant, certaines lois sont plus importantes que d'autres en matière de langue. Citons d'abord la Loi sur l'emploi des langues (2006), la Loi sur la promotion et la protection des droits des communautés et de leurs membres au Kosovo (2008) et le Règlement sur le Bureau du Commissaire aux langues (2012).
Évidemment, la Loi sur l'emploi des langues de 2006 est l'instrument juridique le plus élaboré et plus avancé en termes de droits. Cette loi est basée sur les dispositions de la proposition Ahtisaari, en matière de protection des minorités, sur le Cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome provisoire (MINUK, règlement no 2001/9 du 15 mai 2001) ainsi que sur les lois internationales antidiscriminatoires. Rappelons que toutes les lois doivent être adoptées par l'Assemblée du Kosovo et promulguées par le RSSGNU (le Représentant spécial du Secrétariat général des Nations unies).
2.1 Les langues officielles et les langues d'usage officiel
Le statut des langues albanaise et serbe comme langues officielles est clairement défini à l'article 5 de la Constitution:
Neni 5 Gjuhët 1) Gjuhë zyrtare në Republikën e Kosovës janë Gjuha Shqipe dhe Gjuha Serbe. 2) Gjuha Turke, Boshnjake dhe ajo Rome kanë statusin e gjuhëve zyrtare në nivel komune ose do të jenë në përdorim zyrtar në cilindo nivel në pajtim me ligj. |
Article 5
Langues 2) Le turc, le bosniaque et le romani ont le statut de langues officielles au niveau municipal ou sont d'usage officiel à tous les niveaux tels qu'il est prévu, conformément à la loi. |
En termes de réglementations nationales positives, cet article 5 est considéré comme l'acte général suprême garantissant un tel droit, stipulant l'égalité de statut et d'usage officiel de deux langues. En même temps, l'article 5 semble faire la distinction entre deux types d'officialités: d'un côté, il y a des «langues officielles», de l'autre, des «langues d'usage officiel».
En albanais, on oppose "gjuhë zyrtare" («langues officielles») à "gjuhë në përdorim zyrtar" («langues d'usage officiel»). Ce sont là des notions qui proviennent de la Serbie et du Monténégro, deux États issus de l'ex-Yougoslavie. Dans la Province autonome de Voïvodine (Serbie), ces deux notions ont aussi une valeur différente: les «langues officielles» sont celles déclarées par la Serbie ou la Province, alors que les «langues d'usage officiel» sont celles déclarées dans les statuts des municipalités. De façon générale, la protection des «langues d'usage officiel» est moindre parce qu'elle est limitée à certains aspects de la vie municipale.
Au Kosovo, le turc est d'usage officiel dans les quatre municipalités suivantes: Gjilan/Gnjilane, Mitrovicë/Mitrovica, Prishtinë/Priština et Vushtrri/Vučitrn. Le bosniaque est d'usage officiel à Istog/Istok, mais une langue co-officielle dans les municipalités de Dragash/Dragaš, de Pejë/Peć et de Prizen/Prizen. Le romani n'est d'usage officiel dans aucune municipalité.
Dans la Loi sur l'emploi des langues (2006), les articles 1 et 2 reprennent es mêmes dispositions que l'article 5 de la Constitution à propos des deux langues officielles:
Article 1er
1.1. Le but de la présente loi est d'assurer:
1.2. Au niveau municipal, les langues des autres communautés, telles que le turc, le bosniaque et le romani doivent être d'usage officiel selon les conditions prévues dans la présente loi. Article 22.1. L'albanais et le serbe ainsi que leurs alphabets sont les langues officielles du Kosovo et ont un statut égal dans les institutions du Kosovo. 2.2. Toutes les personnes ont des droits égaux en ce qui concerne l'emploi des langues officielles dans les institutions du Kosovo. |
L'article 2.3 de la Loi sur l'emploi des langues énonce qu'une minorité dont la langue maternelle n'est pas une langue officielle doit constituer au moins 5 % de la population totale de la municipalité pour acquérir le statut d'une langue officielle ou d'une langue d'usage officiel:
Article 2
2.3. Dans les municipalités habitées par une communauté dont la langue maternelle n'est pas une langue officielle et qui constitue pour au moins 5 % de la population totale de la municipalité, la langue de ladite communauté a le statut de langue officielle dans la municipalité et doit être en usage dans des conditions d'égalité avec les langues officielles. Nonobstant ce qui précède, à titre exceptionnel, dans la municipalité de Prizren, la langue turque jouit du statut d'une langue officielle. 2.4. Dans les municipalités habitées par une communauté dont la langue maternelle n'est pas l'une des langues officielles du Kosovo et qui représente plus 3 % de la population totale de la municipalité, ladite langue de la communauté a le statut d'une langue d'usage officiel dans la municipalité, en conformité avec les dispositions prévues à l'article 8. De plus, la communauté dont la langue a été traditionnellement parlée dans une municipalité doit également jouir du statut d'une langue d'usage officiel au sein de cette municipalité. |
L'article 4.1 de la Loi sur la promotion et la protection des droits des communautés et de leurs membres au Kosovo (2008) reprend également ces mêmes dispositions en ce qui concerne l'albanais, le serbe, le turc, le bosniaque et le romani :
Article 4
La langue |
Bref, les langues officielles de la république du Kosovo sont l'albanais et le serbe, avec leurs alphabets respectifs, partout sur le territoire, mais le turc et le bosniaque (sans le romani) ont ce statut uniquement dans certaines municipalités, là où en principe une minorité atteint au moins 5 % de la population locale. C'est pourquoi toute personne au Kosovo a le droit de communiquer avec les institutions centrales et d'en recevoir des services et des documents publics, dans l'une de ces langues officielles. Toutes les institutions centrales doivent veiller à ce que cela soit possible.
2.2 Le statut des langues dans les municipalités
Lorsqu'on consulte le tableau «Langues officielles et langues d'usage officiel par municipalité» fourni par le Bureau du Commissaire aux langues, on doit constater que les 38 municipalités du Kosovo sont formellement bilingues, les langues officielles étant l'albanais et le serbe, mais le bosniaque et le turc bénéficient de ce statut : trois pour le bosniaque et deux pour le turc. De plus, le bosniaque est d'usage officiel dans une municipalité (Istog/Istok) et le truc dans quatre:
Statut | Bosniaque | Turc |
Langues officielles | Dragash/Dragaš - Pejë/Peć - Prizren/Prizren | Prizren/Prizren - Mamush/Mamuša |
Langues d'usage officiel | Istog/Istok | Gjilan/Gnjilane - Mitrovicë/Mitrovica - Prishtinë/Priština - Vushtrri/Vučitrn |
Il reste à vérifier dans quelle mesure ce bilinguisme ou ce trilinguisme peut être appliqué, surtout que les Serbes peuvent constituer de très petites communautés dans certaines municipalités. On peut aussi consulter la carte des municipalités du Kosovo, que la carte de la composition ethnique de chacune d'elles.
En fonction de la législation en vigueur, toutes les municipalités du Kosovo portent obligatoirement une double appellation (en albanais et en serbe): Deçan/Dečane, Gjakovë/Đakovica, Gllogoc/Glogovac, Gjilan/Gnjilane, Dragash/Dragaš, Istog/Istok, etc., même lorsque le nom est identique (Prizen/Prizen, Zubin Potok/Zubin Potoik, Junik/Junik).
De plus, les autorités albanaises emploient délibérément l'alphabet latin pour écrire le serbe au lieu de l'alphabet cyrillique, lequel est pourtant préféré par les Serbes. Il s'agit dans doute d'une volonté de simplifier l'usage des langues par un alphabet unique, mais aussi une façon de s'imposer par rapport à la Serbie qui privilégie le cyrillique.
L’Assemblée du Kosovo (en albanais : Kuvendi i Kosovës ; en serbe latin: Skupština Kosova) est le Parlement monocaméral de la République. Cette Assemblée compte 120 sièges pourvus pour quatre ans au scrutin proportionnel plurinominal dans une circonscription électorale unique. Les sièges sont répartis à tous les partis ayant franchi le seuil électoral de 5% des suffrages exprimés. Quant aux électeurs, ils ont la possibilité d'exercer jusqu'à cinq votes préférentiels pour des candidats de la «liste choisie».
Sur le total des 120 sièges, les albanophones en détiennent 100. Les 20 autres sièges, soit 16,6 %, sont alloués aux minorités ethniques (qui forment 14% de la population totale) selon la répartition suivante: dix sièges pour les Serbes, quatre pour les Roms, les Ashkalis et les Égyptiens des Balkans, trois pour les Bosniaques, deux pour les Turcs et un seul pour les Gorans. Tous les membres de ces communautés minoritaires ont le droit d'employer leur langue à l'Assemblée du Kosovo, ce qui ne signifie pas que des services de traduction seront disponibles, sauf pour le serbe et l'albanais. Toutefois, peu de temps avant l'abolition du contrôle international de l'indépendance, l'Assemblée du Kosovo adoptait 22 modifications constitutionnelles et décidait que les sièges réservés aux minorités seraient transformés en «sièges garantis». En vertu de ce système, quels que soient les résultats électoraux, les Serbes du Kosovo ont droit à au moins 10 sièges à l’Assemblée, et les autres communautés non majoritaires à au moins 10 autres sièges. Selon l’ancien système transitoire des «sièges réservés», 20 sièges étaient alloués aux communautés non majoritaires en plus des sièges obtenus sur la base des résultats électoraux. Avant cette modification, les minorités pouvaient bénéficier des 20 sièges réservés, mais pouvaient également en acquérir d'autres en fonction du nombre de voix qu'elles pourraient remporter aux élections. Cependant, avec les sièges garantis, les minorités obtiennent un total de 20 sièges et pas davantage. Or, la question des sièges réservés aux minorités, en particulier serbes, faisait partie de l'accord sur la normalisation des relations Kosovo-Serbie. |
Depuis 2008, toutes les listes électorales sont soumises à des quotas qui imposent un minimum de 30 % de candidats de chacun des deux sexes, avec une alternance dans l'ordre des listes au minimum tous les trois noms. Le mandat pour la composition de la législature par l'Assemblée du Kosovo est de trois ans à compter de la première session inaugurale.
L'Assemblée dispose d'un Règlement intérieur de l'Assemblée (2010) qui régit l'emploi des langues, mais il existe aussi des dispositions dans la Loi sur l'emploi des langues (2006). Pour entrer en vigueur, les lois doivent être promulguées par le représentant spécial du secrétaire général, par un règlement de la MINUK, sauf disposition contraire.
3.1 Les langues admises à l'Assemblée
Puisque l'albanais et le serbe sont les langues officielles du Kosovo, il semble cohérent que ces deux langues soient admises dans les débats parlementaires, ainsi que dans la rédaction des lois et règlements. D'ailleurs, l'article 5 de la Loi sur l'emploi des langues (2006) fait état de ces dispositions juridiques, notamment aux paragraphes 5.1 à 5.4 :
Article 5
5.1. Les langues officielles sont utilisées sur la base de la parité dans les travaux, les débats ou les autres instances de l'Assemblée du Kosovo et de ses comités. Les installations doivent être accessibles pour la traduction simultanée d'une langue officielle vers les autres langues des débats et autres instances de l'Assemblée et de ses comités. 5.2. Les membres de l'Assemblée du Kosovo dont la langue maternelle n'est pas une langue officielle ont le droit d'employer leur langue maternelle dans les travaux, débats ou autres instances de l'Assemblée du Kosovo et de ses comités, ainsi que dans les assemblées publiques organisées par l'Assemblée des Kosovo. Les installations doivent être rendues accessibles pour assurer la traduction dans la langue du membre, si tel est la demande. Tout document soumis par ces membres doit être traduit dans les langues officielles et toutes les réponses demandées par un membre doivent lui être rendues dans la langue originale employée par celui-ci. 5.3. Les documents officiels ainsi que les registres officiels des débats ou des autres instances de l'Assemblée du Kosovo et de ses comités doivent être conservés et publiés dans les langues officielles. 5.4. Toutes les lois adoptées par l'Assemblée du Kosovo doivent être rédigées et publiées dans les langues officielles. Les versions linguistiques officielles font également foi. Toutes les lois promulguées sont publiées en bosniaque et en turc. |
Quant au paragraphe 5.2, il précise que tout autre membre de l'Assemblée du Kosovo dont la langue maternelle n'est pas une langue officielle a le droit d'employer sa langue maternelle dans les travaux, les débats ou toute autre instance de l'Assemblée du Kosovo et de ses comités, ainsi que dans les assemblées publiques organisées par l'Assemblée des Kosovo. Tout doit être fait pour assurer la traduction dans la langue du membre, si tel est la demande: «Les installations doivent être accessibles pour la traduction simultanée d'une langue officielle vers les autres langues des débats et autres instances de l'Assemblée et de ses comités.» Tout document soumis par les parlementaires doit être traduit dans les langues officielles et toutes les réponses demandées par un membre doivent lui être rendues dans la langue originale employée par celui-ci.
Les articles 78 et 79 sont les plus importants du Règlement intérieur de l'Assemblée (2010):
Article 78
Emploi des langues à l’Assemblée Article 79 Langue des documents 2) La transcription des travaux de l’Assemblée doit enregistrer toute intervention orale dans la langue dans laquelle elle a été présentée. |
En fait, la plupart des lois sont rédigées en albanais, traduites en serbe et en anglais, généralement aussi en bosniaque et en turc.
Il faut comprendre que les minorités non albanaises sont assurées d'une participation effective au processus législatif, qu'elles soient albanophones (comme les Ashkalis et les Égyptiens des Balkans) ou non (Serbes, Roms/Tsiganes, Bosniaques, Turcs, etc.).
3.2 La publication dans le Journal officiel
L'Assemblée dispose d'un Journal officiel appelé "Gazeta Zyrtare e Republikës së Kosovës". L'article 5 de la Loi sur le Journal officiel (2010) impose la publication du Journal officiel en albanais, en serbe, en turc, en bosniaque et en anglais: |
Article 5
Langues Envoi d’actes juridiques au Bureau de la publication du Journal officiel |
Les lois sont promulguées en albanais et en serbe, mais il arrive que seules les versions albanaise, serbe et anglaise soient présentées dans le Journal officiel.
3.3 Les élections générales
Les élections constituent aussi un domaine important dans l'administration gouvernementale. En vertu de l'article 7 de la Loi sur les élections générales (2008), la Liste des électeurs doit être rédigée dans les langues et alphabets dans lesquels sont conservés les documents originaux:
Article 7
Liste des électeurs 7.6 Les données personnelles des citoyens sur la Liste des électeurs doivent être rédigées dans les langues et alphabets dans lesquels sont conservés les documents originaux et en conformité avec la Loi sur l'emploi des langues au Kosovo. |
L'article 87 de la Loi sur les élections générales impose sur les bulletins de vote l'usage de toutes les langues officielles au niveau national et au niveau local:
Article 87
Description des bulletins de vote et documents connexes 87.8 Les bulletins de vote doivent être imprimés dans toutes les langues officielles au niveau national et au niveau local, conformément à la Loi sur l'emploi des langues. Un parti politique autorisé peut choisir la langue et l'alphabet qui seront employés sur le bulletin de vote. |
Des prescriptions similaires existent aussi dans la Loi sur les élections locales (2008).
Le Kosovo a adopté une législation égalitaire en matière de justice en ce qui a trait à l'emploi des langues. Avant même d'aborder le problème de la langue, il faut souligner les nombreux problèmes liés à l'accès à la justice elle-même. De graves insuffisances subsistent en ce qui concerne le fonctionnement du système judiciaire au Kosovo. Or, l’absence d’accès réel pour tous à la justice et aux voies de recours internes semble toucher de façon disproportionnée les personnes appartenant aux minorités pour diverses raisons: les retards permanents des causes en cours, ainsi que le manque de ressources financières et matérielles et de personnel qualifié, notamment chez les traducteurs et interprètes. Peu de Kosovars peuvent en fait avoir accès aux tribunaux, sans compter que la population manque de connaissance et de confiance dans le système judiciaire.
4.1 Les mesures de protection
Dans le domaine judiciaire, l'albanais et le serbe, les langues officielles peuvent être utilisés sur demande dans les tribunaux du Kosovo. L'article 12 de la Loi sur l'emploi des langues (2006) le précise de la façon suivante:
Article 12
Emploi des langues dans la procédure judiciaire 12.1. Les langues officielles doivent être utilisées sur un pied d'égalité dans la procédure judiciaire. 12.2. Les tribunaux et les organismes de poursuite, ainsi que toute autre autorité impliquée dans une procédure pénale, doivent, dans toute procédure devant eux veiller à ce qu'un justiciable participant à une procédure pénale ou toute autre procédure judiciaire puisse utiliser la langue officielle de son choix. |
Il en est ainsi pour les documents relatifs la procédure dans la langue officielle choisie:
Article 14
Les tribunaux sont tenus d'émettre des documents relatifs la procédure dans la langue officielle choisie pour les débats et dans d'autres langues officielles si cela est demandé par une partie à la procédure ou si, de l'avis de la cour, cette mesure servait l'intérêt public général. |
L'article 16 de la Loi sur l'emploi des langues énonce qu'il est autorisé à toute personne appartenant à une minorité linguistique dont la langue maternelle n'est pas une langue officielle d'utiliser sa langue maternelle:
Article 16
16.1. Quiconque participe à une procédure pénale ou à toute autre procédure judiciaire, qui ne parle pas ni ne comprend la langue de la procédure, a le droit d'utiliser sa langue. 16.2. Les membres appartenant à des communautés dont la langue maternelle n'est pas une langue officielle et qui participent à une procédure pénale ou à toute autre procédure judiciaire ont le droit d'utiliser leur langue maternelle. |
Il en est de même à l'article 4 de la Loi sur la promotion et la protection des droits des communautés et de leurs membres au Kosovo (2008):
Article 4
4.5 Les personnes appartenant aux communautés ont le droit de se défendre devant tribunal dans leur langue; s'il est nécessaire, le gouvernement doit leur fournir gratuitement l'assistance d'un interprète. |
L'article 96 de la Loi sur la procédure en matière contentieuse (2008) est consacré à la langue de la procédure:
Article 96
Langue de la procédure |
Dans le cas d'une autre langue que l'albanais ou le serbe, le tribunal doit recourir aux services d'un traducteur ou d'un interprète. L'article 58 du Code pénal provisoire du Kosovo (2004), aujourd'hui abrogé, indiquait aussi le droit de quiconque à utiliser sa langue maternelle:
Article 158 (abrogé)
Violation de l'égalité de statut des résidents du Kosovo (3) Quiconque, contrairement aux lois relatives à l'emploi de la langue et de l'alphabet, nie à un résident du Kosovo le droit d'utiliser librement sa langue maternelle ou son alphabet, est passable d'une amende ou une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an. |
Cette loi a été remplacée en 2018 par le Code pénal de la république du Kosovo et une pénalité de pouvant aller jusqu’à trois ans d'emprisonnement:
Article 190
Violation de l’égalité de statut des citoyens et des résidents de la république du Kosovo Article 321 Destruction ou dommages matériels |
Parallèlement, l'article 17 de la Loi sur la police (2008) accorde le droit de recourir à sa langue maternelle lorsqu'une personne est arrêtée ou détenue:
Article 17
Enquête et sommations |
Dans les faits, les trois langues principales traduites dans les tribunaux du Kosovo sont en principe l'albanais, le serbe et l'anglais. Dans certains cas, il est également possible de traduire les déclarations d'une instance internationale en recourant à une quatrième langue.
4.2 Des services judiciaires dans sa langue
La la loi accorde à tout individu arrêté, détenu ou inculpé d'une infraction civile ou criminelle, le droit d'être informé sans délai, et dans une langue qu'il comprend, des motifs de son arrestation et de toute accusation portée contre lui. Si l'on fait exception des albanophones à peu près partout et des serbophones dans l'enclave de Mitrovicë / Mitrovica (Albanik/Leposavic, Zveçan/Zvecan et Zubin Potok), il n'est pas toujours facile de trouver un interprète sur place et sur-le-champ.
- Les albanophones
La plupart des albanophones sont assurés de recevoir des services judiciaires dans leur langue, pourvu qu'ils ne vivent pas dans l'enclave serbe de Mitrovicë/Mitrovica où les serbophones ignorent totalement les albanophones. Ailleurs, dans l'ensemble du pays, seule la connaissance de l'albanais permet d'accéder sans trop de problèmes à la justice, surtout lorsqu'ils sont majoritaires dans une municipalité.
La communauté ashkalie a accès assez aisément au système de justice, car la langue maternelle des Ashkalis est généralement l'albanais, ce qui facilite évidemment l'interaction avec les institutions centrales et locales, et ce, d'autant plus que de nombreux membres de cette communauté peuvent aussi s'exprimer en serbe. Cet accès à la justice et aux services judiciaires de la part des Égyptiens des Balkans apparaît également satisfaisant, puisqu'ils utilisent l'albanais comme langue maternelle ou véhiculaire. Dans la municipalité de Pejë/Peč où résident la plupart des membres de cette communauté, il y a même un juge égyptien, ce qui contribue à donner une certaine confiance aux Balkano-Égyptiens.
Bien que les Gorans parlent le goranski (ou nachenski) comme langue maternelle, ils parlent aussi le serbe ou l'albanais comme langue seconde et, dans de nombreux cas, ils peuvent s'exprimer dans les trois langues, y compris en bosniaque qui n'est pas très différent du serbe. Ainsi, dans les municipalités de Dragash/Dragaš et de Prizren, les tribunaux municipaux assurent la traduction en serbe pour la communauté gorane, bien que plusieurs Gorans fassent partie du personnel judiciaire. Partout dans les autres municipalités, c'est l'albanais qui sert de langue admissible dans les cours de justice, mais le serbe est possible.
- Les communautés slaves
En général, les Serbes du Kosovo continuent d'accéder à la fois au système judiciaire du Kosovo et de la Serbie, et ce, en fonction de la situation géographique d'une municipalité donnée. Dans les municipalités du Nord, soit les localités de Mitrovicë/Mitrovica (Albanik/Leposavic, Zveçan/Zvecan et Zubin Potok), les Serbes n'ont recours qu'aux tribunaux de la Serbie, car ils n'ont aucune confiance dans le système judiciaire du Kosovo. Dans la municipalité plus au centre de Prishtinë/Pristina, la communauté serbe utilise assez aisément les services des tribunaux municipaux, car le personnel bilingue est plus nombreux, mais ailleurs l'absence de personnel bilingue cause d'énormes difficultés. L'absence de connaissance de l'albanais peut aussi entraîner des retards considérables. De façon générale, les Serbes font appel aux tribunaux uniquement dans le cas de litiges concernant les biens et les propriétés. Ils doivent souvent faire appel à des tribunaux de la Serbie pour acquérir des documents officiels.
Les Bosniaques forment la troisième communauté en importance au Kosovo. À l'exemple des Serbes, les Bosniaques parlent peu l'albanais, ce qui entraîne un profond sentiment d'insécurité chez les membres de la communauté, sans oublier que cette méconnaissance restreint la liberté dans les affaires publiques au niveau du gouvernement central. Dans la municipalité de Gjilan/Gnjilane, la communauté bosniaque peut avoir accès aux tribunaux et aux services judiciaires dans sa langue, le bosniaque. Mais il n'existe que quelques juges bosniaques au Kosovo. Partout ailleurs, les services en bosniaque sont très limités, voire inexistants, mais il leur est loisible d'utiliser le serbe, avec les difficultés que cette langue implique dans la langue écrite (alphabet cyrillique), car les Bosniaques ont recours à l'alphabet latin.
Les Monténégrins, comme les Bosniaques et les Croates, parlent une langue similaire au serbe (serbo-croate). Pour cette raison, l'accès aux tribunaux leur est facilité par rapport aux autres petites communautés. Cependant, les Monténégrins connaissent les mêmes difficultés que les Serbes dans certaines localités en raison de l'absence de traduction adéquate et des possibilités limitées d'interprétation. Les Croates ont, eux aussi, accès aux tribunaux, mais ils doivent généralement recourir à l'albanais s'ils veulent obtenir des services adéquats. Dans les municipalités de Prishtinë/Pristina et de Gjilan/Gnjilane, il leur est possible d'employer le croate à l'oral, puisque cette langue sera comprise par le personnel serbe.
- Les autres communautés minoritaires
La communauté turque du Kosovo bénéficie d'un accès complet aux tribunaux municipaux, mais elle n'utilise que de façon restrictive la langue turque, faute de personnel connaissant cette langue dans le système judiciaire. Les municipalités de Prishtinë/Pristina et de Gjilan/Gnjilane semblent être les seules à disposer d'un personnel bilingue, notamment parmi les juges.
Les Roms bénéficient d'un accès théorique au système de justice pour deux raisons. La première concerne l'absence totale de tout personnel maîtrisant la langue romani dans le système judiciaire. De plus, la structure patriarcale prédominante dans cette communauté, le faible niveau d'instruction et le manque de familiarité avec le système judiciaire ont tendance à limiter considérablement les droits des femmes en ce domaine. Quoi qu'il en soit, les Roms/Tsiganes connaissent surtout des problèmes concernant les infractions mineures, les cas de succession ou de divorce, mais comme toujours l'emploi de leur langue romani est à peu près nul, car ils ont recours à la langue albanaise.
4.3 Les services de traduction médiocres
L'un des plus graves problèmes dans les tribunaux réside non seulement dans la pénurie de traducteurs, mais également dans les mauvaises traductions des documents juridiques, ainsi que des transcriptions des discussions et des décisions. Dans de très nombreux procès, le justiciable ne peut pas suivre la procédure elle-même, généralement faute de traducteur disponible dans une langue donnée. S'il est plus aisé de bénéficier d'un traducteur du serbe, du croate, du bosniaque ou du monténégrin (plus ou moins la même langue) vers l'albanais, c'est très différent pour d'autres langues, comme le turc, le romani, le goranski (nachenski), etc.
- Incompréhension et contractions
Si les sentences du juge sont généralement compréhensibles, même avec toutes les nombreuses fautes d'orthographe lorsqu'ils écrivent en serbe, il arrive d'autres cas où les justiciables serbophones ne peuvent même pas comprendre s'ils ont été condamnés ou non par le juge albanophone. Les consultations auprès des juges, des procureurs et des avocats confirment tous que les lois mal traduites créent parfois des obstacles supplémentaires au bon fonctionnement de la procédure judiciaire. De nombreux juges et avocats doivent comparer les versions albanaise, serbe et anglaise d’une loi, afin de découvrir le vrai sens d'un énoncé. Dans le pire des cas, la version albanaise et la version serbe d'un même article peuvent non seulement être sensiblement différentes, mais parfois contradictoires.
On peut consulter, par exemple, un passage de la Loi sur la procédure en matière contentieuse (2008); il s'agit de l'article 258.4 de cette loi, qui illustre les différences contradictoires entre les traductions, notamment entre la première phrase dans laquelle les versions albanaise et anglaise autorisent la modification du procès, alors que les versions en serbe, en bosniaque et en turc l'interdisent.
- Une ou deux langues officielles ?
Le personnel judiciaire doit aussi composer avec des textes albanais mal construits ou ambivalents. Dans certaines lois, on peut trouver, parfois dans un même article, un libellé opposant LA langue officielle (une seule?), puis à LES langues officielles (au moins deux?): il s'agit de "gjuhën zyrtare" (langue officielle) par rapport à "gjuhët zyrtare" (langues officielles). Par exemple, dans la Loi sur la protection des consommateurs de 2004 (aujourd'hui abrogée), il était précisé que les documents destinés au consommateur soient rédigés de façon clairement visible et lisible dans LA langue officielle ( au singulier), mais la loi n'exclut pas la possibilité d'employer d'autres langues qui soient accessibles pour l'acheteur:
Neni 16 [shfuqizohet]
2) Dokumentacioni nga pika 1 e këtij neni duhet të jetë i shkruar qartë, dukshëm dhe i lexueshëm në gjuhën zyrtare. Ligji nuk e përjashton mundësinë e përdorimit të gjuhëve të tjera dhe shenjave që janë të kuptueshme për blerësin. |
Article 16 [abrogé]
2) Les documents mentionnés au paragraphe 1 du présent article doivent être rédigés clairement visibles et lisibles dans la langue officielle. La loi n'exclut pas la possibilité d'employer d'autres langues qui soient accessibles pour l'acheteur. |
Toutefois, l'article 18.2 du même texte de loi emploie e mot au pluriel, «në gjuhët zyrtare», ce qui correspond à «langues officielles».
Neni 18 [shfuqizohet]
3) Të gjitha shënimet nga deklaracioni duhet të jenë të dukshme, të lexueshme dhe të shkruara në gjuhët zyrtare. Ligji nuk e përjashton mundësinë e përdorimit të gjuhëve tjera si dhe shenjave të kuptueshme për konsumatorin. Për të dhënat nga deklaracioni për mallrat e importuara përgjegjësinë e mban importuesi. |
Article 18 [abrogé]
3) Toutes les informations dans la déclaration doivent être visibles, lisibles et rédigées dans les langues officielles. La loi n'exclut pas la possibilité d'utiliser d'autres langues et symboles qui soient accessibles aux consommateurs. Pour les données de la déclaration des marchandises importées, l'importateur en assume la responsabilité. |
Ces lacunes techniques sont très fréquentes, car elles entraînent de nombreuses inexactitudes dans la traduction des lois en serbe (ou en bosniaque), en anglais ou en turc. Une enquête menée en 2014 par le journal serbe Frankfurtske Vesti (en Serbie) révélait plus de 5500 erreurs dans la traduction serbe du Code pénal du Kosovo, tandis que plus de 4000 autres ont été trouvées dans la Constitution du Kosovo et dans sept autres lois. Même la traduction serbe de la Loi sur l'emploi des langues elle-même contient 249 erreurs sur seulement 11 pages de texte. Si de nombreuses erreurs sont faciles à identifier, d'autres peuvent créer de sérieux problèmes ou des échappatoires juridiques. Techniquement, la législation du Kosovo est traduite dans les deux langues officielles, mais aussi en bosniaque et en turc, qui sont d'usage officiel. Il demeure tout de même nécessaire d'avoir une certaine qualité de traduction pour que ces lois soient compréhensibles et sensées. Même dans le cas où un document est traduit en serbe ou dans une autre langue, la mauvaise qualité de la traduction peut en faire un document incompréhensible.
Une grande partie des lois promulguées par l'Assemblée du Kosovo ne sont toujours pas harmonisées les unes avec les autres. Cette situation, qui rend difficile une mise en œuvre adéquate et cohérente des lois, affecte l'ensemble du système judiciaire. Évidemment, de telles pratiques rendent plus pénibles les conditions de travail du personnel judiciaire, donc au premier chef les juristes, les juges et les avocats.
- Des infractions courantes
Au Kosovo, les violations à la loi sont courantes pour ne pas dire normales. Lorsque le juge ignore le serbe et ne dispose pas d'un traducteur, il peut quand même rendre sa sentence en albanais. Il arrive que le justiciable soumette des documents dans une langue que le juge ne comprend pas, mais cela n'empêche guère celui-ci de procéder comme si de rien n'était; il peut même exiger qu'un justiciable signe un document dont ce dernier ne comprend ni les tenants ni les aboutissants. Ce sont là des situations absurdes qui prévalent malheureusement dans les tribunaux du Kosovo.
Dans les institutions centrales, les langues officielles du Kosovo, l'albanais et le serbe, bénéficient en principe d'un statut égal. Tout citoyen employé dans les institutions centrales a le droit d'employer l'une des langues officielles de son choix. Ce droit doit être appliqué par les institutions dans les débats, les assemblées et les travaux en groupe. Tout citoyen a aussi le droit de s'adresser dans sa langue auprès du gouvernement central. Sur demande, les institutions centrales doivent garantir l'interprétation pour les citoyens.
De plus, ceux-ci ont le droit de porter plainte dans leur langue auprès du médiateur et de recevoir de la part de ce dernier une réponse dans cette même langue. La Constitution du Kosovo définit le rôle et les compétences du Médiateur, appelé aussi Avocat du peuple (en albanais: "Ombudsmani i Kosovës" ou "Avokati i Popullit"), pour surveiller et protéger les droits de l'homme et les libertés des personnes morales et physiques contre les actions ou inactions illégales et irrégulières des autorités publiques. Le Médiateur agit sur la base de plaintes ou de demandes soumise à son bureau. |
Le Médiateur, qui est indépendant dans l'exercice de ses fonctions et n'accepte ni les instructions ni les ingérences de la part de l'État, peut également offrir des services juridiques concernant les plaintes de citoyens du Kosovo adressées aux autorités publiques à l'extérieur du pays.
5.1 Les services aux citoyens
Dans les faits, bien que les citoyens du Kosovo peuvent employer leur langue auprès des institutions centrales, cela ne signifie pas pour autant qu'ils vont recevoir une réponse dans cette langue. Bien souvent, les documents officiels ne sont disponibles autrement qu'en albanais et les ministères ne disposent pas de traducteurs en nombre suffisant, non seulement en serbe, mais aussi en bosniaque et en turc.
L'administration publique concerne les services aux citoyens, ainsi que l'obtention de documents officiels relatifs à la citoyenneté, aux cartes d'identité, aux documents de voyage, aux élections, etc. L'administration publique centralisée du Kosovo est tenue d'utiliser les deux langues officielles, l'albanais et le serbe. Ainsi, l'article 4.2 de la Loi sur l'emploi des langues (2006) précise que «toute personne a le droit de communiquer et de recevoir des services offerts et des documents publics de la part des institutions centrales du Kosovo dans l'une des langues officielles»:
Article 4
Emploi des langues dans les institutions centrales 4.1. Dans les institutions centrales du Kosovo, l'égalité des langues officielles doit être appliquée. 4.2. Toute personne a le droit de communiquer et de recevoir des services offerts et des documents publics de la part des institutions centrales du Kosovo dans l'une des langues officielles. Toutes les institutions centrales sont tenues de veiller à ce que chaque citoyen puisse communiquer et obtenir des services disponibles et des documents publics de la part des institutions et organismes gouvernementaux dans n'importe quelle langue officielle. 4.3. Les langues officielles doivent être employées à parité dans les réunions et les travaux des institutions centrales. Celles-ci doivent prévoir des services de traduction disponibles à partir d'une langue officielle à une autre, si cette traduction est demandée pour les réunions des institutions centrales, ainsi que dans les assemblées publiques organisées par ces mêmes institutions. 4.5. Les registres et les documents officiels doivent être conservés et publiés dans les langues officielles. |
C'est pourquoi le bilinguisme est jugé nécessaire, du moins théoriquement, pour les bureaux, les réunions, les documents, les registres, etc.
L'article 5 de la Loi no 02/L-28 sur la procédure administrative (2005) traite de la non-discrimination dont doivent faire part les organismes de l'administration publique pour lesquels il est interdit de différencier les personnes physiques et morales au cours d'une procédure administrative sur la base du sexe, de la langue, de l'appartenance politique, etc.
Article 5
Le principe de l'égalité devant la loi |
- La citoyenneté
Pour l'obtention de la citoyenneté du Kosovo, l'article 10 de la Loi n° 03/L-034 sur la citoyenneté du Kosovo (2008), il faut fournir une preuve de ses connaissances élémentaires dans l'une des langues officielles de la république du Kosovo, l'albanais ou le serbe:
Article 10
Naturalisation des étrangers
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Par le fait même, selon la Loi sur l'asile (2011), une demande officielle faite au cours de la procédure d'asile doit être adressée dans l'une des langues officielles du Kosovo:
Article 17
Langue de la procédure Tout type de demande officielle faite au cours de la procédure d'asile doit être adressée aux autorités compétentes dans l'une des langues officielles du Kosovo. |
- Les registres et autres documents officiels
En vertu de l'article 27 de la Loi sur l'emploi des langues (2006), un membre d'une minorité a le droit de faire écrire la forme originale de ses nom et prénom, selon la tradition et le système linguistique de sa langue, dans les registres publics, les cartes d'identité personnelle et dans tout autre document officiel; et cette forme doit être utilisée par les fonctionnaires:
Article 27
Noms de personnes 27.1. Les nom et prénom d'une personne doivent être inscrits dans les registres publics, les cartes d'identité personnelle et les autres documents officiels dans le système d'écriture de la langue officielle choisie par cette personne. 27.2. Un membre appartenant à une communauté dont la langue maternelle n'est pas la langue officielle a le droit de faire écrire la forme originale de ses nom et prénom, selon la tradition et le système linguistique de sa langue, dans les registres publics, les cartes d'identité personnelle et dans tout autre document officiel; et cette forme doit être utilisée par les fonctionnaires. |
La Loi sur les documents de voyage (2008) prescrit que les formulaires des documents de voyage doivent être imprimés dans les langues officielles du Kosovo et dans les langues officielles des municipalités, en alphabet latin et aussi en anglais:
Article 15
Les formulaires des documents de voyage sont imprimés dans les langues officielles et dans les langues officielles des municipalités, en alphabet latin et aussi en anglais, conformément à la loi. |
Il en est ainsi dans la Loi sur les cartes d'identité (2008):
Article 9
9.1. Les formulaires et les cartes d'identité doivent être imprimés dans les langues officielles et dans les langues officielles des municipalités de la république du Kosovo. 9.2. Les formulaires et les cartes d'identité sont imprimés en alphabet latin. |
- L'alphabet cyrillique des Serbes
Malgré les dispositions juridiques concernant la parité des langues officielles, notamment l'usage du système d'écriture de la langue officielle choisie, l'alphabet cyrillique du serbe semble en voie de disparition, car dans la plupart des situations c'est l'alphabet latin qui prévaut. Dans les documents officiels, l'alphabet cyrillique semble avoir été complètement éliminé au grand dam des Serbes. Au Kosovo, seul l'alphabet latin est employé pour écrire la langue serbe et les autres langues. Les formulaires officiels du Kosovo en serbe sont rédigés avec l'alphabet latin. |
De plus, pour les Serbes, l'alphabet employé pour leur langue serait «un alphabet latin corrompu»: "искварена латиница" ou "iskvarena latinitsa". Il y aurait donc de nombreuses erreurs dans les transcriptions employées avec l'alphabet latin. Le nom de tous les villages et toutes villes du Kosovo-Metohija est mal orthographié. Faute de polices de caractères adéquates, l'alphabet latin employé serait vicié graphiquement, avec le résultat que les mots peuvent être changés ou bourrés de fautes. Les représentants de la minorité serbe accusent le gouvernement de politique d'albanisation destinée à détruire progressivement l’identité linguistique et ethnique de la population serbophone. Avec l'arrivée des institutions internationales, non seulement celles-ci ne respectent pas la langue serbe et l'alphabet cyrillique, la plupart des fonctionnaires écrivent volontairement les missives en anglais, parfois en français, en allemand ou en italien, selon la zone d'occupation.
- Les services à bord des avions
Le Kosovo est l'un des rares pays européens à prévoir des prescriptions en matière d'aviation civile. L'article 3.6 de la Loi sur l'aviation civile (2008) prévoit que, si un document n'est pas traduit dans l'une des langues officielles du Kosovo, l'autorité publique doit immédiatement mettre à la disposition d'une partie requérante la version anglaise par défaut de ce document:
Article 3.6
Si l'Autorité de l'aviation civile du Kosovo, le ministère des Transports et des Communications et le ministère de l'Intérieur publient un règlement d'application de la présente loi faisant référence à un document émis par une organisation internationale, un État étranger ou une autorité ou des sous-unités d'une organisation internationale ou un État étranger et, si ce document n'est pas traduit dans les langues officielles du Kosovo, cette autorité publique doit immédiatement mettre à la disposition d'une partie requérante la version anglaise de ce document. |
Mais l'Ordonnance administrative sur l'emploi de la langue à bord d'un avion (2019) apparaît beaucoup plus restrictive à l'égard des compagnies aériennes effectuant des vols internationaux. En effet, selon l'article 4, toutes les instructions de sécurité à bord des avions, y compris les instructions verbales, doivent être dans l'une des langues officielles du Kosovo. Dans un alinéa, on parle de «la langue officielle de la République du Kosovo», dans un autre des « langues officielles» ou de s'assurer que les passagers «comprennent la langue parlée par les membres d'équipage»:
Article 1er
Objectif Article 4
2) Les informations fournies à bord de l'avion sur la sécurité des passagers doivent être claires et présentées de manière aisément accessible par les passagers à bord. |
Enfin, l’autorité de l’aviation civile du Kosovo doit veiller à ce que les compagnies aériennes aient mis en place une procédure pour s’assurer que les instructions dans les issues de secours sans équipage soient faites dans une langue comprise par tous les passagers assis dans la rangée des sorties.
- Les marchés publics
En ce qui concerne les marchés publics, l'article 13 de la Loi pour les marchés publics (2011) impose l'emploi de l'albanais et du serbe, même l'anglais:
Article 13 Emploi des langues dans les documents des marchés publics 1) L’autorité contractante doit préparer en albanais et en serbe tous les dossiers d’appel d’offres, des avis, des invitations et d'autres documents qui ont été publiés ou remis à des opérateurs économiques dans le cadre d’une activité d’approvisionnement menant à l’attribution d’un contrat ou d’un concours de conception de valeur minimale, petite et moyenne. L’autorité contractante peut également préparer les documents en question même en anglais. 2) L’autorité contractante doit préparer en albanais, en serbe et en anglais tous les dossiers d’appel d’offres, des avis, des invitations et d'autres documents qui ont été publiés ou remis à des opérateurs économiques dans le cadre d’une activité d’approvisionnement menant à l’attribution d’un contrat ou d’un concours de conception de grande valeur. 3) Chaque fois qu’un document est exigé dans plus d’une langue, il doit être indiqué à la première page de tous les documents, la version linguistique appropriée qui prévaut. 4) Un opérateur économique peut soumettre un appel d’offres, une demande de participation ou tout autre document exigé ou autorisé à être complété pendant les activités d’approvisionnement en albanais, en serbe ou en anglais. |
En somme, la législation kosovare protège sur papier l'emploi des langues officielles. Il reste à évaluer l'application de cette législation. Cependant, malgré ces nombreuses dispositions concernant les langues officielles, l'albanais et le serbe, sans oublier localement le bosniaque, le turc et le romani (tsigane), la Loi sur l'emploi des langues oblige les institutions du Kosovo à employer la langue anglaise dans leurs travaux, dans leurs contacts et dans leurs documents officiels durant le mandat de la Mission intérimaire des Nations unies au Kosovo:
Article 34
Les institutions du Kosovo doivent utiliser la langue anglaise dans leurs travaux, leurs contacts et leurs documents officiels durant le mandat de la Mission intérimaire des Nations unies au Kosovo. |
En somme, au plan strictement théorique, les dispositions concernant l'emploi des langues dans l'administration à l'intention des minorités linguistiques semblent amplement suffisantes. Il reste à voir comment cette protection se concrétise dans la vie de tous les jours.
5.2 Les affiches publiques et commerciales
Il faut relever aussi la question des affiches publiques, telle qu'elle est rendue dans la Loi sur l'emploi des langues (2006). En effet, l'article 9 de cette loi impose l'emploi des langues minoritaires dans les désignations officielles des organismes municipaux. En ce sens, les panneaux officiels indiquant les noms des municipalités, des villages, des routes, des rues et autres lieux publics doivent être affichés dans les langues officielles et dans les langues qui ont le statut de langue officielle dans la municipalité.
Article 9
1) Les désignations officielles des établissements et organismes municipaux doivent être affichées dans les langues officielles et dans les langues qui ont le statut de langue officielle dans la municipalité, conformément à l'article 2.3. 2) Les panneaux officiels indiquant ou comprenant les noms des municipalités, des villages, des routes, des rues et autres lieux publics doivent être affichés dans les langues officielles et dans les langues qui ont le statut de langue officielle dans la municipalité, conformément à l'article 2.3. Article 10 Le ministère de l'Administration locale émet des directives administratives définissant les mesures par lesquelles les communautés peuvent exprimer leurs demandes, conformément aux articles 8.1, 8.2, 8.3. et 9.1 de la présente loi, 90 jours après la date de promulgation de la loi. |
En principe, la loi ne s'applique pas aux entreprises privées, ce qui signifie qu'elles font ce qu'elles veulent. Pourtant, ce n'est pas le cas.
D'une part, les autorités locales ne contrôlent pas en tous points les panneaux routiers et ne prennent pas rapidement les mesures nécessaires lorsqu'il se produit des infractions. Autrement dit, les panneaux n'indiquent pas nécessairement, en dépit de la loi, le nom des routes, des villes, des villages et des rues en plusieurs langues. Les panneaux en place dans les villes ne donnent pas tous l'orthographe exacte du nom serbe dans les zones à majorité albanaise ni le nom exact albanais dans les localités à majorité serbe.
Le Kosovo possède deux langues officielles, on le sait. Alors que l'albanais s'écrit avec l'alphabet latin, le serbe emploie traditionnellement l'alphabet cyrillique. Or, il est devenu extrêmement rare de voir des affiches en serbe cyrillique; elles sont massivement présentées en serbe latin. Souvent, même de la part du gouvernement, les inscriptions peuvent être seulement en albanais, parfois en albanais et en anglais, mais jamais en serbe cyrillique. Dans les entreprises privées, l'albanais règne sans partage, si ce n'est avec l'anglais, parfois en allemand (Raiffeisen Bank), rarement en français si ce n'est des raisons sociales d'entreprises françaises. |
Il faudrait aussi mentionner que le bilinguisme institutionnel n'est tellement pas prisé au Kosovo avec le résultat que les inscriptions bilingues sur les panneaux d'affichage publics sont souvent la proie des vandales. Ces panneaux en deux langues, qui servent à indiquer le nom d'une municipalité bilingue, sont régulièrement recouverts de graffitis, rayés ou effacés. Les Albanais maquillent les inscriptions serbes, pendant que les Serbes font de même avec les inscriptions albanaises. On ne veut pas voir la langue de l'Autre!
Les inscriptions dans une langue ne sont pas les seules à subir des actes de vandalisme. Les Serbes accusent souvent les Albanais de détruire des monuments de leur patrimoine culturel et historique sur le territoire du Kosovo, notamment des églises, des monastères, des cimetières et autres objets appartenant à l'Église orthodoxe serbe, ainsi que des monuments historiques serbes. Pendant la guerre du Kosovo, les Serbes pillaient systématiquement les mosquées albano-musulmanes! |
5.3 Le monde de l'économie
Le monde de l'économie est vaste, il comprend le domaine des affaires, du commerce national et international, des entreprises privées, des industries, etc. La Loi sur l'emploi des langues (2006) traite de tous ces domaines. À l'article 11 de cette loi, il est énoncé que l'égalité des langues officielles doit être appliquée dans les entreprises publiques et dans les entreprises indépendantes, et que toute personne a le droit de communiquer et de recevoir des services et des documents de la part de ces entreprises dans l'une des langues officielles. De plus, toute entreprise est tenue de veiller à ce qu'un citoyen puisse communiquer avec elle et obtenir des services et des documents dans n'importe quelle langue officielle:
Article 11
Emploi des langues dans les entreprises publiques 11.1. Dans les entreprises publiques et dans les entreprises indépendantes, l'égalité des langues officielles doit être appliquée. 11.2. Toute personne a le droit de communiquer et de recevoir des services et des documents de la part des entreprises publiques et des entreprises indépendantes dans l'une des langues officielles. 11.3. Toute entreprise est tenue de veiller à ce qu'un citoyen puisse communiquer avec elle et obtenir des services et des documents dans n'importe quelle langue officielle. |
L'article 29 de la Loi sur l'emploi des langues (2006) proclame le même principe, celui de pouvoir poursuivre ses activités dans les entreprises dans la langue ou dans les langues de son choix:
Article 29
Emploi des langues officielles dans la sphère privée 29.1. Toute personne a le droit de poursuivre ses activités dans les entreprises privées, les institutions privées, les associations, les organisations ou les activités non salariées dans la langue ou dans les langues de son choix. |
L'article 30 de la même loi stipule que la parité des langues officielles doit être appliquée dans le cadre de l'exécution de leurs services:
Article 30
30.1. Dans les entreprises fournissant des services publics, la parité des langues officielles doit être appliquée dans le cadre de l'exécution de leurs services. 30.2. Toute personne a le droit de communiquer et d'obtenir des services et des documents de la part des entreprises fournissant des services publics dans l'une des langues officielles. Toute entreprise est tenue de veiller à ce que quiconque puisse communiquer et obtenir des services et des documents dans n'importe quelle langue officielle. |
La Loi sur le tabac (2005) traite de l'industrie du tabac; elle impose que le texte sur l'étiquette d'emballage des produits du tabac soit rédigé dans les langues officielles, ce qui suppose l'emploi de l'albanais et du serbe (art. 6.7):
Article 6 6.1. Tout type d'emballage et de commercialisation des produits du tabac doit contenir renseignements sur les effets négatifs concernant la santé des humains à partir de la consommation du tabac. 6.7. Le texte des mises en garde et la quantité de monoxyde de nicotine, de goudron et de carbone doivent être:
|
La Loi sur la protection des consommateurs (2018) énonce clairement que le vendeur de produits et de services doit s'assurer que les produits ou services qu'il vend sont munis d'une étiquette, qui contient certaines informations obligatoires, et ce, dans les langues officielles:
Article 16
Étiquetage 1) Le vendeur de produits et services doit s'assurer que les produits ou services qu'il vend sont munis d'une étiquette, qui contient des informations sur le fabricant et son adresse, le nom des produits, la quantité, la composition, la qualité, la date de fabrication, la durée et mode d'emploi, l'entretien et le risque le cas échéant. 7) La traduction des données dans les langues officielles, selon la loi en vigueur, apposée sur l'étiquette par le fabricant doit être identique à l'original. Responsabilités pour les données du contenu des marchandises |
L'article 5 du Règlement sur l'étiquetage, la présentation et la publicité des produits alimentaires (2013) impose un langage simple et compréhensible dans le respect des langues officielles, tout en autorisant l'étiquetage des aliments est autorisé dans de nombreuses langues:
Article 5 1) Les denrées alimentaires mises sur le marché de la république du Kosovo doivent être étiquetées avec les données et de la manière décrite par le présent règlement, ainsi que par les réglementations particulières relatives à ce produit alimentaire. 2) Les informations mentionnées au paragraphe 1 de cet article sont les suivants:
3) L’étiquetage des aliments est autorisé dans de nombreuses langues. |
L'article 156 du Code civil de la république du Kosovo (2018) oblige qu'une garantie soit rédigée dans un langage simple ainsi qu'en albanais et en serbe en lettres majuscules, pas plus petites que les lettres imprimées pour toute autre langue:
Article 156
Garantie 1) La garantie engage le soumissionnaire selon les conditions énoncées dans la déclaration de garantie ou dans l'annonce qui l'accompagne. 2) La garantie doit indiquer que le consommateur a des droits légaux, conformément au présent article, et que la garantie n'affecte pas ses droits. Elle doit contenir également, dans un langage simple et compréhensible, le contenu de la garantie et les détails essentiels nécessaires à la présentation des réclamations en vertu de la garantie, y compris la durée et l'étendue territoriale de la garantie ainsi que le nom et l'adresse du garant. |
La Loi sur la protection des consommateurs (2018) traite des contrats de multipropriété, c'est-à-dire une forme de copropriété pour laquelle une personne achète le droit de bénéficier d'une propriété de vacances pendant une période déterminée, une fois par année ou davantage. Les frais de propriété et d'entretien sont répartis entre tous les propriétaires. L'article 107 de cette loi exige l'emploi d'une des langues officielles dans les contrats de multipropriété:
Article 107
Forme et langue des contrats de multipropriété à long terme de biens immobiliers à des fins de vacances, de revente et d'échange 2) Nonobstant le paragraphe 1 du présent article, dans le cas d'un contrat de multipropriété concernant un bien immeuble spécifique à durée déterminée, le professionnel doit fournir au consommateur une traduction certifiée conforme du contrat dans l'une des langues officielles, selon le choix du consommateur. |
Enfin, l'article 74 de l'Instruction administrative n° 18 sur les exigences techniques pour la construction et le fonctionnement des stations d'approvisionnement des véhicules avec carburant (2007) précise que le mode d'emploi de chaque appareil de remplissage de carburant en libre-service doit être rédigé «en plusieurs langues», ce qui suppose l'albanais, le serbe et probablement l'anglais:
Article 74 Sur chaque appareil de remplissage de carburant en libre-service, il doit y avoir un mode d'emploi en plusieurs langues, présenté de façon clairement visible et facile à comprendre. Le mode d'emploi doit contenir des instructions sur la façon sécuritaire d'utiliser l'appareil de remplissage ainsi que les instructions sur la bonne réaction en cas de catastrophe. |
Évidemment, il peut y avoir loin de la coupe aux lèvres en ce qui a trait à l'emploi des langues, mais l'intention est là. Le problème, comme toujours, c'est de mettre de telles mesures en pratique, surtout dans un contexte budgétaire extrêmement précaire.
5.4 Le Bureau du Commissaire aux langues
Le Kosovo s’est doté d'organismes linguistiques dont la Commission linguistique ("Komisioni i gjuhëve": mot à mot «Commission de la langue») et le Bureau du Commissaire aux langues ("Zyrën e Komisionerit për gjuhët"). Selon l'article 32 de la Loi sur l'emploi des langues (2006), la Commission linguistique, qui a cessé de fonctionner en avril 2012, avait comme rôle de surveiller l’emploi des langues officielles et des langues minoritaires au Kosovo:
Article 32
Commission linguistique 1. Afin de préserver, de promouvoir et de protéger les langues officielles et leur égalité de statut au Kosovo, ainsi d'assurer la protection des langues des communautés, dont la langue maternelle, n'est pas une langue officielle, le gouvernement du Kosovo doit établir une Commission linguistique pour superviser la mise en œuvre de la présente loi. 2. La Commission linguistique prend des actions et des mesures en son pouvoir pour assurer la reconnaissance de l'égalité de statut des langues officielles et le respect de la présente loi. 3. La Commission linguistique procède et entreprend des enquêtes en vertu d'une plainte déposée soit par acte soit par omission pour:
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- L'application de la loi
À cet effet, la Commission devait prendre des mesures pour s'assurer de la reconnaissance de l'égalité de statut des langues officielles et le respect de la loi, ainsi que de procéder à enquêtes en vertu d'une plainte déposée soit par acte soit par omission. L'article 32 Règlement sur le Bureau du Commissaire aux langues abrogeait la Commission linguistique et la remplaçait par le Bureau du commissaire aux langues. Ce règlement concernant le Bureau du commissaire aux langues (en albanais: "Zyrën e Komisionerit për gjuhët") fut adopté le 4 avril 2012. |
D'après l'article 16 du Règlement sur le Bureau du Commissaire aux langues de 2012, il est énoncé que le Bureau du commissaire aux langues doit veiller à l'application de la loi dans le but de préserver et promouvoir l'emploi des langues officielles du Kosovo, des langues officielles et des langues en usage dans les municipalités, des langues des communautés dont la langue maternelle n'est pas une langue officielle:
Article 16
Juridiction 1) Le Bureau supervise la mise en œuvre de la loi, dans le but de préserver, promouvoir et protéger :
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- Les compétences du Bureau
Quant à l'article 18 du même Règlement, il énumère les compétences du Bureau, notamment les suivantes:
Article 18
Fonctions et responsabilités de Bureau 1) Pour s’acquitter de ses pouvoirs et sous la direction du Commissaire aux langues, le Bureau exercera les fonctions et les responsabilités comme suit :
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L'un des problèmes, c'est que la Commission linguistique ne pouvait rendre compte de la diversité linguistique réelle du Kosovo, car l’absence de tout recensement démographique officiel depuis deux décennies empêchait une réelle reconnaissance des langues minoritaires en fonction des seuils démographiques. De plus, la Commission ne disposait pas de budget ni de bureaux adéquats pour exercer son mandat. Il revient au Bureau du commissaire aux langues (en albanais: "Komisionerit për Gjuhët") de faire mieux.
Ce Bureau du Commissaire aux langues veille également à ce que les langues officielles soient traitées sur un pied d’égalité dans toutes les institutions centrales et locales, dans les institutions indépendantes et les entreprises publiques, dans le respect de la loi, dans le respect des droits des uns et des autres, y compris le droit de chaque individu d’employer sa langue maternelle. Le Bureau s’engage également dans le renforcement des capacités dans les institutions pour l’usage des langues, formule des recommandations et soutient toute initiative positive visant à promouvoir la diversité linguistique au Kosovo.
- Le Conseil des politiques linguistiques
Le 29 mai 2012, le Conseil des politiques linguistiques ("Bordi për politikat e gjuhëve") a été créé, lequel sert de forum sur les politiques linguistiques. Le Réseau des politiques linguistiques ("Rrjeti i Politikave për Gjuhët"), inspiré de l'expérience canadienne, veille à ce que les institutions nomment des agents de liaison ou des personnes-ressources avec lesquelles le Commissariat aux langues peut collaborer pour mieux mettre en œuvre les politiques linguistiques. Le Réseau des politiques linguistiques cherche ainsi à s'assurer que les institutions soient conformes aux prescriptions de la politique linguistique et que les membres du personnel sont mis au courant de leurs obligations.
Le Réseau des politiques linguistiques et le Bureau doivent coordonner, avec les institutions responsables, des programmes de formation continue et de développement professionnel pour les assistants linguistiques inscrits comme service externe. En cas de nécessité d'une tâche spécifique dans le cadre du mandat, et avec l'approbation de l'institution employeuse, le Bureau peut demander l'assistance d'un ou de plusieurs assistants linguistiques inscrits dans le service extérieur. Le Bureau envoie une demande d’assistance aux organisations et institutions membres du Réseau des politiques linguistiques, qui examineront la demande en temps opportun et informeront le Bureau à ce sujet. .
- Le Manuel pour la mise en œuvre des droits linguistiques par les fonctionnaires
Grâce à l'aide de l'OSCE, le personnel du Commissariat aux langues a élaboré en 2016, en étroite coopération avec l’Institut d’administration publique du Kosovo (IKAP: "Institutin e Kosoves per Administrate Publike", le Manuel pour la mise en œuvre des droits linguistiques par les fonctionnaires ("Manual për zbatimin e të drejtave gjuhësore nga nëpunësit civilë"). Ce document vise à sensibiliser les fonctionnaires sur la question de l'emploi des langues officielles dans divers domaines de l'administration publique au moyen de modules de formation fournis par l'IKAP. En vue de la mise en œuvre des droits linguistiques par les fonctionnaires, le Manuel veut intégrer l'apprentissage des droits linguistiques grâce aux formations existantes de l'Institut d'administration publique du Kosovo. Le Manuel désire compléter les formations dans des domaines tels la rédaction législative, le financement public, la gestion, la communication entre les institutions et les communications auprès du public. Bref, le Manuel dresse un ensemble assez complet de recommandations permettant la conformité des institutions à la loi.
5.5 Les obstacles à l'application de la loi
En mai 2008, une commission linguistique fut créée afin de recevoir les plaintes et de veiller à la mise en œuvre du Règlement de la MINUK n° 2006/51 concernant la Loi sur l'emploi des langues. Cette loi prescrit aux autorités publiques l’usage des langues officielles albanaise et serbe à tous les échelons administratifs. De plus, au plan municipal, les langues des autres communautés du Kosovo peuvent être employées auprès des autorités municipales et reconnues comme étant des «langues d'usage officiel». De façon générale, la mise en œuvre effective de la loi sur les langues est freinée par l’insuffisance des ressources financières, humaines et stratégiques. Dans une recherche de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) effectuée en juin 2008, intitulée "Implementation of the Law on the Use of Languages by Kosovo Municipalities" («Application de la Loi sur l'emploi des langues des langues par les municipalités du Kosovo»), il ressort que les services ne sont pas tous équivalents ni de qualité égale, quand ils ne sont pas quasi ou totalement inexistants.
Selon ce rapport de l'OSCE, il faut plus que de simples déclarations politiques pour garantir l'intégration des communautés non albanophones dans le Kosovo indépendant. Malgré l'adoption de la Loi sur l'emploi des langues, il n'y a pas eu de mesures politiques prises pour maintenir et réintégrer les non-albanophones au sein de la fonction publique du Kosovo et il n'y a pas eu d'attribution de ressources humaines ni financières pour la mise en œuvre de la loi sur les langues officielles. Bien sûr, certains résultats positifs sont observables concernant les panneaux topographiques dans les deux langues officielles sur les routes régionales ou la prestation de services de traduction lors certaines assemblées municipales.
- Le bilinguisme imposé et non assumé
L'élaboration effective de la Loi sur l'emploi des langues constitue sans aucun doute un instrument juridique très avancé, si on la compare avec d'autres lois du genre dans d'autres pays. La législation kosovare en matière de langue est tout simplement exemplaire. Cependant, il faut aussi comprendre que les principales dispositions concernant la co-officialité des langues ont été imposées par la communauté internationale, ce n'était ni le choix des Albanais ni celui des Serbes qui auraient
probablement tous préféré l'unilinguisme local. C'est ce qui peut expliquer en partie que la réalisation de la parité linguistique pourrait être sera un long processus parce que le bilinguisme institutionnel implique un accès égal à des services de qualité égale. Le bilinguisme officiel ayant été imposé à deux communautés linguistiques qui se méfient l'une de l'autre, il était prévisible que celui-ci soit appliqué de façon formelle, sans engagement réel à être transposé dans l'administration publique.
- Le manque de communication
Plusieurs problèmes importants restent à résoudre. Les instructions administratives du gouvernement central ne sont pas suffisamment publiées ou n'ont pas été correctement mises en œuvre puisqu'en général ni les services publics locaux ni les citoyens n'y ont accès, ce qui rend aléatoire leur mise en œuvre. Les obligations des institutions et les droits des locuteurs des langues officielles et de ceux des autres communautés minoritaires sont généralement peu appliqués au Kosovo, parce que les directives, les règlements et les lois en la matière sont en grande partie méconnus. Le gouvernement n'a pas les moyens de diffuser et de faire connaître les mesures concernant l'emploi des langues. Peu de municipalités ont pu adopter des règlements concernant l'emploi des langues. De plus, le gouvernement du Kosovo n'a entrepris aucune campagne d'information publique dans le but de clarifier les obligations de la part des institutions centrales et municipales, ainsi que les droits des utilisateurs des services.
Certaines municipalités continuent de recevoir des ministères et des institutions centrales des documents officiels qui ne sont jamais traduits en serbe ou bien leur traduction est de piètre qualité. Il est rare que des cas de violation à la loi parviennent au Bureau du Commissaire aux langues. Enfin, ce sont les municipalités qui sont chargées d'appliquer la législation linguistique. Dans de nombreux cas, il arrive que les élus locaux refusent simplement d'appliquer la loi, surtout lorsque les Serbes sont majoritaires et que les albanophones sont minoritaires, mais la situation inverse existe également.
En somme, l’offre de services bilingues accuse de nombreuses lacunes quand ils ne sont pas complètement nuls. Or, le gouvernement du Kosovo, dominé par une fonction publique albanaise, fait souvent des erreurs. Par voie de conséquence, lorsque les droits linguistiques ne sont pas respectés, un sentiment de discrimination et de colère se crée au grand dam des minorités.
- Le problème des ressources humaines
Bien que l'albanais et le serbe soient des langues officielles, les fonctionnaires ne sont tenus de parler que l'une d'elles. Dans un environnement professionnel, il faudrait qu'un nombre minimal de fonctionnaires puissent maîtriser les deux langues officielles dans les postes exigeant des communications avec le public. Mais une telle exigence n'est pas prévue. Il conviendrait aussi que les minorités soient représentées adéquatement dans la fonction publique de sorte que les services bilingues soient offerts à la population locale. Bref, il manque de personnel bilingue dans la fonction publique, y compris et surtout chez les employés municipaux. La loi ne prévoit pas de «postes bilingues». De toute façon, le bassin de candidats bilingues dans la fonction publique est extrêmement réduit. La situation linguistique actuelle au Kosovo se caractérise même par un unilinguisme croissant. Il faudrait que des gestionnaires s'assurent que les employés en contact avec le public puissent communiquer dans les deux langues dans un délai raisonnable.
Un autre handicap vient du fait que le personnel de traduction est nettement insuffisant, en nombre comme en qualité. Non seulement les traducteurs et les interprètes reçoivent de bas salaires, mais ils sont en plus généralement mal formés, souvent «sur le tas». Aucun programme d'enseignement supérieur spécialisé n'est actuellement disponible au Kosovo pour former des traducteurs et des spécialistes de la traduction, des avocats linguistes et des interprètes judiciaires ou des juristes.
Chez les traducteurs et interprètes, beaucoup d'entre eux admettent avoir assisté à une seule session de formation ou d'un cours organisé par l'Institut d'administration publique du Kosovo ("Instituti i Kosovës për Administratë Publike"). La moitié des 38 municipalités ne dispose pas encore d'un seul traducteur (interprète). Le manque de volonté et de ressources humaines continue de prévaloir dans plusieurs municipalités du Kosovo, surtout les municipalités à forte majorité serbe ou albanaise. Le fait que peu ou pas d'individus, dont la langue est le serbe ou l'albanais n'aient pu regagné leurs lieux d'origine avant la guerre du Kosovo, pourrait être une explication pour laquelle plusieurs municipalités ne parviennent pas à traduire leurs documents dans l'une des langues officielles. Bien sûr, ce manque de ressources humaines concerne aussi le gouvernement central qui fait face non seulement à une pénurie de personnel de traduction, mais aussi à leur formation insuffisante.
On comptait en 2011, seulement 56 «moniteurs de langue» dans les municipalités du Kosovo, mais seulement 31 d'entre eux ne possédaient alors qu'un diplôme secondaire. Dans 10 municipalités sur 38, aucun traducteur n'a suivi de cours spécialisé en traduction. Un peu plus de la moitié des 56 «moniteurs de langues» embauchés par les municipalités ont comme formation seulement l'enseignement secondaire.
- Le manque de ressources financières
Les contraintes budgétaires et le manque de ressources affectent négativement le processus de mise en œuvre, et ce, d'autant plus que la loi elle-même n'identifie pas et n'attribue pas de moyens spécifiques pour soutenir le développement des administrations municipales. Le Kosovo demeure le pays le le plus pauvre de l’Europe, avec un PIB par habitant (en 2009) de 2300 $US / 1830 €. Par comparaison, la France affichait 33 000 $US / 26 300 €; le Portugal, 25 000 $US /19 900 €), les États-Unis, 38 600 $US / 30 700 €. Avec un taux de chômage de 45 % touchant principalement les jeunes (70 % des 15-25 ans), le Kosovo est confronté à de nombreux handicaps structurels : dépendance financière de l'aide extérieure, faible niveau de formation technique de la main-d'œuvre, émigration des élites, etc. Toute l'économie du pays est presque entièrement axée sur le petit commerce et les activités de construction, sans oublier les divers trafics souterrains qui abondent sur le territoire. En somme, l'économie du pays reste dépendante de l'aide internationale et des transferts financiers de la diaspora albanophone. Faute de moyens, le réseau routier du Kosovo est délabré et de nombreux villages sont parfois privés d'électricité pendant une douzaine d'heures d'affilée. Depuis la mise en charge de l'administration par l'ONU, presque personne ne paie pour les services.
Lorsque le Kosovo faisait partie de la Yougoslavie, il était déjà le territoire le plus pauvre de la fédération, la situation s'est encore détériorée depuis. En 1989, la guerre menée par l'OTAN a détruit l'essentiel de l'industrie et de l'infrastructure sur le territoire de la Serbie et du Kosovo. Ce qui restait debout après la guerre a été pillé par la population albanophone trop contente de prendre sa revanche sur le régime serbe. Par la suite, l'ONU a pris l'administration en charge et a transformé de facto le Kosovo en un protectorat. Malheureusement, l'ONU a échoué à développer l'économie du territoire et à améliorer la situation de la population. Cependant, l'élite instruite du Kosovo, celle qui est employée par l'administration du Kosovo, accepte cette situation dont elle bénéficie, car elle s'enrichit.
Dans ces conditions, la protection linguistique risque d'être laissée pour compte, dès qu'elle entraîne des frais. Par exemple, le Commissaire aux langues du Kosovo manque cruellement de fonds budgétaires. Il ne dispose pas d'un budget ni de bureaux adéquats pour exercer son mandat. C'est pourquoi 17 municipalités sur 30 n'indiquent les noms de lieux ou de rues que dans une seule des langues officielles, les autres ayant adopté des dispositions arbitraires et aléatoires. Seules les municipalités de Dragash/Dragaš et de Pejë/Peć ont traduit le nom des rues et ont affiché les panneaux à la fois en albanais et en serbe, tel que l'exige l'article 9.2 de la Loi sur l'emploi des langues. Malheureusement, ces panneaux de signalisation sont souvent vandalisés. |
Étant donné l'ignorance et la méconnaissance des lois par la population en général et les autorités municipales, il n'est guère surprenant de constater qu'il existe un grand nombre d'affiches et de panneaux de signalisation routière bilingues abîmés ou détruits, sans oublier l'incohérence des enseignes exhibées dans certaines institutions. À part quelques exceptions, le Kosovo s'affiche visuellement comme une pays unilingue.
- Le manque de vision globale
Dans une situation normale, un gouvernement prend des décisions après que des spécialistes aient décrit la situation sociolinguistique avec précision. Le plus difficile consiste à déterminer les objectifs en fonction de la situation cible, c'est-à-dire la situation souhaitée. Une fois les objectifs fixés, il reste à élaborer une stratégie qui permettra de passer de la situation de départ à la situation cible. Dans le cas du Kosovo, il n'existe guère de situation cible. Le gouvernement ne semble pas trop savoir où il va, encore moins les municipalités qui, trop souvent, ignorent la portée même des lois linguistiques de leur pays. Autrement dit, en pratique, le gouvernement du Kosovo n'a pas de politique linguistique.
C'est pourquoi les Kosovars ne connaissent que fort peu leurs droits et leurs obligations à l'égard des institutions en ce qui concerne les langues officielles et celles des autres communautés. Le gouvernement ne dispose pas des fonds nécessaires pour entreprendre des campagnes d'information auprès du public ni pour distribuer les instructions administratives auprès de ses employés. En fait, le gouvernement du Kosovo n'a pas rempli ses obligations comme l'exige l'article 36.2 de la Loi sur l'emploi des langues : «Dès la promulgation de la loi, le gouvernement du Kosovo doit prévoir un programme de sensibilisation du public à l'égard de celle-ci.»
Par ailleurs, la sélection dans les noms des toponymes et des noms de rue ne repose pas sur des critères objectifs ni même planifiés. De façon générale, les élus municipaux choisissent des noms de personnalités appartenant exclusivement ou presque exclusivement à la communauté majoritaire, ce qui réduit toute répartition égale des langues officielles et atteint au mieux un résultat discriminatoire pour la communauté minoritaire.
Le gouvernement central est responsable du maintien des panneaux de signalisation sur les routes principales et régionales, tandis que les municipalités sont responsables des panneaux de signalisation sur les routes locales. Si le ministère kosovar des Transports et des Communications s'est assuré d'installer des panneaux bilingues sur la plupart des routes principales et régionales du Kosovo, moins de la moitié des municipalités, soit 16 sur 38 selon l'OSCE, a pu respecter l'affichage bilingue des noms officiels des municipalités et des villages dans les deux langues officielles, ce qui est différent des noms de rue. Il ne s'agit que d'un panneau au début et à la sortie des villes.
- La partition du territoire
L'un des problèmes, qui s'ajoute aux autres, c'est le rejet de la légitimité de l'État du Kosovo par les Serbes résidant au nord de Mitrovica (voir la carte ci-contre), ce qui empêche le gouvernement kosovar d’exercer un contrôle sur tout son territoire, en engendrant ainsi une «partition physique» du Kosovo. Non seulement le Conseil national serbe ("Srpsko nacionalno veće"), une association fondée en Croatie, domine actuellement les politiques publiques décidées à l'intérieur de cette zone, mais certaines élites politiques serbes cherchent à se servir politiquement de la décentralisation du Kosovo comme un instrument efficace pour maintenir des institutions paranationales de façon à renforcer les liens entre les Serbes du Kosovo et ceux de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine, tout en délégitimant le gouvernement kosovar. À la partition physique s'ajoute une partition ethnique et linguistique, laquelle est soutenue autant par les nationalistes radicaux serbes que les radicaux albanais. |
Cependant, c'est aussi oublier qu'environ la moitié des Serbes du Kosovo vivent au sud de la rivière Ibar, c'est-à-dire au sud de Mitrovica, donc dans les régions détenues démographiquement par les albanophones. Pour l'instant, les relations intercommunautaires demeurent quasiment inexistantes. La majorité des partis politiques serbes du Kosovo ne participant guère aux institutions politiques du pays, alors que les Serbes minoritaires ne disposent presque d'aucun pouvoir ni de défenseurs de leurs causes au sein des nouvelles institutions kosovares. La monnaie utilisée dans l'enclave nord de Mitrovica est le dinar serbe et non l'euro comme dans le reste du Kosovo; les lois et les programmes scolaires sont majoritairement calqués sur la Serbie; c'est le drapeau serbe qui flotte sur les immeubles publics. Finalement, en raison des tensions restent fortes entre Albanais et Serbes, les organismes internationaux utilisent l’anglais comme langue commune pour établir des contacts entre les communautés. Certains observateurs craignent que si cette situation perdurait, elle pourrait renforcer davantage les ségrégations pour favoriser un nouveau conflit qui remettrait continuellement en cause la légitimité de l'État kosovar.
Il semble évident que la persistance des tensions entre Albanais et Serbes empêche les uns et les autres de collaborer aux institutions du pays, ce qui risque de paralyser toute politique linguistique de bilinguisme. À la blague, certains Kosovars disent parfois que les Serbes devraient s'en aller en Serbie, les Albanais en Albanie et les Turcs en Turquie; il resterait les Roms qui deviendraient maîtres du Kosovo!
Le Kosovo compte plus de deux millions d'habitants, dont plus de la moitié ont moins de 25 ans. L'école est obligatoire pour les années correspondant à l'école primaire. La législation appliquée au Kosovo prévoit des droits individuels et collectifs en éducation pour les communautés minoritaires. Ces droits comprennent le droit de recevoir une instruction publique à tous les niveaux dans l'une des langues officielles (albanais et serbe) de son choix. Dans les zones habitées par des communautés dont la langue maternelle n'est pas une langue officielle, les élèves appartenant à ces communautés sont en droit de recevoir un enseignement préscolaire (maternel), primaire et secondaire dans leur langue maternelle. Lorsque, en raison d'un nombre insuffisant d'élèves ou à d'autres raisons, l'enseignement dans la langue officielle choisie n'est pas offert, d'autres possibilités doivent être garanties.
En réalité, le ministère de l'Éducation, de la Science et de la Technologie (MEST) est tenu d’encourager l’égalité de chances dans l’accès à l'instruction primaire et secondaire, ainsi que de respecter et de promouvoir les droits des communautés minoritaires et de leurs membres; le chapitre IV du Cadre constitutionnel prévoit que les minorités prennent en charge l'éducation de leurs membres. Pour ce faire, celles-ci peuvent fonder des établissements d'enseignement pour offrir un enseignement dans leur langue et leur alphabet, et transmettre leur culture et leur histoire, grâce à une aide financière pouvant être accordée à cette fin, y compris les fonds publics alloués conformément à la législation en vigueur, mais à la condition que les programmes scolaires respectent la loi (voir le texte officiel, notamment l'article 4.4, alinéa j).
6.1 Des systèmes scolaires unilingues
Dans les faits, il existe au Kosovo deux systèmes d'éducation parallèles, l'un en albanais et l'autre en serbe, afin que les élèves puissent exercer leur droit de recevoir leur instruction dans leur langue maternelle. Auparavant, lorsque le Kosovo faisait partie de l'ex-Yougoslavie, il était obligatoire pour les Serbes et les Albanais d'apprendre la langue de l'autre à l'école. Aujourd'hui, l'éducation est principalement ségréguée, chaque communauté ayant ses propres écoles et ses programmes. Chaque communauté apprend sa langue maternelle et de préférence l'anglais, non l'autre langue officielle.
Dans un tel système, la législation n'oblige donc pas les minorités de langues officielles à apprendre la langue de la majorité, que ce soit l'albanais dans les municipalités à majorité serbe ou le serbe dans les municipalités à majorité albanaise. Dans les faits, les deux grandes communautés ne veulent pas apprendre la langue de l’autre pour des raisons pratiques, elles préfèrent des langues internationales comme l’anglais, voire le français ou l'italien. Le refus d’apprendre l'autre langue officielle s’est imposé comme un geste de protestation, durant les années 1990. Pour cette raison et bien d'autres, les politiciens n’encouragent pas l’apprentissage des deux langues, et ce, parce que l'immobilisme les aide à rester en poste en confortant leur électorat dans leur méfiance de l'autre. Aujourd’hui, une infime minorité de citoyens du Kosovo parle les deux langues. D'ailleurs, lorsqu’on lit les médias dans une langue ou l’autre, les mêmes nouvelles sont généralement présentées de manière opposée.
Il existe donc des «écoles parallèles» financées par le ministère serbe de l'Éducation et des Sports (SMES), mais ces écoles doivent respecter les programmes d'études de la Serbie, et ce, en l'absence d'un système d'éducation unifié au Kosovo. Dans la pratique, la plupart des Serbes du Kosovo, ainsi que d'autres minorités, par exemple les Roms/Tsiganes, les Croates, les Monténégrins et les Gorans, s'en remettent à ces établissements d'enseignement parallèles, ce qui reflète leur sentiment d'insécurité et leur profonde méfiance à l'égard des structures du ministère kosovar de l'Éducation, de la Science et de la Technologie (MEST), perçues comme peu sûres et inappropriées pour leurs enfants. Dans ces conditions, ces minorités apprennent le serbe, non l'albanais. Une grande partie des enseignants, soit de 20 % à 50 % selon les villes et les villages, qui donnent un enseignement à la faveur du système parallèle de l'après-guerre du Kosovo, n'ont pas les qualifications requises pour enseigner.
Les dispositions juridiques reconnaissent en outre le droit des communautés à mettre en place l'enseignement privé et de la formation établissements et de générer des modules d'enseignement sur leur culture, leur histoire et leurs traditions. Dès lors, elles peuvent enseigner dans une autre langue.
6.2 Les garanties offertes pour le primaire et le secondaire
Le ministère de l'Éducation, de la Science et de la Technologie (MEST) a élaboré les objectifs prioritaires suivants:
• Appliquer le nouveau programme national et le respect des programmes interculturels;
• Augmenter la durée de la scolarité chez les jeunes;
• Améliorer l'enseignement préscolaire et l'enseignement supérieur en langue slave;
• Favoriser à l'égalité des sexes;
• Améliorer la formation des enseignants;
• Assurer la garantie d'une éducation de qualité dans la langue maternelle de toutes les communautés;
• Accorder une place aux langues bosniaque et turque, ainsi qu'aux Roms/Tsiganes, aux Ashkalis et aux Égyptiens dans les nouveaux programmes ainsi que dans les programmes de formation des enseignants.
- Le droit à l'instruction publique
L'article 59 de la Constitution (2008) garantit aux minorités le droit de recevoir une instruction publique dans l'une des langues officielles de la république du Kosovo, selon leur choix à tous les niveaux; et de recevoir un enseignement préscolaire, primaire et secondaire d'instruction publique, dans leur langue selon les mesures prévues par la loi, avec des seuils pour l'établissement d'écoles ou de classes spécifiques à cette fin étant inférieurs à ceux normalement prévus pour les établissements d'enseignement.
La Loi sur la promotion et la protection des droits des communautés et de leurs membres au Kosovo (2008) accorde aussi des droits scolaires spécifiques aux minorités nationales du Kosovo. Ainsi, l'article 8 garantit aux minorités le droit de recevoir une instruction publique à tous les niveaux dans l'une des langues officielles du Kosovo, selon leur choix et ce qui est accordé aux communautés dont la langue n'est pas une langue officielle (turc, bosniaque et romani):
Article 8
L'éducation 8.1 Toutes les personnes appartenant à des communautés ont le droit de recevoir une instruction publique à tous les niveaux dans l'une des langues officielles du Kosovo, selon leur choix. Les membres appartenant à des communautés ont le droit à l'éducation publique préscolaire, primaire, secondaire dans leur propre langue, même si elle n'est pas une langue officielle. [...] 8.2 Dans les municipalités où le nombre d'élèves est insuffisant pour rendre l'instruction accessible dans une langue non officielle à une communauté, le gouvernement du Kosovo est tenu d'offrir des solutions de rechange, y compris le transport subventionné à un endroit où un tel enseignement est offert, l'enseignement à distance, des modalités d'enseignement itinérant ou des offres d'embarquement. |
- Le libre choix de la langue d'enseignement
L'article 19 de la Loi sur l'emploi des langues (2006) reconnaît aux minorités le libre choix de la langue d'enseignement:
Article 19
Emploi des langues en éducation 19.1. Les langues d'instruction dans l'enseignement public doivent respecter les dispositions du Cadre constitutionnel et des lois dans le domaine de l'éducation. 19.2. Toute personne a le droit de choisir et de choisir pour ses enfants sa langue officielle préférée pour l'instruction. 19.3. Toute personne a le droit de s'inscrire et d'inscrire ses enfants dans une école où la langue officielle choisie est celle de l'enseignement. 19.4. Dans les municipalités où une personne a choisi une langue officielle qui n'est pas employée dans une école comme la langue d'enseignement, des mesures spéciales doivent être prises pour assurer un enseignement approprié dans cette langue officielle choisie. Les détails de la mise en œuvre sont déterminés par le ministère de l'Éducation, de la Science et de la Technologie. |
Cet article de la loi permet à diverses communautés de recevoir leur instruction dans une langue qui n'est pas l'albanais, les écoles étant offrant généralement un enseignement unilingue.
L'article 24.1 de la Loi sur l'emploi des langues précise que, en plus d'un enseignement dans la langue maternelle, un élève a le droit de choisir la langue officielle de son dossier scolaire :
Article 24 24.1. Un élève, ainsi que son ou ses parents, doit décider dans quelle langue officielle de son dossier scolaire doit être conservé, et les rapports émis par les établissements d'enseignement qu'il fréquente. Le ministère de l'Éducation, de la Science et de la Technologie met en place au moyen de directives administratives la procédure par laquelle les individus déclarent dans quelle langue officielle ils souhaitent que leurs dossiers soient conservés. |
Il est aussi précisé à l'article 21 de la Loi sur l'emploi des langues que, dans les écoles primaires et secondaires où la langue d'enseignement n'est pas une langue officielle, les élèves doivent également étudier une langue officielle de leur choix, ce qui signifie l'obligation d'apprendre soit l'albanais soit le serbe:
Article 21
21.1. Dans les écoles primaires et secondaires où la langue d'enseignement n'est pas une langue officielle, les élèves doivent également étudier une langue officielle de leur choix. |
Il faut comprendre que dans la pratique cet article de la loi ne concerne ni les albanophones ni les serbophones, mais les minorités plus vulnérables (turcophones, romaniphones, etc.).
- Les programmes d'études
L'article 5 de la Loi sur l’enseignement préscolaire (2006) impose l'albanais dans les écoles maternelles, mais les langues des minorités peuvent recevoir leur enseignement dans les municipalités à population mixte:
Article 5 Langue 1) Dans les établissements préscolaires, l’enseignement préscolaire doit être donné en albanais. 2) Dans les établissements à population mixte, les établissements préscolaires offriront également un enseignement dans la langue des minorités pour s'harmoniser aux dispositions constitutionnelles et aux lois particulières. |
En ce qui a trait aux programmes scolaires, selon l'article 8.5 de la Loi sur la promotion et la protection des droits des communautés et de leurs membres au Kosovo (2008), le gouvernement du Kosovo autorise que les écoles de langue serbe puissent demander des programmes ou des manuels élaborés par le ministère de l'Éducation de la république de Serbie:
Article 8
8.5 Les écoles qui enseignent en serbe peuvent demander des programmes ou des manuels élaborés par le ministère de l'Éducation de la république de Serbie lors de l'annonce au ministère de l'Éducation, de la science et de la Technologie du Kosovo, selon les procédures établies dans la Loi sur l'éducation locale. |
D'ailleurs, l'article 12 de la Loi sur l'éducation dans les municipalités (2015) autorise l'enseignement du serbe sous la supervision du ministère de l'Éducation de la république de Serbie, après un avis du ministère de l'Éducation, de la Science et de la Technologie (MEST):
Article 12 L'enseignement en langue serbe 1) Les municipalités ont la compétence de créer les conditions nécessaires pour la fourniture de services pédagogiques en langue serbe. 2) Les écoles qui enseignent en langue serbe peuvent utiliser des programmes ou des manuels préparés par le ministère de l'Éducation de la république de Serbie sur avis du ministère de l'Éducation et des Sciences et Technologie de la république du Kosovo. 3) Les programmes ou manuels pertinents de la république de Serbie ne doivent pas être utilisés pour l'enseignement avant l'avis du MEST; si, après cet avis, le Ministère ne soumet aucune objection dans un délai de trois mois (afin de laisser suffisamment de temps au Ministère pour réviser les programmes ou manuels en question), ce matériel peut être employé. 4) En cas d'objection du MEST concernant l'application d'un programme ou d'un manuel rédigé en langue serbe, le cas est renvoyé à une commission indépendante créée en vertu de l'article 13 de la présente loi afin d'examiner le programme d'études ou le manuel scolaire en question, dans le but d'assurer sa conformité avec la Constitution de la république du Kosovo et la législation en vigueur. Le programme d’études ou le manuel en question ne peut pas être employé en classe tant que la commission indépendante ne l’aura pas décidé. |
Autrement dit, le système parallèle en éducation, qui fonctionne au Kosovo, est accepté formellement par le Kosovo, qui économise pendant ce temps sur le dos des contribuables de la Serbie. De toute façon, il existe aussi des ententes du genre avec la Turquie en ce qui concerne les écoles turcophones du Kosovo.
- L'école dans les municipalités
Selon l'article 1er de la Loi sur l'éducation dans les municipalités (2015), l'objectif de cette loi est de réglementer l'organisation des établissements d'enseignement publics et la prestation de l'enseignement public au niveau de l'enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l'enseignement supérieur dans les municipalités de la République. La loi accorde aux municipalités des pouvoirs complets et exclusifs en éducation dans la mesure où ceux-ci concernent l’intérêt local, y compris l’enregistrement et l’octroi de licences aux établissements d’enseignement, le recrutement, le paiement des salaires et la formation des enseignants et des administrateurs de l’éducation (art. 4).
L'article 12 de la Loi sur l'éducation dans les municipalités porte exclusivement sur l'enseignement en serbe. Cet article autorise les écoles qui enseignent en serbe d'utiliser des programmes ou des manuels préparés par le ministère de l'Éducation de la Serbie sur avis du ministère de l'Éducation et des Sciences et Technologie du Kosovo:
Article 12
L'enseignement en langue serbe |
6.3 L'enseignement aux albanophones
Dans la plupart des municipalités, les albanophones sont majoritaires. Ils n'ont aucune difficulté à recevoir leur instruction en albanais. Toutefois, beaucoup d'albanophones peuvent, eux aussi, constituer une minorité dans certaines municipalités, notamment dans les enclaves serbes du Nord, qui ne sont pas contrôlées par le gouvernement kosovar, mais par la république de Serbie.
Dans la municipalité de Leposaviq/Leposavić (voir la carte ethnolinguistique), il n'y a que 400 Albanais répartis dans trois villages: Koshutovë/ Košutovo, Bistricë e Shalës/Šaljska Bistrica et Cerajë / Ceranje. Toutes les écoles n'enseignent que la langue serbe, y compris aux albanophones. Dans la municipalité de Zubin Potok, plus de 450 Albanais vivent dans le village de Çabër/Cabra où l'on compte une école primaire de langue albanaise. Les élèves qui veulent poursuivre leurs études au secondaire doivent se rendre dans la municipalité de Mitrovicë/Mitrovica ou la municipalité de Prishtinë/ Priština. Les quelque 600 albanophones de la municipalité de Zveçan/Zvečan résident dans les villages de Boletin/Boljetin, de Lipë/Lipa et de Zhazhë/Žaža (voir la carte ethnolinguistique). À l'exception d'une seule école primaire albanaise (avec 75 élèves), tout l'enseignement est offert en serbe et tombe sous l'autorité du ministère serbe de l'Éducation. Les principaux problèmes vécus par les membres de cette communauté sont l'absence d'une école secondaire pour les élèves albanophones qui doivent se rendre dans la municipalité de Mitrovicë/ Mitrovica du Sud, ainsi que l'absence de moyens de transport gratuit pour les élèves du primaire.
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La municipalité de Mitrovicë/Mitrovica comptait en 2011 quelque 71 600 habitants, contre 80 000 en 2004. Plus de 2000 albanophones vivaient dans l'enclave serbe de la partie nord de la ville. Seuls 300 Serbes résidaient dans l'enclave albanaise du Sud. Il pourrait y en avoir beaucoup moins en 2011. Tous les serbophones et les romaniphones fréquentent les écoles serbes administrées par le ministère de l'Éducation de la Serbie; ce sont des écoles dites «parallèles». |
Quant aux albanophones de Mitrovica-Nord, ils ont accès aux écoles primaires régies par le ministère de l'Éducation, de la Science et de la Technologie du Kosovo. De plus, les municipalités à majorité serbe du nord du Kosovo ne prennent jamais en charge le transport des élèves albanais du Kosovo.
6.4 L'enseignement aux Serbes
En matière d'éducation, la plupart des enfants serbes font partie d'un système d'éducation parallèle au Kosovo. En effet, c'est moins la législation kosovare qui s'applique que l'esprit autonomiste des Serbes qui prévaut dans les enclaves serbes. Rappelons que la plupart des Serbes du Kosovo vivent dans des enclaves plus ou moins à l'abri de la majorité albanaise. Ces enclaves sont situées principalement au nord du Kosovo, dans les municipalités de Leposaviq/Leposavić (n° 8), de Zveçan/Zvečan (n° 9) et de Zubin Potok/Zubin Potok (n° 10), ainsi que dans la municipalité de Mitrovicë/Mitrovica- Nord (n° 3). Il existe d'autres petites enclaves dans les municipalités plus au sud: Shtërpcë/Štrpce (n° 1), Novobërdë/Novo Brdo (n° 2), Gnjilane/Gjilan (n° 4), Prizen/Prizen (n° 6), Prishtinë/Priatina (n° 5) et Pejë/Peć (n° 7).
Très peu de Serbes vivent en dehors de ces enclaves, protégées par la KFOR (Force de paix au Kosovo), sinon il serait très difficile d'avoir accès à un enseignement en serbe. Lors des transports scolaires, des escortes de la KFOR peuvent accompagner les enfants serbes jusqu'à leur école ou bien ce sont des équipes de bénévoles serbes qui veillent à la sécurité des enfants. Les Serbes craignent le harcèlement des Albanais durant le déplacement des enfants vers les écoles. |
Parallèlement au système d'éducation pour les albanophones, la république de Serbie a conservé son propre système d'éducation dans les enclaves serbes du Kosovo, ce qui comprend les programmes scolaires, le système de retraite des enseignants, l'assurance médicale, les salaires et les allocations sociales. Ce système parallèle en éducation témoigne de la part des Serbes de la méfiance qu'ils ont à l'égard des albanophones, de leur fierté pour une instruction qu'ils estiment supérieure, et aussi de la persistance des tensions ethniques avec la communauté albanaise. En 2005, les Serbes contrôlaient 98 écoles pour 23 178 élèves fréquentant le système parallèle serbe (voir les tableaux 1 et 2).
Ces écoles accueillent moins d'élèves par classe que les écoles albanaises et organisent le transport scolaire offert gratuitement. Si l'enseignement dans le nord du Kosovo peut être comparable à celui dispensé en Serbie, il n'en est pas ainsi dans les autres enclaves isolées des municipalités de Shtërpcë/Štrpce, de Novobërdë/Novo Brdo, de Gnjilane/Gjilan, de Prishtinë/Priština et de Prizren/Prizen (voir la carte ethnolinguistique). En effet, la situation de ces écoles serbes reste problématique, car elles sont inaccessibles pour les autorités serbes, sans compter que ces établissements manquent de personnel qualifié. Certains rapports d'évaluation de l'UNICEF (2005) révèlent qu'il existerait de graves lacunes chez les enseignants serbes du centre et du sud du Kosovo.
Un autre problème touche les enfants serbes : l'accès aux écoles secondaires et aux études supérieures. Si tous les enfants serbes terminent l'école primaire, ils ont du mal à accéder à l'enseignement secondaire en raison du nombre limité de ces écoles dans les enclaves du Centre et du Sud. Bien souvent, les élèves qui veulent poursuivre leurs études secondaires ou supérieures doivent s'exiler dans le Nord ou en Serbie, ce qui occasionne des frais très importants en matière de logement. C'est pourquoi beaucoup de parents serbes considèrent que les études post-primaires sont inaccessibles pour leurs enfants.
Les écoles serbes sont avant tout destinées aux enfants serbes. Mais certains parents appartenant à des communautés minoritaires, tels les Roms, les Bosniaques et les Gorans, préfèrent envoyer leurs enfants dans des écoles serbes parce qu'ils croient que cet enseignement est supérieur à celui donné en albanais. Ajoutons aussi que le serbe demeure une langue plus accessible aux Monténégrins, aux Croates, aux Bosniaques et aux Gorans que l'albanais.
6.5 L'enseignement aux Bosniaques
Les Bosniaques constituent la troisième minorité linguistique en importance au Kosovo. Ils sont concentrés dans les municipalités de Dragash/Dragaš (4000), d'Istog/Istok (1650), de Pejë/Peć (3300) et de Prizren (21 975), mais certains groupes résident à Mitrovicë/Mitrovica, à Gjakovë/Dakovica, à Deçan/Dečani et à Skenderaj/Srbica (voir la carte ethnolinguistique). Les enfants bosniaques fréquentent des écoles bosniaques, albanaises ou serbes. Dans la municipalité de Vitomiricë/Vitomirica (commune de Pejë/Peć), les écoles sont ethniquement mélangées avec les Roms, les Ashkalis et les Égyptiens des Balkans; les cours sont donnés en albanais pour les enfants albanais et en bosniaque et en albanais pour les enfants bosniaques.
En raison de la similitude de leurs langues, les Bosniaques sont davantage intégrés dans les communautés serbes qu'albanaises, et s'organisent pour avoir accès à des services serbes, y compris le système d'éducation. Les élèves bosniaques qui fréquentent les écoles serbes considèrent que ce système assure une meilleure instruction, mais ils estiment aussi que le programme ne tient pas compte de leur sensibilité et qu'il est inadapté à leur spécificité culturelle (musulmane). Ils ne disposent pas de manuels provenant de la Bosnie-Herzégovine, qui seraient mieux adaptés à leurs besoins. On comptait en 2005 onze écoles croates au primaire, mais aucune au niveau du secondaire (voir le tableau 1). Bénéficier d'une école croate ne signifie pas qu'on y enseigne exclusivement en croate, mais cette langue demeure néanmoins privilégiée. Dans plusieurs municipalités, les enfants des petites communautés bosniaques reçoivent leur enseignement en albanais, parce que le programme d'études en bosniaque n'est pas disponible.
6.6 L'enseignement aux turcophones
La population turcophone est concentrée dans les communes et municipalités de Gjilan/Gnjilane (1250), de Mitrovicë/Mitrovica (2000), de Prishtinë/Priština (2000), de Prizren (9000), et de Vushtrri/Vucitrn (1000). Les Turcs du Kosovo (voir la carte ethnolinguistique) sont généralement bien intégrés dans les communautés albanaises. Dans les communes de Prizren et de Prishtinë/Priština, les enfants turcs ont accès à l'éducation en turc, mais dans les autres municipalités cet accès est fort limité, pour ne pas dire inexistant, à l'exception de la municipalité de Mamuşa/Mamushë/Mamuša où les élèves turcs fréquentent les écoles primaires et secondaires dans leur langue maternelle. Dans la municipalité de Janjevë/Janjevo (commune de Lipjan/Lipljan), les Turcs doivent suivre le programme d'études en albanais, bien qu'ils aient exprimé leur intérêt de recevoir leur introduction dans leur langue maternelle.
La situation des enfants turcs en matière d'éducation apparaît légèrement meilleure que celle des autres minorités, car ils reçoivent des bourses d'études du gouvernement de la Turquie. On compte quelque 20 écoles turques au Kosovo, dont onze écoles primaires et cinq écoles secondaires, pour un total de 2 951 élèves (voir le tableau 2). Des cours de langue turque sont disponibles à la Faculté d'éducation de Prizren et à la Faculté de philologie de Prishtinë/Priština.
Pour les turcophones, les manuels scolaires du primaire sont élaborés au Kosovo par des enseignants turcs, mais les manuels du secondaire sont tous importés de la Turquie; ils ne font évidemment aucune référence au Kosovo ni à la communauté turque du Kosovo. Suite à une plainte de la communauté turque du Kosovo et à des recommandations de la Turquie, le ministère kosovar de l'Éducation a introduit depuis 2007 des changements dans les manuels scolaires afin de favoriser une représentation plus objective de la communauté turque du Kosovo, laquelle était toujours présentée comme une minorité occupante de l'Empire ottoman.
Dans la pratique, il n'y a que très peu de représentants des communautés minoritaires bosniaques ou turques en fonction dans les directions d'école. Le système d'éducation prévoit une formation générale pour les enseignants du turc et du bosniaque en tant que langue maternelle, mais la formation dans les matières spécialisées n'est disponible qu'en albanais.
6.7 L'enseignement aux Roms/Tsiganes
On ne compte que 1068 enfants tsiganes/roms ((voir le tableau 1) fréquentant une école au Kosovo. Or, ces enfants sont confrontés à des problèmes sociaux importants. Historiquement, les Roms ont été victimes de discrimination dans toute l'Europe, y compris au Kosovo. Ils ont eu un accès limité aux services publics, notamment en éducation, de sorte que leur taux d'alphabétisation demeure très faible, ce qui les a exclus des activités économiques et les a laissés extrêmement pauvres. Cette condition sociale généralisée liée à la pauvreté a empêché les enfants roms de fréquenter l'école, alors que les abandons sont très fréquents, notamment chez les filles. Il n'existe aucune donnée précise sur les enfants roms, en particulier sur le nombre d'enfants qui abandonnent ou restent à l'école. De fait, les enfants de la communauté rom ont tendance à abandonner l'école très tôt à l'adolescence, surtout chez les filles, en raison des contraintes économiques, des traditions (par exemple, le mariage précoce), l'exclusion et la fourniture intermittente de manuels scolaires, etc.
Toutefois, certains documents fournissent quelques indices quant à la situation des enfants roms. On sait que beaucoup de Roms n'ont accès à l'instruction que par des cours de rattrapage ou par des écoles privées gérées par des organisations non gouvernementales. Dans bien des cas, les écoles de rattrapage sont dans l'obligation de fermer leur porte en raison de difficultés financières.
La plupart des Roms qui fréquentent l'école reçoivent leur instruction en albanais ou en serbe, jamais en romani, ce qui défavorise la fréquentation scolaire. Dans les municipalités des communes d'Obiliq/Obilic et de Gjilan/Gnjilane, les enfants fréquentent l'école serbe où le serbe est la langue d'enseignement, alors que dans la municipalité de Prizren, ils reçoivent leur instruction principalement en albanais ou en bosniaque. Beaucoup de parents n'encouragent pas leurs enfants d'aller à l'école, ce qui occasionne un faible niveau d'instruction pour les membres de cette communauté, qui souvent croupissent dans la misère.
En général, l'absence de cours en romani et de professeurs qualifiés constitue des obstacles majeurs et menace la communauté rom qui risque à plus long terme de perdre sa langue maternelle. En attendant le développement d'un programme en romani, des parents demandent que le ministère de l'Éducation et les municipalités recrutent des enseignants du romani en république de Macédoine, où la langue romani est enseignée.
6.8 L'éducation des Ashkalis et des Balkano-Égyptiens
Les communautés ashkalie et balkano-égyptienne vivent principalement dans les municipalités de Prishtinë/Priština, de Prizren/Prizren et Pejë/Peć (voir la carte ethnolinguistique). Étant donné que les membres de cette communauté parlent l'albanais comme langue maternelle, ils ont accès à l'instruction dans les écoles albanophones. De fait, il n'existe aucune école dévolue aux Ashkalis (2366 élèves) ou aux Égyptiens (900 élèves). À l'instar des Roms, il n'existe pas de matière ou de discipline spécifique pour ces nationalités, car leurs membres sont considérés comme des albanophones.
Les initiatives actives pour veiller à l'intégration scolaire des minorités plus vulnérables que sont les Roms, les Ashkalis et les Égyptiens des Balkans ne sont en place que dans quelques municipalités, donc moins d'une dizaine au total. Pourtant, la nécessité d'une intervention soutenue pour assurer l'intégration scolaire des élèves roms, ashkalis et balkano-égyptiens est reconnue dans une stratégie indispensable par le ministère de l'Éducation, de la Science et de la Technologie (MEST).
Les trois communautés rom, ashkalie et balkano-égyptienne sont les nationalités les moins instruites de tout le Kosovo. On les identifie souvent par les lettres RAE, qui renvoient aux mots albanais "Romë", "Ashkali" et "Egjiptianët". L'analphabétisme est plus répandu chez les femmes (25 %) que les hommes (8 %); plus de 16 % des membres de la communauté dite ne savent ni lire ni écrire. Dans l'ensemble, le quart de tous les enfants RAE ne fréquentent pas l'école primaire. La situation est plus grave en ce qui concerne l'enseignement secondaire, où environ 78 % des femmes et 62 % des hommes n'y accèdent pas. Seul un petit nombre d'étudiants dits RAE ont achevé ou fréquenté l'université. À Prizren et Ferizaj/Uroševac, l'Organisation des Nations unies pour le développement (PNUD) distribue des bourses aux élèves roms, ashkalis et balkano-égyptiens, qui fréquentent l'école secondaire (en albanais) et veulent accéder à l'université.
De plus, l'histoire et la culture des communautés dites RAE ne sont pas du tout considérées dans les programmes pédagogiques du Kosovo. Les parents craignent que leurs enfants puissent perdre leur patrimoine historique et culturel.
6.9 L'éducation des Gorans
Les Gorans du Kosovo sont concentrés dans les municipalités de Dragas/Dragaš (8000) à Prizren (env. 4000). Bien qu'il subsiste des petites communautés dans les municipalités de Ferizaj/Uroševac, de Kaçanik/Kačanik et de Zveçan/Zvečan (voir la carte ethnolinguistique). Bien que la langue maternelle des Gorans soit le goranski, une langue slave, les enfants de cette communauté doivent fréquenter les écoles albanophones, sauf ceux qui vont dans les écoles des municipalités de Kaçanik/Kačanik et de Zveçan/Zvečan, où c'est le serbe qui leur est enseigné.
Dans la vie quotidienne, les Gorans sont trilingues, et ils parlent en albanais aux Albanais et en serbe aux Serbes. Les Gorans disposent malgré tout de 11 écoles primaires, mais aucune n'offre un enseignement en goranski (nachenski). On compte aussi quatre écoles primaires ethniquement mixtes (Gorans, Albanais et Bosniaques). Le taux de fréquentation scolaire est très élevé chez les Gorans, comme chez les Serbes, et les taux d'abandon demeurent faibles.
Du fait que les Gorans sont musulmans et slavophones, ils s'identifient davantage aux Bosniaques (musulmans et slavophones) qu'aux Albanais (de langue non slave) ou aux Serbes (de religion orthodoxe).
6.10 L'enseignement supérieur
Le système d'enseignement supérieur fonctionne au moyen d'universités publiques et privées, ainsi que par d'autres établissements d'enseignement supérieur tels que des collèges, des instituts et des écoles supérieures professionnelles. L'Université de Pristina ("Universiteti i Prishtines") compte quelque 37 900 étudiants; cette université se compose de 17 unités d'enseignement situées dans les sept principales villes du Kosovo: Pristina/Pristina, Gjilan/Gnjilane, Ferizaj/Urosevac, Prizren, Gjakova/Djakovica, Peja/Pec et Mitrovica/Mitrovicë (voir la carte ethnolinguistique).
L'enseignement est donné en albanais, en bosniaque, en turc, en anglais, en français ou en allemand. L'Université de Mitrovica ("Univerzitet u Mitrovici") n'enseigne qu'en serbe à plus de 8700 élèves, sous contrôle serbe. Les autres sont des universités privées: l'Université de Prizren (Universiteti i Prizrenit) et l'Université américaine du Kosovo situé à Pristina, où la langue d'enseignement est l'anglais. Selon l'article 3 de la Loi sur l'emploi des langues (2006), les langues officielles du Kosovo sont les principales langues d'enseignement dans les universités publiques.
Article 23 23.1. Les langues officielles du Kosovo sont les principales langues d'enseignement dans les universités publiques. |
Il existe aussi 13 établissements privés d'enseignement supérieur (collèges, instituts et écoles supérieures professionnelles) rassemblant plus de 20 000 étudiants. Parmi ces établissements, trois n'enseignent qu'en serbe: l'École d'enseignement supérieur professionnel technique professionnelle de Zveçan/Zvečan (Visoka Tehnicka Skola Strukovnih Studija: 270 étudiants, l'École supérieure professionnelle économique de Leposavic (Visoka Ekonomska Skola Strukovnih Studija: 2300 étudiants) et l'École supérieure professionnelle technique de Urosevac-Zvecan (Visoka Tehnicka Skola Strukovnih Studija: 275 élèves). Ici encore, il s'agit de mesures strictement juridiques en matière d'éducation, car il reste à confronter ces dispositions avec la réalité et l'application des lois.
Pour la communauté albanophone du Kosovo, l'enseignement supérieur est offert par l'Université de Prishtinë/Priština, comprenant 15 facultés et trois annexes situées dans des municipalités de Prizren/Prizen, de Gjakovë/Ðakovica etde Gjilan/Gnjilane). Les écoles supérieures offrent deux ou trois ans d'études postsecondaires. Deux écoles se spécialisent en économie, l'une pour des études techniques supérieures et quatre pour des études pédagogiques destinées à la formation des enseignants. Au total, plus de 20 000 étudiants sont inscrits en enseignement supérieur.
- Les langues étrangères
Les langues étrangères sont enseignées dans les universités. L'Ordonnance administrative sur les langues étrangères dans le programme d’études de deuxième ou de troisième cycle (2018) en fait une exigence dans les programmes d'études pour les deuxième ou troisième cycles. Les étudiants doivent effectuer les tests et avoir le niveau de reconnaissance de l’une des langues étrangères comme l’anglais, le français, l’allemand, l’italien et l’espagnol:
Article 1er Objectif L'objectif de la présente directive administrative est de déterminer les critères d’acceptation des candidats dans le programme d’études de deuxième ou de troisième cycle, qui doivent effectuer les tests et avoir le niveau de reconnaissance de l’une des langues étrangères comme l’anglais, le français, l’allemand, l’italien et l’espagnol. Article 2 1) Les candidats qui demandent à être admis au programme d’études de deuxième ou de troisième cycle doivent réussir les tests et avoir le niveau de maîtrise de l’une des langues étrangère, anglaise, française, allemande, italienne et espagnole, selon les définitions du tableau 1 joint à cette ordonnance. 2) La classification des compétences linguistiques et des niveaux de reconnaissance linguistique se fait selon le Cadre européen commun de référence pour les langues, en relation aux scores de divers tests internationaux et sert de norme pour la maîtrise des langues étrangères et des tests au Kosovo. 3) Pour adhérer au programme d’études de deuxième ou de troisième cycle, le candidat doit avoir la reconnaissance de la langue étrangère, selon les niveaux du CECRL (Cadre européen commun de référence pour les langues). Les établissements d’enseignement supérieur déterminent le niveau de langue, qui sera le critère d’entrée dans les programmes d’études qu’ils ont offerts dans le deuxième ou le troisième cycle, dans les niveaux ci-dessus à ce stade de cet enseignement. |
L'Université de Mitrovica offre un enseignement supérieur en serbe dans une dizaine de facultés pour un total d'environ 8470 étudiants. Cependant, les diplômes ne sont reconnus que par la Serbie. Cette université a pour objectif d'améliorer l'offre en enseignement des langues étrangères, notamment l'anglais.
Il existe aussi des universités privées, dont l'American University in Kosovo (AUK), située à Prishtinë/Priština. Cette université est le seul établissement privé sans but lucratif où l'anglais est l'unique langue d'enseignement. C'est aussi la seule université du Kosovo dont les diplômes sont accrédités et reconnus dans le monde entier, grâce à un partenariat avec l'Institut de technologie de Rochester (RIT) de New York. Cependant, l'AUK est ouverte à tous les étudiants du monde, pas seulement aux Albanais. Les étudiants viennent de 17 pays différents.
- La protection linguistique
La protection linguistique en éducation présente de nombreux problèmes. D'abord, le système d'éducation du Kosovo sert à consolider la dualité administrative entre les Albanais et les Serbes. Ensuite, il laisse de côté les petites minorités, tels les Roms/Tsiganes, les Gorans, les Croates et les Monténégrins. Il ne tient pas compte des spécificités culturelles des Ashkalis et des Balkano-Égyptiens. Il n'assure pas un minimum d'apprentissage de l'autre langue officielle ni aux fonctionnaires ni aux enseignants.
En 2016, l'organisation "Freedom House" qui étudie l'étendue de la démocratie dans le monde qualifiait le Kosovo de «partiellement libre», avec un score global de 49 sur 100 (où zéro est le meilleur et 100 le pire). Cette organisation a aussi enregistré une certaine persistance de l'ingérence politique, ainsi que des pressions financières et de la forte concentration de la propriété des médias. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), pour sa part, conclut que «l'intimidation politique» à l'égard des médias est rendue propice en raison de la petite taille du pays et de la dépendance des professionnels des médias dans les emplois publics. Dans ces conditions, le radiodiffuseur de service public, la RTK (en albanais: Radio Televizioni i Kosovës), est particulièrement vulnérable à l'ingérence politique directe et indirecte, souvent considérée comme «un porte-parole du gouvernement». Les journalistes qui critiquent les politiques risquent d'être dénoncés comme des «traîtres» ou pire comme des «espions serbes». Il arrive que des articles critiquant le gouvernement soient bloqués par les rédacteurs en chef et que certains journalistes soient menacés de congédiement.
En général, les médias sont régis par la Loi sur l'emploi des langues (2006), la Loi sur la radiotélévision du Kosovo (2006) et la Loi sur l’accès aux documents publics (2017). L'article 7 de cette dernière loi énonce que les documents publics publiés par les institutions publiques elles-mêmes doivent être rendus publics dans les langues officielles employées dans la république du Kosovo:
Article 7
Formes de publication 2) Les documents publics publiés par les institutions publiques elles-mêmes doivent être rendus publics dans les langues officielles employées dans la république du Kosovo, conformément à la loi pertinente sur l’emploi des langues. Formes d’accès aux documents publics |
Chaque ministère dispose d'un fonctionnaire responsable de traiter les demandes d'accès, bien que la mise en œuvre soit inégale et que les tribunaux surchargés ne soient pas une voie de recours viable. Comme c'est souvent le cas au Kosovo, les médias se répartissent selon des critères ethniques. L’accès à l’information est donc souvent restreint à un groupe ethnique, voire politique, avec le résultat que l'information ne porte en réalité que sur des sujets concernant sa propre nationalité. Autrement dit, dans les faits, l'accès à l'information se trouve à être limité et sans échange entre les deux principales communautés linguistiques. C'est ainsi que Serbes et Albanais vivent comme deux solitudes dans deux Kosovo différents!
7.1 Les médias écrits
Selon l'OSCE, entre 25 000 et 35 000 exemplaires sont vendus chaque jour dans le pays, ce qui correspond à un faible nombre par rapport à la population du Kosovo (environ deux millions). Les médias du Kosovo sont généralement publiés en langue albanaise : Bota Sot («Monde d'aujourd'hui»), Gazeta Express («Journal Express"), Infopress, Kosova Press («Presse du Kosovo»), Koha Ditore («Temps d'aujourd'hui»), Kosova Sot («Kosovo d'aujourd'hui»), Epoka e Re («La Nouvelle Époque»), Lajm («Nouvelles»), Zëri («La Voix»), etc. Il existe des journaux en langues étrangères, dont certains sont en anglais (Kosovo Spectator, Balkan Insight Kosovo, EIN News Kosovo, Kosova Press et Kosova Times), d'autres en français (Geopolis, Le Courrier du Kosovo, Le Figaro Kosovo et Le Monde diplomatique Kosovo). Les minorités serbes peuvent lire les journaux en provenance de Belgrade. Il existe aussi des périodiques en bosniaque, en serbe et en turc (Sesimiz : «Notre Voix»; Çevren : «Notre Environnement»; Çığ : «Avalanche»; Kuş: «Oiseau»; İnci : «Perle»). Les questions relatives aux minorités sont souvent négligées dans les médias et elles sont tout au plus limitées aux Serbes du Kosovo. Les autorités de Pristina ont pris récemment des mesures destinées à limiter la distribution des journaux serbes au Kosovo Metohija: il s'agit de tarifs majorés sur les importations de marchandises en provenance de la Serbie. Or, l'accès aux journaux, y compris la presse écrite serbe, doit être garanti à tout moment à tous les citoyens et aux communautés locales. |
7.2 Les médias électroniques
Dans la Loi sur la radiotélévision du Kosovo, il est précisé à l'article 5 que la RTK, la Radiotélévision du Kosovo, assure des émissions en albanais, mais elle doit aussi offrir des programmes dans d'autres langues des communautés du Kosovo, ainsi que dans d'autres langues que celles parlées par les communautés:
Article 5
Structure et programmation de la RTK 5.1. Selon la présente loi, les services publics de la RTK sont composés:
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L'article 26 de la Loi sur l'emploi des langues (2006) impose au radiodiffuseur public de promouvoir la diversité culturelle et le caractère multilingue du Kosovo et de donner du temps d'antenne et des émissions dans la langue maternelle des communautés:
Article 26
26.1. Le radiodiffuseur public doit promouvoir la diversité culturelle et le caractère multilingue du Kosovo, en conformité avec la législation en vigueur. 26.2. Les communautés ont le droit de temps d'antenne et d'émissions dans leur langue maternelle dans la radiodiffusion publique, en conformité avec la législation en vigueur. |
De fait, la Radiotélévision du Kosovo (RTK) diffuse ses émissions en quatre langues: en albanais, en turc, en bosniaque et en romani. Selon l'article 6 de la Loi no 02/L-47 sur la radiotélévision du Kosovo (2006), la RTK doit donner une voix à toutes les communautés ethniques au Kosovo en consacrant au moins 10 % de son budget de programmation et pas moins de 15 % de son temps d'antenne:
Article 6
Normes des émissions 6.6. Servir et donner une voix à toutes les communautés ethniques au Kosovo en consacrant au moins 10 % de son budget de programmation et pas moins de 15 % de son temps d'antenne, y compris la couverture des nouvelles aux heures de grande écoute, à des communautés minoritaires dans leurs langues respectives sur une base proportionnelle; |
L'article 6 de la Loi sur la promotion et la protection des droits des communautés et de leurs membres au Kosovo (2008) assure aux minorités et à leurs membres d'avoir la garantie de l'accès à l'information, sans discrimination, dans leur langue, ainsi que le droit de créer et d'utiliser leurs propres médias:
Article 6
Les médias 6.1 Les communautés et leurs membres doivent avoir la garantie de l'accès à l'information, sans discrimination. Les communautés et leurs membres ont le droit de créer et d'utiliser leurs propres médias, y compris dans le but de fournir des informations dans leur langue grâce, entre autres, à des journaux quotidiens et à des agences de presse. Les communautés et leurs membres doivent avoir un certain nombre de fréquences réservées pour les médias électroniques en conformité avec la loi et les normes internationales. 6.4 Les médias de radiodiffusion publics doivent assurer, aux niveaux national et local, un nombre suffisant d'heures de diffusion de la programmation dans les langues des communautés, y compris en période de pointe de visionnement ou d'écoute. Le nombre minimal d'heures de programmation communautaire est prévu par règlement. |
Ce sont là de mesures idéales sur papier, mais la transposition dans la réalité peut être différente des beaux principes. Il ne faut pas négliger le fait que le Kosovo est un pays pauvre, que certaines petites minorités sont très démunies et que les médias coûtent généralement cher. L'égalité proclamée par les lois peut être sérieusement restreinte, sinon annulée dans certains cas.
- La radio
Il existe six chaînes de radio nationales au Kosovo: Radio Kosova (qui fait partie de la RTK ), Radio Blue Sky, Radio 21, Radio Dukagjini et Radio K4, cette dernière diffusant à la fois en albanais et en serbe. On compte aussi cinq chaînes de couverture régionale (Radio BESA, 92.1 Capital FM, Radio HELIX, Radio MITROVICA et Radio PULS, cette dernière en serbe) et plusieurs chaînes locales. Comme le souligne l'Institut des médias du Kosovo (en albanais: "Instituti i Mediave te Kosoves"), les radios locales ont une part d'audience nettement plus importante que les radios nationales, soit 60,76% pour les radios locales contre 33,54% pour les émetteurs nationaux. De même, il existe environ 30 stations de radio au Kosovo qui ont la plus haute écoute dans les régions où elles fonctionnent.
- La télévision
La télévision au Kosovo reste la principale source d'information pour la plupart des résidents de ce pays. La télévision publique, la RTK (Radiotélévision du Kosovo), compte quatre chaînes: Radio Télévision 21 (RTV21), Kohavision (KTV) et Klan Kosova. La RTK est subventionnée par le gouvernement et reçoit également de l'argent de la publicité. La loi oblige la RTK à diffuser des émissions en albanais et en serbe. Selon l'IREX IREX (International Research and Exchanges Board), une organisation à but non lucratif, des études de marché insuffisantes et des données sur les cotes de diffusion considérées comme peu fiables contribuent à un environnement commercial globalement défavorable pour les organismes de médias.
Dans le cadre de la Radiotélévision du Kosovo (RTK), RTK 2 produit et diffuse des bulletins d'information, des mises à jour sportives et des talk-shows d'intérêt pour les plus grandes minorités du Kosovo, ainsi que des émissions sur tout le territoire du Kosovo. Comme on l'appelle la «chaîne des minorités», RTK 2 diffuse des émissions pour toutes les minorités du Kosovo; principalement en serbe, mais aussi en bosniaque, en turc et en romani.
La RTK est souvent critiquée pour son manque de journalisme d'investigation et de parti pris politique, par exemple dans la large couverture du parti politique au pouvoir (y compris la réunion annuelle du Parti démocratique du Kosovo au pouvoir) par opposition à la couverture courte et trompeuse des manifestations de l'opposition. De plus, la couverture de la RTK n'atteint que 62,7% du territoire du Kosovo. Les membres du conseil d'administration de la RTK sont élus par le Parlement à la majorité, confiant ainsi leur nomination aux partis majoritaires.
Il faut bien comprendre que la politique linguistique d'égalité proclamée par la Constitution du 16 avril 2008, la Loi sur l'emploi des langues (2006), la Loi sur la promotion et la protection des droits des communautés et de leurs membres au Kosovo (2008), etc., a été imposée par la communauté internationale, notamment par le Cadre constitutionnel pour un gouvernement autonome provisoire (2001) de l'ONU. Lorsqu'on lit tous les nombreux textes juridiques, on ne peut qu'être impressionné par un tel ensemble de protection à l'égard des minorités nationales, dont les Serbes font partie au premier chef, le serbe étant l'une des deux langues officielles avec l'albanais. On peut même affirmer que cet arsenal de lois linguistiques ou à portée linguistique est l'une des politiques du genre parmi les plus ambitieuses de l'Europe.
Cependant, la mise en application de toutes ces mesures de protection demeure hautement problématique. Le Kosovo reste une société divisée selon des critères linguistiques et ethniques. Depuis plus de deux décennies, les enfants des communautés albanaise et serbe n'ont jamais reçu un enseignement dans l'autre langue officielle, même comme langue seconde. Au Kosovo, les enfants continuent de recevoir un enseignement en ignorant totalement l'autre langue officielle, mais ils apprennent l'anglais. Bien sûr, le Kosovo n'est pas un cas unique, puisque même des pays comme la Suisse, la Belgique ou le Canada n'imposent pas davanet encore davantage tage une autre langue officielle à leurs citoyens. Mais la fracture ne s'arrête pas à l'éducation au Kosovo, elle touche aussi les soins de santé, les services municipaux, etc. Tout est en double avec un système pour les Albanais et un autre pour les Serbes. Par conséquent, d'autres petites communautés sont généralement forcées d'opter pour l'un des deux systèmes; elles éprouvent également des difficultés à faire respecter leurs droits linguistiques en éducation et dans leurs communications avec les autorités. Les nouvelles générations ne connaissent pas l'une des deux langues officielles, ce qui les prive de communiquer avec l'ensemble du pays. De façon paradoxale, ces générations seront responsables d'assurer un emploi égal des langues officielles au sein du gouvernement et des municipalités. Évidemment, le long conflit avec la Serbie demeure l'une des causes profondes de cette fracture, mais ce n'est pas la seule.
Cette attitude de suspicion continuelle reflète la mentalité de bipolarité chez les habitants du Kosovo: d'une part, les Albanais accusent les Serbes d'avoir volé leur territoire, d'autre part, les Serbes ne veulent pas avoir de relations avec les Albanais, alors que ceux de Mitrovica rêvent même que le nord du pays soit légué à la Serbie. De plus, les Albanais du Kosovo accusent la Serbie de crime de guerre, tandis que les Serbes de Serbie refusent d’accepter l’existence même d’un pays nommé Kosovo. La guerre du Kosovo, en 1998 et en 1999, a vraiment créé un fossé béant entre Albanais et Serbes.
L'Histoire nous rappelle qu’une population, conditionnée durant des décennies à la répression et à la dictature, comme ce fut le cas pour les albanophones du Kosovo dans l'ex-Yougoslavie de Tito et de Milosevic, éprouve d’énormes difficultés à parvenir à la démocratie. Normalement, une population sortie de la dictature a tendance à retomber dans une autre dictature, une fois l’indépendance acquise, une dictature dirigée cette fois par les populations autochtones elles-mêmes. Or, comme le Kosovo s'est vu imposer un Cadre constitutionnel pour promouvoir le bilinguisme, il est logique de croire que la législation égalitariste ne soit pas aisée à appliquer, et ce, d'autant plus que le Kosovo reste l'un des pays les plus pauvres de l'Europe.
Un autre problème grave empêchant l’élaboration de politiques linguistiques adéquates à long terme concerne le système de gouvernement imposé par la communauté internationale au Kosovo. Dès le début, la KFOR et la MINUK furent mises en place en tant qu’organismes distincts. La KFOR fut chargée de prévenir les conflits armés et de garantir la sécurité des minorités, tout en n'étant pas elle-même un organisme unifié, les unités individuelles faisant souvent leurs propres politiques. Quant à la MINUK, elle était responsable de créer une administration transitoire et de normaliser les mécanismes politiques et économiques. Mais ce n'est pas tout : il y a eu l’OSCE qui devait élaborer des lois et un système démocratique durable, organiser les élections et créer des médias indépendants. Ont suivi les PISG (Provisional Institutions of Self-Government), c'est-à-dire les institutions provisoires de l'administration autonome, qui devaient installer les principales institutions: l’Assemblée du Kosovo, la Présidence, l’Exécutif et le système judiciaire. De plus, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies conservait certains pouvoirs afin de lui permettre de s'acquitter de ses fonctions. Tous ces éléments disparates mis en place ont ajouté à la confusion avec le résultat qu'il n'y a pas eu de politique cohérente, voire simplement compréhensible, sur la sécurité et d’autres questions importantes.
Finalement, le manque de volonté politique d'appliquer les lois dans les institutions du Kosovo, tant de la part du gouvernement central que des municipalités, ainsi que la ségrégation constante des communautés albanaise et serbe font obstacle à la réalisation effective des droits linguistiques des Kosovars tant albanais que serbes. Or, les albanophones du Kosovo, ont accepté, comme prix de leur indépendance politique, un contrat social, plus précisément un pacte politique, qui prescrivait le statut de deux langues officielles, l'albanais et le serbe, afin d'assurer la protection, la promotion des droits de toutes les communautés dans le but de préserver la multidiversité culturelle du Kosovo. Quant aux serbophones, ils ont accepté le pari pour pouvoir vivre en paix dans un pays qu'ils considéraient comme leur leur. Manifestement, les autorités kosovares, comme dans 'autres pays dits bilingues, n'ont pas encore compris que le bilinguisme institutionnel signifie un accès égal à des services de qualité égale.
Pour être un acteur crédible sur la scène internationale, les Albanais du Kosovo ont le devoir de respecter rigoureusement les principes du bilinguisme institutionnel, mais en même temps les Serbes du Nord — encouragés par Belgrade — doivent cesser de rejeter la légitimité du nouvel État, car ils empêchent le gouvernement d’exercer un contrôle territorial sur la région, ce qui engendre dans les faits une «partition physique» du Kosovo. Finalement, la question linguistique n'est peut-être pas à l’origine du conflit au Kosovo, mais c’est certainement un facteur qui ralentit aujourd'hui la résolution des antagonismes entre albanophones et serbophones. Il ne sera pas facile de déconstruire les mentalités sectaires des habitants du Kosovo, mais il serait temps qu'un Kosovo indépendant apprenne à ramer dans le sens du courant et s'intègre ensuite à l'Union européenne. Le Kosovo a élaboré un cadre moderne concernant les droits de l'homme et les droits linguistiques. Les difficultés de leur mise en pratique demeurent importants, mais toute amélioration vers la mis en œuvre de la politique linguistique va favoriser la reconnaissance mutuelle, le respect et l'enrichissement réciproque des communautés.
Dernière mise à jour: 18 févr. 2024
(1) Généralités
(2) Données historiques
3) La politique linguistique
du gouvernement central
4) Les politiques linguistiques
des municipalités
(5) Bibliographie
Politiques linguistiques yougoslaves
(supplément)